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Il faut en finir avec les chaînes d’info en continu

Le système médiatique français s’enfonce de plus en plus dans le grand n’importe quoi. Les Français ont de moins en moins confiance dans les médias, et les chaînes dites « d’info » à savoir BFM, Cnews et LCI en portent une large part de responsabilité. En période de crise, à la fois économique et sanitaire, c’est particulièrement dangereux pour le pays.

Depuis bien longtemps déjà, ces chaînes ne font plus de l’information, mais du spectacle. Toute la journée, une même information est traitée en boucle, avec des grandes gueules, plus ou moins expertes du sujet, qui commentent en plateau. Y compris quand on est dans l’attente d’une annonce, et que les intervenants et présentateurs en sont réduits à commenter du vide.

Le drame est que trop souvent, ce sont ces chaînes qui construisent la hiérarchie de l’info, c’est à dire qu’elles imposent les sujets dont les autres médias (à commencer par les autres télévisions) vont traiter en priorité. Derrière, la presse écrite suit et c’est ainsi qu’elles sont le lieu où le débat public est posé. Un sujet qui n’est pas évoqué sur ces chaînes n’existe pas dans le débat. A l’inverse, une micro-polémique, si elle tourne en boucle, oblige les politiques à se positionner, et en fait un objet du débat démocratique

Un certains nombre d’extrémistes ont parfaitement compris que ce système a besoin de polémiques et de postures excessives et tranchées, et en profitent pour pousser leurs propres obsessions à l’agenda. Ils parasitent et biaisent ainsi le débat public et démocratique. C’est bien connu, la fausse monnaie chasse la bonne, et rapidement, l’agora politique se transforme en jeux du cirque.

Tout cela entraîne une crise de défiance majeure des français dans les médias. Les téléspectateurs ont une image négative de la qualité de ce qui leur est proposé, même si les audiences sont encore au rendez-vous. Derrière, c’est l’ensemble de la presse qui pâtit de cette image et c’est là un vrai danger. Les cassures sociales françaises sont déjà énormes, avec un fossé grandissant entre villes et campagnes, entre « élites » et classes populaires. Si en plus, les médias sont gangrénés, et que la confiance dans l’information données par les journalistes baisse, on creuse encore un peu plus les fossés.

Aujourd’hui, ce sujet de la qualité de l’information, et du rôle néfaste des chaînes d’information en continu doit devenir une question politique. Est-ce vraiment ce qui nous est proposé actuellement que nous voulons pour la France ?

Il n’est plus possible de faire l’économie d’une réflexion d’ensemble, sur les moyens de retrouver un débat public sain, et une bonne qualité d’information. Le temps n’est plus aux petits bricolages, mais à une refonte globale, qui doit utiliser tous les leviers, notamment et surtout le levier économique, car la base du problème est le modèle économique de ces chaînes.

Le débat qui doit s’ouvrir ne porte donc pas sur les moyens (cela viendra après), mais sur ce que l’on attend, en France, des médias audiovisuels d’information et de débat politique, et plus globalement, des médias, dans leur traitement de l’information. Le sujet, derrière, est la solidité de notre démocratie et la cohésion sociale du pays. Laisser les choses suivre leur pente actuelle, c’est se préparer une crise sociale et politique majeure !

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La cohésion sociale sera la clé

Tous les signaux indiquent que le réchauffement climatique s’emballe. Il est clairement perceptible dans les catastrophes climatiques de très grande ampleur, avec les incendies en Australie et en Californie, les sécheresses et inondations qui se succèdent plus rapidement. On cherche à se rassurer, mais il est sans doute trop tard pour éviter la catastrophe, surtout que nous ne faisons finalement pas grand chose, à l’échelle de l’humanité, pour l’éviter. Ce ne sont pas nos « petits gestes » qui vont sauver la planète. Autant être lucide et admettre que les changements nous seront imposés par des contraintes extérieures, et pas par une quelconque action volontaire de notre part.

Il faut donc envisager un avenir sombre, et l’imaginer comme une série de catastrophes climatiques et sanitaires, que les sociétés humaines auront de plus en plus de mal à encaisser, où une sécheresse succède à une pandémie. Tout cela amènera des tensions, des replis identitaires, des guerres, des migrations, mais également des reconversions économiques. Il faudra s’adapter, revoir l’organisation de tout un pays, accepter des sacrifices et des réductions de train de vie.

Les hommes s’adapteront, mais pas tous au même rythme, ni avec la même réussite. Les zones géographiques qui s’en sortiront seront celles qui ont la plus forte cohésion sociale. Il va falloir, un peu partout, faire des choix, plus ou moins radicaux : reconversions économiques, déplacements internes de populations, accueil de flux de migrants, voire mener des guerres ou des opérations militaires pour la défense du territoire.

Ces choix, dans nos sociétés (du moins en occident) démocratiques, ne pourront pas être faits par des élites autoritaires. L’éclatement des sociétés, l’autonomisation de plus en grande des individus face au collectifs, la communautarisation sont des réalités, des tendances lourdes qui s’imposent aux dirigeants. A un moment, il faut une validation populaire, sous peine d’avoir des troubles politiques qui finissent par la chute du régime. En général, les dictatures se terminent mal pour les dictateurs.

Les sociétés qui s’adapteront le mieux, et donc qui arriveront à absorber les chocs, sont celles qui seront capables de poser les diagnostics, adopter les solutions et arriver à partager équitablement les efforts que demanderont ces solutions. Les efforts peuvent être économiques, mais également politiques, voire éthiques. Pour cela, il faut une cohésion forte, une culture partagée, une capacité à dialoguer, à écouter, à inclure toutes les strates de la population dans le processus et les décisions.

Dans ce processus, je ne suis pas certain que la France soit la mieux armée pour survivre…

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La niche était presque parfaite

Le 8 octobre 2020 a eu lieu la première journée d’initiative parlementaire du groupe Ecologie, Démocratie, Solidarité, composé d’anciens députés LREM. L’opération a été très bien préparée, et la niche a été exploitée à fond, avec un sens politique que j’ai rarement vu à l’Assemblée sous cette législature. Cela fait plaisir de voir que des députés élus en 2017, peuvent arriver à faire de la politique. Un petit bémol, il aurait peut-être été judicieux de ne pas en mettre en premier un texte polémique (sur l’IVG), qui a complètement phagocyté la journée, au détriment des autres textes. Une niche, c’est une journée de séance, et c’est court !

Le groupe a initialement déposé sept propositions. A chaque fois, sur des thèmes hautement politiques, et bien marqués politiquement à gauche. Un groupe EELV (ou un groupe PS avec un peu d’audace) aurait pu choisir les mêmes textes : renforcement du droit à l’IGV, restriction de la publicité, parrainage citoyen des réfugiés, bien-être animal, moratoire sur l’installation des entrepôts d’Amazon, extension du congé parental, droit de vote à 16 ans. Le champ des « publics » touchés est large, avec des textes faciles à porter dans les médias, car aisément compréhensibles, à la fois sur le sujet visé, et sur les buts. La première utilité d’une niche parlementaire est de pouvoir mettre des sujets à l’ordre du jour, et de créer le débat, de préférence au delà de l’hémicycle. Rien que sur cet aspect, la niche du groupe EDS est un succès.

Avec trois textes, ils ont joué tous les registres possibles pour une niche parlementaire. Au sein du groupe LREM, deux clans se disputaient le sujet du bien-être animal, chacun ayant déposé sa PPL et faisait son lobbying auprès du gouvernement pour la faire inscrire avant l’autre. C’est finalement Cédric Villani qui les a grillés. Le débat, qui aurait eu lieu, d’une manière ou d’un autre, s’est finalement fait sur la base de son texte, frustrant ainsi le groupe majoritaire.

Le gouvernement a donc été obligé, en catastrophe, de faire des annonces en septembre, sur le bien-être animal, et sur l’extension du congé parental, afin de ne pas laisser tout le bénéfice politique au groupe EDS. Au moins, on sait que ces deux propositions de loi ont des chances de poursuivre leur chemin parlementaire.

Autre belle opération, la proposition de loi faisant passer le délai d’avortement de 12 à 14 semaines. Un sujet brulant, clivant et qui divise les français, donc médiatique. En proposant ce texte, le groupe EDS, qui est unanime sur la question, sait qu’il va fracturer la majorité, qui est « en même temps » de droite et de gauche. Ils vont également ennuyer le gouvernement en ouvrant un dossier brulant, alors que les débats de la loi bioéthique sont encore frais. Le ministre, sachant qu’il va être battu, s’est prononcé « ni pour, ni contre » en sachant que la proposition de loi n’a que très peu de chances (sinon aucune) d’arriver au bout du processus parlementaire d’ici 2022, car la navette va être longue.

Troisième beau coup, la reprise des propositions de la Convention citoyenne pour le Climat, sur la restriction de la publicité. Le gouvernement s’est engagé à tout reprendre « sans filtre », et bousculer le calendrier est un moyen, pour les oppositions, de mettre la pression, en forçant le gouvernement à s’exprimer et à dévoiler ses batteries. Un grand classique des niches parlementaires d’opposition. Même si le texte n’est finalement pas allé au bout (il a été retiré après le débat en commission), le débat médiatique a été lancé. Pareil pour la très démagogique proposition de moratoire sur les implantations d’entrepôts d’Amazon. Le texte ne tient pas juridiquement la route, mais il fait le buzz, car parfaitement taillé pour les médias. Lui aussi a été abandonné en cours de route, car il a rempli son rôle avant même le passage en séance publique.

C’est sur la gestion de la journée que le groupe a péché par inexpérience. En déposant sept textes, le groupe EDS savait qu’il était trop gourmand, et qu’il n’arriverait pas à tout passer en séance, pendant la journée qui leur est consacrée. Mais au moins, il y a eu un examen en commission, avec un rapport parlementaire sur chacune. Une fois cette étape passée, le groupe retire trois propositions, celles qui n’avaient aucune chance de passer, et qui n’étaient destinées qu’à faire le buzz, ou à poser des jalons pour l’avenir. Ne restent alors que quatre textes, ce qui est jouable. A condition de ne pas avoir, dans le lot, un sujet chaud bouillant. Comme l’IVG, par exemple…

L’erreur a été de placer le texte sur l’IVG en première position, sans mesurer à quel point l’opposition LR allait être vent debout. Vieux briscards des travées, les députés de droite ont fait durer les débats, y trouvant leur intérêt médiatique en se posant en opposants à l’IVG. Ils ont ainsi cramé la niche EDS, ne permettant pas d’examiner les autres textes prévus, alors même qu’ils avaient de très bonnes chances d’être adoptés.

Cette journée risque toutefois de laisser des traces au sein du groupe LREM. Les députés qui y sont restés ont vu que leurs 16 collègues, qui sont partis former leur propre structure, ont ainsi pu faire parler d’eux et de leurs sujets bien plus qu’ils ne peuvent le faire en restant dans le groupe majoritaire. En effet, les journées réservées au groupe majoritaire sont la plupart du temps trustées par le gouvernement, qui y place des propositions de lois qui sont des projets de loi déguisés. On y trouve aussi des textes techniques, ou des propositions gentillettes et absolument pas clivantes (comme la proposition de loi sur l’apprentissage des gestes qui sauvent et le statut du citoyen sauveteur).

Voir que c’est en quittant le groupe majoritaire qu’on peut enfin faire de la politique, et arriver à faire progresser ses idées, ça ne va pas aider le nouveau président, Christophe Castaner, à tenir ses troupes.

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La loi sur le séparatisme, le « Dien Bien Phu » de la Macronie ?

Le 2 octobre 2020, Emmanuel Macron a séché la moitié d’un sommet européen (où sont évoqués des sujets très importants) pour venir faire un discours, en banlieue parisienne, sur le « séparatisme islamique ». Il annonce au passage une loi, qui sera présentée en conseil des ministres le 9 décembre, et devrait être discutée en début d’année 2021 au Parlement.

Autant dire qu’autant de signaux montrent que le pouvoir en place mise gros sur ce texte. C’est Emmanuel Macron qui monte directement en ligne, et donne déjà les détails de ce qu’ont trouvera dans le texte. Ce faisant, il prend des risques énormes, et pourrait subir une défaite politique qui pourrait marquer un tournant dans la campagne présidentielle de 2022, qui de fait, a déjà commencé.

La bombe, c’est l’annonce que l’instruction à la maison ne sera plus autorisée, sauf raison de santé, et que les enfants devront aller « à l’école ». Il s’agit d’un tournant majeur, d’une prise de position tranchée sur un sujet très lourd, celui de la place des parents et des familles dans l’éducation de leurs enfants.

Il heurte de front un certains nombre de communautés, de droite comme de gauche, qui pratiquent cette instruction à la maison. Tous ne sont pas islamistes, certaines sont catholiques (plutôt très tradi, et qui auraient été enclins à soutenir le texte) d’autres sont franchement à gauche, d’autres encore libertaires. Certaines ont des capacités à se faire entendre de manière assez vocale. LR va hurler, mais on pourrait bien aussi entendre une petite musique discordante du coté d’EELV voire de la France Insoumise. En deuxième ligne, on va avoir la montée en ligne des écoles hors contrat, qui sont aussi dans le viseur. Là encore, cela ne concerne pas que les musulmans, ni même que les religions. Quid des écoles Montessori par exemple ?

Ce changement du rôle des familles dans les choix éducatifs pour leurs enfants pourrait en amener d’autres, car c’est la question du contenu de l’autorité parentale qui est en jeu. Si on bouge les lignes sur un sujet, pourquoi ne pas le faire sur d’autres ? On ouvre une boite de Pandore sans la moindre étude d’impact, sans même se rendre compte des implications vertigineuses. Le sujet est important, politique, et vouloir l’aborder est légitime. Mais pas comme ça, au détour d’une loi anti-islamistes radicaux. Entrer dans ce sujet par cet angle, c’est l’assurance d’aller dans le mur.

Autre risque inconsidéré, de la part d’Emmanuel Macron, est de se lancer dans cette croisade (le mot est choisi à dessein) sans consulter sa base. Est-ce que sa majorité et ses alliés sont prêts à suivre ? Je n’ai pas entendu grand chose de la part du Modem, ou des députés LREM. Ce n’est pas franchement rassurant, et connaissant l’attachement du Modem, parti démocrate-chrétien, à la politique familiale, leur silence vaut sans doute beaucoup plus réserve et désapprobation, que soutien.

Notre cher président ne doit pas oublier qu’un texte de loi doit être voté par le Parlement, et qu’il lui faut donc une majorité.

Il m’apparait assez évident que LR se prononcera contre le texte. L’occasion est trop belle de faire chuter Macron. Nous aurons d’un coté les députés très à droite (les quasi-RN du sud) qui vont se lancer dans la surenchère anti-islamiste, et les connaissant, ils sont capables d’aller très loin, et d’amener ainsi le débat sur des terrains marécageux, où le téméraire Gérald Darmanin n’hésitera pas trop à aller. Une autre aile, les cathos de l’ouest, vont se focaliser sur l’interdiction de l’instruction à la maison, et en faire le point dur du texte, qui justifiera, in fine, qu’ils votent contre lors du scrutin final. Il n’est pas exclu que la « jeune garde » des députés LR élus en 2017, ne s’amusent à jouer les progressistes, en partie par tactique, en partie par conviction.

Comme je l’ai dit plus haut, je ne suis pas certain que tous les députés de la majorité soient enthousiasmés par le texte. D’abord par son contenu, qui va heurter de plein fouet ceux qui sont plutôt à gauche. Le groupe EDS des marcheurs fatigués, créé par Matthieu Orphelin, va sans doute accueillir quelques recrues supplémentaires, écœurés par les débats, et n’ayant plus rien à perdre à écouter leur conscience. Vu ce qui reste de temps utile dans le mandat, pour ceux qui étaient restés au groupe LREM, dans l’espoir de faire avancer leurs propres causes, ce sera la couleuvre de trop.

Bien évidemment la gauche va être unanime pour mitrailler ce texte, sur l’air du « qui fait le jeu du RN ». C’est du pain béni pour unir un camp qui reste profondément divisé, une occasion en or pour avoir des manifestations unitaires.

Le timing est également une erreur politique lourde. Après les gilets jaunes et les conséquences économiques du Covid, l’économie française est à genoux. Ce qui inquiète les français, ce n’est pas quelques barbus dans les banlieues, mais la perte de leur emploi (sans grand espoir d’en retrouver un). Dans un pays au bord de la crise sociale, causée par une crise économique, ce n’est pas le moment de faire de l’identitaire. C’est complètement à contre-temps, et surtout contre-productif pour le pouvoir en place, car désigner un ennemi, en espérant détourner l’attention des problèmes, ça ne marche pas souvent.

Pendant la guerre d’Indochine, l’armée française, n’arrivant pas à battre les Vietminh, se dit qu’il lui faut une grande victoire décisive, et décide d’envoyer une armée en plein milieu des territoires contrôlés par ses adversaires à … Dien Bien Phu. On a vu le résultat. J’ai un peu l’impression que cette offensive politique d’Emmanuel Macron pourrait se terminer, à un an de la présidentielle, par un désastre politique.

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Figures de spiritualité

Ce billet part d’un tweet, lancé vendredi 11 septembre (une éternité sur les réseaux) où l’utilisateur Le Nain demande à ses followers de donner les figures qui ont compté dans leur spiritualité. J’ai eu envie de lui répondre (puisque très aimablement, il ne se limite pas aux catholiques, même s’ils sont son cœur de cible).

Plus que des penseurs, ce sont deux livres qui m’ont marqué dans mon itinéraire, « La subversion du christianisme » de Jacques Ellul et « Le désenchantement du monde », de Marcel Gauchet.

Deux ouvrages qui amènent à penser le fait religieux de manière radicalement différente, et à voir le christianisme avant tout comme une éthique de vie, une exigence que l’homme se fixe à lui-même. Une religion qui en arrive presque à se passer de la figure de Dieu.

Marcel Gauchet explique que le christianisme est en rupture avec les autres croyances, et est la « religion de la sortie de la religion ». C’est une croyance qui amène à sortir des pratiques habituelles, basées sur une pensée magique, à bases d’esprits surnaturels, de miracles, sur lesquels se sont bâtis des clergés intercesseurs, dont l’un des rôles primordiaux est l’encadrement social.

Jacques Ellul, montre lui que ce message libérateur de la religiosité a été complètement récupéré et retourné. L’église catholique a en effet construit, sur ce message anti-religions, un édifice tout ce qu’il a de plus religieux, réintroduisant le fatras du surnaturel, et un appareil de pouvoir chargé d’encadrer tous les aspects de la vie des gens. Un comble, qui ferait se retourner Jésus dans son tombeau, s’il y était resté !

Sauf que malgré toutes les tentatives, le cœur du message des évangiles résiste, avec ponctuellement, des poussées de retour aux sources. Elles sont réprimées sévèrement, par l’élimination physique des hérétiques, surtout quand ils remettent en cause le pouvoir de l’institution religieuse. Parfois, elles sont récupérées et intégrées à la marge du système, pour servir de refuge et d’exutoire à ceux qui persistent à vouloir mettre en œuvre le message originel (par exemple les franciscains, qui ont frôlé le classement comme hérétiques).

Tout dérape au XVIe siècle, où l’église catholique n’arrive pas à venir à bout d’une hérésie, le protestantisme (ce n’est pas faute d’avoir essayé). S’ouvre alors un espace de liberté, qui reste restreint, car la pensée magique et la volonté d’encadrement reprennent vite le dessus, même dans les églises protestantes. Sauf qu’il n’existe, dans le protestantisme, aucune institution centrale à même de réduire au silence les dissidents. La culture de cette branche du christianisme est même de valoriser cette dissidence, de la rendre légitime.

Ces deux lectures croisées m’ont amené à lire les évangiles autrement, débarrassés des oripeaux magiques ajoutés par des générations de théologiens. Ce qu’il reste alors, du message du Christ, c’est avant tout une éthique de vie exigeante et révolutionnaire car basée sur la relation d’égalité entre les hommes, sur le refus de la rivalité et des hiérarchies. Un point qui a été particulièrement bien vu par René Girard, qui en a fait le cœur de son œuvre.

A la base de tout cela, on trouve un mythe, que l’on trouve au début du livre de la Genèse. Adam et Eve qui quittent le paradis terrestre, pour gagner leur pain à la sueur de leur front, c’est la sortie du paléolithique pour passer au néolithique, avec une transformation radicale, la naissance de l’agriculture, de l’élevage, et plus globalement, de la société. Les rapports humains changent du tout au tout, avec la fin de l’égalité et la création de hiérarchie, et surtout, la création des religions. Désormais, l’homme enterre ses morts, leur rend hommage, conserve leur mémoire et s’inscrit dans une histoire. Il a besoin de comprendre le monde qui l’entoure, de lui donner un sens.

Le message du christianisme peut se lire comme un refus de ce basculement. Cette entrée dans le néolithique est le péché originel, la chute initiale. La notion de péché n’a donc rien de moral, c’est juste l’expression d’un basculement, qui éloigne l’homme de ce qui est considéré par les tenants de cette ligne, comme le mode de vie souhaitable. Mais ce refus est minoritaire et voué à l’échec, car il est l’expression d’une nostalgie. Le basculement s’est opéré et aucun retour en arrière n’est possible. Mais cette voix continue à s’exprimer, à rappeler qu’il existe une autre manière de voir le monde et de concevoir les rapport humains. Il rappelle à l’humain, qui aspire à la toute-puissance, d’où il vient.

Les formes pour porter ce message ont été très variées, et paradoxalement, il est passé et a été transmis par les religions, niché dans les recoins des livres sacrés, par le biais d’un petit peuple nomade du Proche-Orient. Un très mince filet, qui a réussi à arriver jusqu’à nous, et conserve une actualité.

Les évangiles, lus autrement qu’avec les lunettes religieuses, parlent encore au monde contemporain. Sur des questions aussi fondamentales que le statut de l’être humain, son rapport au monde, à la nature, et à la société, ils trouvent encore de l’écho. C’est quelque part presque un miracle…

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L’autre débat de la 5G

Depuis quelques temps, les écologistes ont décidé de cibler la technologie de téléphonie mobile dite « 5G ». Le courant « anti-sciences » présent chez les Verts, et incarné notamment par l’eurodéputée Michèle Rivasi, s’est ainsi trouvé un nouveau combat, après celui contre les vaccins.

A l’occasion des municipales, leur poids politique leur a permis d’imposer à leurs alliés socialistes, dans certaines villes, de reprendre leur proposition d’un moratoire sur l’installation de la 5G.

Emmanuel Macron, avec le sens de la formule cinglante qu’on lui connaît depuis le début de son mandat, vient d’entrer dans le débat. Il rejette en bloc cette demande, qualifiant ceux qui la soutiennent d’amish. Cette communauté religieuse, présente en Amérique du Nord, a pour caractéristique de refuser toutes les technologies apparues depuis la fin du XVIIIe siècle. Cela en fait un groupe très pittoresque, qui roule encore en charrette tirée par des chevaux et s’éclairent à la lampe à huile.

Ce faisant, le chef de l’État pose brutalement les termes du débat et entre dans le jeu des anti-5G, pour mener un débat stérile, bloc contre bloc, comme on sait malheureusement si bien le faire en France.

J’ai une autre approche de cette question du rapport aux évolutions technologiques. Ce débat est légitime, mais entre par la mauvaise porte, celle de la technologie, alors que le véritable enjeu, ce sont les usages.

Une technologie n’est qu’un outil, qui peut servir au bien comme au mal. Le sujet central est donc l’humain et son éthique dans l’utilisation des outils qui sont mis entre ses mains.

Certes, c’est compliqué de s’interdire, pour des raisons éthiques, des usages possibles d’une technologie. C’est exigeant, cela demande de longs débats, des délibérations, la création d’un consensus. On le voit par exemple avec les lois de bioéthiques, où certains débats sont ouverts et délicats, et où des terrains (l’eugénisme par exemple) restent fermés. Il ne sera bien entendu pas possible d’empêcher quelques individus isolés de mettre en œuvre ce que permet la technologie, mais cela restera des cas isolés, qui ne seront en aucun cas généralisés et considérés comme « normaux » car refusés par une majorité.

Il n’y a aucune raison que le types de débats menés autour des questions bioéthiques ne le soient pas autour des sujets numériques. Ce ne sont pas les sujets délicats qui manquent : utilisation des algorithmes, des données personnelles, reconnaissance faciale…Toutes les facettes des technologies doivent être explorées, y compris leur potentielle dangerosité pour la santé (question légitime posée par les anti-5G), pour déterminer quels usages sont légitimes.

Déplacer le débat vers les seules technologies, avec comme seule solution de refuser d’augmenter leur puissance, c’est à mes yeux une manière d’esquiver le débat sur l’éthique des usages. Les anti-sciences ont des arguments à faire valoir, et ils peuvent trouver une audience. Mais elle est pour l’instant très minoritaire, et ils n’ont donc aucun intérêt à un débat de fond, qui sorte des caricatures, oblige chacun à exprimer sa pensée, à la confronter à celle des autres, et à accepter de perdre…

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Le 4 septembre et la fragilité du pouvoir

Le 4 septembre 2020, nous avons célébré les 150 ans de la proclamation de la République, le 4 septembre 1870. Un évènement qui m’interpelle, parce qu’il est aussi le jour de la chute d’un régime politique qui, deux mois auparavant, semblait solidement assuré sur ses bases.

Le 8 mai 1870, par un plébiscite triomphal, Napoléon III a fait ratifier les dernières évolutions du régime. D’autoritaire à ses débuts, le second Empire est devenu « libéral » avec une constitution qui s’approche beaucoup d’un régime parlementaire classique. Les républicains, qui avaient fait une percée aux élections législatives de 1869, sont atterrés et un peu désespérés. Napoléon III est relégitimé et semble reparti pour 20 ans au pouvoir.

Le 19 juillet, la France, sure d’elle-même et de sa puissance militaire (il ne manque aucun bouton de guêtre, affirme un général), déclare la guerre à la Prusse. Après une série de défaites, Napoléon III est obligé de capituler à Sedan, et fait prisonnier. Deux jours plus tard, la République est proclamée, après que la foule ait envahi l’hémicycle du Palais-Bourbon. Le Second Empire s’est écroulé en quelques heures.

Cela nous rappelle que le pouvoir politique reste fragile, quand bien même il apparait solidement assuré sur ses bases, doté de toute la légitimité, politique et juridique. Il suffit qu’un événement imprévu surgisse, et tout peut être bousculé et renversé.

Bien entendu, les temps ont changé et les circonstances ne sont pas les mêmes en 2020. Mais la fragilité du pouvoir politique est un fait qui n’a pas disparu comme par enchantement. Et l’histoire est pleine d’accidents imprévus, qui frappent un pays qui se croyait bien préparé, et en fait, ne l’était pas.

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L’indispensable modernisation de la procédure législative

Le Parlement français souffre de beaucoup de maux, qui le rendent inefficace. L’un d’eux est la procédure d’élaboration de la loi. Inchangée depuis le XIXe siècle, elle est aujourd’hui un fossile complètement obsolète, qu’il faut revoir de fond en comble, et que pourtant, personne ne remet en question.

Une mise à jour est indispensable pour donner une véritable lisibilité aux débats et permettre aux députés de se concentrer sur l’essentiel, à savoir le débat politique. Il faut pour cela casser un certain nombre de mythes, à commencer par celui du débat « pur et parfait », entre députés parfaitement libres et rationnels, avec une vérité qui jaillit d’elle-même de l’hémicycle, lieu magique de révélation de l’intérêt général.

Cette réforme doit garder à l’esprit le rôle fondamental de la procédure parlementaire, qui est le seul moment de vraie transparence des décisions publiques. Tout doit être publié (et donc fourni à l’opposition et au public), avec des étapes incompressibles qui empêchent de décider trop vite. L’essentiel du contrôle procédural du Conseil constitutionnel porte sur le respect de ces deux exigences, de publicité et de loyauté des débats parlementaires.

C’est aussi le moment où les gouvernants doivent expliquer publiquement leurs choix, parfois de manière inconfortable pour eux. Si les réponses ne sont pas satisfaisantes, les députés peuvent s’en irriter et faire un raffut qui attire les médias, voire, au stade ultime, refuser de voter ce qui leur proposer, et donc bloquer le processus.

Actuellement, on est toujours sur une écriture ligne par ligne d’un texte ultra technique, où tous les parlementaires sont censés travailler en même temps, dans le même lieu (un hémicycle ou une salle de commission) avec des travaux préparatoires minimalistes. La réforme de 2008 n’a rien arrangé, en dupliquant les travaux, les débats dans l’hémicycle étant largement redondants avec ceux menés en commission. L’essentiel des modifications textuelles ayant eu lieu en commission, cela vide encore un peu de son sens le débat en séance plénière, qui n’est qu’un théâtre politique où on perd beaucoup de temps pour pas grand chose de concret.

Tous ceux qui suivent d’un peu près les travaux parlementaires savent que l’essentiel du travail purement législatif n’est pas réalisé dans l’hémicycle, et n’est pas fait que par les députés eux-mêmes, mais beaucoup par leurs assistants et les fonctionnaires parlementaires, le tout alimenté par les groupes d’intérêts

Pour rendre le travail parlementaire efficace, il faut dissocier deux rôles, qui sont actuellement entremêlés, celui de la décision politique et celui de l’écriture juridique d’un texte de loi. Les députés doivent avant tout se concentrer sur les choix politiques, et sous-traiter les questions légistiques aux fonctionnaires parlementaires, qui font ça bien mieux que les députés. La qualité de la loi y gagnera beaucoup !

Dans l’idéal, l’examen parlementaire d’un texte de loi devrait commencer par des échanges écrits d’arguments, qui remplacerait l’examen en commission. Chaque député, chaque groupe parlementaire, met par écrit (en ligne) ses idées et ses positions. Cela permet d’avoir une vue d’ensemble des objections et arguments, étant entendu qu’il est possible de répondre aux arguments des autres. Cela laisse le temps à chacun de s’approprier le sujet, et on peut espérer que l’essentiel des arguments pertinents seront ainsi exposés. Les outils numériques sont suffisamment développés pour permettre d’avoir une structure et une organisation assurant une lisibilité des échanges, avec, pourquoi pas, un système d’approbation ou de désapprobation, permettant de discerner des tendances dans les avis sur tel ou tel argument.

Cela permet d’avoir, en amont, une vision de ce qui fait consensus et fait débat. Cela permet aussi à ceux qui ne sont pas familiers d’un sujet, de se documenter. Bien évidemment, tout cela sera alimenté par les groupes d’intérêts, mais au moins, les choses seront sur la table, car tous ces écrits doivent être publiés sur le site de l’Assemblée.

Une fois cette première phase terminée, il est possible de passer à un débat politique, sur les points qui ont été signalés comme méritant d’être creusés, ou suscitant des désaccords. Il est tout à fait possible que les débats soient cadrés en amont, pour rester sur ce qui fait dissensus, avec une procédure simplifiée pour les points faisant consensus. Il serait bien entendu interdit de sortir du cadre, pour éviter le fléau des amendements portant articles additionnels, qui lancent des débats qui n’intéressent que le député ou le groupe qui les lancent, et font perdre du temps à tout le monde.

C’est à ce stade qu’intervient le débat en hémicycle, purement politique, où se dégagent des majorités et des compromis, les arguments ayant été donnés et disséqués avant, de manière à permettre à tous les députés d’être au fait des enjeux.

Il en ressort un texte, écrit en « français courant » qui donne l’orientation politique, de manière suffisamment précise pour que les services de l’Assemblée, ensuite, puissent procéder à la traduction en « français juridique ». Les débats parlementaires y gagneront en lisibilité et la loi sera ainsi beaucoup moins bavarde. Il est en effet possible d’imaginer que le projet de loi ne comporte que les dispositions de niveau législatif, avec des « indications politiques » en direction de l’exécutif, pour que les décrets soient en conformité avec l’intention du législateur.

Intervient enfin la troisième phase, celle du vote, après une vérification que le texte juridique ne trahit pas les orientations politiques. Elle peut se prolonger par un travail sur les décrets d’application, quelques mois plus tard, donnant lieu éventuellement à un débat en hémicycle, sur le pouvoir exécutif s’est donné trop de libertés.

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Les députés servent-ils encore à quelque chose ?

La récente expérience de la Convention citoyenne pour le Climat s’est révélée cruelle pour nos institutions parlementaires. En effet, 150 citoyens « de base » ont réussi, en une poignée de week-end (et beaucoup d’échanges en ligne), à produire une série de propositions constituant un ensemble équilibré, qui tient la route, sur un sujet complexe. Le tout sans effet de manche, consignes de partis ni drama et dans une économie de moyens financiers. Cela n’avait rien d’évident au départ.

Notre démocratie souffre de beaucoup de maux, et notamment du dysfonctionnement de sa démocratie représentative. Le fait qu’ils soient élus, et donc « légitimes » (ce qui se discute de plus en plus) ne doit pas dispenser députés et sénateurs (surtout les députés) de se pencher sur leur manière de travailler, et sur l’efficacité de leur action.

Pour avoir observé de près, depuis 15 ans, la vie parlementaire, je constate que l’Assemblée nationale a un sérieux problème de ce coté. Combien de séances publiques passées à pinailler sur des sujets symboliques, mais non essentiels à la vie de la Nation, à examiner des amendements répétitifs, parfois hors sujet et rédigés avec les pieds ? Le tout en bâclant la deuxième moitié du projet de loi, faute de temps. Quand on regarde les comptes rendus de la séance publique sur la dernière années, on est frappé par le temps passé sur des sujets qui ne sont pas du niveau d’un Parlement. L’apprentissage des gestes qui sauvent, c’est une très bonne chose, mais un texte législatif est-il nécessaire ?

Les séances de questions au gouvernement sont pathétiques. La majorité qui tend la perche au gouvernement, avec une question ciselée en fonction de la réponse que le ministre souhaite donner. C’est parfois tellement dégoulinant de flagornerie que j’en ai honte pour le député qui s’exprime. De l’autre coté, l’opposition ne cherche qu’à déstabiliser le gouvernement, chahutant dans une ambiance de cour de récréation qui insupporte de plus en plus les citoyens. Tout cela est puéril et indigne d’une « grande démocratie ».

Pareil pour les auditions en commission, en particulier de ministres, où chacun arrive avec sa petite question, la même que les cinq collègues précédents. Aucune coordination ou presque, avec des sujets majeurs laissés de coté, et un temps infini passé sur la question (parfois anecdotique) qui agite les médias à ce moment là. Derrière, le ministre se balade, car jamais, il n’est relancé et renvoyé aux insuffisances de ses réponses. On pleure, quand on regarde une audition devant le Sénat américain.

La situation a empiré depuis 2017, car au moins, avant, on avait dans l’hémicycle des parlementaires d’expérience, qui savaient construire des rapports de force avec l’exécutif, et détecter quand on cherchait à les enfumer. Ils ont été remplacés par des novices, qui n’ont pas pris la mesure de ce qu’est être législateur, et des consultants, qui produisent des rapports, parfois intéressants, mais qui ne débouchent politiquement sur rien du tout, sauf si le gouvernement donne sa bénédiction.

Les députés de la majorité sont sous la dépendance du gouvernement, incapables d’organiser des débats internes, et donc de jouer un rôle de contre-pouvoir, ou au moins de modération de l’exécutif. L’opposition n’est pas en reste, et se lance dans des concours de propositions de lois toutes plus anecdotiques et ridicules les unes que les autres.

Le nombre de députés qui ont quitté l’Assemblée, en 2020, pour devenir ou redevenir maires, parfois de communes modestes, est un signal qui devrait alarmer. Pour beaucoup d’entre eux, c’est un repentir de leur choix de 2017, où ils avaient lâché leur mairie pour rester parlementaires.

Nous n’allons pas pouvoir continuer longtemps comme ça, sous peine de voir disparaitre le Parlement, les citoyens considérant que les députés ne servent à rien. Nous ne sommes plus très loin du moment où ce constat s’imposera avec évidence, y compris à ceux qui connaissent bien la mécanique parlementaire.

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Le temps des surprises politiques

La politique française est en crise. Entre le discrédit des « vieux partis » matérialisé par le dégagisme de 2017 et celui d’Emmanuel Macron, révélé au grand jour par le mouvement des Gilets jaunes, l’espace politique reste ouvert. Tant pour les places à prendre que pour les politiques à mener. Les choses peuvent bouger, parfois très vite, beaucoup plus vite que prévu.

Il est donc essentiel de se préparer, de réfléchir, de travailler à des alternatives, alors même que l’horizon politique peut apparaitre bouché. J’ai encore le souvenir du printemps 2018, où Emmanuel Macron fait passer sans coup férir une série de réformes abruptes sur le droit social ou encore la formation professionnelle. A l’époque, personne n’imaginait que cette magnifique machine déraillerait quelques mois plus tard, en juillet, à cause d’un conseiller de l’Elysée qui s’est amusé à aller faire le coup de poing aux cotés des CRS.

Depuis ce moment, Emmanuel Macron n’a fait que chercher à reprendre son équilibre, sans jamais y réussir, les Gilets jaunes, les grèves dans les transports et la pandémie de Covid-19 venant à chaque fois remettre une pièce dans le juke-box de la déstabilisation du pouvoir en place.

Même si la Macronie n’a jamais été réellement inquiétée pour les places, elle a été profondément déstabilisée dans l’assise sociale de son pouvoir. Devant la contestation, il a fallu trouver en catastrophe des relais politiques (les élus locaux et dans une moindre mesure, les partenaires sociaux) et surtout, des idées de mesures à même d’apaiser l’irritation sociale.

Une pareille situation bénéficie à ceux qui sont prêts, qui ont des mesures « clés en main » à proposer, et qui savent les vendre politiquement à un pouvoir aux abois. D’où la nécessité de travailler le fond, même quand l’horizon politique semble durablement bouché. L’opportunité peut arriver soudainement et il est alors trop tard pour se mettre en branle. Les fenêtres politiques se referment souvent aussi vite qu’elles se sont ouvertes.

La période politique qui s’ouvre va être particulièrement sensible, car désormais, l’élection présidentielle pointe son nez. Les écuries de candidats vont se mettre en quête d’idées nouvelles, à commencer par l’actuel occupant de l’Elysée, qui a déclaré vouloir « se réinventer ». Mais aucune de ces écuries n’a de ressources en interne, pour produire des projets de société ou même des innovations politiques. Les partis et « corps intermédiaires » ont abandonné depuis longtemps la production intellectuelle, pour se contenter d’être les gestionnaires du système (donc directement intéressés à sa préservation).

La voie est libre pour des petits groupes, qui autrefois, n’auraient pas eu voix au chapitre du débat public, mais qui arrivent avec des idées structurées et une organisation à même de porter des propositions auprès des candidats. Cela peut amener à des surprises dans les mois qui viennent.