Catégories
Non classé

L’Assemblée ressemble à un cirque médiatique

Le niveau baisse à l’Assemblée nationale, tous les observateurs le constatent, mais un point m’inquiète plus particulièrement, c’est la transformation du travail parlementaire en cirque médiatique. Que sur le fond, les députés ne pèsent pas lourd dans les décisions politiques, ça n’a rien de nouveau. Ce qui change, c’est qu’ils se donnent en spectacle d’une manière tellement lamentable, que l’image de l’institution, des Institutions, je dirais même, s’en trouve atteinte.

Normalement, la médiatisation sert à faire connaitre le travail parlementaire d’un député, à mettre en valeur son action et ses convictions. De plus en plus, j’ai l »impression que c’est l’inverse qui est en train de se passer, c’est le travail parlementaire qui doit se plier et se formater, en fonction de la communication que le parlementaire entend faire de sa personne.

Cela se remarque à plein de petits détails. Il y a d’abord ce nombre extravagant d’amendements sur tous les textes, dont la plupart sont juridiquement inutiles et inopérants. Énormément de bavardages, sur des sujets parfois anecdotiques. C’est par exemple la proposition de loi visant à interdire la Fast-Fashion, sujet hautement « sexy » médiatiquement, mais très ciblé et anecdotique. Sur ce dossier, deux députés (une horizons et un LR) qui se déchirent sur la paternité de l’initiative, celui a finalement perdu (le LR) floodant d’amendements la PPL Horizons, pour bien montrer qu’il veut sa part de lumière. Ce texte, de trois articles, a généré 200 amendements en commission et autant en séance. Tout cela pour un résultat incertain, car interdire ou entraver une activité économique qui se déroule en ligne, c’est comme vouloir empêcher l’eau de couler. Surtout quand on se place sur un niveau purement franco-français. La même semaine, les députés ont réussit à pondre 61 amendements en séance, sur une proposition de loi relative à la professionnalisation de l’enseignement de la danse. Et la semaine prochaine, on va parler de discrimination capillaire. Que des grands enjeux engageant l’avenir de la Nation (en fait non).

Le deuxième aspect est l’instrumentalisation des outils du contrôle parlementaire de l’action gouvernementale, régulièrement détournés de leur but. Normalement, une commission d’enquête est faite pour explorer une politique publique, ou une action du gouvernement qui prête le flanc à la critique. Les députés LFI et RN semblent complètement se moquer de cela, et souhaitent surtout organiser des procès politiques, contre le gouvernement (là encore, ça peut passer) ou contre leurs adversaires idéologiques. Cela permet d’organiser des auditions publiques, sous serment, dans le but de faire trébucher l’adversaire, avec des questions perfides, ou de provoquer des éclats, qui feront le buzz sur les réseaux sociaux. A se demander si ce n’est pas devenu cela le but premier.

L’an dernier, LFI a utilisé son droit de tirage sur les « Uber Files », avec une volonté très claire d’essayer de mettre en cause Emmanuel Macron, par le biais des liens et interactions qu’il a eu avec l’entreprise Uber. La matière était fournie par une fuite massive de données, donc même pas besoin de mener une enquête sérieuse. Cette année, ils ont fait encore plus fort, avec une commission d’enquête sur la manière dont le régulateur de l’audiovisuel exerce ses pouvoirs de sanction contre les dérapages des chaines de télévision. Dans les faits, il n’y a qu’une chaine, CNews, et un peu Cyril Hanouna (qui en a profité pour se foutre de leur gueule), qui intéressent le rapporteur LFI. Une belle occasion de taper sur Bolloré, l’ennemi idéologique, au point que parfois, on se demande si on est sur une enquête relative au fonctionnement des pouvoirs publics, ou sur un procès politique à grand spectacle.

Enfin, on a vraiment l’impression que les réseaux sociaux sont le débouché principal de tout. Cela génère des pastilles vidéos et des images marketing bien léchée pour annoncer « je vais poser un question au gouvernement », « j’ai été nommé à tel poste sans la moindre importance », que l’on poste sur Instagram ou Twitter. On a en vu même qui annoncent leur présence dans une audition de commission d’enquête, où ils ne peuvent finalement pas prendre la parole. Ils se défoulent ensuite, en débriefing « façon téléréalité », dans leur bureau, avant de mettre en scène leur déport en raison d’un conflit d’intérêt pour l’audition suivante. Il ne s’est rien passé concrètement, mais ça a fait du buzz. On se croirait au cirque !

Je ne parle même pas de l’inculture juridique (voire de l’inculture tout court) d’un nombre croissant d’élus, qui ne bossent pas et n’existent que par les excès verbaux et les coups d’éclat. Il y en a toujours eu, mais là, il y en a de plus en plus, au point qu’on pourrait craindre, à la prochaine législature, qu’ils ne soient majoritaires !

En même temps, il ne faut pas être surpris que la dégradation régulière de la qualité de la vie politique finisse pas par se retrouver aussi à l’Assemblée. Le problème est général, c’est la politique qui est malade, la déchéance de l’Assemblée nationale n’en est qu’un symptôme.

Catégories
Non classé

Les députés vont débattre de discrimination capillaire

La conférence des présidents du 5 mars 2024 a inscrit à l’ordre du jour une proposition de loi visant à lutter contre la discrimination capillaire. Le texte, est porté par Olivier Serva député LIOT (et chauve) de Guadeloupe et cosigné par des députés de plusieurs groupes, de la majorité comme de l’opposition.

Le contenu de la proposition de loi est un pur neutron législatif, sans le moindre effet concret. En effet, il ne fait qu’apporter une précision, juridiquement inutile, aux textes sanctionnant les discriminations. Une discrimination basée sur une calvitie ou une coupe de cheveux originale, peut d’ores et déjà être sanctionnée.

L’ambition de cette proposition de loi n’est pas juridique, mais politique. Elle porte sur un sujet sensible, les discriminations, et l’exposé des motifs est sans ambiguïté, sur la volonté d’importer en France en débat anglo-saxon, et une défense de population qui se sentent discriminées par ce biais. En ciblant explicitement les discrimination visant les personnes ayant une coupe de cheveux dite « Afro », les auteurs du texte amènent le débat, par un biais, sur les discriminations subies par les populations d’origine Afro-Caribéennes.

On peut comprendre cette volonté de débattre, et après tout, ce n’est pas plus mal que ce débat n’ait strictement aucune conséquence juridique. Cela évite une instrumentalisation, et donc une complexification du droit à des fins purement militantes et politiques.

Ce qui est triste, c’est que les députés vont se déchainer sur ce texte, et sont capables de déposer plusieurs dizaines d’amendements, rien que pour pouvoir prendre la parole, et se déchirer, dans des élans victimaires ou antiwokiste, selon l’endroit où vous siégez dans l’hémicycle.

Catégories
Non classé

La préférence française pour le pénal

La France a la particularité d’aimer traiter les problèmes en faisant des lois, en mode performatif « Dire, c’est faire ». Ce tropisme se retrouve notamment sur les questions de société, où le législateur français adore faire dans la surenchère pénale et croit ainsi régler les problèmes.

Nous en avons une nouvelle illustration, ces derniers jours avec le texte concernant la sécurité des élus locaux, et celui sur l’antisémitisme ou encore la lutte contre les dérives sectaires. A chaque fois, on triture le code pénal, et parfois pire encore, la loi de 1881 sur la liberté de la presse. A chaque fois, c’est pour alourdir les peines et restreindre la liberté d’expression. Il faut une mobilisation forte pour éviter les plus grosses conneries (comme par exemple l’allongement des délais de prescription) dont on se rend parfois compte in extremis, après qu’elles aient été votées sans la moindre analyse ni objection.

Changer la loi d’une main tremblante, c’est oublié depuis longtemps, ou alors c’est des tremblements en mode « symptôme de la maladie de Parkinson » qui est signe de dégénérescence, et pas de conscience des responsabilités qui pèsent sur le législateur, pour protéger les libertés.

Au final, les juges qui n’ont depuis longtemps plus les moyens de traiter correctement les plaintes, se retrouvent en première ligne. On élargit les possibilités de les saisir, on leur offre un arsenal toujours plus lourd de peines, comme si une répression pénale plus importante pouvait résoudre les fractures d’une société.

Le résultat, comme bien souvent, est contre-productif. Un exemple, avec cette extension (heureusement retirée du texte sur la sécurité des élus) du délai de prescription pour les délits de presse. Députés et sénateurs avaient envisagé de faire passer de 3 mois à un an, le délai de prescription pour les injures et diffamation envers les élus. Outre que cela complexifie le droit, en créant une exception au droit commun, on offre un boulevard à des élus malintentionnés avec la presse (comme par exemple le maire RN d’Hénin-Beaumont). En allongeant la durée pendant laquelle un élu peut attaquer un journaliste et un titre de presse, on crée davantage d’insécurité pour les journalistes. Au passage, on offre également un boulevard à ceux qui voudraient régler leurs comptes avec leurs opposants, une fois une campagne électorale passée, devant un tribunal. Porter plainte rapidement, en cas de diffamation, permet une réparation, mais à quoi cela sert-il, 11 mois après, sinon à se venger ou nuire ?

Si on veut s’attaquer au fond des problèmes, mieux vaut donner à la justice les moyens de traiter plus spécifiquement certains délits. Pour cela, il suffit d’une circulaire ministérielle, enjoignant aux parquets de poursuivre plus systématiquement certains délits. Et donner les budgets suffisants aux juridictions pour qu’il y ait assez de magistrats pour traiter les dossiers.

Étrangement, cette piste n’est pas souvent explorée. Outre qu’elle demande de l’argent (qu’on préfère mettre dans des chèques divers et variés, plutôt que dans les services publics), elle empêche les politiques de se faire mousser avec de belles lois.

Catégories
Non classé

Le conseil d’Etat balance une bombe dans le PAF

Le conseil d’Etat vient d’allumer une mèche qui pourrait faire beaucoup de dégâts dans l’audiovisuel français. Par une décision du 13 février, il considère que les obligations de respect du pluralisme d’une chaine de télévision doivent être évaluées sur la base du temps de parole de tous les intervenants (invités, chroniqueurs et présentateurs) et pas seulement des personnalités politiques intervenant sur la chaîne.

La porte est ainsi fermée à la montée en puissance de chaines ou de radio d’opinion, comme il existe de la presse écrite d’opinion. Cette décision, prise sur le cas d’espèce de CNews, vise bien entendu le groupe Bolloré, qui a une stratégie assumée de transposer à la radio et à la télévision, ce qui existe dans la presse écrite. Mais ils seront loin d’être les seuls à être touchés. Je pense notamment à France Inter et France Culture, où c’est parfois seulement le pluralisme des différents courants de pensée de la gauche, qui est représenté !

En fixant cette injonction au régulateur, le juge administratif lui impose de définir des critères objectifs et concrets, avec des limites claires entre ce qui est « pluraliste » de ce qui n’est plus. Car s’il faut sanctionner, il faut que les règles soient claires et prévisibles. Malheureusement, les magistrats se sont défilés au moment de donner le mode d’emploi, laissant l’Arcom se démerder seule (et en six mois) pour fixer la frontière, se réservant le droit de venir dire son mot a postériori, lors de contentieux ultérieurs qui ne manqueront pas de se produire. Je n’aimerais pas travailler à l’Arcom en ce moment.

Une autorité publique va donc se retrouver en position de devoir définir où commence et s’arrête « le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion ». Je lui souhaite bon courage, car on nage en pleine subjectivité : quelles sont les critères retenus pour définir les courants de pensée ? Lesquels auront voix au chapitre ? Quelles pondérations mettre en place pour assurer cet équilibre ? Comment classer les intervenants dans ces courants de pensée ? Le tout (on ne rigole pas) dans le « respect de la liberté éditoriale de la chaîne » !

C’est tout simplement mission impossible, et dans le contexte de tensions politiques, cela va générer des nids à contentieux qui vont complètement emboliser le régulateur, si on le laisse gérer cela tout seul. L’intervention des politiques, qui ne manqueront pas de vouloir légiférer, risque encore de bordéliser davantage le dispositif, en rendant illisible ce qui pouvait encore l’être.

Derrière, la contagion pourrait atteindre la presse écrite. Même si elle n’est pas « régulée », certains risquent de s’amuser à la lire à l’aune des critères élaborés pour l’audiovisuel. Et ça ne sera pas joli à voir en matière respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion. L’étape suivante sera de se demander pourquoi on traite différemment les médias d’information, selon qu’ils sont de la presse écrite ou de l’audiovisuel ?

Tout cela va sans doute tuer le télévision numérique terrestre, car la meilleure solution, pour ces chaines, sera de renoncer à leur fréquence TNT (et donc aux obligations et régulations afférentes) pour basculer en diffusion uniquement numérique.

Catégories
Non classé

La mort des derniers géants politiques

Robert Badinter, véritable conscience morale du pays, vient de mourir, quelques semaines après Jacques Delors. Au-delà d’une grande tristesse, ces départs sont l’occasion d’une mise en abime de notre vie politique.

Où sont leurs successeurs ? Avons-nous encore des personnalités politiques de cette trempe, dans notre vie politique, qui aient ce statut d’autorité morale ? Je n’en vois pas (à droite comme à gauche). Pire, je mesure l’écart abyssal (et je suis gentil), avec la classe politique actuelle, qui prend plus facilement le chemin du tribunal que du Panthéon.

La notion même d’autorité morale semble désormais étrangère à notre classe politique. Elle nécessite en effet un mélange de valeurs morales et politiques, incarnées dans une action et par des personnes dont la vie « réelle » est en cohérence avec les valeurs qu’ils expriment. Badinter comme Delors ont à la fois une colonne vertébrale idéologique (qu’on peut ne pas partager, mais au moins, ils en ont une), qui guide leur action, sur des sujets d’ampleur, la construction européenne pour l’un, la justice et l’abolition de la peine de mort pour l’autre. Ils ont en plus cette capacité à prendre de la hauteur, à savoir passer à autre chose, une fois leur moment passé, sans chercher à continuer, encore et encore, une quête de pouvoir qui sert surtout à satisfaire l’ego. Renoncer à être candidat à la présidence de la République, alors que les sondages vous sont favorables, et retourner dans la discrétion de la vie privée (sans venir emmerder ses successeurs), c’est chose rare.

La mise en abime, c’est aussi quand on se demande si Jacques Delors ou Robert Badinter pourrait avoir, dans les conditions d’aujourd’hui, la carrière qu’ils ont eu. Un avocat, ténor du barreau, époux d’une très riche héritière pourrait-il devenir garde des sceaux, puis président du conseil constitutionnel ? Un démocrate-chrétien de cœur, ayant été au cabinet d’un premier ministre de droite, pourrait-il devenir ministre de l’économie d’un gouvernement n’ayant pas complètement renié les analyses marxistes ? J’ai peur que le sectarisme, l’étroitesse de vue et l’obsession des conflits d’intérêts rendraient leurs carrières plus compliquées, voire les dissuaderaient d’entrer en politique. Nous avons sans doute encore beaucoup de personnalités de la trempe de Robert Badinter. Mais ils se gardent bien d’entrer en politique…

Enfin, ils ont fait de la politique à une époque où on réformait réellement, ce qui est quand même plus pratique pour laisser une trace dans l’histoire. Le bilan effectif de Delors ou Badinter sont assez impressionnants. Aujourd’hui, on en est à se gargariser d’annoncer une trajectoire de territorialisation de la planification écologique. Delors et Badinter ont eu un impact sur le réel, bien plus que nos élus de 2024, plus obsédés par la communication sur les réseaux sociaux que par l’avancée concrète des politiques publiques qu’ils n’ont plus les moyens de mener.

La mort de personnalités d’un tel niveau crée un vide dans notre vie politique, alors même qu’elles ne sont plus en fonction depuis longtemps. Il n’y en a pas beaucoup à réussir cela, et je crains qu’il y en ait de moins en moins, voire plus du tout. Et c’est très triste pour la France.

Catégories
Non classé

Les européennes, début de la fin pour la Macronie ?

Les élections européennes auront lieu début juin. Si la tonalité d’une campagne peut faire bouger les lignes, les fondamentaux sont présents bien avant, et annoncent un score médiocre pour les partis de gouvernement, à commencer par la Macronie, qui part avec plusieurs boulets au pieds.

Structurellement, le scrutin européen est considéré, en France, comme sans grand enjeu, donc permettant de se défouler, et de « se faire plaisir ». C’est l’occasion de voter selon ses préférences idéologiques, sans la pression d’un « vote utile » (d’où les scores des écologistes), ou encore de basculer dans le vote sanction. C’est triste que les enjeux purement européens soient aussi mal traités, mais la primauté de la politique nationale est un fait établi, qui n’évolue que peu.

A ce jeu, la tendance nationale est clairement à un nouvel épisode d’un match « Macron-Le Pen » par candidats interposés. Les médias, friands de spectacle, ne manqueront pas de valoriser cette affiche, et feront monter la sauce. Il semble clair que la liste macroniste et celle du RN arriveront aux deux premières places (ou alors c’est que la Macronie a subi un désastre), car la gauche part divisée en trois tendances. C’est clairement le RN qui est le grand favori. Le parti surfe sur une courbe ascendante dans l’opinion, avec une organisation déjà en ordre de marche, et une tête de liste talentueuse (quoi qu’on pense des idées, il faut reconnaitre qu’il est techniquement très bon dans les médias).

En face, la Macronie n’a toujours pas de tête de liste au niveau, et n’en trouvera pas. Ce sera le premier ministre, Gabriel Attal, qui sera, par défaut, la locomotive politique de cette liste. Il a d’ailleurs été nommé pour ça : éviter un désastre aux européennes. Pas certain qu’il y arrive.

En mettant ainsi, quasiment en première ligne, le Premier ministre, Macron augmente le risque d’un vote qui se transforme en plébiscite, pour ou contre lui. Vu les sondages et l’ampleur de la détestation dont le président fait l’objet dans une partie de la population, il prend un risque énorme.

Si la priorité du Premier ministre est cet horizon électoral, le risque est réel que la conduite des affaires du pays soit subordonné à cet objectif. On a déjà commencé à le voir lors de la crise avec les agriculteurs, où le Green Deal européen a été jeté par-dessus bord. Qu’importe la sauvegarde de la biodiversité, pourvu qu’on ait le vote des agriculteurs. Quelles vont être les prochains segments du corps électoral à venir monnayer la promesse de leur vote européen, en échange de concessions sonnantes et trébuchantes au niveau national ? Pour quel résultat au final ? Comme pour les Jeux Olympiques, une promesse de fête qui se termine par une gueule de bois et un monceau de dettes que personne ne viendra t’aider à rembourser !

L’objectif pour la Macronie va rapidement être, non pas de l’emporter, mais de limiter la casse. Quand on est dans cette optique, la campagne n’est pas très propre, car on passe moins de temps à proposer, et plus de temps à cogner. Exactement ce que les électeurs détestent, surtout quand celui sur lequel on tape dispose de soutiens déjà convaincus, qu’une campagne de dénigrement ne fera que renforcer.

Le pire pour la Macronie, c’est l’après. Une fois le scrutin, l’été et les Jeux Olympiques passés, on ne parlera plus que de la prochaine étape politique, qui est la présidentielle de 2027. Celle où Emmanuel Macron ne peut pas se représenter, et où son autorité et sa capacité d’agir vont décroitre au fur et à mesure que l’échéance approche. L’agonie politique de la Macronie qui risque de ne pas être très belle à voir, le tempérament d’Emmanuel Macron n’étant pas de jouer les potiches en regardant les dauphins potentiels se déchirer pour l’héritage.

Catégories
Non classé

L’enlisement bienvenu de la loi sur les cabinets de conseil

Les députés viennent d’achever l’examen de la proposition de loi sur l’encadrement du recours à des prestations de conseil par l’Etat. Comme on pouvait s’y attendre, le gouvernement et la majorité ont largement détricoté le texte, en le vidant d’une partie de sa substance, et en ajoutant les collectivités de plus de 100 000 habitants dans le dispositif.

Il va être compliqué pour le Sénat de revenir sur cette dernière disposition, qui déplait à ses électeurs. La procédure accélérée n’ayant pas été mise en oeuvre, il va falloir une nouvelle lecture au Sénat et à l’Assemblée, et si le gouvernement est un peu pervers, une troisième lecture. Bref, on n’est pas prêt de voir le texte sortir, et c’est une très bonne chose, car dans certaines situation, la loi n’est clairement pas le bon outil pour faire avancer les choses dans le bon sens.

En sortant leur rapport, et en le médiatisant, les sénateurs ont fait l’essentiel du travail, qui est de mettre la pression sur le gouvernement. En effet, la manière dont les services de l’Etat utilisent les prestations de conseil, c’est de la tambouille interne. Que des parlementaires viennent regarder ce que fait le gouvernement, et éventuellement le critiquent, est une très bonne chose. Mais ce n’est pas à eux de fixer, dans les détails, la manière dont les ministères doivent organiser leur travail.

Sur ce sujet, le gouvernement Castex a pris conscience de la dérive, et de son effet dévastateur, et a pris les mesures pour contrôler un peu mieux ce qui se passe. Depuis, le recours aux cabinets de conseil a clairement diminué, avec une doctrine interne à l’administration qui s’est clarifiée. L’objectif des sénateurs est rempli, puisque le fonctionnement de l’Etat s’est amélioré, dans le sens qu’ils préconisaient.

Il ne fallait surtout pas rajouter une loi, qui allait tout rigidifier, et donc bloquer le fonctionnement administratif, par des règles générales, là où il faut de la souplesse et de la réactivité. Malheureusement, les parlementaires ne savent pas s’arrêter, et ne peuvent pas s’empêcher de vouloir faire des lois sur tout et n’importe quoi, y compris sur des sujets totalement anecdotiques (il n’y a qu’à voir certaines propositions de loi discutées en ce moment).

Il est nécessaire que le législateur se concentre sur son coeur de métier, qui est de faire des lois quand c’est nécessaire, et de contrôler l’action du gouvernement, sans chercher à lui donner des ordres et à avoir la main sur tout. On y gagnerait beaucoup, en temps et en efficacité du travail parlementaire.

Catégories
Non classé

Attal, Premier ministre fauché et de droite

Gabriel Attal vient de faire sa déclaration de politique générale. Exercice un peu obligé, et pas très convainquant. Surtout, quand les caisses sont vides, et qu’il est donc compliqué de sortir le chéquier pour faire plaisir à tout le monde. On fait alors dans le symbolique et les annonces purement politiques.

C’est donc ce qu’a fait Gabriel Attal, se lançant à corps perdu dans une « débureaucratisation » qui n’est guère que de la suppression de normes à la hache et une désorganisation supplémentaire pour les fonctionnaires chargés de gérer ces sujets. Sur le moment, l’annonce peut faire spectaculaire, et donc satisfaire les destinataires (même s’ils auraient préféré un chèque). Sur le Logement ou les normes agricoles, ça va être particulièrement sale.

Sur le symbolique, Attal fait de la drague lourde à la droite et aux élus locaux. Je ne parle même pas du discours martial sur le régalien et de la réinvention des maisons de correction. Il y a aussi des choses plus subtiles et concrètes. Une annonce m’a particulièrement alerté, concernant le mode de calcul du taux de logement de sociaux d’une commune. En vertu de la loi SRU, toute commune qui n’a pas 25% de logements sociaux doit payer des amendes. Cela concerne beaucoup de communes riches (donc de droite). Elles préfèrent l’amende à la construction de logements sociaux, à la fois pour leur tranquillité, mais aussi du fait du manque (ou du prix) du foncier. En annonçant qu’une nouvelle catégorie de logement va être intégrée à l’assiette de calcul, cela pourrait mécaniquement remonter le taux de logements sociaux de certaines communes, et donc diminuer leurs pénalités. Une belle fleur, agrémentée d’une compensation pour les offices HLM, qui se voient gratifier d’une possibilité de financement (des prêts de la banque de territoires) pour acheter du foncier. Et cerise sur le gâteau, les maires auront la main pour la distribution des logements sociaux neufs, quand ils sont sur leur commune. De la drague lourde, on vous dit…

Dans le même temps, la commission nationale du débat public est priée de se recentrer sur les projets d’ampleur nationale. « Six mois de gagné » lance même Gabriel Attal à la tribune de l’Assemblée. Cela vous donne une idée de la boucherie environnementale que va être la « simplification » et le raccourcissement des délais, pour les projets de construction de logements ou d’usine. Amis écologistes mais aussi archéologues, préparez vos mouchoirs !

Au final, tout cela va finir en eau de boudin. Un certain nombre d’intentions politiques vont se heurter à deux gros obstacles : il n’y a plus d’argent, et le droit concerné est technique et complexe. Je me régale à l’avance de voir comment ils vont mettre en musique, juridiquement, les fameux « travaux d’intérêt éducatif », les nouveaux TIG pour mineurs de moins de 16 ans. Et s’il arrivent à passer tous les obstacles, concrètement, je ne vois pas qui s’en occupe. Surtout quand on en plus, on généralise le SNU.

Ce discours de politique générale ressemble à une fuite en avant, ou faute de moyens, on ressort les bonnes vieilles ficelles de l’ancien monde. Celle qui ont causé le discrédit de la classe politique à l’ancienne, et ouvert un boulevard à Emmanuel Macron en 2017. Le « Nouveau monde » est bel et bien terminé.

Catégories
Non classé

18 ans

Ce 28 janvier, cela fait 18 ans que j’ai posté le premier billet de ce blog. Il a connu des hauts et des bas, des changements d’adresse (passé du .org au .fr) et d’hébergement, mais il est toujours là. Les archives sont toujours accessibles, via internet archives (ici jusqu’en 2017 et ici depuis 2017).

Catégories
Non classé

L’enjeu profond de la crise agricole

La France connait actuellement une phase aiguë de la crise du monde agricole, qui se traduit par des manifestations et blocages. Les causes de cette crise sont multiples, mais l’une d’entre elle me semble fondamentale, et cristallise beaucoup d’enjeux. Il s’agit du choix politique de privilégier l’utilisation des espaces ruraux à des fins de protection de l’environnement et de loisirs pour les urbains, au détriment de l’activité économique agricole.

Toutes les règlementations, qu’elles viennent de Paris ou de Bruxelles, priorisent le maintien de la biodiversité, la protection de l’environnement, de l’eau et du Climat. Des objectifs tout à fait pertinents (impulsées par les urbains), mais qui engendrent une série de normes et de contraintes (notamment des interdictions ou restrictions) subies en premier lieu par ceux qui y pratiquent une activité économique, à savoir les agriculteurs. Ils se retrouvent avec des normes qui compliquent l’exercice de leur métier, demandent des investissements (qu’ils n’ont souvent pas les moyens de faire) et donc réduisent la rentabilité de leur entreprise.

Ces choix politiques heurtent des représentations culturelles, ce qui joue (dans le mauvais sens) sur l’acceptabilité sociale. L’organisation agricole française repose, symboliquement et effectivement, sur de petites exploitations dites « familiales ». Même si dans certaines zones, on est plutôt sur de grosses PME, on reste tout de même très loin du modèle agricole latinfundaire. La grosse entreprise agricole, possédant plusieurs milliers d’hectares et employant des centaines de personnes n’a pas sa place dans l’imaginaire français, et certainement pas dans celui des ruraux. Pourtant, c’est économiquement le modèle le plus adapté aux exigences environnementales d’exploitation des terres, qui demande une intensité capitalistique pour investir, et une masse critique pour peser dans les négociations commerciales. Tout cela donne parfois lieu à des injonctions contradictoires, certains érigeant en priorité la protection de l’environnement, et se font en même temps les chantres de la « paysannerie » système organisationnel économiquement non viable si l’environnement est la priorité dans l’usage des terres. Les solutions économiques trouvées jusqu’ici, à savoir soutenir le revenu des agriculteurs sur fonds publics, trouve des limites chez les principaux intéressés, qui veulent vivre de leur activité. Ils ne sont pas prêts à devenir des paysagistes sous statut de fonctionnaires publics.

Les nouvelles normes peuvent aussi entrainer la fin ou la restriction de pratiques « culturelles ». L’exemple emblématique est celui de la chasse, restreinte au nom du maintien de la biodiversité, mais également du fait des conflits d’usages avec les urbains. Ces derniers veulent pouvoir se promener en toute tranquillité dans les espaces ruraux. Ils souhaitent également pouvoir bénéficier d’un silence et d’une tranquillité qu’ils ne trouvent plus dans les métropoles, que les nuisances de l’activité agricole peuvent troubler. Même si cela semble un peu anecdotique, au regard des enjeux économiques ou environnementaux, ce sont des irritants qui ne sont pas à négliger, l’étincelle qui peut mettre le feu au baril de poudre.

Il n’y a donc pas de solution durable à cette crise agricole, car la priorité environnementale ne sera pas remise en cause. Il va juste falloir trouver quelques ajustements, économiques et/ou symboliques, pour calmer le jeu, jusqu’à la prochaine fois.