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La faute démagogique sur le RSA

Dans son programme électoral, Emmanuel Macron a inclus une mesure imposant « 15 à 20 heures d’activité par mois », pour les allocataires du RSA. Cette promesse, destinée à racoler (au sens premier du terme) les électeurs de la droiteLR, est une erreur profonde d’Emmanuel Macron, tant elle heurte l’électorat modéré.

Un vieil adage politique dit qu’à force d’essayer de gagner l’électoral de ses concurrents, on risque de perdre le sien, sans pour autant gagner celui qu’on vise. Nous pourrions avoir là un beau cas d’école.

Le premier point qui me fâche, dans cette mesure, est la dimension symbolique. Le RSA est une allocation sociale, une aide de la société aux plus fragiles, pas une forme d’emploi déguisée, et encore moins une forme de travail forcé. La société se doit de penser aux plus faibles, de les soutenir, pour leur permettre de continuer à rester dignes et pleinement insérés, comme membres à part entière. Le fait d’imposer des comportements ou des actions pour ne pas se voir retirer un minimum vital est une forme d’atteinte à leur dignité, une sorte de mise sous tutelle qui n’est pas acceptable, car les personnes concernées ne sont pas en mesure de refuser la proposition en renonçant à l’aide.

Nous sommes devant l’expression même de la vision « dame patronesse » de la droite sur l’aide sociale, qui aide les pauvres, mais uniquement les « bons pauvres », ceux dont les comportements sont conformes aux attentes dictées par les classes dirigeantes. Ici, le « bon pauvre » est celui qui travaille, qui n’est pas oisif. En quoi cette « valeur » devrait être mise en avant et imposée ? En quoi, d’ailleurs, un système de valeur devrait être imposé à une catégorie de la population, sous la menace de leur faire perdre leur subsistance ? C’est une logique qui apparait dangereuse, car ouvrant la porte à des dérives dont les effets n’ont pas été mesurés, tant sur le plan des principes que des effets pratiques. En tout cas, c’est une voie que je refuse d’emprunter, car attentatoire à la liberté, à l’égalité et à la fraternité.

Le deuxième point qui me fâche est le caractère irréaliste, en pratique, de cette mesure. Il y a environ 2 millions de foyers bénéficiaires du RSA. 15 à 20 heures par semaine, c’est un mi temps. Qui va donc pouvoir fournir les activités ? Pour leur faire faire quoi ? Et avec quel accompagnement, car certains bénéficiaires du RSA sont des personnes en décrochage social, voire pire, qui ne sont pas en mesure, tout simplement, de travailler. Comment demander une telle chose à tous les abimés de la vie, et pire, à ceux qui les accompagnements, et vont devoir se transformer en contremaitres. Car il ne faut pas se leurrer, ce sont les services chargés de gérer la prestation, et d’assurer l’accompagnement social, qui vont se voir chargés de cette tâche. Au risque d’une dissonance cognitive dévastatrice, devant cette injonction contradictoire…

10 réponses sur « La faute démagogique sur le RSA »

Est-ce 15/20h par mois ou par semaine ? Mais dans les deux cas c’est honteux. Cette conception de devoirs avant des droits est abjecte.
Jean Quatremer a écrit un très bon fil sur le programme de Macron (https://twitter.com/quatremer/status/1505547980480389124) qui montre bien cette intrusion de l’État partout.
Macron a quelques bons côtés, mais pose de très nombreux problèmes.

J’ai regardé les commentaires, et je peux déjà annoncer un beau facepalm !!!
Je cite Jean Quatremer : « Sur les embauches de soignants, c’est là-aussi du n’importe quoi: la pandémie a révélé l’état dégradé du système de santé, mais cela passe par une remise à plat de sa suradministration ou une réorganisation du travail à l’hôpital, mais pas forcément par des embauches »
Ce type n’a jamais manifestement foutu les pieds à l’hopital, ce qui jette un sacré discrédit sur la validité de ses propos !!!!
Le problème majeur de l’hôpital, c’est l’habitude de mettre en permanence les services en sous effectif chronique aggravé pour économiser des bouts de chandelle, au dépends de la qualité des soins et du taux de suicide des soignants dont tout le monde se fout !

Alors OUI ça passe par une embauche de personnel et non pas par une simple réorganisation administrative à budget constant !!! quand au temps de travail, la seule chose qu’on peut changer à effectif constant, c’est augmenter les heures supplémentaires non rémunérées (oui il y en a! Déjà les médecins c’est facile : la notion même d’heures supplémentaires n’existe pas, c’est des demies journées et c’est totalement exprès ! Et les heures supplémentaires non payées pour les soignants non médecins c’est les compte-épargne temps qui se volatilisent sur un changement règlementaire/législatif!)

Il y en a qui réalisent qu’actuellement le sous effectif est tellement affolant que des services ferment faute de soignants ?
Les soignants se cassent tous parce qu’ils ne supportent plus les conditions de travail de merde induite par le sous effectif, et l’interdiction pratique du droit de grève à coup de réquisitions systématiques du procureur de la République??

Ce que j’aime avec Macron le centriste c’est que soit il est trop libéral pour une frange de la population soit il représente pour une autre un etat trop intrusif… En fait je crois que nous n’avons pas eu de meilleur president depuis De Gaulle 😉

Vous avez tout à fait raison.
Ce choix politique est insultant pour les citoyens, tant les destinataires du RSA que les autres. Faisant partie des seconds, je n’ai pas demandé que l’on impose quoi que ce soit en contrepartie d’une solidarité assumée.
En outre, il est assez documenté en sociologie que les « contre-parties » d’une allocation sont contre-productive. Une étude sur les aides aux frais scolaires dans certains pays d’Europe et au Canada en rendait compte dans les média il y a quelques mois.
Enfin je vous confirme que, de gauche, je me préparait à un vote de raison pour Macron au second tour. Je suis désormais plus proche d’une abstention.
Merci de vos billets toujours stimulants.

Des contremaîtres viendront tirer du lit les bénéficiaires du RSA pour qu’ils se rendent en chantant dans de grands Ateliers Nationaux, où ils fabriqueront non pas de la camelote capitaliste, mais des trucs utiles pour l’Intérêt général de la Nation et les Valeurs de la République. Des masques en cas de crise sanitaire, des armes à envoyer en Ukraine, ou encore des colis et des lainages pour les ptis vieux. C’est une mesure très à gauche.

Que ce soit une annonce démago et impraticable on est bien d’accord. Par contre, les dames patronnesses ne sont pas forcément celles que l’on croit. Le RSA n’est pas un revenu de base inconditionnel, et l’oisiveté n’est pas encore un droit. Il y a une obligation de recherche d’emploi ou au moins de respect du contrat d’insertion (en théorie). Fliquer les allocataires, ça parle aux salariés modestes qui gagnent à peine plus en travaillant que ce que gagnent les inactifs en allocations. C’est un peu « dame patronnesse de la droite sociale centriste » d’avoir une vision misérabiliste des gens qui ne travaillent pas, et de refuser le flicage pour des raisons d’éthique en refusant de voir le travail au noir.

je suis / accompagne des beneficiaires du RSA/RMI depuis 20 ans. je connais certains de mes « clients » depuis 20 ans. La mesure ne me choquerait pas. Le système est bien conscient que la population beneficiant du RSA est très diverse. Cela va du « cas social » irrecuperable au type qui a un long poil dans la main. Sans oublier ceux qui travaille de façon non déclaré. il parle d’activité. Pas d’emploi. Nuance que tout le monde oubli. une activité cela peut être une formation, passer un permis, suivre des cours de français, une action de remobilisation. Autre chose que tout le monde oubli aussi, c’est que tout beneficiaire du RSA signe un contrat d’insertion où il s’engage à un certains nombre de démarches. il est quand même triste que dans ce pays un bénéficiaire d’une allocation sociale viennent vous vois en vous demandant pourquoi il n’a pas reçu son salaire. Pour finir dans mon département l’année dernière ils ont propose aux bénéficiaires de RSA de faire les vendanges: maintien du RSA + petite prime + aide éventuelles au deplacement. Resultat: 0 volontaires 🙁

Oui, la population du RSA est très diverse, et certains sont en capacité de travailler. Mais dans ce cas, on applique réellement les conventions, et on fait un réel accompagnement vers l’emploi (comme le fait l’association Territoires zero chômeurs). Là, Macron envoie juste un signal politique vers la droite « dame patronesse », façon « coup de menton ». C’est ce signal politique qui me dérange profondément, car il est révélateur d’une adhésion à des valeurs que je ne partage pas.

Territoires zero j’ai cela sur mon département. je ne suis pas convaincu Au final on se retrouve à remplacer des « vrais » emplois par des emplois subventionnés. je ne vois pas la plus value ni ce qu’ils apportent de plus aux structures d’insertions anciennes (chantiers, EI, etc…) Le secteur public allant concurrencer le secteur marchand. Ainsi sur la commune en question ils se retrouvent en face de commerçants se plaignant d’une concurrence déloyale. Sans parler (mais c’est un autre problème) que c’est à priori un vrai panier de crabe politique entre prefecture, département et collectivités locales (et on a de la chance ils sont du même bords)
Au final je parie qu’on accouchera de toutes façons d’une réformette. un peu plus de moyens. un peu plus de contrôle. Le système restera basé sur la bonne volonté des bénéficiaires pour sortir du système. La majorité l’aura. une minorité continuera à abuser du système.

Vos messages se contredisent, M. Marianne !!!
Dans le premier, vous déploriez que la proposition d’aller faire les vendanges avec une petite prime n’ait pas trouvé d’usager du RSA preneur, et dans le second, vous déclarez, pour conspuer les dispositifs zéro chômage :
« Au final on se retrouve à remplacer des « vrais » emplois par des emplois subventionnés. […] Le secteur public allant concurrencer le secteur marchand. »
Le vendangeur au RSA est le concurrent direct du travailleur saisonnier, qui occupe un « vrai » emploi, quoique déjà largement sous-payé et surexploité.
Que voulez-vous à la fin ? Que l’Etat finance la main-d’oeuvre du secteur marchand et que ce dernier n’ait plus qu’à engranger les bénéfices ?
Votre position est ahurissante.

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