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Existe-t-il un traitement inéquitable des musulmans en France ?

Le débat public évoque souvent les différences de traitements et discriminations que subiraient certaines minorités ethnico-religieuses (notamment les musulmans), de la part des autorités publiques. Un cas récent et très concret permet de documenter la réalité de ces discriminations, et devrait nous interpeller et amener à une sérieuse introspection.

Le tribunal administratif de Lille vient d’annuler la décision du préfet du Nord de résilier le contrat d’association du collège-lycée confessionnel Averroès, de Lille. Il s’agissait du seul établissement d’enseignement secondaire musulman à bénéficier d’un contrat d’association avec l’Etat.

La lecture du jugement est édifiante, et devraient provoquer un sentiment de honte, au moins à la préfecture du Nord, mais aussi chez tous les défenseurs des Libertés. Non seulement le dossier présenté par la préfecture était largement vide, mais en plus, la procédure était entachée d’au moins deux vices de forme substantiels, ayant porté atteinte aux droits à la défense. Dans le jugement, on découvre également que cet établissement avait pourtant fait l’objet d’un grand nombre d’inspections, ce qui en faisait « l’établissement le plus inspecté de l’académie ».

On a donc un établissement qui semble avoir un fonctionnement pédagogique correct (sinon, les nombreux inspecteurs qui y sont passés auraient remarqué quelque chose). Chose rare, la chambre régionale des comptes s’est également penchée sur la gestion financière et n’a noté aucune malversation ou source de financement illicite. Elle a juste signalé que les procédures de gestion étaient perfectibles, avec quelques bricoles administratives sans gravité. Le principal souci est modèle économique, devenu trop fragile du fait du fort développement de l’établissement et du tarissement des financements venus de l’étranger. Le rapport a également un peu tiqué sur le cours de « catéchisme » musulman (donc hors champ de la gestion financière), appelant juste à des clarifications, sans mise en cause explicite. Bref, rien de bien différent d’un rapport qui aurait pu être fait dans un établissement catholique.Si la fragilité financière était une cause de retrait du contrat d’association, un certain nombre d’établissements catholiques auraient du souci à se faire.

Pourtant, Le lycée Averroès s’est fait saquer, alors que Notre-Dame de Betharram, lieu de violences éducatives et sexuelles systémiques, n’a jamais été inquiété jusqu’à il y a peu de temps, ni sur son fonctionnement pédagogique, et encore moins sur son contrat d’association. Pourtant, il y aurait eu bien plus de choses problématiques à trouver dans ce lycée bourgeois (mais catholique) que dans le seul lycée musulman de France.

Des exemples comme celui-ci prouvent incontestablement qu’il y a un problème systémique, tant la différence de traitement par les autorités publiques est énorme et en défaveur de l’établissement musulman. Cela mériterait un débat de fond, sur ce qui est une atteinte grave à nos valeurs, celles des droits de l’homme, qu’on prétend porter fièrement en bandoulière…

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La gauche française continue à foncer dans le mur

La gauche française est toujours aussi désespérante. Alors qu’elle est profondément divisée, voire fracturée, sans leader, sans projet solide, elle continue à ressortir les vieilles rengaines. Depuis juillet 2024, absolument rien n’a évolué à gauche.

Avec Lucie Castets, on atteint le summum. Alors qu’elle n’est politiquement rien ou presque, qu’elle n’a servi que de leurre médiatique, la voilà qui resurgit, par le biais éculé de la tribune dans Libération, où elle appelle à une candidature unique, avec tous les clichés et la liste complète des mots-clé d’un bullshit bingo de gauche. Il ne manque plus que le meeting de Montreuil, et on a tous les clichés.

Une fois de plus, alors que les citoyens demandent des idées, un programme, des réponses à leur angoisse (de préférence rédigés en français courant), on leur ressert de la tambouille interne en langage codé. A deux ans de la présidentielle, alors que le monde est entrée dans une phase d’instabilité inquiétante, je doute que la question intéresse grand monde, à part le microcosme militant de gauche.

Quand une mouvance politique ne fait que se parler à elle-même, en ressortant toujours les mêmes clichés éculés, avec les mêmes réactions pavloviennes, c’est qu’elle est morte. La lourde défaite de Kamala Harris, à la présidentielle américaine, ne semble pas avoir servi de leçon. Pourtant, les mécanismes étaient similaires. Des « élites » éduquées et « sachantes », focalisées sur des sujets sociétaux, se faisant en interne la course au purisme radical, se sont pris une grosse claque de la part de leur électorat, qui est resté à la maison, malgré le danger, réel, d’une nouvelle élection d’un barjot.

Ce dont la gauche a besoin, c’est d’écouter ce qui lui est demandé, et de reparler aux gens « normaux » un langage qu’ils comprennent. Dis comme ça, ce n’est pas compliqué, mais pourtant, j’ai l’impression que la seule à faire réellement cela, c’est Marine Le Pen.

Je suis persuadé que ce qui compte, désormais, n’est plus le programme, mais la vision du monde, la clé de lecture avec laquelle on donne du sens à un monde qui semble en avoir de moins en moins. Si les complotistes pullulent, c’est parce qu’ils comblent un vide, fournissent un imaginaire, avec des références et un langage audible pour le public. L’exactitude et la « rationalité » n’ont qu’une importance secondaire, tout comme les effets réels des politiques proposées. Trump est en train de nous offrir un spectacle grandiose, où après avoir fait le clown-tueur, déstabilisé l’économie mondiale, il va finir par retomber sur ses pieds, en réécrivant le récit, et en arrosant son électorat pour qu’il remette le bon bulletin dans l’urne en novembre 2026, lors des mid-terms.

Face à cela, ce ne sont pas des appels tactiques à la mise en place d’une modalité de désignation d’un candidat qui vont avoir un effet. Alors qu’il faudrait qu’elle soit disruptive et innovante, Lucie Castets se comporte comme la pire des apparatchiks, occupant le terrain médiatique au détriment de ceux qui auraient quelque chose d’intéressant à dire.

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La fascination du conclave

Le pape François vient de mourir. Cet évènement ouvre une séquence qui fascine tous ceux qui se passionnent pour les rites du pouvoir et de sa transmission : le conclave.

En dehors de toute considération spirituelle, il faut reconnaitre que le Vatican est un lieu de pouvoir hors norme, celui où son exercice, mais aussi et surtout sa transmission, sont les plus raffinés, tant dans les procédures que sur la forme.

Le corps électoral est désigné de manière absolument pas démocratique, et la création de cardinaux relève d’un pouvoir discrétionnaire du pape. François en a largement joué, avec de nombreux nominations surprenantes, tant dans les choix que les « non choix ». Beaucoup d’italiens (et plus globalement d’européens) et de fonctionnaires de la Curie attendent encore d’être promus. Pour autant, avoir façonné le corps électoral n’est pas une garantie, pour le pape « sortant », que son successeur sera conforme à ses voeux. François a pris largement le contrepied de Benoit XVI, son prédécesseur direct.

Sur la forme, le spectacle est incomparable, dans des lieux somptueux, des rituels hors du temps, comme cette litanie des saints récitée par les cardinaux, aux vertus hypnotiques, ou encore le rituel de présentation du nouveau pape, au balcon de la basilique Saint-Pierre. La mise en scène est rodée par des siècles de pratique, c’est un véritable savoir-faire de l’église catholique, assez inégalé dans le monde. Seuls les soviétiques faisaient aussi bien, depuis, on a surtout de mauvais spectacles d’opérette kitch, donnés par des dictateurs désargentés, donc ridicules.

Pour les mécanismes électoraux, tout est codifié, avec des siècles de pratiques, d’expériences, de précédents, avec des règles très strictes autour du secret des délibérations. Les interférences avec l’extérieur sont inexistantes, et je mets au défi les dictateurs manipulateurs de tenter quelques chose. Aucune chance d’arriver à manipuler ce scrutin. Les médias resteront à la porte, à commenter dans le vide, en attendant la fumée blanche. Aucune caméra embarquée, aucune taupe laissant son portable ouvert pendant les séances. C’est merveilleusement hors du temps. La discipline interne et la cohésion sont exceptionnels. Il arrive que le déroulement des conclaves filtrent, mais cela n’a rien à voir avec ce que nous connaissons dans nos démocraties occidentales, où il n’y a plus aucun secret. Une fois l’élu désigné, sa légitimité n’est pas publiquement contestée. Même s’il existe des réticences, voire des résistances à certaines décisions, le pape a les moyens de gouverner.

Officiellement, il n’y a pas de campagne électorale, de candidats déclarés, mais dans un organe aussi collectif et collégial que la haute hiérarchie catholique, elle est permanente, car jusqu’ici, tous ceux qui comptent (et ont une chance d’être élus) se connaissent à peu près. Les conférences préparatoires permettent une forme d’expression de programme, voire de candidature, mais dans un délai tellement court, qu’il n’y a pas le temps pour nouer des alliances formelles. C’est même risqué de se lancer trop ouvertement, et un vieux proverbe du Vatican dit que « celui qui y entre en pape, en ressort cardinal ».

Le pape François a encore plus brouillé les pistes, en nommant de nombreux cardinaux issus d’églises locales, et en boudant la Curie dans la distribution des chapeaux rouges. Le résultat est que les 135 cardinaux électeurs se connaissent finalement assez mal, même s’il y a des sous-groupes et des connexions variées. Un nombre important de cardinaux ont été nommés les trois dernières années, et n’ont pas beaucoup eu l’occasion de passer du temps à Rome, pour se familiariser avec « l’appareil » et s’y faire connaitre. Leur vote peut donc être imprévisible.

Ce qui est également assez fascinant est cette obligation d’arriver à un quasi consensus, avec un vote aux deux tiers, obtenus dans une réunion fermée, où tout se fait en moins d’une semaine. Avec quatre scrutins par jour, le temps pour les tractations est assez limité. Et à chaque fois, un nom sort assez vite, et s’il y a blocage, il y a une capacité à trouver des solutions de rechange. A ce niveau de pouvoir, quasiment tous les électeurs ont la carrure pour le poste (du moins, pour ceux qui sont suffisamment jeunes et en bonne forme physique).

Pour tous les spécialistes des institutions et des jeux de pouvoir, le fantasme ultime est de suivre un conclave de l’intérieur, en mode « petite souris ». Un rêve impossible !

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Redresser la démocratie et ses élus

Un récent sondage a mesuré les potentiels électoraux d’un certain nombre de personnalités en vue de la présidentielle. La question posée n’est pas « pour qui allez-vous voter ? » mais « pour qui pourriez-vous voter ? » ce qui permet de voir l’ampleur de l’adhésion qu’une personnalité est capable d’atteindre (sans pour autant que ça soit le résultat final).

Le résultat est très inquiétant, car il montre que les meilleurs scores (Marine Le Pen et Jordan Bardella) sont autour de 35-40%. Derrière, on tombe vite à 30% pour les candidats potentiels du bloc central, et encore moins à gauche. Cela montre un pays profondément fracturé, où il est hors de question, pour un électeur s’identifiant à un bloc, de voter, éventuellement, pour un candidat d’un autre bloc, voire pour un autre candidat au sein d’un même bloc. Cela montre aussi que la gauche est très émiettée, personne n’émergeant de manière claire.

Le principal enseignement que j’en tire est qu’une nouvelle élection, qu’elle soit présidentielle ou législative, ne nous sortira pas de l’impasse politique. Il y aura bien un vainqueur, mathématiquement, mais son socle d’acceptation, donc de légitimité politique, restera faible. On voit, avec Emmanuel Macron, qu’il est compliqué de prétendre diriger le pays avec une assise électorale réelle qui se limite à 25% ou 30% du corps électoral. Cela a pu tenir au début de son mandat, par le fait que les deux principaux partis dit « de gouvernement » étaient complètement assommés, et que le RN était encore bas. Dès 2019, et l’enchainement Gilets jaunes-Covid, les choses allaient moins bien, et depuis 2022, le système est en panne.

Pourtant, il faut bien que des choix politiques soient faits, car l’immobilisme n’est pas une solution. Depuis quelques temps, on constate que les élus se montrent durablement incapables de les faire. Plus cela va, plus je me dis que les processus démocratiques ordinaires, notamment l’élection des dirigeants, n’est peut-être plus la seule solution. Je crois encore en la démocratie libérale, j’espère qu’on puisse toujours la réparer. Mais l’idée commence à germer qu’un plan B nous soit un jour proposé, pour trouver une autre manière de prendre les décisions politiques, si la classe politique persiste à rester dysfonctionnelle.

Il y a donc urgence à ce que le personnel politique prenne conscience qu’il faut changer d’attitude, de manière de fonctionner, et faire enfin ce pour quoi ils sont élus. Le dysfonctionnement de la démocratie vient en partie d’eux, et il n’y a pas de fatalité structurelle, ou de problème « institutionnel ». Il y a plein d’exemples étrangers, notamment en Europe, où on arrive à trouver des compromis, des ententes pour faire fonctionner un pays, où une coalition n’est pas une étrangeté.

Depuis presque un an, la classe politique est comme une poule qui a trouvé un couteau, face à des modes alternatifs de fonctionnements institutionnels. Il n’y a donc plus grand chose à espérer d’eux. Sans intervention extérieure, je doute qu’ils changent fondamentalement d’attitude, et ne mènent le système à l’effondrement complet.

L’alternative du « grand remplacement » a déjà été tentée. Tous les virer et les remplacer par des novices a clairement montré ses limites en 2017. Reste l’option de faire évoluer ceux qui sont en place et ont du métier. Cela sera difficile et ne se fera pas sans pression extérieure, de leurs électeurs par exemple. On le voit bien, la seule chose qui les préoccupent vraiment est leur élection et leur réélection, tout le reste y est subordonné, y compris l’exercice de la mission pour laquelle ils sont élus.

Cela implique que la « société civile » s’organise, pour faire comprendre aux professionnels de la politique que leur sélection se fera sur leur aptitude à bien faire leur boulot, qui est de décider de manière suffisamment claire pour que les autres acteurs, économiques, sociaux, sachent où on va, et puissent prendre leurs propres décisions en conséquence. La pression viendra des médias et de la communication, avec la mise en valeur de ceux qui « bossent bien », seule récompense véritablement efficace, vu le niveau de perdition de certains membres du personnel politique.

C’est triste d’en arriver là, mais quand la confiance est rompue, il faut reconstruire depuis les fondations. L’alternative est que le bébé de la démocratie soit jeté avec l’eau (saumâtre) bain de la vie politique.

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L’immobilisme n’est pas la solution

La Cour des Comptes vient de rendre un rapport sur l’exécution du budget 2024. Le résultat est sans surprise, avec un déficit plus important que prévu, qui alourdit encore un peu plus une situation déjà très dégradée. L’absence de majorité, qui bloque toute action politique, a des conséquences délétères qui sont de mieux en mieux documentées. Il suffit de lire les rapports des experts.

La marge de manœuvre financière de la France se restreint dangereusement. L’analyse de la Cour des Comptes montre que les dépenses publiques de l’État sont de plus en plus rigides, du fait d’engagements sur lesquels il est difficile, voire impossible de revenir (pensions de retraites, intérêt de la dette, lois de programmation sur plusieurs années…). L’annonce de 40 milliards d’économies, de la part d’un gouvernement qui ne fait pas autre chose que gérer les affaires courantes (et encore…), relève du mensonge et donc de la faute politique. Même avec de la volonté politique et une majorité, il est de plus en plus difficile de réduire les dépenses de ce niveau, en un an ou deux. Si on ajoute les dérapages financiers des collectivités locales et de la sécurité sociale, sur lesquels le gouvernement n’a pas plus aucune prise, on va droit dans le mur.

L’expérience de l’exécution du budget 2024 montre aussi que si le gouvernement et les politiques laissent filer les dépenses, en ne prenant pas les mesures correctives, c’est encore pire. Le gouvernement aurait du, l’année dernière, faire voter une loi de finances rectificative en milieu d’année, pour procéder aux ajustements nécessaires. Refusant de le faire pour des raisons politiques, le gouvernement Attal s’est retrouvé avec des outils de pilotage inadaptés, avec des décrets d’annulations de crédits et des coupes aveugles, qui ont surtout désorganisé l’exécution budgétaire, mais n’ont pas généré d’économies. Le rapport est cruel, en signalant que les dépenses pilotables sont restées sur le même trend, et que les économies sont venues de « bonnes surprises », sur des dépenses non pilotables.

L’absence de décisions politiques claires amène toujours à des dérapages, car seules les baisses de dépenses sont bloquées. dès qu’il faut ouvrir les vannes, en distribuant de l’argent public, on trouve sans problème un consensus politique, chaque camp espérant encaisser le bénéfice politique (de court terme), en laissant les autres assumer les éventuelles conséquences négatives (de moyen ou long terme).

Cela veut donc dire que la politique du chien crevé au fil de l’eau, qui est celle de François Bayrou, ne va pas pouvoir durer bien longtemps. Du moins si on a encore le sens de l’intérêt général, et le souci de l’avenir du pays. Ne rien faire, ne rien décider, c’est laisser les choses suivre leur pente naturelle. En matière de finances publiques, ce serait désastreux pour la France. Politiquement, c’est également catastrophique, car c’est une véritable démission des élus, qui scient la branche sur laquelle ils sont assis.

Tout cela, je le dis depuis un certain temps. C’est de plus en plus visible et documenté, et pourtant, cela ne semble pas perturber la classe politique, qui continue à débattre à vide sur des PPL sans envergure, ou à jouer à la course de petits chevaux dans les manœuvres de congrès. Pendant ce temps, aucun travail de réflexion, d’écoute, de programme, dans un monde en reconfiguration accélérée.

A désespérer et faire désespérer de la démocratie libérale. Il ne faudra pas pleurer d’avoir Jordan et Marine au prochain coup, on fait absolument tout ce qu’il faut pour ça !

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Le naufrage annoncé de la loi Simplification

Les députés viennent de partir en vacances pour deux semaines, en laissant en plan un projet de loi, portant sur la simplification de la vie économique. Ce texte, né sous le gouvernement Attal, traine dans les tuyaux parlementaires depuis plus d’un an, et semble bien parti pour s’ensiler dans les marécages parlementaires.

Les conditions politiques qui existaient au moment de son adoption en conseil des ministres, au printemps 2024, ont disparu. A l’époque, le gouvernement Attal avait une majorité, certes relative, mais suffisante pour faire passer ses textes. Depuis, la dissolution a rendu toute majorité improbable et incertaine à l’Assemblée. Le gouvernement de l’époque avait encore la volonté d’impulser des choses, ce qui est loin d’être le cas de François Bayrou, qui procrastine, gère les affaires courantes et ne tranche pas grand chose. La ligne politique de réindustrialisation était sur les rails depuis longtemps, et ce texte était dans une continuité qui lui donnait une logique politique. L’arrivée de Trump et sa politique erratique ont percuté le sujet du développement économique et de la réindustrialisation.

Le choix d’une loi fourre-tout en fait un piège redoutable, chaque chapitre étant un texte autonome, avec des amendements en pagaille, sur des sujets parfois abrasifs. C’est l’assurance d’y passer un temps fou, comme on a pu le voir la semaine dernière. L’article 1 prévoit la suppression de quelques obscurs comités consultatifs. Les sénateurs, mais surtout les députés, s’y sont engouffrés, avec des propositions baroques de suppression d’organismes importants, comme l’Ademe, l’agence nationale des fréquences, le centre national du cinéma ou encore la commission nationale du débat public. Quelques uns sont passés à la casserole, comme le haut conseil de l’évaluation de la recherche. Cette thématique a quasiment cramé trois jours de séance. La prochaine thématique qui arrive, à la rentrée, c’est la suppression des Zones à faible émission (ZFE), qui encadrent l’accès des grandes villes, en les interdisant aux véhicules les plus polluants et derrière, c’est la thématique du Zero artificialisation nette. Des sujets hautement polémiques, qui se sont invités par l’adoption d’amendements en commission. Et il y en a un paquet comme ça, où le débat en hémicycle risque de durer un peu. Avec 11 groupes à l’Assemblée, si chacun veut prendre la parole, on ne s’en sort pas !

Le texte est également victime de la dégradation de la qualité du travail parlementaire. Personne ne contrôlant plus rien au Palais Bourbon, la rigueur juridique, qui n’était pas bien fameuse, s’est encore dégradée, avec une loi écrite, plus que jamais, avec les pieds. Il semblerait que le contrôle de la recevabilité des amendements se soit également fortement relâché, notamment lors de l’examen en commission du texte sur la simplification. Le conseil constitutionnel a déjà envoyé un premier signal, sur le projet de loi d’orientation agricole, où plusieurs dispositions politiquement sensibles ont été censurées pour « atteinte au principe d’intelligibilité de la loi ». Un motif de censure rare, qui signale des malfaçons juridiques lourdes, et devrait provoquer une forme de honte dans les assemblées. Il semblerait que ça ne soit pas le cas, et que ça continue de plus belle. On risque d’avoir encore quelques censures sanglantes à venir, notamment sur ce projet de loi de simplification ! Et je ne parle même pas de la compatibilité avec le droit européen.

Malgré la quasi absence de projets de loi, l’agenda parlementaire déborde, avec un nombre impressionnant de propositions de lois. Certaines présentent de l’intérêt, mais trop souvent, elles portent sur des enjeux microscopiques et consensuels (les pannes d’ascenseurs…) et sans espoir d’un adoption définitive, si la procédure accélérée n’est pas engagée. Avec deux lectures dans chaque chambre, il faut pouvoir trouver les créneaux, et même si le gouvernement leur fait de la place dans les semaines qui lui reviennent, cela ne suffit pas, car il n’en a que deux par mois. On lance plein de balles en l’air, dont la plupart ne retomberont pas.

On se retrouve avec un projet de loi simplification qui fait figure de monstre, dont plus personne ne contrôle le développement et les discussions. Au rythme où on a avancé la semaine dernière, il faudra bien deux semaines, voire plus, pour en venir à bout. Or, l’agenda jusqu’au 30 juin (date de fin de la session ordinaire) est blindé, avec des textes politiquement sensibles (comme la fin de vie) ou de transpositions européennes (la cybersécurité) qu’il est difficile de décaler. Le gouvernement en est réduit à gratter les fonds de tiroirs, ce qui va donner un examen complètement décousu de ce projet de loi de simplification. Le gouvernement a ainsi pu trouver trois séances, les 29 et 30 avril, qui ne suffiront pas.

Tout cela, c’est bien entendu, en mode « normal ». Si jamais François Bayrou venait à tomber (sur l’affaire ND de Bettharam par exemple), toute vie politique et parlementaire s’arrêterait pour quelques semaines, le temps de nommer un autre gouvernement et de reconstituer les cabinets ministériels. Pour arrivera, en octobre, le budget, où il va bien falloir arriver à un vote explicite, sur des choix qui ne peuvent être que difficiles. On entrera alors, quelque soit le gouvernement en place, dans une période de turbulence qui ne laisse guère de bande passante pour d’autres sujets.

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Le miroir tendu aux cultureux

Tous mes lecteurs connaissent les liens de détestation qui me rattachent au petit monde de la « création » et à ses mafias (les sociétés de gestion de droit d’auteur). Ce milieu est putride, tout en se présentant en permanence comme un monde enchanté et positif.

Je ne suis donc absolument pas surpris par ce que les députés ont découvert, au cours de leur commission d’enquête sur les violences sexuelles et sexistes dans le monde de l’audiovisuel et du cinéma. Et je pense même qu’ils sont passé à coté d’un certain nombre de choses, mais ce qu’ils en ont vu est déjà suffisant pour être éclairant.

Ce secteur économique a un fonctionnement profondément archaïque, basé sur la domination, et donc sur la violence et l’exploitation (y compris sexuelle) des « puissants » (en général des mâles blancs) sur les autres. Le droit du travail y est bafoué, voire ignoré, avec des dispositifs dérogatoires (comme le statut d’intermittent) et des pratiques que l’on rencontre rarement ailleurs, tellement elles sont violentes. Il n’y a guère que l’esclavage qui soit pire.

Tout cela, on le savait, il n’y avait qu’à ouvrir les yeux. Si le monde du cinéma a tant soutenu Roman Polanski, c’est parce qu’il constitue la norme, et pas l’exception. Le discours en défense est connu : le « talent » excuse tout, la création est un « art » si ce n’est une « alchimie » qui doit inspirer un respect absolu, et en particulier le droit pour les divas de réaliser tous leurs caprices, d’avoir le monde entier à leurs pieds, et de jouir sans entrave. Le modèle aristocratique poussé au maximum.

Ce rapport sur les violences sexuelles et sexistes ne fait décrire un symptôme, et le fond du problème est dans la culture « professionnelle » de ce milieu, de la manière dont ils s’envisagent, se considèrent, et donc se comportent avec les autres. C’est un milieu profondément pourri et destructeur, encore plus que la politique, car au moins, en politique, il y a un contrôleur, l’électeur, qui en mettant son bulletin dans l’urne, peut faire cesser des scandales. Dans le monde de la Culture, si vous êtes dans les bons réseaux, avec les bons appuis, vous pouvez ne rien produire, ou enchainer les bides, vous gardez votre statut, vos revenus, votre accès à l’argent public, qui coule à flot, sans la moindre évaluation.

Ce qui m’a sans doute le plus choqué, c’est qu’une très grande majorité de ces nababs violeurs et jouisseurs, se proclament de gauche. En regardant ce qui se passe dans le secteur, on n’est pas très loin du capitalisme sauvage du XIXe siècle, celui que Marx dénonce. Le pire est qu’il se permettent des donner des leçons de morale, trustant les médias pour se poser en modèles (et défendre leurs intérêts).

Pour une fois qu’un organisme indépendant se penche sur les tréfonds de ce marécage fangeux, on a une véritable photographie de la réalité, et elle n’est pas belle à voir. Ce serait bien que les parlementaires s’en souviennent, la prochaine fois que les cultureux viendront leur mendier subventions et crédits d’impôts. Ce serait encore mieux s’ils en tirent les conséquences, et coupent les vivres à ces « dominants », responsables d’un véritable système de domination violent. Il n’y a guère que comme cela, qu’on arrivera à bouger les choses !