Catégories
Non classé

L’étau se desserre un peu pour Philippe

Le week-end a été marqué par deux évènements politiques qui redonnent un peu d’oxygène au bloc central, et un peu d’espoir à Édouard Philippe. La poutre a encore un peu bougé, dirait-il !

Le premier est le score, très décevant du candidat RN sortant, au premier tour de l’élection législative partielle en Saône-et-Loire. Avec seulement 31%, et pas de réserve de voix, il est en très mauvaise posture face au candidat LR, qui a obtenu 25%, et le soutien de tous les autres candidats éliminés. A gauche, le candidat soutenu par le PS local fait 17%, quand la candidate LFI n’en fait que 8%. Cette dernière était au second tour, en 2024, avec l’étiquette NFP. Ces résultats confirment ceux des précédentes législatives partielles. Un RN qui reste haut au premier tour, mais n’est plus en mesure de gagner s’il est en duel, et LFI qui s’effondre, avec une gauche modérée qui fait le double. Une gauche est éclatée, et surtout, n’est pas en capacité d’accéder au second tour, ou se fait exploser quand elle y est, par le candidat du bloc central.

Le second est l’élection de Bruno Retailleau à la présidence de LR, avec un score sans appel de 75%. C’est d’abord le choix d’une personnalité expérimentée et fiable, qui incarne le choix de la participation loyale de LR à l’exercice du pouvoir. LR est désormais pleinement dans le bloc central, et y restera aux prochaines échéances électorales, avec cette fois-ci un accord pré-électoral en bonne et due forme. Il n’y aura pas de blague à la Ciotti (ce qui aurait été possible avec Wauquiez). C’est aussi une bonne nouvelle pour Édouard Philippe, car il a pas mal d’atomes crochus avec Retailleau. En politique, c’est important que le courant passe bien entre les leaders. Cela évite bien des bévues et des échecs. En plus, quoi qu’il en dise, Bruno Retailleau (64 ans) n’a pas la stature d’être candidat à la présidentielle, mais ferait un bon premier ministre d’un bloc central qui remporte les prochaines échéances électorales. La distribution des rôles pourrait se faire assez naturellement dans le tandem.

On va probablement voir émerger un tandem Philippe-Retailleau, qui va prendre de plus en plus d’espace dans le bloc central. La seule personnalité qui pourrait prétendre jouer un rôle de premier plan, Gabriel Attal, se retrouve cornérisé. Malgré une bonne position dans les sondages, il a plusieurs handicaps. En effet, un axe Attal-Retailleau est improbable, tant ces deux leaders sont différents, sur le plan du parcours, des idées, des personnalités. Autre handicap, Attal, même s’il a pris le parti Renaissance, est en retard dans la structuration de ses équipes (Borne n’a pas fini de le pourrir), de son programme et il incarne la continuité avec l’héritage d’Emmanuel Macron. Ses chances de trouver des alliés sur sa gauche est faible, car l’espace politique est occupé par Glucksmann, et son seul allié, le Modem, est d’une fiabilité incertaine et finira par aller à la soupe en ralliant l’axe Philippe-Retailleau.

Le terrain politique qui se dessine progressivement amène à un deuxième tour avec Édouard Philippe contre le candidat du RN (Le Pen et Bardella sont interchangeables), avec une possible victoire du premier, le RN étant fort au premier tour, mais moins en capacité de rassembler au second tour (le barrage républicain fonctionnera toujours un peu). Pour la gauche, c’est la pire hypothèse, car la crainte du RN est devenu son seul ciment. On peut penser qu’une fois les municipales passées, on aura une spectaculaire explosion en vol de l’union de la gauche, surtout si LFI persiste à mettre en avant Mélenchon.

Même si d’ici 2027, il peut se passer beaucoup de choses imprévues, c’est le chemin qui me semble se dessiner.

Catégories
Non classé

Stérin teste la démocratie parlementaire

Le milliardaire Pierre-Edouard Stérin a trouvé un autre moyen pour tenter de déstabiliser la démocratie parlementaire, en testant les limites de la capacité des députés à lui imposer de venir devant une commission d’enquête. Un bras-de-fer où l’enjeu est bien plus important que de simplement faire venir un milliardaire dans la salle Lamartine de l’Assemblée nationale.

La commission d’enquête sur l’organisation des élections en France, en cours à l’Assemblée nationale, a souhaiter l’auditionner, sur l’impact du « projet Périclès ». Cette initiative, financée sur sa fortune personnelle, vise à favoriser les initiatives militantes d’extrême-droite, qui contestent la démocratie libérale, et veulent l’affaiblir, voire la détruire. Il est donc logique et légitime pour les députés, de s’interroger sur l’impact qu’il peut avoir sur l’organisation et le déroulement des élections en France.

Depuis le départ, Pierre-Edouard Stérin joue au chat et à la souris avec les responsables de la commission d’enquête. Il commence par faire la sourde oreille aux demandes d’auditions, puis annule à la dernière minute, une première fois, puis une deuxième fois, avec un prétexte qui relève du foutage de gueule XXL. Il aurait reçu des menaces de mort, et craint donc pour sa sécurité, faisant comme si le Palais-Bourbon était un lieu dénué de toute mesure de sécurité.

L’enjeu maintenant n’est plus tellement ce que pourrait raconter Pierre-Edouard Stérin. Le directeur du projet Périclès ayant déjà été auditionné, les informations ont été données, et Stérin n’en dira pas plus sur le fond. Ce qui compte maintenant, c’est qu’il soit contraint de venir, et donc de respecter les règles de la démocratie parlementaire et la loi. Ce qu’il recherche est une victoire symbolique, où l’Assemblée subirait une humiliation, en ne parvenant pas à l’auditionner sous serment.

Cela prend une toute autre ampleur quand, dans le même temps, on apprend qu’Alexis Kohler a pu sécher, en toute impunité, une audition devant une commission d’enquête. Après son refus de venir devant la commission des Finances de l’Assemblée, qui enquêtait sur le dérapage des finances publiques, le président LFI de la commission, Eric Coquerel, a signalé le refus au parquet… qui a donné raison à Kohler !

Si Stérin veut s’amuser à obliger les députés à faire un signalement au parquet, pour son refus d’être auditionné, ça va être un beau cirque. Je sais que les contorsions sont toujours possibles, et que la solution Kohler ne sera pas la solution Stérin, mais dans tous les cas, Stérin est gagnant.

Si les députés ou la procureure finissent par renoncer à l’auditionner ou à le poursuivre, c’est la victoire totale. La crédibilité de l’institution parlementaire, et donc son pouvoir d’enquête, seront sérieusement écornés. Qui aura envie, s’il peut y échapper, d’aller passer un mauvais moment, à se faire cuisiner en direct sur LCP ? Je ne pense pas qu’on en arrivera là,

Si la procureure se déjuge et lance les poursuites, Stérin aura beau jeu de dénoncer le « deux poids, deux mesures » par rapport à l’ancien secrétaire général de l’Elysée. Succès médiatique garanti. Cela amènera Stérin devant un tribunal correctionnel, avec un procès public, qui sera hautement médiatisé, et donc un deuxième tour de manège et une belle tribune pour taper sur la démocratie parlementaire, dénonçant un « procès politique », entrainant l’institution judiciaire dans la danse. Là encore, palme du martyr garantie, pour une sanction limitée. Il n’aura sans doute pas de peine de prison, et le montant maximal de l’amende est ici de 7500 euros. Vraiment pas cher payé pour une si belle opération de comm’. Au passage, cela créera une jurisprudence sur ce sujet, va donc rigidifier un processus jusqu’ici très souple, comme le montrent les tentatives de conciliations du président de la commission d’enquête parlementaire, qui s’est montré plus qu’accommodant sur la date de l’audition.

C’est dans ces moments qu’on se rend compte que la démocratie libérale est plus fragile qu’on ne le pense. Les sanctions en cas de manquement existent sur le papier. Mais elle ne sont pas si évidentes à mettre en oeuvre, surtout face à ceux qui sont dans la provocation, et cherchent les bornes, pour les franchir, et qu’ensuite, il n’y ait plus de limites.

Catégories
Non classé

Les malfaçons législatives dans toute leur splendeur

Les députés ont examiné, lundi 5 mai, une proposition de loi qui est emblématique de la vacuité de l’activité parlementaire. Un neutron législatif à l’état chimiquement pur !

Cette proposition de loi issue du groupe EPR vise à renforcer le parcours des élèves en situation de handicap. Le coeur du texte est de créer un livret numérique destiné au partage d’informations entre enseignants suivant les élèves en situation de handicap. Sujet tout à fait honorable, mais un peu « de niche » et comme bien souvent, dans le domaine de l’éducation, le contenu en est purement règlementaire. Un décret aurait largement suffit (ce qui aurait permis de demander l’avis de la Cnil).

Mais les parlementaires voulant s’exprimer sur tout, ils ont trouvé le moyen de déposer 74 amendements en commission et 75 en séance (avec le lot habituel d’irrecevables). A l’arrivée, 14 articles, dont certains très bavards, descendant très bas dans l’infrarèglementaire, et 6 articles de demandes de rapports. Le gouvernement n’a pas été en reste, déposant des amendements creux et bavards. Au passage, la ministre en profite pour faire voter la généralisation d’une expérimentation qui a débuté à la rentrée 2024, et n’a donc pas pu faire l’objet de la moindre évaluation. Bref, un cauchemar légistique.

Les députés ont cramé une séance entière sur cette PPL, et pendant ce temps, le gouvernement cherche désespérément des créneaux, pour faire discuter un projet de loi de simplification qui traine depuis un an. La mise en abîme est éloquente.

Cela doit vraiment amener à s’interroger sur l’organisation du travail des assemblées. Il faut en finir avec une organisation complètement obsolète de répartition du temps et revoir les outils. Le but d’un parlementaire est de débattre de sujets politiques, de contrôler l’action du gouvernement et d’écrire la loi. Chaque fonction devrait se faire indépendamment de l’autre, sans instrumentalisation d’un outil, par détournement de sa fonction. Malheureusement, l’outil d’écriture de la loi est trop souvent détourné, pour faire de la politique. Il est nécessaire de trouver d’autres manières, pour que les députés puissent continuer à avoir leurs pastilles vidéos pour réseaux sociaux, sans parasiter l’écriture du droit. L’organisation de « débats » qui ne sont qu’une succession de monologues, lors des semaines de contrôle, n’a pas montré une grande efficacité, que ce soit pour le contrôle de l’action du gouvernement ou l’expression politique. L’examen de résolution (sans portée législative) est une piste plus intéressante, et devrait être davantage creusée.

Sur l’organisation du temps, il y aurait plein de choses à faire. Certains sont déjà mises en œuvre, sans le dire, comme le phagocytage des semaines de contrôle. Pas plus tard qu’en début de mois, l’essentiel d’une semaine de contrôle a été consacrée à un projet de loi (celui sur la simplification). Il faudrait aussi s’attaquer à l’organisation des prises de parole en séance, en cassant le lien mécanique entre amendement et prise de parole. Tout député qui dépose un amendement à droit à deux minutes, quelque soit l’intérêt de sa proposition. C’est véritablement pousse-au-crime sur l’inflation des amendements, et surtout, ça déstructure le débat, certains prenant la parole pour répéter ce que vient de dire son voisin, juste pour ce que soit lui qui le dise, et produire sa capsule vidéo pour les réseaux sociaux.

Il faut également assumer davantage que le travail législatif est structuré par les groupes. Si le dépôt d’amendement en commission peut rester individuel, il faudrait que seuls les groupes politiques, ou un nombre substantiel de députés (au moins 15) puissent le faire en séance, avec des prises de parole structurées, dans un ordre prévu à l’avance. La répartition du travail existe déjà, entre une commission qui écrit le texte législatif et une séance qui est le théâtre où sont mises en scène les postures politiques. Autant aller au bout de la logique, cela fera gagner du temps à tout le monde, rendra les débats politiquement plus lisibles, et on polluera moins les textes législatifs avec les scories que sont les amendements sémantiques et les demandes de rapports.

Pour l’instant, cela reste théorique, car il n’y a pas de majorité à l’Assemblée pour revoir en profondeur le fonctionnement de la machinerie législative. Mais à terme, il faudra bien y arriver.