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Bluesky vaut-il mieux que X ?

A l’approche du 20 janvier, nombre de personnes qui se pensent dans le camp du bien, annoncent avec fracas vouloir quitter X, pour se replier ailleurs, en général Bluesky ou Mastodon. Cette posture m’amuse, car si on voulait vraiment quitter X (ou s’en passer), on pouvait le faire bien avant, sans tambour ni trompette. Mais c’est vrai que prendre la posture, c’est tellement plus cool. J’ai toujours détesté les postures.

Personnellement, j’ai quitté Twitter il y a plusieurs années. Ejecté par une modération un peu erratique ayant suspendu mon compte pour une raison que je n’ai toujours pas saisi, j’ai refusé de fournir mon numéro de téléphone, et je n’ai pas pu le réactiver. Je m’en suis donc passé, et cela ne m’a pas manqué tant que cela. Je me suis inscrit sur Mastodon et Bluesky assez rapidement après leur création. Je suis largement inactif sur le premier, et un peu présent sur le deuxième, sans y être hyperactif.

Cette expérience de diète de réseaux sociaux m’a amené à relativiser grandement l’intérêt et l’utilité de ces réseaux sociaux. Passé les débuts, où c’était quasiment un club privé, de technophile parisien, c’est devenu un canal de communication, où le but n’est pas de converser et d’écouter, mais de placer sa marchandise. Aujourd’hui, X ne présente plus d’intérêt, on n’y apprend plus rien, ça n’est plus que des postures, de l’auto-promo et des militants qui balancent leurs émotions, en général négatives. Vu comment les choses évoluent sur Bluesky, ça me semble très bien parti pour être la même chose.

J’ai par exemple été assez atterré par l’utilisation des listes de blocage, où certains sont quasiment titrées « liste des cons qui ne pensent pas comme moi » et destinées à « faciliter » la purge idéologique. Des listes de proscription, où certains se demandent bien ce qu’ils ont pu dire ou écrire pour s’y retrouver. En clair, on bloque les gens qui ne pensent pas comme vous, qui ont dit un truc qui vous choque, pour ne pas avoir à les lire, et rester entre soi, dans une jolie bulle de filtre. Cela ne protègera pas pour autant des imbécilités militantes qu’on trouvait sur X, et qui vont se transporter sur Bluesky.

Si on veut discuter réellement, échanger, développer une pensée, ce n’est pas plus que Bluesky que sur X que cela pourra se faire. En fait, ça ne changera pas grand chose, sinon qu’on aura eu la satisfaction narcissique d’être dans le camp du bien en ayant quitté X et Elon Musk.

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Pathétiques négociations

La classe politique française nous offre à nouveau un spectacle lamentable, avec ce feuilleton des négociations entre Bayrou et le PS. Le gouvernement ayant besoin, au minimum d’un accord de non-censure, se doit de discuter avec le PS. Ce dernier, qui risque de porter la responsabilité de l’instabilité en cas de censure et d’absence de budget, fait également semblant de discuter.

Le niveau est pathétique. Le PS continue à s’arcbouter sur la réforme des retraites de 2023, demandant au gouvernement de la « suspendre » alors qu’elle est déjà entrée en vigueur depuis près de deux ans. Il présente ça comme une concession, puisqu’il ne demande plus l’abrogation. En gros, le PS demande juste une victoire symbolique, un scalp qu’il puisse brandir devant les militants.

Car en pratique, je vois mal comment on peut « suspendre » l’application des règles de calcul des droits à la retraite des Français. Comment, concrètement, on fait pour ne plus tenir compte, pendant quelques mois, du relèvement de l’âge de départ à 64 ans ? Je ne sais pas, et je cherche encore l’expert qui pourra me le dire.

Il y aurait pourtant une solution, qui consisterait à discuter, dès maintenant, du contenu d’une nouvelle réforme. Si le PS était capable d’arriver avec une proposition de réforme, clé en mains, les discussions prendraient une autre tournure. Partir sur le principe d’une « abrogation » d’une réforme déjà entrée en vigueur est absurde, car techniquement très compliqué à mettre en œuvre. Cela implique de revenir sur des droits acquis, à tout recalculer. Un enfer. Mieux vaut partir de l’existant, et proposer, pour l’avenir, des règles un peu différentes, qui permettent d’aboutir à un résultat politique « positif », et pas « négatif », comme c’est le cas en ce moment.

Il semble, malheureusement, que le PS soit totalement incapable de proposer quoi que ce soit. Quelle réforme veulent-ils ? Quels buts politiques ? Quelles modalités techniques proposent-ils ? Quel financement ? On n’a aucune information, et en face, le gouvernement Bayrou n’est pas capable (ou n’a pas envie) de mettre sur la table une proposition de réforme, afin d’engager la discussion sur le fond, au lieu de rester dans le symbolique. On va donc droit vers l’échec, car un accord de gouvernement ne peut pas se faire sur la base de symboles, mais d’un accord « positif » sur des réformes à engager.

On se rend compte à cette occasion, et c’est dramatique, que nos élus se fichent de plus en plus de l’effectivité de leurs propositions, et passent leur temps à manier les symboles. Le camp gouvernemental n’est pas exempt, avec par exemple cette sortie de Bruno Retailleau sur les accompagnantes de sorties scolaires qui ne devraient pas être voilées. Il est hors de son champ de compétence ministériel, sur un sujet qui ne pose aucun problème technique. Et si sa demande aboutit, elle risque de désorganiser un service public, car ces mères de famille sont indispensables pour l’organisation des sorties scolaires, en assurant bénévolement le respect du ratio d’encadrement prescrit par les lois et règlements. Les écoles n’auraient pas les moyens de payer des accompagnants, et cela se traduirait, dans bien des endroits, par la suppression pure et simples des sorties scolaires.

Je dois avouer que j’en ai plus que marre de cette classe politique, incapable de travailler sur le fond, et qui passe son temps à se précipiter sur des chiffons rouges.

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Une ancienne députée peut-elle être déontologue ?

La présidente de l’Assemblée nationale a annoncé vouloir nommer Cécile Untermaier comme déontologue de l’Assemblée nationale. Le poste étant lié à la législature, le mandat de Jean-Eric Gicquel, nommé en 2023, arrive à échéance du fait de la dissolution.

Le choix de la présidente, qui doit encore être entériné par une majorité de trois cinquième du Bureau, est assez original, mais pose question, avec du pour et du contre.`

Cécile Untermaier a été députée de Saône-et-Loire de 2012 à 2024. Inscrite au groupe PS, elle a siégé à la commission des Lois, où elle s’est montrée active, notamment sur les sujets liés à la déontologie et à la transparence de la vie publique. C’était une parlementaire tout à fait respectable, pas clivante, appréciée sur tous les bancs, et qui n’a jamais cherché à devenir une star politique ou médiatique.

Le fait qu’elle soit une ancienne parlementaire lui donne une connaissance intime des contraintes du métier, et donc une empathie que ne peuvent pas avoir les professeurs de droit qui se sont succédé au poste. Elle sait comment les choses se passent réellement, ce qui lui donne un avantage certain dans sa fonction de conseil et de pédagogie. Cela peut aussi faciliter l’acceptation par les députés, plus enclins à consulter et écouter « l’un des leurs ». Elle peut aussi, plus facilement, détecter des situations problématiques à partir de signaux faibles.

Mais le fait d’avoir été parlementaire, il n’y a pas si longtemps, peut aussi être un handicap. Elle va avoir accès à de nombreuses informations confidentielles, sur d’anciens collègues, qui peuvent ne pas apprécier cela. Même peu clivante, elle est quand même politiquement marquée. Comment les députés RN ou LFI pourraient se positionner face à une socialiste ? Le précédent déontologue s’était fait prendre à partie, pour avoir publié, il y a longtemps, des tweets sarcastiques sur Emmanuel Macron. Il y a une demande implicite de neutralité politique et partisane, qui pourrait être mise à mal.

Mais le principal problème que je vois est dans le regard du grand public. Le poste de déontologue a été créé pour donner l’apparence d’un contrôle indépendant, d’un regard extérieur qui vient briser l’entre-soi de l’autorégulation, qui était autrefois la règle. Nommer un ancien parlementaire est orthogonal avec cette ambition. On peut donc craindre que le grand public, faisant fi de sa personnalité et de sa compétence sur les questions déontologiques, n’envisage cette nomination que sous l’angle du retour du copinage, et de l’absence d’indépendance. On peut aussi s’interroger sur sa capacité à être ferme, voire à bloquer des initiatives venues de personnes avec qui elle a travaillé, siégé, et souvent, noué des liens d’estime, voire d’amitié.

Déontologue de l’assemblée nationale est un poste beaucoup plus risqué et exposé qu’on le pense, et tous ceux qui ont occupé la place ont été contents de la quitter. Entre les attaques et résistances venues des députés, le peu de pouvoirs réels (aucune capacité de sanction, c’est le Bureau qui décide de tout), le poste est usant.

Personnellement, malgré toute l’estime que j’ai pour Cécile Untermaier, je pense que sa nomination est une mauvaise idée. Il y a trop de suspicions et de populisme autour de la fonction de député, en particulier sur l’utilisation des moyens du mandat et la gestion des éventuels conflits d’intérêts. Le déontologue est là d’abord pour protéger l’institution, en incarnant un contrôle crédible, car indépendant et politiquement impartial. Même si une ancienne députée peut revendiquer d’être indépendante (elle est en retraite) cette posture n’est pas audible dans le grand public, car les apparences et les préjugés sont contre elle.

Le choix de professeur de droit, mais s’il n’est pas parfait, est encore le meilleur. Il est à la fois connaisseur de la technicité du droit parlementaire et des règles éthiques, mais aussi indépendant, du fait de son statut de professeur des universités.

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En route vers la brutalisation du débat politique

La décision de Mark Zuckerberg, d’ouvrir les vannes à la violence sur les réseaux de Meta (Facebook et Instagram) est emblématique d’un tournant inquiétant pour nos démocraties.

En décidant de virer les fact checkers, et de laisser libre cours à la violence, il risque d’abimer encore un peu plus le débat démocratique. Car il ne faut pas se leurrer, sous couvert de « liberté d’expression », la demande de l’extrême-droite est clairement qu’il n’y ait plus de règles et que tous les coups soient permis. Bref, que la violence prime dans le débat politique, ce qui est le contraire de ce qu’il faut faire dans une démocratie libérale.

On voit déjà déjà cette évolution poindre aussi en France, où le but, sur les réseaux sociaux notamment, n’est plus d’échanger, mais de cogner pour imposer son point de vue et faire taire le camp opposé. Petit à petit, c’est aussi la presse écrite et l’audiovisuel qui sont contaminés, avec des médias de plus en plus polarisés et clivants (à droite comme à gauche) qui deviennent des organes de propagande. Au train où nous allons (même La Croix est menacée) il n’y aura bientôt plus de médias fiable (au sens de politiquement non biaisé), et les réseaux sociaux seront un enfer où plus personne ne pourra s’informer correctement.

Pour l’instant, il existe encore quelques remparts, mais bien fragiles. La législation européenne impose des contraintes de lutte contre la désinformation aux grandes plateformes. Encore faut-il qu’il y ait la volonté politique (et les moyens humains) de la faire appliquer. La Presse étant encore libre, il est toujours possible de créer un nouveau média, mais encore faut-il en avoir les moyens, car le secteur est peu rentable et économiquement sinistré.

Je suis sans doute un peu pessimiste en ce moment, mais j’ai un peu l’impression que l’édifice démocratique s’effrite, s’abime, sans qu’on puisse véritablement y faire quelque chose. La seule action possible est collective, et à une large échelle. Chacun, de notre coté, on n’aboutit à rien, un peu comme ces « petits gestes » censés lutter contre le dérèglement climatique, qui servent surtout à donner bonne conscience à ceux qui veulent continuer à faire comme avant.

Où est donc ce lieu d’où peut surgir une action collective afin de préserver notre démocratie libérale, et l’empêcher de s’effilocher ?

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Bayrou, un coup pour rien ?

Après deux semaines de gouvernement Bayrou, force est de constater que le changement par rapport au gouvernement Barnier est purement cosmétique. Une large proportion des conseillers techniques sont restés en poste, Le socle parlementaire du gouvernement est resté strictement la même et la ligne politique n’a pas véritablement bougé (si tant est qu’il y en ait une).

En fait, la censure du gouvernement Michel Barnier a juste entrainé un changement de visage à Matignon, mais rien de plus. Le blocage politique est toujours là, avec trois blocs qui se regardent en chiens de faïence. Les lois budgétaires ne bougeront qu’à la marge, n’offrant quasiment aucune voie de compromis, car arrivé à la deuxième lecture, il n’est plus possible d’introduire de mesures nouvelles. On est donc dans la même situation que début décembre, mais avec une situation plus dégradée, du fait de la censure et de l’absence de budget au 1er janvier.

On sait désormais que les députés, que ce soit à gauche ou au RN, sont capables de tout, y compris de voter des motions de censure et de bloquer l’adoption du budget. Ils l’ont fait une fois, sans manifester d’états d’âmes ou de regrets, ils peuvent donc le refaire une fois de plus. Cela augmente fortement l’incertitude pour l’ensemble de ceux qui dépendent des décisions politiques. Ce n’est plus possible de parier (comme je l’ai fait) sur le sens des responsabilités et du bien commun de nos élus. Cela a de nombreuses conséquences, problématiques pour notre système démocratique. La parole d’un gouvernement ne vaut plus rien, si sa durée de vie est de quelques semaines. Aucun calendrier législatif n’est certain. Impossible, désormais, de se projeter sur des bases à peu près sures, et donc d’investir et de faire des projets. La conséquence immédiate risque d’être un désinvestissement des différents acteurs de l’action publique, dans le travail gouvernemental et législatif. A quoi bon se décarcasser ? A quoi bon prendre des risques, alors qu’on peut se contenter de gérer à la petite semaine ? On va droit vers l’immobilisme. Tant mieux pour ceux qui ont intérêt à ce que rien ne bouge, tant pis pour ceux qui ont absolument besoin que des évolutions aient lieu.

L’absence de budget voté au 1er janvier plonge le pays dans la fragilité. La loi spéciale n’est qu’un expédient pour éviter le chaos (comme le fait de ne pas pouvoir payer les fonctionnaires), mais cela ne remplace absolument pas une loi de Finances votée en bonne et due forme. La France, depuis le début de l’année, est en fonctionnement « dégradé ». Aucun projet nouveau ne peut être lancé, seules les dépenses indispensables sont possibles. Toutes les subventions qui nécessitent une décision discrétionnaire sont suspendues, et ne peuvent pas être versées avant l’adoption d’une loi de Finance. Quand on connait la dépendance de nombreux secteurs aux aides publiques (médico-social, culture…) tout va dépendre de la bonne volonté des banquiers à ouvrir (ou pas) des lignes de trésorerie. Tant qu’il n’y a pas de loi de Finance, les collectivités locales ne peuvent pas voter leur budget, faute de connaitre les montants exacts des dotations d’Etat, qui sont devenues la majeure partie de leurs ressources. Les conséquences sont nombreuses, et pour beaucoup très mal mesurables, car nous n’avons jamais connu une telle situation. Et comme nous n’imaginions pas y arriver, aucune simulation un peu sérieuse a été faite pour évaluer l’ampleur des dégâts.

Si en plus, un choc externe survient, nous sommes vraiment dans la mouise. C’est pour cela que je regarde avec une grande inquiétude toutes les galéjades d’Elon Musk. En d’autres temps, cela m’aurait fait rire, mais à partir du 20 janvier, ce type aura l’oreille du président des USA, qui est aussi barjot que lui. Leur capacité à déstabiliser le monde est absolument effrayante.

La censure n’aura donc servi à rien, sinon à aggraver la situation du pays, avec une classe politique qui ne semble toujours pas avoir compris qu’ils amènent le pays droit dans le mur.

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Un pas si mauvais gouvernement Bayrou

François Bayrou vient de donner la composition de son équipe. Vu les contraintes qui sont les siennes, il ne s’en est finalement pas si mal tiré. Mais il a échoué à élargir son assise, et se retrouve dans la même situation que Michel Barnier, dépendant du bon vouloir d’une Marine Le Pen dont on sait maintenant qu’elle n’a pas la main qui tremble quand il faut censurer.

On trouve dans ce gouvernement des poids lourds de l’actuel socle central, avec Borne, Darmanin, Vautrin, Lecornu, Dati, un modem Barrot, un Horizons, Marcangeli, et deux LR, Retailleau et Genevard. Le choix du directeur général de la caisse des dépôts, pour Bercy, est un joli coup (espérons que cela permette de rassurer les marchés financiers). C’est important, pour un gouvernement d’avoir en son sein des personnalités capables d’aller convaincre parlementaires et militants, en ayant une chance d’être écoutés. Il faut reconnaitre que ce sont aussi des professionnels de la politique et de l’exercice de fonctions ministérielles. Le temps des « amateurs » est vraiment très loin, et sur ce plan, c’est une bonne chose. Beaucoup de ministres non reconduits n’étaient ni des poids lourds, ni des flèches. Pour certains, on ne se souviendra même plus, dans quelques mois, qu’ils ont été au gouvernement.

Les changements de périmètres sont assez marginaux, et plusieurs ministres importants conservent leurs fonctions, permettant d’assurer une certaine continuité. En ces temps d’instabilité gouvernementale, c’est précieux. La IVe république a tenu comme ça, les ministres les plus importants restaient en fonction longtemps, alors que les présidents du conseil valsaient régulièrement. On voit cette même continuité dans les conseillers du Premier ministres, où plusieurs membres techniques du cabinet Barnier ont été repris. Là encore, du point de vue technique, c’est une bonne chose, même si le message politique risque d’être mal perçu.

Il y a toutefois quelques loupés. Je ne comprends toujours pas les raisons de l’arrivée de Manuel Valls, pas plus que le choix de le nommer si haut dans la hiérarchie, avec un ministère des Outre-Mers qui a de très gros défis devant lui. Loin d’attirer les bonnes grâces de la gauche, c’est au contraire un irritant majeur, un véritable chiffon rouge pour le PS. En tout cas, l’ouverture à gauche, c’est raté. C’est sans doute cela le principal souci. Bayrou n’a pas réussi à élargir le socle gouvernemental à l’Assemblée, et on peut craindre que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. Il évident que l’accord de non-censure, un temps envisagé avec le PS, est mort. Ce qui fait retomber le gouvernement sous la dépendance du RN, qui tient à nouveau les clés de la survie du gouvernement.

Ce changement de gouvernement n’a strictement rien réglé du problème rencontré par Michel Barnier. Et c’est bien le souci, car la répétition du même blocage ne peut qu’abîmer la démocratie représentative, et discréditer encore un peu plus la classe politique. Surtout si, en plus de la crise politique, s’ajoute une crise économique, et pire, une crise sociale.

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Comme un parfum d’erreur de casting

Depuis sa nomination à Matignon, Je ressens un malaise face aux actions et prises de parole de François Bayrou. Rien ne va. J’en suis à me demander si ce choix, au delà des aspects idéologiques, n’est pas juste une énorme erreur de casting.

Les prises de parole sont lunaires. Elles montrent ce qu’on savait déjà, que Bayrou a un melon énorme. Mais c’est même pire, car que ce soit en montant dans sa voiture, ou sur le perron de Matignon, il parle pour ne rien dire, dissertant sur Henri IV et parlant finalement surtout de lui. En revanche, pas la moindre once de ligne politique, mis à part qu’il veut « réconcilier les français ». C’est assez sidérant qu’un homme qui est dans le paysage politique depuis 40 ans ne soit pas capable de distiller intelligemment des messages politiques. On dirait juste un papy qui radote sur ses marottes.

Les choix symboliques et la communication médiatiques laissent également pantois. Alors que Mayotte vient d’être dévastée par un terrible cyclone, que la France est sans budget, il trouve le moyen de s’afficher à Pau, pour parler de cumul des mandats. Quel sens étrange des priorités. Il a beau dire que depuis Pau, il a assisté en visio-conférence à la réunion dédiée à Mayotte, présidée par Emmanuel Macron, cela n’imprime pas. Les images que les Français attendent, c’est Bayrou, assis aux cotés de Macron, à la table du conseil, ou alors dans l’avion qui l’amène à Mayotte. Mais pas à la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, à présider un conseil municipal. Cela donne une impression de flottement et de déconnexion absolument surprenants pour un homme de cette expérience, que l’on pensait avoir du sens politique.

Le choix du recrutement des collaborateurs proches laisse également perplexe. C’est particulièrement le cas pour son directeur de cabinet, à Matignon. Pour ce poste qui est une véritable tour de contrôle des administrations centrales, il prend quelqu’un qui a fait toute sa carrière comme directeur général des services dans de grosses collectivités. N’étant ni énarque (donc n’appartenant pas aux cercles centraux de « l’état profond ») et n’ayant jamais occupé de poste en administration centrale, on se demande ce qu’il vient faire là, et ce qu’il va arriver à contrôler. Sa nomination s’explique sans doute davantage par le fait qu’il a été, de 1995 à 1997, le chef de cabinet de François Bayrou au ministère de l’Education, puis son directeur général des services à la mairie de Pau, entre 2014 et 2018. C’est un proche, un fidèle de très longue date. C’est sans doute une grande qualité, mais ce n’est pas suffisant pour avoir une autorité face aux préfets, conseillers d’Etat et autres inspecteurs des finances qui peuplent les directions générales de ministères.

C’est là que je me rend compte que François Bayrou est depuis longtemps à la dérive. Jusqu’en 2007, il est un homme politique de centre-droit, qui a un beau destin devant lui. Il a été ministre, il est à la tête d’un parti, certes minoritaire au sein de la droite, mais qui pèse un peu. Bref, à l’issue de l’élection présidentielle de 2007, il aurait dû devenir un poids lourd du gouvernement Fillon, dans la logique habituelle des clivages droite-gauche.

Or, il prend une voie différente. Son score à la présidentielle de 2007, tout à fait honorable, semble lui avoir tourné la tête, lui faisant croire qu’un « grand destin » l’attend, au bout d’un chemin solitaire. Il s’entoure alors d’une garde rapprochée, et s’isole complètement, refusant d’entrer dans la coalition de droite, entamant une traversée du désert à la poursuite d’un mirage. Au fil du temps, ce groupe s’est replié sur lui, sans apport de sang neuf, tournant progressivement au clan, voire à la secte. L’élection d’Emmanuel Macron représente une lueur, mais le grand destin dont rêvait Bayrou sera finalement pour un autre. Celui-ci a l’intelligence de lui laisser un petit bout de lumière, et d’offrir un peu de pitance gouvernementale au Modem, en reconnaissance du coup de main donné. Il permet ainsi à ce groupe, qui aurait dû s’étioler dans l’isolement, de retrouver un peu de couleurs, sans pour autant lui permettre un plein épanouissement, du fait de la mise à l’écart de Bayrou, pour cause d’ennuis judiciaires. Le Modem s’est retrouvé dans un entre-deux, comme supplétif au sein d’une majorité sur laquelle il n’a finalement pas prise.

En 2024, de manière assez inespérée, François Bayrou arrive finalement à Matignon, à 73 ans. Son heure est enfin arrivée, le « grand destin » se réalise, même si c’est un peu en modèle réduit, et en mode précaire. Et là, c’est le drame, car on se rend compte que cet isolement a transformé le bonhomme, au point de le rendre inapte à exercer le pouvoir. Quand vous avez un ego surdimensionné, et une haute estime de vous, être entouré de courtisans et de fidèles « compagnons de route » ne fait que vous enfermer dans votre égotisme. Ce genre de choses ne s’arrangeant pas avec l’âge, cela peut donner une personne totalement imbuvable, et donc inapte à rassembler et diriger une coalition.

Maire de Pau depuis 2014, il est resté dans une sphère des élus locaux qui s’est progressivement déconnectée des administrations et lieux de pouvoir parisiens, du fait de l’interdiction du cumul des mandats. Il est sans doute aussi victime d’un syndrome que l’on retrouve chez beaucoup de politiques qui, arrivés à un certain âge, ne sont plus aptes à exercer des fonctions ministérielles après une coupure. Ils sont déphasés par rapport aux évolutions sociétales, et commettent des erreurs, comme par exemple Jean-Paul Delevoye en 2019 et Caroline Cayeux en 2022, qui ne se sont pas rendu compte qu’il ne faut surtout pas négliger les déclarations d’intérêt et de patrimoine. Michel Barnier a peut-être aussi été victime de cette forme de déconnexion, où une fois parti, on ne reconnecte jamais complètement.

Tous ces éléments m’amènent à regarder avec circonspection ce gouvernement Bayrou. Alors qu’il n’est pas encore formé, une petite musique monte déjà, sur le fait que même sans motion de censure, il pourrait ne pas tenir, du fait de faiblesses et d’erreurs du dirigeant. Un peu comme ce qui est arrivé à Liz Truss, en 2022, dont les 45 jours au 10 Downing Street n’ont été qu’un long chemin de croix. Elle a accumulé les erreurs, qui ont finit par rendre sa position intenable, alors même qu’elle disposait d’une majorité absolue à la chambre de communes.

Si jamais, du fait de l’absence de Budget, la France s’enfonce dans une crise sociale dans les premiers mois de 2025, je ne donne pas cher de ce gouvernement.

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L’impossible équation gouvernementale

A la suite de la chute du gouvernement Barnier, François Bayrou est chargé de former un gouvernement dont la stabilité ne repose pas sur la bonne volonté du RN. Mais il ne peut le faire qu’en se reposant sur la bonne volonté du PS. Pas sur que ça fonctionne.

Pour que cela réussisse, il faut que le PS (voire les écologistes) jouent le jeu. Pour le moment, ils se positionnent sur le minimum : ils restent dans l’opposition, donc pas de participation au gouvernement, avec juste un engagement de non censure du gouvernement s’il n’utilise pas l’article 49.3. Pour le reste, c’est des accords texte par texte, « avec paiement comptant, au cul du camion ».

Tout cela va donner un beau bazar, car en privant le gouvernement de la possibilité de passer en force, on le met à la merci des scrutins à l’Assemblée. On a bien vu, cet automne, dès qu’un sujet est un peu clivant, rien de cohérent ne peut sortir de l’hémicycle du Palais-Bourbon et ça se termine par un rejet. Disposer du Sénat permet de réécrire quelque chose qui tienne la route, mais reste à le faire passer à l’Assemblée, qui a le dernier mot. L’échec retentissant sur le PLFSS illustre bien l’impasse dans laquelle se trouve le gouvernement. Et la gauche le sait parfaitement.

François Bayrou va se retrouver pris dans des lignes rouges de partout, notamment sur les textes financiers, qui vont l’amener à ne pouvoir faire passer que les choses consensuelles, ou les plus petits dénominateurs communs. Sur la loi de Finances, tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut que la France continue à fonctionner, donc la loi spéciale sera votée. Mais derrière, seront-ils capables de se mettre d’accord sur une loi de finances ? J’ai de gros doutes, on pourrait rester longtemps, cette année, en mode « provisoire qui dure » avec plein de dysfonctionnements administratifs, et de dégâts dans le tissu associatif, social et économique. Ce serait absolument dramatique pour le pays.

Cette censure du gouvernement Barnier, et les prises de position qui ont suivi montrent clairement que les différents chefs de partis ne pensent qu’à leur carrière, à l’élection prochaine, dans le cadre mental et culturel qu’ils connaissent. Ils estiment toujours être dans une parenthèse institutionnelle qu’il faut refermer au plus vite en revenant aux urnes pour qu’une majorité absolue se dégage. Même si, pour cela, il faut sacrifier le présent. Le déficit et la dette laissent la classe politique largement indifférente, ce que chacun demande, ce sont des trophées qu’il puisse valoriser auprès des segments électoraux qu’il vise. Peu importe le coût, financier, mais également politique. Entre Marine Le Pen qui se veut la madone protectrice des intérêts pécuniaires des couches populaires, et LFI qui ne parle que du totem de l’abolition de la « réforme des retraites », leur absence de hauteur de vue m’affole.

Personne ne semble donc vouloir négocier réellement pour mettre en place un contrat de gouvernement, pour l’intérêt supérieur du pays. Ce n’est pas l’arrivée de François Bayrou, avec la même assise politique que Michel Barnier, qui va y changer quoi que ce soit.

La France est donc partie pour six mois (au moins) de chaos politique, où le gouvernement peut tomber à tout moment, sur un caprice du PS, ou parce que son intérêt politique est de ne pas rompre avec LFI (les municipales approchent…). Impossible de se projeter, les engagements ministériels ne valant que tant que le gouvernement est en place. Et comme on ne sait pas combien de temps il va rester, on arrête de faire des plans. En matière économique, il n’y a rien de pire que l’incertitude. Aucune loi, à part des bricoles sans intérêt et les urgences vitales, ne sera voté par le Parlement. Des réformes pourtant nécessaires attendront, ou ne seront traitées que trop tard, quand l’infection est déjà purulente, et on ne peut plus soigner.

Si aucune loi de finance n’est adoptée, le fonctionnement matériel de l’Etat se fera à la petite semaine, sur la base du budget de 2024 pour le fonctionnement courant, et à coup de lois ponctuelles pour les grosses urgences. C’est catastrophique dans un pays aussi centré sur l’appareil d’Etat que la France. Tout passe par lui, et s’il dysfonctionne, c’est le pays tout entier qui dysfonctionne.

On n’en sortira pas indemnes.

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La classe politique a failli à sa mission

Michel Barnier vient de présenter sa démission, après seulement trois mois en fonction, et un successeur doit lui être trouvé d’ici « quelques jours ». Cet évènement est la confirmation des craintes exprimées depuis le début de la XVIIe législature, sur l’effet délétère de la situation sur la démocratie et les institutions.

La classe politique porte, dans son ensemble, une lourde responsabilité. Elle ne pense qu’au « coup d’après » et à la conquête du pouvoir (pour sa pomme) et pas du tout à exercer le mandat donné par le peuple, en recherchant le dialogue et le compromis pour que le pays soit effectivement dirigé. Tous les élus sont discrédités, si tant qu’on puisse descendre plus bas dans l’estime des français.

Au sein du bloc central, la mise en place d’une véritable cohérence a mis du temps, et on n’était pas encore au moment de la dissolution. Par moment, on a vraiment eu l’impression d’être dans une cour de récréation de collège, avec des ados se livrant à un concours de quéquettes, qu’on aurait eu envie de baffer (notamment Gabriel Attal et Laurent Wauquiez). Les négociations de coalition qui, dans une démocratie parlementaire normale, se déroulent en amont, et en coulisses, se faisaient au quasi grand jour, et au fil de l’eau. Le tout avec un désinvestissement du travail de fond (au Parlement) au profit de la communication. Quand on est la coalition gouvernementale, le minimum est de s’investir dans les débats, ce qui n’ a pas été franchement le cas pour le bloc central depuis octobre.

La gauche porte également une très lourde responsabilité, la plus importante sans doute. A aucun moment, depuis le « tout le programme, rien que le programme » de Mélenchon, ce bloc n’a donné l’impression qu’il cherchait sincèrement à négocier, c’est-à-dire à passer des compromis pour le bien du pays. On a assisté à des comédies médiatiques (la palme revient au sketch Lucie Castets), un cirque là aussi indécent, où pendant longtemps, ce bloc de 200 députés (donc minoritaire) prétendait avoir gagné, et que tout refus de lui confier le pouvoir serait un déni de démocratie. Une telle attitude abime profondément la démocratie, car des militants y adhèrent de bonne foi. Pendant ce temps, pas la moindre ouverture (pas même du parti socialiste), dans les travaux parlementaires, pour arriver à des compromis, mais des hold-ups en série, par voie d’amendements, en sachant que le vote final ne pourra être qu’un rejet. La politique du pire de bout en bout !

Le RN n’a pas été en reste, avec un jeu consistant à souffler le chaud et le froid, pour finalement appuyer sur le bouton nucléaire, après avoir fait semblant de négocier. Là encore, on peut sérieusement douter qu’il y avait une volonté de Marine Le Pen de conclure de véritables compromis. Elle a juste cherché à accumuler les trophées, en ajoutant des demandes toujours plus inacceptables qui consistaient à « protéger » des catégories de la population pour développer sa clientèle électorale. En revanche, la situation des finances publiques ne semblait pas être sa priorité. Le pire est qu’on semble repartir pour un tour, avec une Marine Le Pen qui nous refait le coup du « je laisse le gouvernement travailler », juste après avoir censuré.

Bref, à aucun moment, nos élus, de quelque bord qui soit, ne se sont préoccupés de l’intérêt général, et de diriger le pays. Ils n’ont fait que faire campagne, en vue d’une échéance qui reste lointaine (l’été 2025), plongeant le pays dans l’incertitude et le marasme. Car ce cirque politique à des conséquences très réelles sur le pays.

Pour l’économie d’un pays, il n’y a rien de pire que l’incertitude, et on est en plein dedans. Si les gouvernement ne durent que trois mois, tous les engagements et promesses sont vite caduques, donc la parole gouvernementale ne vaut plus rien. Comment se projeter, dans de telles conditions ?

L’impact sur le travail parlementaire est également désastreux, car plus rien n’aboutit. Les deux mois de travail sur les textes budgétaires sont à mettre à la poubelle, pour rejouer le match en janvier et février, sans certitude que ces nouvelles discussions ne subissent pas le même sort. Tout ceux qui ont suivi les travaux parlementaire depuis octobre sont lessivés (physiquement et nerveusement) et n’ont aucune envie de remettre ça en janvier. Si les institutions organisent leur propre impuissance, il ne sera pas possible de venir pleurer, ensuite, qu’elles soient contournées, voire pire, supprimées.

J’attends des analyses plus poussées des conséquences de la non adoption des lois financières, mais je crains qu’il y ait beaucoup de désastres cachés. Quid des dispositifs fiscaux qui avaient besoin d’être prolongés, et vont tomber au 31 décembre ? Il est juridiquement plus facile de prolonger quelque chose, que de le rétablir une fois qu’il est tombé. Que ce soit pour le budget ou pour le reste, on est dans l’immobilisme, rien ne va bouger. Pour certains, ce sera une bonne affaire, pour d’autres, ça sera très problématique. Avec là encore, des conséquences en cascade qu’on va découvrir une fois qu’il sera trop tard pour les traiter.

J’en veux terriblement à la classe politique, d’avoir sacrifié le bon fonctionnement du pays à leurs ambitions personnelles. Ils ont failli à leur mission, et ne sont pas dignes de rester à leur place.

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Risque et analyse

La censure, à laquelle je ne croyais pas, a finalement eu lieu. Apparemment, Michel Barnier n’y croyait pas non plus. On n’est planté. Cela arrive, quand on est en anticipation, dans une période particulièrement incertaine. Pour autant, je n’ai aucun regret, car l’important, pour moi, est l’analyse, bien plus que la prédiction en soi.

Ma manière de construire une pensée et un raisonnement implique que je me prononce sur l’issue. C’est à partir de la fin, que je construit le cheminement qui y mène, et donc l’analyse. C’est risqué, car les éléments peuvent changer en cours de route, et une position qui était juste à un moment T, peut ne plus l’être quelques temps après.

Prendre position sur l’issue, est aussi un excellent moyen de susciter le débat (en mode troll parfois) et donc d’avoir des échanges intéressants. Ne pas se positionner peut amener à produire un filet d’eau tiède, où on enquille les banalités. Mes lecteurs habituels savent que ce n’est pas mon style.