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Imaginons un instant que Barnier soit renversé

Même si je pense les dirigeants politiques français suffisamment lucides pour éviter de plonger le pays dans la crise, en renversant Michel Barnier, je vais essayer d’imaginer ce qui pourrait se passer, au cas où ils le font. Après tout, la bêtise et l’irresponsabilité sont de plus en plus répandues (les américains ont réélu Trump), tout devient plausible.

Les institutions vont continuer à fonctionner dans un premier temps. En cas d’adoption d’une motion de censure, la semaine prochaine, sur le PLFSS, Michel Barnier est tenu de démissionner. Emmanuel Macron revient ainsi dans le jeu, puisque c’est à lui de nommer un premier ministre. Pendant un temps indéterminé, Michel Barnier peut rester en fonction, à expédier les affaires courantes. Il apparait difficile pour le président de le renommer immédiatement, ce qui serait contraire à l’esprit de la Constitution. Après sans doute moultes consultations, Macron constatera qu’aucune coalition plus solide que celle qui soutient Michel Barnier, ne peut être trouvée.

L’élargissement du bloc central vers la droite semble très compliqué, car gagner sur la droite (en incluant plus ou moins le RN), c’est perdre sur la gauche, le Modem et une grande partie de Renaissance ne suivraient pas. L’autre perspective, l’élargissement à gauche avec l’entrée du PS dans la coalition semble la meilleure solution. Mais malgré les tentations du PS de s’émanciper, le NFP restera soudé, car les municipales arrivent (avec des accords de coalition) et l’électorat de gauche ne semble pas psychologiquement prêt à voir se briser l’objet totémique « union de la gauche ». De toute manière, cette nouvelle majorité serait encore un peu plus ingérable qu’actuellement. Ce ne serait qu’un rafistolage, pour que le service minimum soit assuré, en attendant de pouvoir revenir aux urnes, à l’automne 2025. Pas de grande réforme à attendre, mais au moins, on aura un gouvernement en mesure de prendre des décisions en cas de crise externe qui nous tombe dessus.

La deuxième option est celle du gouvernement technique, composé de hauts fonctionnaires, dont le but est clairement, et exclusivement, de tenir la maison propre, en attendant des élections législatives, dont la date (à l’automne) est annoncée rapidement, afin que les choses soient sans équivoques. Ce serait moins bien qu’un gouvernement politique, car la marge de manœuvre serait quasi inexistante, à moins d’une forme de coup de force politique. Le cœur du pouvoir, sous la Ve république, c’est l’exécutif, et un gouvernement de hauts fonctionnaires qui fait ce qu’il veut, débarrassé pendant 8 mois du contrôle politique du Parlement, c’est problématique. Ce serait une forme de démission des politiques, qui pourrait faire de très gros dégâts dans la population. Les gens pourraient par exemple se rendre compte que, finalement, c’est plus efficace comme cela, et qu’après tout, un régime autoritaire, ça a de bons cotés. Des inhibitions peuvent sauter, et le terrain se préparer pour le pire.

Tout cela pourrait finalement bien se passer dans un pays qui dégage des excédents budgétaires, qui vit au quotidien la fraternité, dans un continent en paix. Sauf que la France, en ce moment, c’est loin d’être ça. Nos déficits publics explosent, et un gouvernement faible et impuissant, c’est l’assurance que ça va encore plus déraper. Les agences de notation financières risquent de nous le signaler très vite, pour un coût qui est loin d’être négligeable. Nos partenaires européens, avec qui nous partageons une monnaie commune, ne vont pas apprécier non plus, surtout quand le souvenir du naufrage grec n’est pas si loin. Notre pays est très loin d’être apaisé, et bien au contraire, il est sujet à de très fortes tensions, qu’un épisode de quasi vacance du pouvoir peut faire tomber dans des spirales très dangereuses. Enfin, la guerre entre la Russie et l’Ukraine pourrait prendre un tournant décisif, si en janvier, Donald Trump coupe les vivres à l’Ukraine.

Je crains que nos institutions ne soient pas assez solides pour faire face au vide du pouvoir en France. La tentation peut être forte de chercher à passer par dessus la Constitution, en provoquant par exemple des législatives anticipées. On peut aussi imaginer que le gouvernement, pour assurer « la continuité de l’Etat » (qui est le totem d’immunité devant les juridictions et le conseil constitutionnel), ne prenne des mesures qui ne soient pas tout à fait dans les clous des textes en vigueur. Il va bien falloir trouver une solution pour doter la France d’un budget. Le bricolage peut aller quelques temps, mais pas plusieurs mois. Notre administration, et plus globalement notre économie, ne sont pas psychologiquement prêt à la navigation à vue, hors des sentiers battus. Comme le dit le proverbe, une fois que les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites.

La solution de facilité consistant à sortir « provisoirement » de l’Etat de droit, même si c’est sur un champ réduit, pour un temps limité, peut être profondément délétère pour notre pays, et pour l’Etat de droit lui-même. On peut s’y retrouver entrainés, sans même s’en rendre compte, du fait des nécessités, de la pression interne et externe, tout simplement parce que c’est la moins mauvaise solution à un instant X.

Je ne sais pas si la classe politique et les citoyens sont conscients de la pente glissante dans laquelle nous sommes engagés. D’autant plus que les extrêmes, LFI comme RN, seront les premiers à bénéficier d’une sortie piste de nos institutions. Ils n’attendent même que ça, et il se pourrait que Marine Le Pen soit, d’un coup, beaucoup plus pressée. Cela lui permettrait de faire comme Trump, arriver au pouvoir avant d’être rattrapée par les juges.

9 réponses sur « Imaginons un instant que Barnier soit renversé »

Je ne sais pas pourquoi le gouvernement fonce bille en tête sur le 49-3 alors qu’il lui suffit de faire de l’obstruction afin de dépasser le délai de 70 jours afin d’exécuter son budget par ordonnances en utilisant l’article 47 de la constitution.

Les ordonnances, c’est le roue de secours, en attendant de régulariser tout ça quelques semaines plus tard. Politiquement, il faut un moment que le Parlement vote le budget, sinon, il y a un gros problème démocratique.

Ne peut-on pas dire qu’effectivement le bloc actuel est celui qui est le plus pertinent pour gouverner mais qu’ils ont agit avec un compromis insuffisamment large et qu’il faut relancer ce budget pour trouver une majorité plus solide sur ce texte ?

L’idée que le gouvernement en place puisse faire passer ce qu’il veut sans chercher de compromis ni censure possible « parce que ce serait trop grave » n’est pas forcément beaucoup plus satisfaisante cote démocratique que celle d’un gouvernement non politique.

Les débats ont eu lieu à l’Assemblée nationale, et ont montré que le bloc de gauche n’était pas du tout dans une posture de recherche de compromis, mais n’a fait que réécrire le texte à sa sauce, en mode « irresponsable ». Des compromis, il y en a, en ce moment au Sénat, parce que pour passer des compromis, il faut que les deux parties veuillent avancer dans une même direction.

Je ne suis pas là pour donner des points, et les compromis auraient aussi pu être faits avec le RN, mais de ce que j’en ai vu il y a eu une stratégie assumée dès le départ de jouer le temps. Le centre qui fait partie du gouvernement est celui qui de mémoire a apporté la majorité des amendements avec plusieurs milliers, et qui a principalement joué les absents ensuite (si la gauche peut réécrire alors qu’elle est minoritaire, c’est bien pour ça). Je ne vais pas dire que la gauche était forcément constructive mais elle a fait avec le jeu qu’on lui a donné et un centre qui justement n’avait aucune envie d’arriver à quoi que ce soit. Pourquoi pas, mais c’est bien pour ça que ça me gène d’arriver ensuite avec « s’il y a censure c’est irresponsable ».

Bonjour, je ne crois pas que « l’électorat de gauche » soit viscéralement attaché au NFP. En tous cas, personnellement, je ne le suis pas. Parce contre aujourd’hui, c’est la seule option offerte pour tenter d’agir sur le plan politique, et d’orienter autant que faire ce peut, vers une politique moins délétère pour les populations les plus fragiles, et pour « faire société ».

Ce qui bloque pour une « extension à gauche » du « socle commun » c’est ce qui se passe actuellement avec le gouvernement Barnier. Déjà, la composition de son gouvernement le rend bien plus compatible avec le RN qu’avec le PS ou les écolos. Même si au final cela traduit surtout la dérive extrême-droitière de LR. Ensuite un budget basé sur le principe « taxes exceptionnelles et temporaires pour les riches, et permanentes pour le reste de la population » était trop compliqué à valider pour le PS ou pour les écolos. De ces faits, les « libéro-gauchistes » ont politiquement bien plus intérêt à rester dans le NFP qu’à rejoindre une alliance « libéro-fasciste ».

Sauf que Macron et Barnier ont été lamentables. Ils auraient dû prendre beaucoup plus de ministres à tendance « sociale » (il y en a au sein du Modem ou de Renaissance), accepter de rétablir l’ISF (pour donner l’impression d’une charge partagée), et de faire grandement évoluer la réforme des retraites. Là, après une « période de décence » ils auraient pu voir le ralliement d’une partie des députés « de gauche ».

Les divers commentaires sous cet article et les précédents, de la part de gens plutôt intéressés puisqu’ils sont là, et plutôt éduqués visiblement, ne font que conforter votre analyse. La situation est très complexe et nouvelle, et peu ont le recul nécessaire pour bien voir ce qu’il se passe. Macron a bon dos, mais ce sont bien les Français qui ont élu cette Assemblée et nous n’assumons collectivement pas la conséquence de ce résultat. Ce n’est pas rassurant du tout.

Bonjour, je partage votre constat de blocage et je tiens compte du fait qu’aucun parti ni coalition n’est à même de rétablir l’équilibre des finances publiques. J’anticipe donc une rencontre de contraintes externes via une crise de la dette à la française, où il ne restera plus que les prêts du FMI pour payer les sacro-saintes retraites à la fin du mois. Le FMI posera ses exigences et le nouveau gouvernement, qui, plutôt que de saupoudrer des mesures impopulaires sur tout le monde, devrait viser un groupe particulier en les désignant comme des boucs émissaires. Les fonctionnaires, qui sont ceux votant le moins EM et RN, me semblent une excellente cible. J’anticipe donc une baisse d’environ 10% de leur rémunération. Bien évidemment il faudra des exceptions en fonction des rapports de force politiques ; les militaires et les policiers, qui sont les derniers remparts du régime (ou du système, selon votre approche) devraient être épargnés. Il n’est pas à exclure qu’au milieu de tout ça nous sortions de l’euro dans un bordel généralisé, et que le pays s’enfonce durablement dans un profond marasme. Bises.

Parce que vous croyez que 10% de salaire en moins pour les fonctionnaires sera suffisant ? Sachant que leur points d’indice est plus ou moins gelée depuis 15 ans… Le smig croit plus vite que leurs salaires et la perte de pouvoir d’achats du à l’inflation équivaut déjà à une baisse de salaire de plus de 10%… Cela n’empêche pas la dette de l’état de croitre !

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