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En route vers la brutalisation du débat politique

La décision de Mark Zuckerberg, d’ouvrir les vannes à la violence sur les réseaux de Meta (Facebook et Instagram) est emblématique d’un tournant inquiétant pour nos démocraties.

En décidant de virer les fact checkers, et de laisser libre cours à la violence, il risque d’abimer encore un peu plus le débat démocratique. Car il ne faut pas se leurrer, sous couvert de « liberté d’expression », la demande de l’extrême-droite est clairement qu’il n’y ait plus de règles et que tous les coups soient permis. Bref, que la violence prime dans le débat politique, ce qui est le contraire de ce qu’il faut faire dans une démocratie libérale.

On voit déjà déjà cette évolution poindre aussi en France, où le but, sur les réseaux sociaux notamment, n’est plus d’échanger, mais de cogner pour imposer son point de vue et faire taire le camp opposé. Petit à petit, c’est aussi la presse écrite et l’audiovisuel qui sont contaminés, avec des médias de plus en plus polarisés et clivants (à droite comme à gauche) qui deviennent des organes de propagande. Au train où nous allons (même La Croix est menacée) il n’y aura bientôt plus de médias fiable (au sens de politiquement non biaisé), et les réseaux sociaux seront un enfer où plus personne ne pourra s’informer correctement.

Pour l’instant, il existe encore quelques remparts, mais bien fragiles. La législation européenne impose des contraintes de lutte contre la désinformation aux grandes plateformes. Encore faut-il qu’il y ait la volonté politique (et les moyens humains) de la faire appliquer. La Presse étant encore libre, il est toujours possible de créer un nouveau média, mais encore faut-il en avoir les moyens, car le secteur est peu rentable et économiquement sinistré.

Je suis sans doute un peu pessimiste en ce moment, mais j’ai un peu l’impression que l’édifice démocratique s’effrite, s’abime, sans qu’on puisse véritablement y faire quelque chose. La seule action possible est collective, et à une large échelle. Chacun, de notre coté, on n’aboutit à rien, un peu comme ces « petits gestes » censés lutter contre le dérèglement climatique, qui servent surtout à donner bonne conscience à ceux qui veulent continuer à faire comme avant.

Où est donc ce lieu d’où peut surgir une action collective afin de préserver notre démocratie libérale, et l’empêcher de s’effilocher ?

6 réponses sur « En route vers la brutalisation du débat politique »

Sans revenir sur les causes (difficile de ne pas être d’accord et inquiet), le début de la décomposition de la démocratie pourrait bien être déjà très engagé. Un graphique vu récemment sur LinkedIn (relayant un article du Financial Times malheureusement derrière un paywall) suggère qu’une majorité des « plus jeunes » générations (quadra et moins) ne seraient plus convaincus par les régimes democratiques… la sagesse de Sir Winston (le pire des régimes à l’exception de tous les autres) est oubliée !

https://www.linkedin.com/posts/jeanboissinot_the-age-of-disgruntlement-and-mistrust-another-activity-7279498821598867456-AJ0C

Bonjour. Personnellement je serais un peu moins global. Parce que je ne suis pas sûr que le résultat soit le même suivant si la question est posée par rapport à l’échelon local (commune) ou national. Maintenant la notion de « régime démocratique » s’entendant habituellement au niveau national, je dirais « Est-ce si étonnant? ».

Intéressons-nous tout d’abord à « l’offre actuelle » au niveau national, suivant une classification qui m’est très personnelle. Nous avons le choix entre:
1- les « rigolos » (yogis, les 200 groupuscules écolos et frexiteurs dont nous n’entendons parler que lors des élections, ceux qui ne sont là que pour une cause très spécifiques et ne possèdent donc aucun programme social ou économique, …),
2- les « sectaires » (LFI, LO, …),
3- Les « ont déjà gouverné »,
4- le RN.

Tout ceux qui rentrent dans la catégorie 3 (PS, EPR, Modem, LR), n’ont pas montré de vraie divergence de programme réel. Pour rappel, Macron disait, pour son 1ier mandat qu’il allait faire de la politique autrement. Que celui qui a vu la différence lève le doigt.

Ce qui signifie que l’offre politique actuelle « ne donne pas envie ». Or créer une option alternative est très compliquée et difficile ne peut s’envisager que sur une échelle de temps se comptant en dizaines d’années (c’est ce qu’il a fallu au RN pour percer, par exemple). La seule exception fût Renaissance. Mais en fait il s’est simplement contenté d’agréger des PS tendance libérale, avec de LR plus libéraux que extrême-droitiers. Et donc il a pris des politiciens du sérail existant. On ne peut donc pas parler de nouvelle offre.

Maintenant, intéressons-nous à la vitrine médiatique de la politique française (or période actuelle). Les médias ne parlent politique (et lois) que dans deux cas:
1- Les lois « faisant l’unanimité », telles que l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Ces cas sont extrêmement rares,
2- les lois « conflictuelles ». Or sur ces lois, ce qui est montré c’est bien souvent beaucoup de gesticulations de politique politicienne (comme déposer une motion de censure en sachant parfaitement qu’elle n’a aucune chance, ou déposer 5000 amendements par article).

Par contre l’immense majorité des lois qui sont amendées et votées sans drama, et donc montrant un fonctionnement normal de la Démocratie ne passent presque jamais « aux JTs de 20h ».

Les JTs montrent aussi les « situations dysfonctionnelles de la Démocratie ». Je mettrai, comme exemples récents, dans cette catégorie: les Gilets Jaunes, les manifs contre la loi retraite, les manifs des agriculteurs. Dans le cas de la loi retraite, la contestation est passée par les « corps intermédiaires ». Quel a été le résultat? Aucun. Dans les deux autres cas, il y a quand même eu pas mal de violence. Et là, il y a eu (ou il aurait dû y avoir, pour les agriculteurs), des résultats. Conclusion? Si tu es nombreux et que tu casses tu seras plus entendu que si tu es nombreux et que tu respectes les principes démocratiques.

Cela donne-t-il envie de croire en la Démocratie?

A cela s’ajoute les aspects internationaux. Qui sont « les pays qui comptent » sur la scène internationale:
1- Les USA qui n’appliquent aucune règle de Démocratie ni de Droit sur le plan international, mais uniquement la loi du plus fort,
2- La Russie et la Chine, qui sont des dictatures.
Et en plus l’institution internationale par excellence, j’ai nommé l’ONU, a zéro processus décisionnel démocratique, principalement du fait des droits de vétos. Ce qui la rend totalement incapable de résoudre autre chose que des « petits accrochages locaux ».

Là encore est-ce que cela donne envie de croire en la Démocratie?

La plus grosse menace pour le fonctionnement démocratique du pays à long terme est en effet ce démantèlement des corps intermédiaires, que Macron méprise cordialement, mais que ses 2 prédécesseurs n’avaient guère mieux traités.
Des contestations non organisées parce qu’on a tout fait pour faire comprendre que les syndicats ne servaient à rien, ce sont des manifestations non encadrées, imprévisibles, et beaucoup plus violentes.
On a trop oublié que la manifestation, c’est la vitrine pacifique de l’émeute. Si le pacifisme ne donne rien (et est-ce qu’un gouvernement a cédé à autre chose que des actions violentes depuis 2006 et le CPE ?), il ne restera que l’émeute.
Le ministère de l’intérieur peut bien commander des grenades par millions, ça finira par ne plus suffire.

A mes yeux, la démocratie est morte depuis longtemps en France : le régime est en fait une oligarchie technocratique où les élus 1/ doivent faire partie de la « caste » pour être sélectionnés 2/ n’ont qu’un pouvoir limité au symbolique sur la haute administration.

Quand au « débat politique » encore faudrait-il qu’il ait une réelle capacité à infléchir le cours de la politique décidée par la haute administration… sans cela aucun intérêt de s’impliquer dans ce processus stérile.

Je pense que vous attendez trop de la politique. Pour ce qui est de l’oligarchie technocratique, c’est en partie vrai, mais le pouvoir des politique n’est pas que symbolique. On le voit, d’ailleurs en ce moment. Ils sont aux abonnés absents, et le pays est administrativement à l’arrêt. La fameuse technocratie, qui a un vrai pouvoir, ne peut pas fonctionner en autonomie. Elle besoin d’impulsion politique en amont, et de validations en aval.

La liberté en ligne n’a pas produit que de la violence.
L’époque où les blogs et les choix personnels des lecteurs avaient plus d’influence que les algorithmes était elle plus violente que la nôtre politiquement ? Il est possible au contraire que la violence de la censure révélée par les Twitter files, Google files ou les déclarations récentes de Mark Zuckerberg ait au contraire augmenté la conflictualité

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