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Le conseil constitutionnel poursuit sa politisation

Si on en croit la presse, le choix des trois personnalités qui devront être nommées prochainement au conseil constitutionnel est fait. Et ce seront trois personnalités politiques, anciens parlementaires. C’est la poursuite d’une évolution pour l’institution, qui mérite qu’on s’y arrête.

Le Conseil est conçu, dès le départ, comme un régulateur politique, chargé du contentieux électoral, et d’un contrôle destiné à protéger le gouvernement, notamment face au Parlement. Si l’institution s’est progressivement émancipée, elle a gardé ses fonctions d’origine dans son ADN. Depuis 2010, et la mise en place de la QPC, l’activité s’est beaucoup enrichie, et s’est rapprochée du travail réalisé par les différentes cours constitutionnelles. Au point que, dans sa communication, Laurent Fabius insistait beaucoup là dessus. Le débat sur cette évolution est d’ores et déjà tranché, sans avoir vraiment eu lieu.

En effet, la vague de nominations qui arrive règle la question, avec à l’issue pas moins de 7 anciens parlementaires sur 9 membres. Les deux non politiques sont des magistrats. Autant dire qu’on est très loin des normes admises pour la composition d’une cour constitutionnelle, qui demande une grande majorité de juristes. Des vrais juristes, qui ont exercé en juridiction, pas des politiques qui ont fait des études de droit, il y a longtemps, et ont juste siégé dans une commission des Lois. Le regard sur les dossiers sera donc nécessairement politique. Ce n’est pas à l’âge où on entre au conseil constitutionnel qu’on change de point de vue. Pour ce qui est de la compétence, je ne me prononce pas, mais le doute est permis, au moins pour certains.

Cette vague pourrait aussi fragiliser l’autorité morale du conseil, qui est pourtant un atout majeur, quand on est un régulateur. Avec le départ de Laurent Fabius, il n’y aura plus aucun représentant de la gauche et les anciens élus du bloc central auront une large majorité. Un magnifique angle d’attaque pour tenter de discréditer les décisions, en mode « complotiste », en instillant le doute, sans le moindre élément concret. Et cela fonctionnera, malheureusement. En plus, la nomination de Richard Ferrand, considéré comme un très proche du chef de l’Etat, ne manquera pas d’être assimilée à du copinage, donc illégitime. Même si c’est la norme pour la nomination du président de l’institution (on pense à Debré ou Fabius), il n’est pas certain que ce qui passait il y a 15 ans, soit toujours acceptable aujourd’hui, dans un contexte politique beaucoup plus difficile.

Encore un indice d’une mauvaise santé de nos institutions démocratiques.

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Macron touche le fond

Le président de la République vient de faire les annonces concernant la rénovation d’un grand musée parisien. Cela me laisse pantois, tant cela ne relève absolument pas du niveau du chef de l’Etat. Politiquement, cet épisode est désastreux, sur plusieurs plans.

Ce n’est pas du niveau du président, car c’est assez insignifiant qu’on change l’entrée du public, le plan de circulation et qu’on déplace la Joconde. Et surtout, cela relève de la gestion courante, et donc du gouvernement. C’est à la directrice du musée, voire, au grand maximum, à la ministre de la Culture, de faire ces annonces, mais certainement pas au président de la République. Il n’a pas autorité ni compétence pour le faire, et continue à croire qu’il est toujours le grand chef, comme avant la dissolution.

Elle démontre un parisianisme du président, qui vole au secours d’un établissement public déjà très bien doté. Même si c’est une locomotive de l’industrie touristique parisienne, avec une forte visibilité à l’international, cela montre qu’il y a une attention différenciée entre Paris et la Province, au profit de la capitale, bien évidemment. J’attends maintenant les appels d’établissements culturels de province, qui sont légitimes, eux aussi, à demander que le président se déplace pour annoncer le ravalement de leur façade.

C’est également désastreux, à l’heure où le gouvernement coupe largement dans les budgets, notamment culturels, de montrer qu’il y a encore des privilégiés, qui ont l’oreille du président, et peuvent donc espérer sauver leurs crédits. Les premiers chiffres donnent autour de 700 millions d’euros sur 10 ans. Comment justifier des travaux qui s’annoncent importants, dans un établissement déjà riche, quand d’autres risquent tout simplement de mettre la clé sous la porte ?Même si Emmanuel Macron explique qu’une grande partie des travaux se fera sur fonds propres et par le mécénat, personne n’est dupe. Le Louvre nécessite de gros travaux, et pas juste un réaménagement avec un coup de pinceau. Les recettes avancées sont aléatoires, et en cas d’insuffisance, cela se fera sur fonds publics.

Le contexte est tout aussi désastreux. Cette visite présidentielle surfe sur l’émoi médiatique, provoqué par la révélation, il y a quelques jours, d’une note de la directrice du Louvre, qui alerte sa ministre de tutelle du délabrement du musée. Si Emmanuel Macron a été capable d’annoncer des éléments précis, à peine 15 jours après, c’est que tout était déjà dans les cartons. Bref, qu’il prend les gens pour des cons.

Cela montre à quel point Emmanuel Macron est au fond du trou, politiquement et médiatiquement. Cette visite est la révélation qu’il ne sert en fait plus à rien, et c’est cela le plus désastreux. Le Roi est nu et ça se voit.

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Sur l’IA, l’innovation va plus vite que tout

Lundi 27 janvier, les bourses ont connu une journée agitée, avec des baisses assez spectaculaires, sur des valeurs boursières liées à l’intelligence artificielle. Une entreprise chinoise est en effet parvenue à développer une IA, tout aussi efficace que celles des vedettes américaines du secteur, mais pour 10 fois moins cher, et une consommation énergétique moindre.

La bulle spéculative de l’IA en a pris un coup, mais par là où on aurait pu le penser. Il n’y a pas eu de gap technologique, d’avancée spectaculaire. Juste la preuve que certaines entreprises (américaines notamment) sont bien meilleures en marketing qu’en éco-conception, et ont cramé des centaines de millions en pure perte.

Tout cela montre qu’on se précipite un peu trop sur ce sujet de l’IA, en surréagissant à la moindre bricole, avec beaucoup de trop de brassage d’air, y compris sur le plan politique. Je ne parle même pas du médiatique, où ça tourne au délire, et brouille la compréhension. J’ai décroché depuis un certain temps, devant le fouillis complet « d’expertise » et de débats qui deviennent insignifiants, si ce n’est obsolètes. Il y a beaucoup de trop de bullshit, dans les tribunes, évènements et publications sur l’IA.

Les enjeux sont pourtant assez simples. On a une innovation technique (mais pas nécessairement une rupture fondamentale), qui permet de réaliser un saut qualitatif dans le traitement de la donnée. L’enjeu est important, cela permet plein de choses très intéressante, mais c’est du même niveau que l’arrivée de l’ordinateur personnel, ou encore d’internet. Mais au lieu de se faire sur une dizaine d’années, cela se déroule en trois fois moins de temps, ce qui donne un sentiment d’urgence, et pousse à se précipiter pour faire et surtout, dire n’importe quoi. D’où un brouillard épais dans la réflexion autour du phénomène, car analyser demande un peu de temps et de recul.

Cela explique le coté erratique, tant sur le plan boursier que celui de la régulation. La France s’apprête à accueillir, début février, un sommet mondial sur le sujet. On se demande ce qui peut bien en sortir d’intéressant, tellement l’innovation avance plus vite que la réflexion. Sur tous les sujets discutés, que ce soit le « partage de la valeur » (les tentatives de racket des ayant-droits), les questions de consommation énergétique, l’éthique et le respect des interdits, les documents longuement préparés sont obsolètes avant même d’être signés.

On a pourtant l’expérience de cela, avec l’Europe qui décide de réguler (avant de savoir ce que c’est réellement) et qui lance des travaux législatifs, qui sont percutés de plein fouet par ChatGPT et l’IA générative. Il n’empêche, on continue.

Le débat public gagnerait à se poser, à reprendre son souffle, et à écouter davantage les scientifiques. Cela permettrait de partir sur la base de possibilités, et non plus sur des certitudes, concernant les évolutions, et donc les régulations et efforts nécessaires pour accompagner ce développement.

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Wikipédia est-il de gauche ?

Un récent article du Figaro évoque la question de l »orientation politique de Wikipédia, qualifiant l’encyclopédie en ligne de « woke ». Rien de surprenant, cette vision étant attendue, voire recherchée par le lectorat du Figaro, le journaliste ne fait que donner à son public, ce qu’il a envie de lire et conforte ses opinions.

Mais sur le fond, est-ce vrai ? La réponse ne peut être que nuancée, et donc inaudible pour des journalistes et des lecteurs qui veulent des certitudes et des positions arrêtées et binaires.

Oui, Il existe un biais « de gauche » à Wikipédia, par son objet même, la libre diffusion du savoir, et ses modalités, la libre réutilisation sous licence libre. La création et l’entretien d’un commun, c’est davantage dans le logiciel idéologique de la gauche, moins dans celui de la droite. Cela fait déjà un premier tri, à un niveau qui relève de l’engagement idéologique et philosophique, sans que ça soit, pour autant, un engagement partisan.

La communauté des contributeurs de Wikipédia est très typée. En résumé (un peu caricatural), c’est « homme blanc, jeune, urbain, diplômé » qui se rapproche assez du lectorat type de Libé. Si vous êtes une femme des classes populaires, issue d’une minorité ethnique, vous êtes un OVNI dans ce monde. Inutile de vous dire que les engagements partisans ces couches surreprésentées dans la communauté vont plutôt vers la gauche, voire l’extrême-gauche.

Mais…

Une grande partie de cette communauté est loin, voire très loin, d’être politisée. Dans le profil type « homme blanc diplômé », il faut ajouter aussi « informaticien » car il y a quand même un coût d’entrée dans la communauté « centrale », celle qui pèse sur les décisions. Même si la contribution a été grandement facilitée par des outils comme l’éditeur visuel, dès que vous entrez dans le dur, et donc la maintenance, il faut savoir coder un minimum, connaitre des procédures et des codes internes. Ce n’est pas à la portée de tout le monde. Or, cette branche de la communauté est moins sensibilisée à des problématiques partisanes. Même s’ils ont leurs opinions politiques, une grande majorité des contributeurs n’en fait pas l’alpha et l’omega de son engagement contributif sur Wikipédia. Pour beaucoup, c’est même assez marginal, et l’engagement en faveur du projet et de ses buts est bien plus important que militer en faveur de telle ou telle autre idéologie. Vous pouvez donc parfaitement vous penser de gauche, et considérer que les revendications « woke » n’ont strictement rien à faire sur Wikipédia, parce que contraires aux principes fondateurs.

En résumé, il y a sans doute plus de gens de gauche que de droite dans la communauté wikipédienne, mais cela n’a pas un effet si important que ça sur le contenu et les biais, car il existe plusieurs mécanismes stabilisateurs.

Les décisions les plus importantes sont prises dans la discussion, avec de nombreux débats. Ce que le journaliste du Figaro présente comme des « batailles » ou des « guerres » internes, ne sont en fait que des discussions, plus ou moins vigoureuses, qui sont le mode de fonctionnement normal de la communauté wikipédienne. Ces discussions ont très souvent tendance à aboutir à des compromis « centristes » où les contributeurs idéologiquement très marqués ont beaucoup de mal à imposer leurs vues.

L’exemple le plus frappant est celui de l’écriture inclusive. Si la communauté wikipédienne était si woke que ça, son utilisation y serait systématique, et ne ferait pas débat. Or, un sondage de 2022, dont les résultats sont toujours valides, a montré qu’une majorité (60-70%) y est hostile, avec une acceptation plus grande pour ce qui est passé dans l’usage courant (féminisation des fonctions) et une hostilité marquée pour le point médian et les pronoms façon « iel ». Ce n’est pas faute aux partisans de cette écriture inclusive d’avoir fait le forcing. Sur d’autres sujets, comme les conventions sur les rédactions des articles des personnes trans, ce groupe militant, abusivement classé sous la bannière de l’association « les sans pagEs », a également beaucoup de mal à imposer ses vues, provoquant des débats tendus, voire violents.

La contribution et la communauté sont encadrées par un corpus de règles, de recommandations et de pratiques qui limitent les effets de l’entrisme militant. L’une de ces règles est le respect d’un minimum de savoir-vivre, et l’obligation de se plier à des discussions parfois longues. Si certains militants (pov-pushers dans le jargon wikipédien) savent utiliser et jouer avec les règles, une grande majorité, qui est dans le passionnel, perd vite patience. Les insultes et les tentatives de passage en force arrivent assez rapidement, et permettent de les sortir, non pas pour des désaccords de fond, mais pour des raisons de forme. C’est assez efficace pour faire le ménage.

Il faut aussi voir que la wikipédia en français compte 2 660 000 articles, dont l’écrasante majorité ne pose aucun problème de biais militant. C’est tout au plus 10 à 20 000 articles, essentiellement sur des biographies de personnes vivantes et sur les sujets sociétaux, qui concentrent les tensions. C’est une goutte d’eau. Ces articles « tendus » portent sur des sujets qui font eux-même l’objet de vives tensions dans le débat public en général. Et contrairement à ce que laissent penser cet article du Figaro, les principaux points de tensions ne sont pas le sociétal, mais le géopolitique. Les articles autour du conflit israélo-palestinien, les régimes autoritaires (Azerbaïdjan, Qatar…) ou encore les rivalités entre marocains, algériens et tunisiens sont bien plus problématiques.

Les grands enjeux pour wikipédia sont tout autres que ces querelles « woke ou pas woke ». Les préoccupations portent plutôt sur les questions de fiabilité de l’information, avec les multiples campagnes de désinformation, ou encore l’utilisation de l’IA, qui ciblent Wikipédia, mais aussi et surtout les sources utilisées pour écrire des articles sur Wikipédia. En effet, la règle de base est que Wikipédia ne peut être qu’une synthèse du savoir existant, et n’est en aucun cas un lieu de production de savoir inédit. Donc si les sources utilisées sont « corrompues », cela se retrouvera nécessairement sur Wikipédia.

Plutôt que d’aller regarder sous le capot de Wikipédia, pour savoir si c’est de gauche ou pas, les journalistes feraient mieux de se préoccuper de la fiabilité des informations qu’ils publient et de leurs propres biais !

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Bluesky vaut-il mieux que X ?

A l’approche du 20 janvier, nombre de personnes qui se pensent dans le camp du bien, annoncent avec fracas vouloir quitter X, pour se replier ailleurs, en général Bluesky ou Mastodon. Cette posture m’amuse, car si on voulait vraiment quitter X (ou s’en passer), on pouvait le faire bien avant, sans tambour ni trompette. Mais c’est vrai que prendre la posture, c’est tellement plus cool. J’ai toujours détesté les postures.

Personnellement, j’ai quitté Twitter il y a plusieurs années. Ejecté par une modération un peu erratique ayant suspendu mon compte pour une raison que je n’ai toujours pas saisi, j’ai refusé de fournir mon numéro de téléphone, et je n’ai pas pu le réactiver. Je m’en suis donc passé, et cela ne m’a pas manqué tant que cela. Je me suis inscrit sur Mastodon et Bluesky assez rapidement après leur création. Je suis largement inactif sur le premier, et un peu présent sur le deuxième, sans y être hyperactif.

Cette expérience de diète de réseaux sociaux m’a amené à relativiser grandement l’intérêt et l’utilité de ces réseaux sociaux. Passé les débuts, où c’était quasiment un club privé, de technophile parisien, c’est devenu un canal de communication, où le but n’est pas de converser et d’écouter, mais de placer sa marchandise. Aujourd’hui, X ne présente plus d’intérêt, on n’y apprend plus rien, ça n’est plus que des postures, de l’auto-promo et des militants qui balancent leurs émotions, en général négatives. Vu comment les choses évoluent sur Bluesky, ça me semble très bien parti pour être la même chose.

J’ai par exemple été assez atterré par l’utilisation des listes de blocage, où certains sont quasiment titrées « liste des cons qui ne pensent pas comme moi » et destinées à « faciliter » la purge idéologique. Des listes de proscription, où certains se demandent bien ce qu’ils ont pu dire ou écrire pour s’y retrouver. En clair, on bloque les gens qui ne pensent pas comme vous, qui ont dit un truc qui vous choque, pour ne pas avoir à les lire, et rester entre soi, dans une jolie bulle de filtre. Cela ne protègera pas pour autant des imbécilités militantes qu’on trouvait sur X, et qui vont se transporter sur Bluesky.

Si on veut discuter réellement, échanger, développer une pensée, ce n’est pas plus que Bluesky que sur X que cela pourra se faire. En fait, ça ne changera pas grand chose, sinon qu’on aura eu la satisfaction narcissique d’être dans le camp du bien en ayant quitté X et Elon Musk.

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Pathétiques négociations

La classe politique française nous offre à nouveau un spectacle lamentable, avec ce feuilleton des négociations entre Bayrou et le PS. Le gouvernement ayant besoin, au minimum d’un accord de non-censure, se doit de discuter avec le PS. Ce dernier, qui risque de porter la responsabilité de l’instabilité en cas de censure et d’absence de budget, fait également semblant de discuter.

Le niveau est pathétique. Le PS continue à s’arcbouter sur la réforme des retraites de 2023, demandant au gouvernement de la « suspendre » alors qu’elle est déjà entrée en vigueur depuis près de deux ans. Il présente ça comme une concession, puisqu’il ne demande plus l’abrogation. En gros, le PS demande juste une victoire symbolique, un scalp qu’il puisse brandir devant les militants.

Car en pratique, je vois mal comment on peut « suspendre » l’application des règles de calcul des droits à la retraite des Français. Comment, concrètement, on fait pour ne plus tenir compte, pendant quelques mois, du relèvement de l’âge de départ à 64 ans ? Je ne sais pas, et je cherche encore l’expert qui pourra me le dire.

Il y aurait pourtant une solution, qui consisterait à discuter, dès maintenant, du contenu d’une nouvelle réforme. Si le PS était capable d’arriver avec une proposition de réforme, clé en mains, les discussions prendraient une autre tournure. Partir sur le principe d’une « abrogation » d’une réforme déjà entrée en vigueur est absurde, car techniquement très compliqué à mettre en œuvre. Cela implique de revenir sur des droits acquis, à tout recalculer. Un enfer. Mieux vaut partir de l’existant, et proposer, pour l’avenir, des règles un peu différentes, qui permettent d’aboutir à un résultat politique « positif », et pas « négatif », comme c’est le cas en ce moment.

Il semble, malheureusement, que le PS soit totalement incapable de proposer quoi que ce soit. Quelle réforme veulent-ils ? Quels buts politiques ? Quelles modalités techniques proposent-ils ? Quel financement ? On n’a aucune information, et en face, le gouvernement Bayrou n’est pas capable (ou n’a pas envie) de mettre sur la table une proposition de réforme, afin d’engager la discussion sur le fond, au lieu de rester dans le symbolique. On va donc droit vers l’échec, car un accord de gouvernement ne peut pas se faire sur la base de symboles, mais d’un accord « positif » sur des réformes à engager.

On se rend compte à cette occasion, et c’est dramatique, que nos élus se fichent de plus en plus de l’effectivité de leurs propositions, et passent leur temps à manier les symboles. Le camp gouvernemental n’est pas exempt, avec par exemple cette sortie de Bruno Retailleau sur les accompagnantes de sorties scolaires qui ne devraient pas être voilées. Il est hors de son champ de compétence ministériel, sur un sujet qui ne pose aucun problème technique. Et si sa demande aboutit, elle risque de désorganiser un service public, car ces mères de famille sont indispensables pour l’organisation des sorties scolaires, en assurant bénévolement le respect du ratio d’encadrement prescrit par les lois et règlements. Les écoles n’auraient pas les moyens de payer des accompagnants, et cela se traduirait, dans bien des endroits, par la suppression pure et simples des sorties scolaires.

Je dois avouer que j’en ai plus que marre de cette classe politique, incapable de travailler sur le fond, et qui passe son temps à se précipiter sur des chiffons rouges.

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Une ancienne députée peut-elle être déontologue ?

La présidente de l’Assemblée nationale a annoncé vouloir nommer Cécile Untermaier comme déontologue de l’Assemblée nationale. Le poste étant lié à la législature, le mandat de Jean-Eric Gicquel, nommé en 2023, arrive à échéance du fait de la dissolution.

Le choix de la présidente, qui doit encore être entériné par une majorité de trois cinquième du Bureau, est assez original, mais pose question, avec du pour et du contre.`

Cécile Untermaier a été députée de Saône-et-Loire de 2012 à 2024. Inscrite au groupe PS, elle a siégé à la commission des Lois, où elle s’est montrée active, notamment sur les sujets liés à la déontologie et à la transparence de la vie publique. C’était une parlementaire tout à fait respectable, pas clivante, appréciée sur tous les bancs, et qui n’a jamais cherché à devenir une star politique ou médiatique.

Le fait qu’elle soit une ancienne parlementaire lui donne une connaissance intime des contraintes du métier, et donc une empathie que ne peuvent pas avoir les professeurs de droit qui se sont succédé au poste. Elle sait comment les choses se passent réellement, ce qui lui donne un avantage certain dans sa fonction de conseil et de pédagogie. Cela peut aussi faciliter l’acceptation par les députés, plus enclins à consulter et écouter « l’un des leurs ». Elle peut aussi, plus facilement, détecter des situations problématiques à partir de signaux faibles.

Mais le fait d’avoir été parlementaire, il n’y a pas si longtemps, peut aussi être un handicap. Elle va avoir accès à de nombreuses informations confidentielles, sur d’anciens collègues, qui peuvent ne pas apprécier cela. Même peu clivante, elle est quand même politiquement marquée. Comment les députés RN ou LFI pourraient se positionner face à une socialiste ? Le précédent déontologue s’était fait prendre à partie, pour avoir publié, il y a longtemps, des tweets sarcastiques sur Emmanuel Macron. Il y a une demande implicite de neutralité politique et partisane, qui pourrait être mise à mal.

Mais le principal problème que je vois est dans le regard du grand public. Le poste de déontologue a été créé pour donner l’apparence d’un contrôle indépendant, d’un regard extérieur qui vient briser l’entre-soi de l’autorégulation, qui était autrefois la règle. Nommer un ancien parlementaire est orthogonal avec cette ambition. On peut donc craindre que le grand public, faisant fi de sa personnalité et de sa compétence sur les questions déontologiques, n’envisage cette nomination que sous l’angle du retour du copinage, et de l’absence d’indépendance. On peut aussi s’interroger sur sa capacité à être ferme, voire à bloquer des initiatives venues de personnes avec qui elle a travaillé, siégé, et souvent, noué des liens d’estime, voire d’amitié.

Déontologue de l’assemblée nationale est un poste beaucoup plus risqué et exposé qu’on le pense, et tous ceux qui ont occupé la place ont été contents de la quitter. Entre les attaques et résistances venues des députés, le peu de pouvoirs réels (aucune capacité de sanction, c’est le Bureau qui décide de tout), le poste est usant.

Personnellement, malgré toute l’estime que j’ai pour Cécile Untermaier, je pense que sa nomination est une mauvaise idée. Il y a trop de suspicions et de populisme autour de la fonction de député, en particulier sur l’utilisation des moyens du mandat et la gestion des éventuels conflits d’intérêts. Le déontologue est là d’abord pour protéger l’institution, en incarnant un contrôle crédible, car indépendant et politiquement impartial. Même si une ancienne députée peut revendiquer d’être indépendante (elle est en retraite) cette posture n’est pas audible dans le grand public, car les apparences et les préjugés sont contre elle.

Le choix de professeur de droit, mais s’il n’est pas parfait, est encore le meilleur. Il est à la fois connaisseur de la technicité du droit parlementaire et des règles éthiques, mais aussi indépendant, du fait de son statut de professeur des universités.

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En route vers la brutalisation du débat politique

La décision de Mark Zuckerberg, d’ouvrir les vannes à la violence sur les réseaux de Meta (Facebook et Instagram) est emblématique d’un tournant inquiétant pour nos démocraties.

En décidant de virer les fact checkers, et de laisser libre cours à la violence, il risque d’abimer encore un peu plus le débat démocratique. Car il ne faut pas se leurrer, sous couvert de « liberté d’expression », la demande de l’extrême-droite est clairement qu’il n’y ait plus de règles et que tous les coups soient permis. Bref, que la violence prime dans le débat politique, ce qui est le contraire de ce qu’il faut faire dans une démocratie libérale.

On voit déjà déjà cette évolution poindre aussi en France, où le but, sur les réseaux sociaux notamment, n’est plus d’échanger, mais de cogner pour imposer son point de vue et faire taire le camp opposé. Petit à petit, c’est aussi la presse écrite et l’audiovisuel qui sont contaminés, avec des médias de plus en plus polarisés et clivants (à droite comme à gauche) qui deviennent des organes de propagande. Au train où nous allons (même La Croix est menacée) il n’y aura bientôt plus de médias fiable (au sens de politiquement non biaisé), et les réseaux sociaux seront un enfer où plus personne ne pourra s’informer correctement.

Pour l’instant, il existe encore quelques remparts, mais bien fragiles. La législation européenne impose des contraintes de lutte contre la désinformation aux grandes plateformes. Encore faut-il qu’il y ait la volonté politique (et les moyens humains) de la faire appliquer. La Presse étant encore libre, il est toujours possible de créer un nouveau média, mais encore faut-il en avoir les moyens, car le secteur est peu rentable et économiquement sinistré.

Je suis sans doute un peu pessimiste en ce moment, mais j’ai un peu l’impression que l’édifice démocratique s’effrite, s’abime, sans qu’on puisse véritablement y faire quelque chose. La seule action possible est collective, et à une large échelle. Chacun, de notre coté, on n’aboutit à rien, un peu comme ces « petits gestes » censés lutter contre le dérèglement climatique, qui servent surtout à donner bonne conscience à ceux qui veulent continuer à faire comme avant.

Où est donc ce lieu d’où peut surgir une action collective afin de préserver notre démocratie libérale, et l’empêcher de s’effilocher ?

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Bayrou, un coup pour rien ?

Après deux semaines de gouvernement Bayrou, force est de constater que le changement par rapport au gouvernement Barnier est purement cosmétique. Une large proportion des conseillers techniques sont restés en poste, Le socle parlementaire du gouvernement est resté strictement la même et la ligne politique n’a pas véritablement bougé (si tant est qu’il y en ait une).

En fait, la censure du gouvernement Michel Barnier a juste entrainé un changement de visage à Matignon, mais rien de plus. Le blocage politique est toujours là, avec trois blocs qui se regardent en chiens de faïence. Les lois budgétaires ne bougeront qu’à la marge, n’offrant quasiment aucune voie de compromis, car arrivé à la deuxième lecture, il n’est plus possible d’introduire de mesures nouvelles. On est donc dans la même situation que début décembre, mais avec une situation plus dégradée, du fait de la censure et de l’absence de budget au 1er janvier.

On sait désormais que les députés, que ce soit à gauche ou au RN, sont capables de tout, y compris de voter des motions de censure et de bloquer l’adoption du budget. Ils l’ont fait une fois, sans manifester d’états d’âmes ou de regrets, ils peuvent donc le refaire une fois de plus. Cela augmente fortement l’incertitude pour l’ensemble de ceux qui dépendent des décisions politiques. Ce n’est plus possible de parier (comme je l’ai fait) sur le sens des responsabilités et du bien commun de nos élus. Cela a de nombreuses conséquences, problématiques pour notre système démocratique. La parole d’un gouvernement ne vaut plus rien, si sa durée de vie est de quelques semaines. Aucun calendrier législatif n’est certain. Impossible, désormais, de se projeter sur des bases à peu près sures, et donc d’investir et de faire des projets. La conséquence immédiate risque d’être un désinvestissement des différents acteurs de l’action publique, dans le travail gouvernemental et législatif. A quoi bon se décarcasser ? A quoi bon prendre des risques, alors qu’on peut se contenter de gérer à la petite semaine ? On va droit vers l’immobilisme. Tant mieux pour ceux qui ont intérêt à ce que rien ne bouge, tant pis pour ceux qui ont absolument besoin que des évolutions aient lieu.

L’absence de budget voté au 1er janvier plonge le pays dans la fragilité. La loi spéciale n’est qu’un expédient pour éviter le chaos (comme le fait de ne pas pouvoir payer les fonctionnaires), mais cela ne remplace absolument pas une loi de Finances votée en bonne et due forme. La France, depuis le début de l’année, est en fonctionnement « dégradé ». Aucun projet nouveau ne peut être lancé, seules les dépenses indispensables sont possibles. Toutes les subventions qui nécessitent une décision discrétionnaire sont suspendues, et ne peuvent pas être versées avant l’adoption d’une loi de Finance. Quand on connait la dépendance de nombreux secteurs aux aides publiques (médico-social, culture…) tout va dépendre de la bonne volonté des banquiers à ouvrir (ou pas) des lignes de trésorerie. Tant qu’il n’y a pas de loi de Finance, les collectivités locales ne peuvent pas voter leur budget, faute de connaitre les montants exacts des dotations d’Etat, qui sont devenues la majeure partie de leurs ressources. Les conséquences sont nombreuses, et pour beaucoup très mal mesurables, car nous n’avons jamais connu une telle situation. Et comme nous n’imaginions pas y arriver, aucune simulation un peu sérieuse a été faite pour évaluer l’ampleur des dégâts.

Si en plus, un choc externe survient, nous sommes vraiment dans la mouise. C’est pour cela que je regarde avec une grande inquiétude toutes les galéjades d’Elon Musk. En d’autres temps, cela m’aurait fait rire, mais à partir du 20 janvier, ce type aura l’oreille du président des USA, qui est aussi barjot que lui. Leur capacité à déstabiliser le monde est absolument effrayante.

La censure n’aura donc servi à rien, sinon à aggraver la situation du pays, avec une classe politique qui ne semble toujours pas avoir compris qu’ils amènent le pays droit dans le mur.

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Un pas si mauvais gouvernement Bayrou

François Bayrou vient de donner la composition de son équipe. Vu les contraintes qui sont les siennes, il ne s’en est finalement pas si mal tiré. Mais il a échoué à élargir son assise, et se retrouve dans la même situation que Michel Barnier, dépendant du bon vouloir d’une Marine Le Pen dont on sait maintenant qu’elle n’a pas la main qui tremble quand il faut censurer.

On trouve dans ce gouvernement des poids lourds de l’actuel socle central, avec Borne, Darmanin, Vautrin, Lecornu, Dati, un modem Barrot, un Horizons, Marcangeli, et deux LR, Retailleau et Genevard. Le choix du directeur général de la caisse des dépôts, pour Bercy, est un joli coup (espérons que cela permette de rassurer les marchés financiers). C’est important, pour un gouvernement d’avoir en son sein des personnalités capables d’aller convaincre parlementaires et militants, en ayant une chance d’être écoutés. Il faut reconnaitre que ce sont aussi des professionnels de la politique et de l’exercice de fonctions ministérielles. Le temps des « amateurs » est vraiment très loin, et sur ce plan, c’est une bonne chose. Beaucoup de ministres non reconduits n’étaient ni des poids lourds, ni des flèches. Pour certains, on ne se souviendra même plus, dans quelques mois, qu’ils ont été au gouvernement.

Les changements de périmètres sont assez marginaux, et plusieurs ministres importants conservent leurs fonctions, permettant d’assurer une certaine continuité. En ces temps d’instabilité gouvernementale, c’est précieux. La IVe république a tenu comme ça, les ministres les plus importants restaient en fonction longtemps, alors que les présidents du conseil valsaient régulièrement. On voit cette même continuité dans les conseillers du Premier ministres, où plusieurs membres techniques du cabinet Barnier ont été repris. Là encore, du point de vue technique, c’est une bonne chose, même si le message politique risque d’être mal perçu.

Il y a toutefois quelques loupés. Je ne comprends toujours pas les raisons de l’arrivée de Manuel Valls, pas plus que le choix de le nommer si haut dans la hiérarchie, avec un ministère des Outre-Mers qui a de très gros défis devant lui. Loin d’attirer les bonnes grâces de la gauche, c’est au contraire un irritant majeur, un véritable chiffon rouge pour le PS. En tout cas, l’ouverture à gauche, c’est raté. C’est sans doute cela le principal souci. Bayrou n’a pas réussi à élargir le socle gouvernemental à l’Assemblée, et on peut craindre que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. Il évident que l’accord de non-censure, un temps envisagé avec le PS, est mort. Ce qui fait retomber le gouvernement sous la dépendance du RN, qui tient à nouveau les clés de la survie du gouvernement.

Ce changement de gouvernement n’a strictement rien réglé du problème rencontré par Michel Barnier. Et c’est bien le souci, car la répétition du même blocage ne peut qu’abîmer la démocratie représentative, et discréditer encore un peu plus la classe politique. Surtout si, en plus de la crise politique, s’ajoute une crise économique, et pire, une crise sociale.