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Bluesky vaut-il mieux que X ?

A l’approche du 20 janvier, nombre de personnes qui se pensent dans le camp du bien, annoncent avec fracas vouloir quitter X, pour se replier ailleurs, en général Bluesky ou Mastodon. Cette posture m’amuse, car si on voulait vraiment quitter X (ou s’en passer), on pouvait le faire bien avant, sans tambour ni trompette. Mais c’est vrai que prendre la posture, c’est tellement plus cool. J’ai toujours détesté les postures.

Personnellement, j’ai quitté Twitter il y a plusieurs années. Ejecté par une modération un peu erratique ayant suspendu mon compte pour une raison que je n’ai toujours pas saisi, j’ai refusé de fournir mon numéro de téléphone, et je n’ai pas pu le réactiver. Je m’en suis donc passé, et cela ne m’a pas manqué tant que cela. Je me suis inscrit sur Mastodon et Bluesky assez rapidement après leur création. Je suis largement inactif sur le premier, et un peu présent sur le deuxième, sans y être hyperactif.

Cette expérience de diète de réseaux sociaux m’a amené à relativiser grandement l’intérêt et l’utilité de ces réseaux sociaux. Passé les débuts, où c’était quasiment un club privé, de technophile parisien, c’est devenu un canal de communication, où le but n’est pas de converser et d’écouter, mais de placer sa marchandise. Aujourd’hui, X ne présente plus d’intérêt, on n’y apprend plus rien, ça n’est plus que des postures, de l’auto-promo et des militants qui balancent leurs émotions, en général négatives. Vu comment les choses évoluent sur Bluesky, ça me semble très bien parti pour être la même chose.

J’ai par exemple été assez atterré par l’utilisation des listes de blocage, où certains sont quasiment titrées « liste des cons qui ne pensent pas comme moi » et destinées à « faciliter » la purge idéologique. Des listes de proscription, où certains se demandent bien ce qu’ils ont pu dire ou écrire pour s’y retrouver. En clair, on bloque les gens qui ne pensent pas comme vous, qui ont dit un truc qui vous choque, pour ne pas avoir à les lire, et rester entre soi, dans une jolie bulle de filtre. Cela ne protègera pas pour autant des imbécilités militantes qu’on trouvait sur X, et qui vont se transporter sur Bluesky.

Si on veut discuter réellement, échanger, développer une pensée, ce n’est pas plus que Bluesky que sur X que cela pourra se faire. En fait, ça ne changera pas grand chose, sinon qu’on aura eu la satisfaction narcissique d’être dans le camp du bien en ayant quitté X et Elon Musk.

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Pathétiques négociations

La classe politique française nous offre à nouveau un spectacle lamentable, avec ce feuilleton des négociations entre Bayrou et le PS. Le gouvernement ayant besoin, au minimum d’un accord de non-censure, se doit de discuter avec le PS. Ce dernier, qui risque de porter la responsabilité de l’instabilité en cas de censure et d’absence de budget, fait également semblant de discuter.

Le niveau est pathétique. Le PS continue à s’arcbouter sur la réforme des retraites de 2023, demandant au gouvernement de la « suspendre » alors qu’elle est déjà entrée en vigueur depuis près de deux ans. Il présente ça comme une concession, puisqu’il ne demande plus l’abrogation. En gros, le PS demande juste une victoire symbolique, un scalp qu’il puisse brandir devant les militants.

Car en pratique, je vois mal comment on peut « suspendre » l’application des règles de calcul des droits à la retraite des Français. Comment, concrètement, on fait pour ne plus tenir compte, pendant quelques mois, du relèvement de l’âge de départ à 64 ans ? Je ne sais pas, et je cherche encore l’expert qui pourra me le dire.

Il y aurait pourtant une solution, qui consisterait à discuter, dès maintenant, du contenu d’une nouvelle réforme. Si le PS était capable d’arriver avec une proposition de réforme, clé en mains, les discussions prendraient une autre tournure. Partir sur le principe d’une « abrogation » d’une réforme déjà entrée en vigueur est absurde, car techniquement très compliqué à mettre en œuvre. Cela implique de revenir sur des droits acquis, à tout recalculer. Un enfer. Mieux vaut partir de l’existant, et proposer, pour l’avenir, des règles un peu différentes, qui permettent d’aboutir à un résultat politique « positif », et pas « négatif », comme c’est le cas en ce moment.

Il semble, malheureusement, que le PS soit totalement incapable de proposer quoi que ce soit. Quelle réforme veulent-ils ? Quels buts politiques ? Quelles modalités techniques proposent-ils ? Quel financement ? On n’a aucune information, et en face, le gouvernement Bayrou n’est pas capable (ou n’a pas envie) de mettre sur la table une proposition de réforme, afin d’engager la discussion sur le fond, au lieu de rester dans le symbolique. On va donc droit vers l’échec, car un accord de gouvernement ne peut pas se faire sur la base de symboles, mais d’un accord « positif » sur des réformes à engager.

On se rend compte à cette occasion, et c’est dramatique, que nos élus se fichent de plus en plus de l’effectivité de leurs propositions, et passent leur temps à manier les symboles. Le camp gouvernemental n’est pas exempt, avec par exemple cette sortie de Bruno Retailleau sur les accompagnantes de sorties scolaires qui ne devraient pas être voilées. Il est hors de son champ de compétence ministériel, sur un sujet qui ne pose aucun problème technique. Et si sa demande aboutit, elle risque de désorganiser un service public, car ces mères de famille sont indispensables pour l’organisation des sorties scolaires, en assurant bénévolement le respect du ratio d’encadrement prescrit par les lois et règlements. Les écoles n’auraient pas les moyens de payer des accompagnants, et cela se traduirait, dans bien des endroits, par la suppression pure et simples des sorties scolaires.

Je dois avouer que j’en ai plus que marre de cette classe politique, incapable de travailler sur le fond, et qui passe son temps à se précipiter sur des chiffons rouges.

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Une ancienne députée peut-elle être déontologue ?

La présidente de l’Assemblée nationale a annoncé vouloir nommer Cécile Untermaier comme déontologue de l’Assemblée nationale. Le poste étant lié à la législature, le mandat de Jean-Eric Gicquel, nommé en 2023, arrive à échéance du fait de la dissolution.

Le choix de la présidente, qui doit encore être entériné par une majorité de trois cinquième du Bureau, est assez original, mais pose question, avec du pour et du contre.`

Cécile Untermaier a été députée de Saône-et-Loire de 2012 à 2024. Inscrite au groupe PS, elle a siégé à la commission des Lois, où elle s’est montrée active, notamment sur les sujets liés à la déontologie et à la transparence de la vie publique. C’était une parlementaire tout à fait respectable, pas clivante, appréciée sur tous les bancs, et qui n’a jamais cherché à devenir une star politique ou médiatique.

Le fait qu’elle soit une ancienne parlementaire lui donne une connaissance intime des contraintes du métier, et donc une empathie que ne peuvent pas avoir les professeurs de droit qui se sont succédé au poste. Elle sait comment les choses se passent réellement, ce qui lui donne un avantage certain dans sa fonction de conseil et de pédagogie. Cela peut aussi faciliter l’acceptation par les députés, plus enclins à consulter et écouter « l’un des leurs ». Elle peut aussi, plus facilement, détecter des situations problématiques à partir de signaux faibles.

Mais le fait d’avoir été parlementaire, il n’y a pas si longtemps, peut aussi être un handicap. Elle va avoir accès à de nombreuses informations confidentielles, sur d’anciens collègues, qui peuvent ne pas apprécier cela. Même peu clivante, elle est quand même politiquement marquée. Comment les députés RN ou LFI pourraient se positionner face à une socialiste ? Le précédent déontologue s’était fait prendre à partie, pour avoir publié, il y a longtemps, des tweets sarcastiques sur Emmanuel Macron. Il y a une demande implicite de neutralité politique et partisane, qui pourrait être mise à mal.

Mais le principal problème que je vois est dans le regard du grand public. Le poste de déontologue a été créé pour donner l’apparence d’un contrôle indépendant, d’un regard extérieur qui vient briser l’entre-soi de l’autorégulation, qui était autrefois la règle. Nommer un ancien parlementaire est orthogonal avec cette ambition. On peut donc craindre que le grand public, faisant fi de sa personnalité et de sa compétence sur les questions déontologiques, n’envisage cette nomination que sous l’angle du retour du copinage, et de l’absence d’indépendance. On peut aussi s’interroger sur sa capacité à être ferme, voire à bloquer des initiatives venues de personnes avec qui elle a travaillé, siégé, et souvent, noué des liens d’estime, voire d’amitié.

Déontologue de l’assemblée nationale est un poste beaucoup plus risqué et exposé qu’on le pense, et tous ceux qui ont occupé la place ont été contents de la quitter. Entre les attaques et résistances venues des députés, le peu de pouvoirs réels (aucune capacité de sanction, c’est le Bureau qui décide de tout), le poste est usant.

Personnellement, malgré toute l’estime que j’ai pour Cécile Untermaier, je pense que sa nomination est une mauvaise idée. Il y a trop de suspicions et de populisme autour de la fonction de député, en particulier sur l’utilisation des moyens du mandat et la gestion des éventuels conflits d’intérêts. Le déontologue est là d’abord pour protéger l’institution, en incarnant un contrôle crédible, car indépendant et politiquement impartial. Même si une ancienne députée peut revendiquer d’être indépendante (elle est en retraite) cette posture n’est pas audible dans le grand public, car les apparences et les préjugés sont contre elle.

Le choix de professeur de droit, mais s’il n’est pas parfait, est encore le meilleur. Il est à la fois connaisseur de la technicité du droit parlementaire et des règles éthiques, mais aussi indépendant, du fait de son statut de professeur des universités.

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En route vers la brutalisation du débat politique

La décision de Mark Zuckerberg, d’ouvrir les vannes à la violence sur les réseaux de Meta (Facebook et Instagram) est emblématique d’un tournant inquiétant pour nos démocraties.

En décidant de virer les fact checkers, et de laisser libre cours à la violence, il risque d’abimer encore un peu plus le débat démocratique. Car il ne faut pas se leurrer, sous couvert de « liberté d’expression », la demande de l’extrême-droite est clairement qu’il n’y ait plus de règles et que tous les coups soient permis. Bref, que la violence prime dans le débat politique, ce qui est le contraire de ce qu’il faut faire dans une démocratie libérale.

On voit déjà déjà cette évolution poindre aussi en France, où le but, sur les réseaux sociaux notamment, n’est plus d’échanger, mais de cogner pour imposer son point de vue et faire taire le camp opposé. Petit à petit, c’est aussi la presse écrite et l’audiovisuel qui sont contaminés, avec des médias de plus en plus polarisés et clivants (à droite comme à gauche) qui deviennent des organes de propagande. Au train où nous allons (même La Croix est menacée) il n’y aura bientôt plus de médias fiable (au sens de politiquement non biaisé), et les réseaux sociaux seront un enfer où plus personne ne pourra s’informer correctement.

Pour l’instant, il existe encore quelques remparts, mais bien fragiles. La législation européenne impose des contraintes de lutte contre la désinformation aux grandes plateformes. Encore faut-il qu’il y ait la volonté politique (et les moyens humains) de la faire appliquer. La Presse étant encore libre, il est toujours possible de créer un nouveau média, mais encore faut-il en avoir les moyens, car le secteur est peu rentable et économiquement sinistré.

Je suis sans doute un peu pessimiste en ce moment, mais j’ai un peu l’impression que l’édifice démocratique s’effrite, s’abime, sans qu’on puisse véritablement y faire quelque chose. La seule action possible est collective, et à une large échelle. Chacun, de notre coté, on n’aboutit à rien, un peu comme ces « petits gestes » censés lutter contre le dérèglement climatique, qui servent surtout à donner bonne conscience à ceux qui veulent continuer à faire comme avant.

Où est donc ce lieu d’où peut surgir une action collective afin de préserver notre démocratie libérale, et l’empêcher de s’effilocher ?

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Bayrou, un coup pour rien ?

Après deux semaines de gouvernement Bayrou, force est de constater que le changement par rapport au gouvernement Barnier est purement cosmétique. Une large proportion des conseillers techniques sont restés en poste, Le socle parlementaire du gouvernement est resté strictement la même et la ligne politique n’a pas véritablement bougé (si tant est qu’il y en ait une).

En fait, la censure du gouvernement Michel Barnier a juste entrainé un changement de visage à Matignon, mais rien de plus. Le blocage politique est toujours là, avec trois blocs qui se regardent en chiens de faïence. Les lois budgétaires ne bougeront qu’à la marge, n’offrant quasiment aucune voie de compromis, car arrivé à la deuxième lecture, il n’est plus possible d’introduire de mesures nouvelles. On est donc dans la même situation que début décembre, mais avec une situation plus dégradée, du fait de la censure et de l’absence de budget au 1er janvier.

On sait désormais que les députés, que ce soit à gauche ou au RN, sont capables de tout, y compris de voter des motions de censure et de bloquer l’adoption du budget. Ils l’ont fait une fois, sans manifester d’états d’âmes ou de regrets, ils peuvent donc le refaire une fois de plus. Cela augmente fortement l’incertitude pour l’ensemble de ceux qui dépendent des décisions politiques. Ce n’est plus possible de parier (comme je l’ai fait) sur le sens des responsabilités et du bien commun de nos élus. Cela a de nombreuses conséquences, problématiques pour notre système démocratique. La parole d’un gouvernement ne vaut plus rien, si sa durée de vie est de quelques semaines. Aucun calendrier législatif n’est certain. Impossible, désormais, de se projeter sur des bases à peu près sures, et donc d’investir et de faire des projets. La conséquence immédiate risque d’être un désinvestissement des différents acteurs de l’action publique, dans le travail gouvernemental et législatif. A quoi bon se décarcasser ? A quoi bon prendre des risques, alors qu’on peut se contenter de gérer à la petite semaine ? On va droit vers l’immobilisme. Tant mieux pour ceux qui ont intérêt à ce que rien ne bouge, tant pis pour ceux qui ont absolument besoin que des évolutions aient lieu.

L’absence de budget voté au 1er janvier plonge le pays dans la fragilité. La loi spéciale n’est qu’un expédient pour éviter le chaos (comme le fait de ne pas pouvoir payer les fonctionnaires), mais cela ne remplace absolument pas une loi de Finances votée en bonne et due forme. La France, depuis le début de l’année, est en fonctionnement « dégradé ». Aucun projet nouveau ne peut être lancé, seules les dépenses indispensables sont possibles. Toutes les subventions qui nécessitent une décision discrétionnaire sont suspendues, et ne peuvent pas être versées avant l’adoption d’une loi de Finance. Quand on connait la dépendance de nombreux secteurs aux aides publiques (médico-social, culture…) tout va dépendre de la bonne volonté des banquiers à ouvrir (ou pas) des lignes de trésorerie. Tant qu’il n’y a pas de loi de Finance, les collectivités locales ne peuvent pas voter leur budget, faute de connaitre les montants exacts des dotations d’Etat, qui sont devenues la majeure partie de leurs ressources. Les conséquences sont nombreuses, et pour beaucoup très mal mesurables, car nous n’avons jamais connu une telle situation. Et comme nous n’imaginions pas y arriver, aucune simulation un peu sérieuse a été faite pour évaluer l’ampleur des dégâts.

Si en plus, un choc externe survient, nous sommes vraiment dans la mouise. C’est pour cela que je regarde avec une grande inquiétude toutes les galéjades d’Elon Musk. En d’autres temps, cela m’aurait fait rire, mais à partir du 20 janvier, ce type aura l’oreille du président des USA, qui est aussi barjot que lui. Leur capacité à déstabiliser le monde est absolument effrayante.

La censure n’aura donc servi à rien, sinon à aggraver la situation du pays, avec une classe politique qui ne semble toujours pas avoir compris qu’ils amènent le pays droit dans le mur.