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La non-succession de Mélenchon est un problème

Le conclave insoumis a tranché, ce sera Manuel Bompard qui reprendra les rennes de la « coordination » de la mouvance insoumise après la mise en retrait forcée d’Adrien Quatennens (le dauphin de cœur de Jean-Luc). Une désignation qui suscite les aigreurs des autres héritiers potentiels du vieillissant chef charismatique, qui craignent de se voir écarter d’un pouvoir auquel ils ont été associés jusqu’ici. Ce n’est qu’un épisode d’un long feuilleton, qui risque de n’aboutir à rien, ce qui est problématique pour la démocratie.

La France insoumise s’est construite autour de la personnalité de Jean-Luc Mélenchon, comme le Macronisme s’est construit autour d’Emmanuel Macron, et le Lepenisme autour d’une lignée familiale (père, fille, petit-fils par alliance). Du fait de liquéfaction des idéologies politiques, les structures partisanes ne peuvent plus se bâtir autour d’idées et de programmes, mais autour de personnalités charismatiques, qui fédèrent une mouvance. C’est ce que n’a pas compris le PS, qui continue à croire que le programme doit primer sur les personnes, et qui en est arrivé à un score de 1,75% qui n’est absolument pas un accident.

Pour qu’un relais soit pris, il faut qu’un nouveau leader charismatique émerge, et s’impose. Soit il est préparé en amont, et arrive à s’entendre à peu près avec le leader charismatique en poste (cas du RN, jusqu’ici), soit il émerge sur un champ de ruine, après le départ définitif du leader charismatique précédent.

On est clairement partis pour la deuxième option chez LFI, où le leader charismatique, même s’il a pris un peu de recul sur l’opérationnel, est toujours bien présent en coulisse et continue à tirer les ficelles. N’ayant pas de dauphin qui s’impose d’évidence (aucun de ses lieutenants n’est à la hauteur), il laisse s’installer une forme de guerre de succession larvée, où le « diviser pour régner » lui permet de continuer à être le chef. Cela pourrait l’arranger, car c’est le genre d’animal politique qui ne quittera vraiment la vie politique qu’une fois entre quatre planches. Le risque est qu’après son départ définitif, ce qu’il a construit se délite, et que la force d’entrainement de gauche passe à une autre mouvance, et que de moteur, LFI devienne satellite. C’est probablement ce qui va leur arriver, reste qui sera le prochain « leader charismatique » de la gauche et surtout quand il arrivera à émerger. Pas certain du tout que ce soit fait pour 2027.

En attendant, nous allons avoir un triste spectacle, où des seconds couteaux se déchiquètent, pour le plus grand désarroi des militants. Cela pourrait même être dangereux pour la démocratie si la Macronie se met à entrer dans le même processus.

Le véritable piège est que sur les trois blocs qui structurent désormais la vie politique, deux soient en crise de leadership en même temps en 2027 : un Mélenchon, trop vieux pour se présenter, mais sans héritier faisant le poids et l’unanimité, un Macron qui ne peut pas se représenter, et flingue le seul dauphin ayant la carrure (Édouard Philippe).

En politique, parfois, ce n’est pas le meilleur qui gagne, mais le moins mauvais, et surtout, le moins désuni. Le but n’est pas tant de prendre des électeurs à ses concurrents que de faire le plein de ses propres voix. A ce jeu, je vous laisse deviner qui ramasse le morceau à la prochaine présidentielle…

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La prévention des conflits d’intérêts pourrait nuire à la démocratie

Jean Castex, ancien Premier ministre, a été nommé à la tête de la RATP. Ayant été en poste au gouvernement moins de trois ans avant sa nomination, celle-ci est soumise à l’avis de la haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP). Elle a émis un avis favorable, sous réserve que Jean Castex ne prenne pas contact, de sa propre initiative, avec les ministres qui étaient en poste dans son gouvernement, à savoir la Première ministre (par ailleurs ancienne patronne de la RATP), le ministre des Transports et le ministre du Budget. En clair, ses trois « ministres de tutelle ».

Tout cela est complètement ridicule. Le patron d’une grande entreprise de ce type a besoin d’avoir des relations fluides avec le gouvernement et les administrations centrales. Si ce n’est pas Jean Castex qui passera les appels, c’est son directeur de cabinet qui le fera à sa place, et on arrivera au même résultat, au prix de contorsions et de faux-semblants qui ne tromperont personne.

Croire que les relations nouées par Jean Castex avec certains ministres, du fait qu’il ait été leur supérieur hiérarchique quelques mois auparavant, vont créer un avantage indu pour la RATP est tout aussi ridicule. La véritable relation de pouvoir qui compte, celle avec Macron, n’est pas incluse dans le périmètre des interdictions ! Si le choix, pour ce poste sensible est difficile, s’est porté sur un ancien premier ministre, c’est probablement parce que le fait d’avoir été à Matignon est un atout, qui sera bénéfique pour la RATP, entreprise publique en situation de monopole.

Cela montre à quel point la manière dont on traite les conflits d’intérêts potentiels des personnes qui ont exercé des charges publiques est mal pensée, et donc globalement inefficace. Certes, le dispositif actuel permet d’éviter quelques recasages problématiques, comme cet ancien ministre des transports qui aurait voulu passer directement au comité exécutif du plus gros armateur français.

Le vrai sujet n’est pas le contrôle « ex ante » où on intervient, avant même qu’il se passe quelque chose, mais dans le contrôle « ex post » où on passe voir après, si effectivement, il y a eu un usage abusif d’une ancienne position ministérielle au profit d’intérêts particuliers. Malheureusement, ce contrôle est quasiment inexistant, et ne peut reposer que sur la vérification que les interdictions formelles édictées par la HATVP n’ont pas été violées. Bref, il suffit d’être assez malin, pour ne pas prendre directement les contacts soi-même, pour faire des petites magouilles en toute tranquillité. En revanche, on met en insécurité nombre de personnes, qui vont respecter une éthique scrupuleuse, et n’abuseront pas de l’influence donnée par leurs anciennes fonctions, et risquent de se voir reprocher un coup de fil anodin, avec une personne qu’il ne fallait pas contacter directement.

Le souci avec les conflits d’intérêts, c’est qu’ils ne sont pas, en soi, un problème. Il s’agit juste d’une situation où, potentiellement, on peut faire prévaloir un intérêt privé par rapport à l’intérêt général. Normalement, quand on n’est plus ministre, on n’est plus en charge de l’intérêt général. En revanche, on peut utiliser les contacts, les connaissances, et l’aura liée à l’ancienne fonction, pour en faire bénéficier des employeurs privés. Le fait qu’on ne puisse pas, directement, prendre contact avec certaines personnes, ne change pas grand chose, et ne gêne pas vraiment celui qui veut mal faire.

Imposer des règles aussi tatillonnes est juste un obstacle à la poursuite de carrière d’un certain nombre de personnes ayant occupé de hautes fonctions. Qu’il y ait une surveillance pour éviter les scandales est tout à fait normal, mais cela ne doit pas non plus fermer trop de portes pour les anciens élus et décideurs. Là où il faut être ferme, c’est en cas d’abus avéré, et malheureusement, aucun dispositif n’est prévu, pour enquêter et sanctionner.

Se lancer dans une carrière politique représente un coût, en exposition publique (les déclarations d’intérêt et de patrimoine), en sacrifices de la vie sociale et familiale. Si en plus, les revenus sont plafonnés (et à un niveau nettement inférieur à ce que cette même personne pourrait gagner dans le privé) et qu’on est entravé pour la suite de sa carrière, qui va vouloir se lancer ? Le problème est réel, et déjà sensible, notamment à l’Assemblée nationale et dans les cabinets ministériels et c’est potentiellement dangereux pour notre démocratie.