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Haro sur la bureaucratie

Le scandale politique du moment porte sur le démarrage, lent, de la campagne de vaccination, en France, contre le Covid 19. Un sujet dont les politiques d’opposition s’emparent, avec parmi les angles d’attaques, celui de critiquer la bureaucratie. Le démarrage de la campagne serait entravé par des prescriptions bureaucratiques absurdes, imposées par les technocrates du ministère de la Santé.

Cela illustre, assez bien, l’un des problèmes majeurs de la France, celui de la déconnexion des élites (cette fois-ci administratives).

Dans ce dossier, les responsables administratifs de la santé publique en France ont le sentiment d’avoir fait leur travail. Il existe différents vaccins, avec des modes d’administration différents, et des effets secondaires pas toujours bien connus. Si pour la plupart des gens, il n’y aura pas de soucis, et un rapport avantage/inconvénient très positif (le vaccin les rendra moins malade que le Covid 19), on aura toujours quelques cas problématiques. C’est statistiquement inévitable. Or, il existe en France une mouvance anti-vaccin (et plus globalement anti-science) assez enracinée et influente, pour qu’il faille tenir compte du risque d’instrumentalisation militante de ces quelques cas problématiques. L’autre risque, identifié par les responsables administratifs, est celui des recours en justice, contre les décisions, puis ensuite, les poursuites pénales de la part des « cas problématiques ».

Ils ont donc choisi de bien ficeler l’opération, en écrivant tout, dans de long documents, très complets (45 pages pour le protocole de vaccination en Ehpad). De leur point de vue, tout est dans les clous, les risques ont été évalués, et traités.

Sauf que…

Depuis maintenant neuf mois, la population est en souffrance, du fait des restrictions de vie sociale, des risques économiques, de l’incertitude de l’avenir. Les français n’ont qu’une envie, c’est de revenir à une situation « normale », c’est à dire celle d’avant. Et ils ont parfaitement compris que cela ne sera possible qu’avec l’immunité collective qui procurera une très vaste campagne de vaccination. La pression est donc énorme.

Et que voient les français, en regardant la télévision ? Que nos voisins allemands et britanniques ont atteint des chiffres importants de personnes vaccinées, dépassant le million, là où nous n’avons pas dépassé le millier. La procédure suivie est parfaite, conforme à tous les standards de « bonne gouvernance » mais le résultat n’est pas au rendez-vous.

A partir de là, toute explication technique, sur le manque de résultat, est totalement inaudible devant la frustration sociale. C’est d’autant plus inaudible que les dirigeants du pays ne disposent pas de la confiance de la population. Le gouvernement se retrouve pris en tenaille, car la position, techniquement justifiée, de son administration, n’est pas recevable aux yeux de leurs électeurs (dont dépend leur maintien en poste). S’enferrer dans la défense de la politique choisie, la prudence et la recherche du « meilleur résultat possible » ne peut qu’aggraver les choses. On ne va pas tarder à voir apparaitre (si ce n’est déjà fait) des théories complotistes indiquant qu’en fait, si le gouvernement français attend, c’est volontairement, parce qu’il est de mèche avec l’industrie pharmaceutique, pour faire monter les prix ou je ne sais quelle autre raison.

Tout cela vient, en partie, de la dépolitisation des élites politico-administratives, qui prennent des décisions en fonction de paramètres qui excluent largement la prise en compte des ressentis et des demandes exprimés par les populations. Un exemple, dans un tout autre domaine, la lutte contre le chômage. Cela fait bientôt 40 ans que la France connait un important chômage structurel, et n’arrive pas à le résorber. Cela vient du fait qu’en dépit des promesses, rien n’est réellement fait pour le traiter, car il ne touche pas les élites et leurs proches, et que les arbitrages politiques sont en faveur de l’ouverture du commerce (et donc de la destructions d’emplois peu qualifiés en France). Non seulement, les français se rendent bien compte qu’on n’écoute pas leurs demandes, mais en plus, on se moque d’eux. Quand en 1995, Jacques Chirac fait campagne sur la fracture sociale, et enchaîne avec une purge libérale administrée par un Premier ministre technocratique et sûr de lui, cela fait des dégâts sur le long terme.

Ce refus des dirigeants du pays de mener des politiques répondant clairement aux demandes de la population, notamment sa composante la plus modeste, amène à la création d’un fossé de défiance, qui aggrave encore plus la situation du pays, et la gestion des périodes délicates. Les gilets jaunes ont été un avertissement très clair de la colère de la base, et du fait qu’ils n’espèrent plus que les choses changent de l’intérieur.

Une fois de plus, sans prise de conscience, par ceux qui dirigent le pays, qu’il faut changer radicalement les paramètres de la décision publique, on va vers un risque politique majeur. Arrivera un moment où une majorité jugera que l’aventure populiste, ça ne sera pas pire que ce qu’il vivent avec les élites technocratiques.

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La crise peut aussi être bénéfique

Cela fait maintenant pas loin d’un an que notre pays est en crise, du fait de la pandémie. Suffisamment longtemps pour pouvoir commencer à tirer des bilans. En effet, une crise est un formidable révélateur, en ce qu’elle accentue des tendances (positives ou négatives) et qu’elle pousse beaucoup de dispositifs et d’habitudes à leurs limites, révélant au grand jour des travers jusqu’ici un peu inaperçus. Il est plus difficile, aujourd’hui, de se voiler la face sur le déclin de la France.

Les sujets sur lesquels des bilans sont à faire sont très nombreux et variés, et je ne suis pas en capacité de tous les faire. Je voudrais toutefois m’arrêter sur quelques uns d’entre eux, et esquisser des pistes de réflexions et des attentes.

La pandémie a été assez terrible pour le système étatique français. Si l’hôpital public a relativement bien tenu (merci aux soignants), c’est un désastre pour l’administration de la Santé, à savoir le ministère et son bras armé sur les territoires, les ARS. Toutes les polémiques qui s’enchainent, du manque de masques en mars 2020, à la lenteur du démarrage de la vaccination en janvier 2021, sont largement imputables à des dysfonctionnements de cette haute administration. La palme revient sans conteste au directeur général de l’ARS du grand Est, qui en avril 2020, en pleine crise, confirme un plan de suppression de lits (prévu de longue date) à l’hôpital de Nancy, qui était en saturation complète au même moment.

Ce fut aussi l’occasion de voir à quel point les politiques, notamment le ministre de la Santé, sont complètement à la remorque de leur administration, incapables de sortir des fiches et des éléments de langage qui leur sont donnés. J’étais triste de voir ce pauvre Olivier Véran, ramer complètement dans sa communication et se prendre à chaque fois, en pleine figure, les questions gênantes et l’incapacité de son administration à agir vite et bien. Nous avons eu un témoignage vivant de l’impuissance des élus face aux administrations, et donc de leur utilité…

Malheureusement, ce problème est systémique et largement transposable à d’autres administrations, sur d’autres sujets. La stupéfiante pratique des certificats de sortie que se donnent les français à eux mêmes, est juste kafkaïenne. Elle témoigne d’un manque de confiance de l’administration dans les citoyens, et d’un besoin maladif de pouvoir contrôler et sanctionner. En respectant globalement ce dispositif, les Français ont fait preuve, soit d’une grande responsabilité devant l’ampleur de la crise, soit d’une acceptation, inquiétante, de cette infantilisation humiliante. Là encore, il va falloir revenir sur cela, et se poser des questions sur le rapport de l’administration aux citoyens, et inversement, des citoyens aux injonctions qui leurs sont données par les fonctionnaires d’État.

Autre sujet, totalement différent, ce qu’a révélé la mise en télétravail massive, forcée et brutale, des français. Tout le monde n’était pas prêt, tant sur les moyens matériels que sur les méthodes de management. Cette période a permis de voir que le management « à la petit chef » qui surveille tout et micro-manage, si répandue en France, n’est en rien gage de productivité. Bien au contraire même, et bien des entreprises ont continué à fonctionner sans trop de mal, une fois les premières semaines passées.

On a ainsi pu se rendre compte des tâches et pratiques réellement indispensables. Nombre de réunions, se sont révélées inutiles, ou ont pu être sérieusement raccourcies, pour un résultat équivalent. Beaucoup, voire la quasi totalité des travailleurs, ont bien mieux optimisé leur temps. Combien, pendant des réunions en visioconférence, ont fait autre chose de plus utile, en tendant vaguement une oreille pour savoir ce qu’il se disait ? La période a également permis de mesurer à quel point il est indispensable d’avoir des limites et des équilibres entre vie professionnelle et professionnelle. On a également compris qu’il est nécessaire d’avoir des moments où tout le monde se retrouve, pour échanger, avoir une vie sociale d’entreprise. Brainstormer ou créer un collectif, ça ne se fait pas en visioconférence. Cela prendra du temps, mais nous avons une matière très riche pour repenser notre rapport au management, à l’organisation du travail, voire même notre rapport au travail tout court.

L’année 2020 a laissé du temps à beaucoup pour faire un bilan de leur vie, et réfléchir à une éventuelle réorientation, quand ce n’est pas un changement radical. On commence à voir quelques effets, et c’est sans doute loin d’être fini. Je pense que d’importants glissements sociétaux sont à attendre dans les années qui viennent, car toutes les leçons ne sont pas encore tirées, toutes les réflexions sont loin d’être cristallisées, et les mutations sont forcément lentes. On ne change pas de travail, de lieu de résidence, et de mode de vie sur un claquement de doigt.

Même si la période est difficile et anxiogène, sur le moment, elle pourrait être profondément bénéfique à long terme, si nous acceptons de voir les problèmes qui sont remontés à la surface, et de les traiter. C’est cela que j’attends du débat public, des médias, de la classe politique, dans les années à venir. De toute manière, le mouvement est enclenché, nous n’avons plus le choix de décider de changer ou pas. Nous pouvons juste le faire bien, ou nous planter une fois de plus.

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L’oubli de l’exemplarité

En 1940, lorsque les allemands ont commencé à bombarder Londres, la famille royale aurait pu aller se mettre à l’abri à la campagne. Ce choix était parfaitement logique, cohérent et explicable pour des raisons de sécurité. Un autre choix a été fait, celui de rester. Le roi, la reine et leurs filles sont ainsi restés au palais de Buckingham, partageant le quotidien des londoniens, et subissant les mêmes risques. Ils y ont gagné une immense popularité et un lien très fort avec la population qui a duré dans le temps.

C’est une leçon politique majeure : quand on dirige un pays, on se doit d’être solidaire de la population, en refusant des passe-droits. Quand l’ensemble de la population subit des contraintes fortes et désagréables, les dirigeants doivent mettre un point d’honneur à se les imposer aussi, même si cela constitue une gêne pour leur quotidien et l’exercice de leurs fonctions. Dans un pays aussi fracturé que la France, une telle attitude est une nécessité vitale pour les dirigeants, s’ils ne veulent pas être complètement discrédités.

Alors que les français sont soumis à un régime de couvre-feu, qu’on leur demande restreindre leur vie sociale (pas plus de 6 personnes au Réveillon, avec papi et mamie à l’isolement dans la cuisine) et d’être au maximum en télétravail, on apprend que le mercredi 16, au soir, un long diner a réuni tous les ténors de la majorité à l’Elysée.

Je comprend tout à fait l’utilité de telles rencontres entre le chef de l’Etat et ses soutiens immédiats. Dans tous les entreprises, on sait que la visioconférence, ce n’est pas terrible pour les brainstorming et que rien ne vaut les échanges à bâtons rompus, pour se dire les choses. Je comprend aussi que ce genre de réunions prend du temps, et que vu l’agenda de toutes ces personnes importantes, il faut bien utiliser tous les créneaux disponibles, y compris le soir.

Ils ont juste oublié qu’il n’est pas possible, pour eux, de se comporter comme « avant », en se contentant de masques et de gestes barrières. La population souffre des restrictions qui lui sont imposées (notamment sur sa vie sociale), et peut très mal prendre le fait que ses dirigeants s’en affranchissent allègrement. Dans un pays où les Gilets jaunes ont montré qu’il existe une fracture très profonde et un fort ressentiment des couches populaires vis-à-vis de leurs dirigeants, c’est un paramètre essentiel à avoir en tête.

Il ne faut surtout pas donner l’impression que les dirigeants bénéficient de passe-droits, et que les règles imposées aux autres ne s’appliquent pas à eux. C’est dévastateur pour l’autorité et la popularité des dirigeants.

C’est d’autant plus terrible, quand ces règles sont justifiés par la nécessité d’éviter la propagation de la pandémie. Il ne peut pas y avoir de passe-droit, le Covid-19 ne faisant pas la différence entre un ouvrier et un président de la République.

Ce qui devait arriver arriva, Emmanuel Macron a contracté le virus, développé des symptômes, et transformé le gouvernement et les dirigeants de la majorité en « cas contact » (en espérant que ça n’aille pas plus loin). Les précautions imposées aux français se révèlent justifiées, ne pas les respecter expose à se faire contaminer et à en contaminer d’autres.

Comment voulez-vous, ensuite, que les dirigeants du pays soient écoutés de la population, si eux-mêmes ne respectent pas scrupuleusement (voire plus encore) leurs propres prescriptions ? Toutes les mesures de confinement ne peuvent fonctionner que par la bonne volonté des français et leur auto-discipline, qui peut rapidement se fracasser s’ils prennent conscience qu’ils sont bien bêtes de se donner du mal…

Diriger un pays, cela ne s’improvise pas. C’est un « métier » qui demande finesse, sens politique, et surtout, sens du sacrifice de son confort et de sa situation personnelle, pour créer un lien symbolique avec la population que l’on est amené à diriger. Quelque chose que la Macronie n’a visiblement pas assimilé.

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La loi Séparatisme, un texte profondément dérangeant

Le gouvernement vient de déposer à l’Assemblée un projet de loi, qui a commencé sa carrière médiatique comme « loi séparatisme », et qui s’appelle maintenant « confortant le respect des principes de la République ». C’est un texte qui me gêne considérablement, par la dérive autoritaire qu’il sous-tend.

Ce texte est d’abord une capitulation politique, un reniement de l’esprit qui a animé la campagne d’Emmanuel Macron. A aucun moment, on ne parle d’islam dans ce projet de loi, mais tout est tellement limpide, vu les discours, à commencer par celui du chef de l’Etat. Par cette initiative, il cède aux semeurs de haine, qui comme Eric Zemmour, depuis des années, déversent dans les médias que tous les malheurs de la France vient de ces étrangers, qui ne sont pas de chez nous, et qui sont tous des criminels en puissance. Ils ont enfin leur texte de loi, qui légitime leur combat xénophobe. Il cède aussi à tous ceux qui confondent laïcité et haine de la religion, et veulent en fait éradiquer les cultes de l’espace public. Ces courants se sont rejoints récemment, avec par exemple l’emblématique « printemps républicain ». Ce projet de loi est leur victoire, et cela me déplait profondément, car je suis profondément en désaccord avec leurs positions. En 2017, je n’ai pas voté Macron pour ça.

En plus de céder symboliquement à ce dévoiement de la Laïcité, et à la xénophobie, parce qu’il faut bien appeler les choses par leur nom, cette loi vient poursuivre un recul des Libertés publiques. Car ce texte est le plus liberticide que j’ai vu depuis au moins 10 ans. Il est malheureusement dans la continuité de ce qu’on voit, depuis au moins 2013, où chaque nouvelle loi sur le sujet marque un recul des Libertés face à l’administration, notamment des forces de sécurité. A chaque fois, c’est par petites touches. Là, on a plusieurs petites touches en même temps, ce qui finit par faire une grosse tache.

Le nombre de problèmes est en effet impressionnant, et même le Conseil d’Etat, avec son sens de la litote et malgré ses réflexes de protection de l’exécutif, ne peut pas s’empêcher de le remarquer.

Premier sujet, l’extension de l’idée d’interdiction du religieux dans l’espace public. L’article 1er de la loi impose ainsi que même dans une entreprise privée, quand elle est délégataire de service public, il faille respecter la « laïcité », c’est à dire en claire l’absence de signes considérés par l’opinion ou la hiérarchie, comme l’expression de convictions religieuses de la part des agents. Cela autorise une « police de l’appartenance religieuse » qui va bien entendu se déployer pour cibler une communauté, celle qui porte des voiles et des grandes barbes.

Le gouvernement n’a pas osé aller jusqu’à étendre cette police aux collectivités locales, ces dernières ayant vigoureusement protesté. En effet, la version initiale du texte prévoyait qu’en cas de « problème », si l’élu local ne faisait rien (ou ne faisait pas ce que les initiateurs de la loi attendaient qu’il fasse), le préfet pouvait de substituer à lui. Une atteinte manifeste à la libre administration des collectivités, et au passage, une marque d’absence de confiance qui a été remarquée des élus locaux. Le paternalisme doublé d’autoritarisme est un réflexe bien ancré chez les administrations d’Etat.

On retrouve, dans plein d’endroits du texte, ce paternalisme autoritaire, de l’administration qui se donne le droit de s’ingérer chez les autres et de juger de ce qui est bon et conforme. La partie réformant la loi de 1905 (un totem républicain allègrement piétiné) permet par exemple au préfet de demander le rapport d’activité et les comptes à une association cultuelle. C’est assez intrusif, et on sait bien que l’intimidation passe, non par l’usage de ce genre d’outils, mais par la simple menace de les utiliser. Cela me ferait bien rire que le préfet de police de Paris aille demander à l’archevêque de lui présenter les comptes et l’inventaire du patrimoine immobilier du diocèse. Avec cette loi, il en aura le droit ! Ce quoi calmer les revendications de responsables religieux qui déplaisent.

Si ce point prête un peu à sourire, d’autres sont plus gênants. En effet, le texte prévoit que le statut d’association cultuelle soit soumis à autorisation, et donc contrôle de l’autorité administrative. Le préfet peut donc débarquer dans une association cultuelle, regarder ce qui se fait, et décider qu’à ses yeux, certaines choses ne relèvent pas du cultuel. Et décider de retirer le statut. On frôle, pour ne pas dire autre chose, l’ingérence publique dans ce qui relève de la libre organisation d’une religion. Ce n’est pas à l’Etat de définir si une pratique relève ou pas du cultuel, c’est une question avant tout théologique. La pratique religieuse ne se résume pas à des actes rituels « traditionnels », c’est beaucoup plus diffus, et une pratique considérée comme culturelle vu de l’extérieur, de la part de non croyants, peut être vécue comme un acte ayant un sens religieux par les croyants.

En voulant cibler une mouvance particulière de l’islam, le texte de loi va toucher bien plus largement. Les règles concernant le contrôle des fonds venant de l’étranger, ont vocation à s’appliquer à toutes les religions. Va-t-on aller bloquer les flux financiers entre l’Etat du Vatican et l’église catholique française, entre les consistoires juifs et des personnes morales domiciliées en Israël ? Les outils mis en place le permettraient, il ne manquerait plus que la volonté politique et le courage de le faire. Bien entendu, je n’imagine pas que l’actuel gouvernement s’amuse à cela. Mais qui sait ce que l’avenir réserve. Aux Etats-Unis, Donald Trump a bien succédé à Barack Obama.

Autre volet problématique, l’atteinte au libre choix du mode de vie. Dans ce texte, et j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, le gouvernement procède à une révolution qui ne va pas passer comme une lettre à la poste. Poser le principe de l’interdiction de l’éducation à domicile, sauf exception, est une atteinte à l’autorité parentale. Le principe est que les familles sont libres de choisir leur mode de vie et la manière dont leurs enfants sont éduqués. Ils ont juste l’obligation de leur fournir une instruction. Mais certainement pas l’obligation de les confier à des tiers contre leur gré. Dans ce domaine, le projet de loi cherche également à resserrer la vis pour les établissements hors contrat, qui ne sont pas sous la tutelle de l’Etat. Ils seront plus surveillés avec plus de possibilités de l’administration d’Etat pour les faire fermer. Le mouvement est clair : l’éducation des enfants doit être faite selon les principes fixés par le gouvernement, même quand cela va à l’encontre du souhait des familles. Au passage, cela ne va pas concerner que les religions, mais également les pédagogies alternatives. Un choix politique très discutable, avec un avertissement très clair du Conseil d’Etat sur le risque constitutionnel.

Ce texte n’échappe pas, malheureusement, aux travers des lois faits-divers, avec ce nouveau délit de divulgation d’informations personnelles sur les réseaux sociaux dans le but de nuire. Complètement calqué sur l’affaire de l’assassinat de Samuel Paty, donc permettant de répondre à l’émotion que sa mort a suscité. Sauf que juridiquement, ce sera inopérant ou presque, car pour que le délit soit constitué, il faut prouver que celui qui a diffusé des informations personnelles sur les réseaux sociaux, avait l’intention de nuire. On envoie donc un message de fermeté, qui sera forcément déçu, vu le nombre ridicule de condamnations prononcée sur cette base. On voudrait saper la confiance des citoyens dans leurs représentants, on ne s’y prendrait pas autrement.

Le gouvernement en profite, au passage, pour détricoter encore un petit peu la loi de 1881 sur la presse. En effet, l’article 20 prévoit la possibilité d’utiliser la procédure de comparution immédiate, qui ne favorise pas l’exercice des droits de la défense, pour certains délits comme l’incitation à la haine. Certes, ce délit doit être sanctionné, mais comme tout exercice problématique de la liberté d’expression, il faut y aller prudemment, sinon, le risque est de voir le fort écraser le faible, et le faire taire, par la menace d’une procédure expéditive.

C’est l’occasion de rappeler le ressort profond de la loi de 1881 est justement d’empêcher cela. Cette loi organise, sciemment, un parcours procédural complexe et piégeux pour celui qui veut attaquer en justice sur ce type de délits. C’est un moyen pour que les petites querelles se règlent autrement que par un procès, réservant cela aux préjudices importants, qui valent le coup de se lancer dans cette aventure. L’idée est ainsi de protéger celui qui exerce sa liberté d’expression, en mettant une barrière à l’entrée à sa répression. C’est cette barrière à l’entrée que, loi après loi, depuis une quinzaine d’années, le législateur s’emploie à abaisser. Une dérive que je considère comme profondément délétère.

Demain, pour un mot de travers, pouvant être interprété pour une apologie du terrorisme ou un appel à la haine, vous pouvez vous retrouver deux heures plus tard devant un magistrat, qui vous colle une peine de prison avec sursis, une amende, et une inscription dans un fichier infâmant qui vous empêchera de passer un concours administratif, de trouver du travail, d’obtenir un HLM. La lutte contre le « Séparatisme », c’est aussi cela : organiser l’exclusion sociale des déviants, de ceux qui n’entrent pas dans le moule des « principes républicains » et qui se risquent à braver les tabous et les interdits.

Aujourd’hui, le déviant, c’est le jeune musulman de banlieue, qui a intérêt à ne surtout pas exprimer ni colère, ni ressentiment (même s’il a objectivement de bonnes raisons de le faire) et encore moins de marquer sa différence. Demain, qui sera le déviant que l’on fera rentrer dans le rang de la bienpensance ? Toute époque à ses hérétiques qu’on envoie au bucher. On en est encore là au XXIe siècle en France.

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A la recherche de la légitimité politique perdue

Pris dans une crise politique autour des violences policières, le Premier ministre a pensé avoir trouvé la parade, en proposant de créer une commission indépendante, pour réécrire le très décrié article 24 de la proposition de loi sur la sécurité globale.

La démarche est très révélatrice, car loin d’être isolée. En effet, depuis le début de la crise des Gilets jaunes, Emmanuel Macron multiplie les contournements d’institutions. C’est une Convention citoyenne qui est chargée de trouver des solutions au problème de la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Toujours sur les questions climatiques, on a créé un « haut conseil pour le Climat« , organe indépendant qui se voit associer à la définition de la politique du gouvernement. Pendant la pandémie, tout s’est joué entre un conseil scientifique, créé spécialement pour cela, et le conseil de Défense, un organe « officiel » mais pas du tout conçu pour le rôle décisionnaire qui lui a été donné sur ces sujets. Les institutions normalement en charge ont été allègrement contournée, et aujourd’hui, l’Assemblée nationale et le Conseil des ministre sont devenus des lieux vides, avec à peu près autant de pouvoirs qu’Elisabeth II.

Cette dérive n’est que le résultat mécanique du discrédit des institutions, qui se montrent de plus en plus incapable de remplir leur rôle, qui est d’élaborer et de légitimer les décisions de politique publique. Devant cette paralysie, le pouvoir en place cherche des solutions, pour continuer à avancer, et prendre des décisions qui, en même temps, tiennent techniquement la route, mais surtout, qui soient considérées comme légitimes et acceptables par la population (leur justesse technique étant un élément, mais pas le seul, de leur acceptabilité).

Vu comme cela, il y a une justification à demander à des professeurs de médecine ce qu’il faut faire face à une pandémie, ou au président de la commission consultative des droits de l’homme, sur la liberté de la presse et la lutte contre les violences policières. Ils sont les personnes idoines pour débloquer un dossier enlisé, ou l’euthanasier proprement. Cela révèle aussi en creux que les institutions normalement chargé de gérer le dossier, ont failli. Techniquement et politiquement. On le voit bien sur la gestion de la pandémie, l’administration d’Etat n’a pas été à la hauteur, tant dans la préparation que dans la gestion du début de crise, sans parler des absurdités technocratiques des confinements et déconfinements. Pareil pour l’article 24 de la PPL sécurité globale, où le ministère de l’Intérieur a cherché le passage en force et est en train de se prendre un mur en pleine face.

C’est à la fois une dérive, mais aussi un signe de vitalité. Face aux blocages politiques et techniques, Emmanuel Macron teste autre chose, cherche des solutions pour continuer à exercer, tant bien que mal, sa mission.

Nous vivons une crise politique et institutionnelle depuis maintenant plusieurs années. Une partie des solutions est peut-être en train d’émerger, sous nos yeux, de manière un peu improvisée. Cela peut valoir le coup de les analyser, en positif comme en négatif, et d’avoir des débats ouverts sur le bilan. Le strict respect des institutions et des prérogatives de chacun ne doit pas être un tabou, surtout quand la personne compétente n’a pas été mesure de faire correctement son travail.

Si les institutions qui défendent bec et ongles leurs prérogatives, ne veulent pas être contournées et vidées de leur substance, il ne tient qu’à elles de se ressaisir et de faire leur boulot, tant technique que politique.

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L’autre débat sur le floutage des policiers

Le monde politico-médiatique s’enflamme sur une disposition contenue dans une proposition de loi, dite « de sécurité globale », actuellement discutée à l’Assemblée nationale.

Son article 24 impose de flouter les images de policiers et de gendarmes quand elles sont diffusées, notamment sur les réseaux sociaux. Dans une ambiance de défiance croissante de la population vis-à-vis des forces de l’ordre, il n’a pas fallu grand chose pour déclencher une pluie de critique.

Les détracteurs de ce texte craignent que cela ne restreigne la liberté d’informer, en offrant une possibilité supplémentaire de poursuivre, ou au moins de menacer de poursuites, ceux couvrent les manifestations sur la voie publique et donc l’action plus ou moins musclée des forces de l’ordre. Il est vrai que depuis deux ans, cette question, légitime quelque soit l’époque, est devenue ultra-sensible. Notamment du fait de l’utilisation de doctrine de maintien de l’ordre contestables et contestées. D’autres craignent que cette protection ainsi offerte aux policiers ne les amènent, dans un sentiment d’impunité, à aller encore plus loin dans les violences.

Ces remarques sont parfaitement fondées et il y a une question « liberté d’expression » et liberté d’information qui se pose. Mais, il existe un autre enjeu, très largement éclipsé par la couverture, assez unilatérale, donnée à cette affaire par les médias.

Cet article 24 n’est pas arrivé par hasard dans cette proposition de loi. C’est une demande des policiers, dont les ressorts sont parfaitement compréhensibles et légitimes.

En se faisant photographier, dans l’exercice de leurs fonctions, ces policiers et gendarmes peuvent se retrouver personnellement exposés. Identifiés, ils peuvent faire l’objet de critiques, voire pire, d’agressions ou de harcèlements, en ligne ou dans leur vie personnelle et privée, ce qui peut être difficile à vivre pour la personne et son entourage. On sait tous que le lynchage est quelque chose qui fonctionne très bien sur les réseaux sociaux, et que les images et vidéos de policiers qui peuvent y circuler sont rarement bienveillantes pour les forces de l’ordre.

Est-il normal et acceptable qu’un policier se retrouve personnellement pris à partie, alors qu’il n’a fait que son travail, c’est à dire obéir aux ordres de sa hiérarchie (même s’il les trouvent idiots) ? Un simple policier de base doit-il assumer personnellement les errements de sa hiérarchie dans les choix de maintien de l’ordre ?

Il existe une règle de droit, la protection fonctionnelle, qui impose à l’employeur, public comme privé, de protéger ses employés, afin qu’ils ne subissent pas personnellement des préjudices, parce qu’ils ont juste fait leur travail, et obéit aux ordres. Le ministre de l’Intérieur a donc l’obligation de répondre à cette demande de protection contre le lynchage en ligne, dont peuvent être victimes de policiers dont l’identité, associée à des images jugées choquantes, circule en ligne.

Dans cette affaire, deux demandes légitimes sont exprimées, protéger les policiers de risques anormaux sur leur vie privée, du fait de l’exercice de leurs fonctions, et la liberté de la presse, avec le maintien d’une capacité de contrôle de l’action publique, en l’occurence la manière dont l’ordre est maintenu sur la voie publique.

Trouver un point d’équilibre n’est pas simple, et la solution proposée par le seul article 24, dans sa rédaction ‘sortie de la commission à l’Assemblée » n’est pas satisfaisante. Mais le demande (classique) de retrait pur et simple, formulée par les journalistes et activistes des Libertés laisse entier le problème, légitime, de la protection fonctionnelle des policiers. La solution est d’autant plus complexe, que la question sous-jacente est celle des violences policières, régulièrement dénoncées et que le ministère de l’Intérieur ne veut pas reconnaitre, et donc traiter à la hauteur de ce qui est souhaitable pour répondre à une demande sociale qui va croissant.

Malheureusement, comme souvent en France, on est partis dans un débat bloc contre bloc, avec une incapacité à creuser le fond, à trouver des interlocuteurs qui acceptent, de part et d’autre, de se mettre autour d’un table, pour voir comme résoudre un problème, ou au moins, trouver un compromis acceptable.

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L’irresponsabilité des élus français

Ces derniers jours, les appels au boycott ou au démantèlement des GAFA se succèdent venant d’élus et de responsables politiques. Quand ce n’est pas Google, c’est Amazon qui s’en prend plein la figure. A chaque fois, on est dans la posture, où on démolit, sans rien proposer en remplacement.

Ce comportement est malheureusement typique de la politique à la Française, où on adore créer des boucs-émissaires, pour les bruler en place publique. Cela permet de se pousser du col, au jeu du « plus radical que moi, tu meures » en se donnant bonne conscience. Diaboliser et dénoncer, c’est agir. Donc pas besoin d’en faire plus. C’est pitoyable et pathétique !

Faire de la politique, c’est d’abord identifier les problèmes, dire en quoi cela pose problème, puis élaborer des solutions applicables, où un maximum d’acteurs s’en sortent gagnants.

Sur le sujet Amazon, le principal problème est que le basculement des consommateurs vers le e-commerce, qui s’est accéléré avec la crise sanitaire, menace les commerçants « physiques » qui ne sont plus en mesure de rivaliser. Premier point, le e-commerce ne se limite pas à Amazon, loin de là, et ses parts de marché en France ne sont pas si élevées. Concentrer le tir sur cette entreprise, et l’ériger en symbole (la bête à abattre) c’est prendre le risque de nuire aux autres entreprises du e-commerce, voire aux consommateurs, et laisser Amazon quasi indemne. Taxer le e-commerce, c’est au final pénaliser les consommateurs, sur qui le montant de la taxe va être répercuté. Démanteler les plateformes américaines, c’est juste ouvrir la voie aux chinois, l’Europe n’ayant rien à proposer comme alternative aux consommateurs.

Ces postures extrêmes sont vouées à l’échec, d’abord parce que ces grands acteurs mondiaux sont largement à l’abri du gouvernement français. Google ne doit pas vraiment trembler devant les diatribes du président de la région Hauts-de-France, qui devrait peut-être davantage s’occuper des risques de fermetures d’usines dans sa région, que de crier sus aux Gafa.

La solution n’est donc pas d’essayer de tirer le e-commerce vers le bas, mais de faire monter en compétence les commerçants « physiques », pour qu’ils soient capables de rivaliser et donc de survivre. Cela demande un énorme effort de formation, d’équipement en matériel informatique, de réorganisation de l’activité. C’est autrement moins glamour et valorisant que de manifester devant un chantier d’entrepôt, en criant des slogans (et de rentrer le soir, pour commander ses courses sur internet, ou aller dans la grande surface, parce qu’on n’a pas eu le temps de les faire dans le commerce de proximité).

Cela peut aussi passer par une surveillance un peu plus poussée des pratiques, parfois prédatrices, de grandes entreprises, avec une régulation pensée pour protéger les « petits » commerçants et les consommateurs. Mais là encore, cela demande du travail, pour comprendre les évolutions technologiques, enquêter, et savoir exactement où frapper. Ce n’est pas en bloquant l’installation des entrepôts d’Amazon qu’on va l’empêcher d’étouffer les petits commerçants sur sa market place.

Tout cela demande un travail de fond, où il faut avancer avec tous les acteurs, y compris les Gafa, qui sont peut-être un problème, mais aussi une partie de la solution. Cela donne des petites avancées, pas très spectaculaires, et peu valorisante dans un pays comme la France, où on ne rêve que de grands soirs et de tables rases.

Si la France est tombée aussi bas, c’est peut-être aussi parce que sa classe politique a majoritairement choisi de basculer dans la facilité et la démagogie. Cela peut être payant à court terme (et flatteur pour l’ego) mais c’est désastreux à long terme, car cela ne règle pas les problèmes de fond, qui pourrissent, et finissent par plomber complètement le pays.

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La Laïcité à la française, nouvel avatar de notre arrogance ?

On débat beaucoup, en France, en ce moment de laïcité. Au point de ne plus trop savoir ce qu’on n’y met. Neutralité de l’espace public face aux croyances pour les uns, arme de destruction des religions pour certains, outil d’exclusion d’une religion en particulier pour d’autres… Nous ne sommes pas si au clair que cela sur le contenu exact de la notion, mais en tout cas, c’est un totem, un dogme républicain. Gare à ceux qui s’aviseraient de le contester, ils se font rappeler à l’ordre.

La semaine dernière, ce sont des jeunes des couches populaires, en grande partie musulmans (ce qui ne relève pas du hasard), qui ont eu le malheur de ne pas réciter la doxa devant une ministre. Ils se sont faits excommunier en direct, la ministre leur déniant le droit de tenir certaines positions. L’organisme qui a laissé s’exprimer des opinions aussi dissidentes, on aurait dit hérétiques dans les temps anciens, va se prendre une inspection, qui n’est pas diligentée dans une optique bienveillante, mais pour rechercher des fautes, et sanctionner.

Que disent ces jeunes ? Qu’ils se sentent exclus, sur tous les plans, et que la « laïcité à la française » est un outil d’exclusion supplémentaire, qui est destiné à stigmatiser l’islam et à interdire de se revendiquer musulman. Ils questionnent, pour certains, le dogme de la neutralité de l’espace public. Une faute lourde, qui justifie, pour la ministre, de couper court aux échanges, par une fin de non recevoir et une disqualification de la position de l’autre. Sans écoute, sans dialogue, sans échange.

Autre épisode intéressant, l’échange, assez vif bien que feutré, entre Emmanuel Macron et les journalistes du New-York Times à Paris. Pour le président, les journalistes américains en poste à Paris ne comprennent pas la France, ne la regardent pas comme il le faut (sous-entendu, comme lui le souhaiterait). La vision de la « presse anglo-saxonne », qui dérange Emmanuel Macron, est que la montée du terrorisme islamiste dans notre pays, est en partie le résultat de l’échec de la politique d’intégration, et de notre nombrilisme, qui nous pousse à nous poser en donneurs de leçons au reste du monde.

Sur l’affaire des caricatures, nous avons claironné qu’il y a un droit absolu à la caricature, et que si certains n’aiment pas cela, et bien tant pis pour eux, nous allons les republier et en faire des tonnes. Qu’importe sur le contenu des caricatures, qui peut faire rire ou sourire dans un contexte français, est perçu comme une insulte ou une humiliation dans d’autres pays. Nous nous posons ainsi comme la référence, le nombril du monde, et si les autres ne sont pas d’accord avec nous, c’est qu’ils ont tort. La fameuse « arrogance française » qui fait, malheureusement, partie de notre culture nationale.

La « faute » des journalistes étrangers, est justement de ne pas s’inscrire dans ce culte de la vache sacrée « laïcité à la française » et d’en pointer les limites, voire les contradictions. En effet, il est assez piquant de relever qu’au nom de la laïcité, qui prône la stricte séparation de l’Etat et des religions, le chef de l’Etat aille expliquer à une religion comment elle doit s’organiser et évoluer. Faut-il un « islam à la française » ? Peut-être, mais ce n’est pas au président de la République de le dire et de le promouvoir, dans un Etat qui se veulent aussi strictement laïc.

Les journalistes sont également particulièrement cruels, en expliquant que nombre de musulmans se sentent sommés par l’Etat et la société, au nom de la laïcité, de renoncer à une part de leur identité culturelle, tout en faisant d’eux des citoyens de seconde zone. Quand ils expriment leur mécontentement, ils se font rabrouer. Comment s’étonner, après, que nombre de français de confession musulmane aient un problème avec la « laïcité à la française » voire avec la France ?

Finalement, les journalistes étrangers ne font que dire, avec des mots clairs, les choses et les faits qu’ils voient et que les élites françaises s’obstinent à nier, comme l’a fait la ministre évoquée un peu plus haut dans ce billet. La France, « Pays des droits de l’homme », n’aime pas qu’on mette en lumière ses échecs et ses insuffisances, et qu’on la fasse ainsi descendre de son piédestal d’où elle aime tant donner des leçons, au reste du monde qui, bien souvent en rit ou s’en offusque, et n’en tient pas compte.

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La vaste blague du second confinement

Depuis le 30 octobre, les Français sont à nouveau confinés. Enfin presque, tellement le risque est élevé que ce confinement soit contourné et finalement sans grand effet sanitaire. La gestion, par le gouvernement, de la lutte contre la pandémie, est en effet très critiquable, et la décision de confiner est un modèle de ce qu’il ne faut pas faire.

L’arrivée du virus, au début de l’année 2020, est une réelle surprise. La décision de confiner, en mars, est brutale, mais compréhensible et acceptable pour la population. Le virus est inconnu, sans vaccin, avec des effets très divers, certains en meurent, d’autres n’ont que des symptômes qui vont de quasiment rien à l’équivalent d’une bonne grippe. Devant autant d’inconnues, la réaction de confiner, pour éviter la saturation du système hospitalier, est logique et donc bien acceptée par la population, qui a globalement respecté ce confinement.

En octobre 2020, la situation est très différente. On en sait un peu plus sur ce virus et les moyens de s’en préserver. C’est le port du masque, la distanciation sociale, le lavage fréquent des mains. On sait aussi que la probabilité est forte que le virus revienne à l’automne. Le conseil scientifique l’a écrit noir sur blanc dès juillet, et en septembre, a averti qu’il fallait prendre des mesures fortes rapidement. On savait qu’elle allait revenir, et comment s’en préserver.

Les mesures nécessaires pour éviter cela n’ont jamais été prises, ni même envisagées. Il fallait, dès la rentrée, mettre en place des protocoles sanitaires stricts, préparer psychologiquement les Français à une année difficile. Au lieu de cela, on a laissé la vie reprendre son cours, avec quelques contrariétés légères comme l’obligation d’avoir un masque.

Les Français n’ont donc que très moyennement respecté les règles sanitaires. Ils en sont les premiers responsables, c’est clair. Mais à aucun moment, les pouvoirs publics n’ont joué leur rôle qui est d’avertir, et de prendre les mesures pour demander et convaincre les Français d’être plus responsables. Début octobre encore, un ministre incitait ses compatriotes à partir en vacances. Tout comme le chef de l’Etat avait encouragé les Français, début mars, à aller au théâtre. Le signal envoyé était « la vie continue comme avant ou presque ».

Tout cela résulte d’un choix politique, finalement assez assumé, de privilégier l’économie sur la santé. Il fallait que les Français recommencent à consommer, à aller dans les bars, les restaurants, les magasins. On a bien tenté d’imposer quelques règlementations comme une distanciation dans les salles de spectacles ou les réunions publiques. Mais il suffisait de se promener près des terrasses des cafés, pour se rendre compte que personne n’y portait de masque, se parlant à moins d’un mètre. Tout cela n’a donc servi à rien, ou presque, sur le plan sanitaire.

Ce choix politique s’est heurté, bien plus rapidement que prévu, à la reprise de la pandémie, et à une saturation des capacités hospitalières. Tout cela était prévisible, prévu même, si on se donnait la peine d’écouter les scientifiques. La politique du gouvernement était donc une impasse, une erreur stratégique majeure.

En plus de cet errement stratégique, s’est ajoutée une gestion tactique déplorable. On ne passe pas en quelques jours de « il y a une légère aggravation et un couvre feu dans les grandes villes suffira » à un reconfinement généralisé. Les gens n’y sont pas préparés, psychologiquement, mais également matériellement, surtout en pleines vacances scolaires. Revenir précipitamment de son lieu de vacances, pour se confiner immédiatement chez soi, c’est compliqué. Les centaines de kilomètres de bouchons (dans le sens des départs) en Ile-de-France, en plein milieu de semaine, est une illustration supplémentaire de l’impréparation des Français.

Un gouvernement responsable aurait envoyé des signaux, avant les départs en vacances, indiquant que la situation se dégrade, et qu’il est possible qu’on en arrive, dans un délai assez proche, à prendre des restrictions de déplacement. Certes, cela aurait pu provoquer des inquiétudes, mais aurait aussi permis aux Français de prendre leurs dispositions. Rien n’est plus irritant que de se faire cueillir par surprise, alors qu’on aurait pu faire autrement. Cela ne facilite pas franchement l’acceptabilité sociale du confinement.

La cacophonie, il n’y a pas d’autre mot, au somment de l’Etat, n’incite pas non plus les Français à prendre au sérieux ce confinement. On a senti bien des ministres, plus préoccupés par le sauvetage de leurs ouailles, que par la nécessité de préparer le pays à l’inéluctable. Les gesticulations du secteur de la Culture, pour que les libraires soient dans la catégorie ‘biens de première nécessité » sont assez pathétiques au regard de l’enjeu sanitaire (qui s’est doublé d’un enjeu sécuritaire). Je ne parle même pas de la préparation de la réouverture des écoles, sommées d’accueillir tous les élèves (il faut bien que les parents travaillent) avec un « protocole sanitaire renforcé. Un triste mélange d’improvisation sur fond d’injonctions contradictoire, le tout saupoudré de technocratie, avec des circulaires administratives détaillées sur ce qu’il faut faire ou pas (l’attestation de circulaire scolaire de chaque élève doit avoir le tampon de l’école).

La cacophonie vient également du maintien du choix politique de privilégier l’économie. Les écoles restent ouvertes, et les entreprises sont priées de continuer à fonctionner, pour sauver l’économie. Cela va donc amener à multiplier les « bons de sortie ». Le système des attestations que l’on se donne à soi-même est une vaste blague. Il ne tiendra pas si les Français décident, massivement, de jouer avec les limites. On peut très bien se donner plusieurs attestations par jour : j’amène les enfants à l’école à 9 heures, je vais faire les courses à 11h, je vais faire ma promenade sportive d’une heure à 14h, et je vais chercher les enfants à 17h. Et entre temps, je peux me donner une deuxième attestation « courses » si j’ai encore envie de prendre l’air.

S’il n’y a que quelques resquilleurs, ils ont assez vite fait de se faire rattraper par la patrouille. Si c’est la moitié, ou même le tiers de la population qui décide de ne pas jouer le jeu, cela ne tiendra pas.

Le risque est réel que la population estime avoir « déjà donné » avec le premier confinement, et ne souhaite pas remettre ça, en plus en hiver, quand le jour est court et le temps gris. Si en plus, ce qui est demandé aux Français, c’est d’aller bosser, en renonçant à tous les plaisirs de la vie ou presque, ce n’est pas franchement enthousiasmant. On peut consentir à des sacrifices, pour une cause qui en vaut vraiment la peine, et parce qu’on ne peut pas faire autrement. Encore faut-il démontrer que les sacrifices sont utiles et inévitables. Une démonstration qui n’est pas faite pour l’instant.

Les conditions de l’acceptabilité sociale du confinement sont donc beaucoup moins au rendez-vous en octobre qu’en mars. L’erreur majeure du gouvernement a été de ne pas se donner les moyens de la construire. Maintenant que le confinement a commencé, et qu’il semble assez moyennement respecté (il y avait du monde, dans les rues de Paris, ce samedi matin 31 octobre), c’est un peu tard. A moins que le choc sanitaire soit d’une telle ampleur, qu’il fasse peur aux Français, les obligeant à se calfeutrer réellement.

Dans ce cas, le gouvernement aura perdu sur les deux tableaux, le sanitaire, et l’économique. Car il est évident qu’à partir du moment où le gouvernement décidera, face à la montée de la pandémie, de fermer les écoles et de restreindre les ouvertures de commerces, l’économie replongera aussitôt. Et autrement plus sévèrement qu’au printemps.

La chute est peut-être finalement plus proche qu’on ne le pense…

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Il faut en finir avec les chaînes d’info en continu

Le système médiatique français s’enfonce de plus en plus dans le grand n’importe quoi. Les Français ont de moins en moins confiance dans les médias, et les chaînes dites « d’info » à savoir BFM, Cnews et LCI en portent une large part de responsabilité. En période de crise, à la fois économique et sanitaire, c’est particulièrement dangereux pour le pays.

Depuis bien longtemps déjà, ces chaînes ne font plus de l’information, mais du spectacle. Toute la journée, une même information est traitée en boucle, avec des grandes gueules, plus ou moins expertes du sujet, qui commentent en plateau. Y compris quand on est dans l’attente d’une annonce, et que les intervenants et présentateurs en sont réduits à commenter du vide.

Le drame est que trop souvent, ce sont ces chaînes qui construisent la hiérarchie de l’info, c’est à dire qu’elles imposent les sujets dont les autres médias (à commencer par les autres télévisions) vont traiter en priorité. Derrière, la presse écrite suit et c’est ainsi qu’elles sont le lieu où le débat public est posé. Un sujet qui n’est pas évoqué sur ces chaînes n’existe pas dans le débat. A l’inverse, une micro-polémique, si elle tourne en boucle, oblige les politiques à se positionner, et en fait un objet du débat démocratique

Un certains nombre d’extrémistes ont parfaitement compris que ce système a besoin de polémiques et de postures excessives et tranchées, et en profitent pour pousser leurs propres obsessions à l’agenda. Ils parasitent et biaisent ainsi le débat public et démocratique. C’est bien connu, la fausse monnaie chasse la bonne, et rapidement, l’agora politique se transforme en jeux du cirque.

Tout cela entraîne une crise de défiance majeure des français dans les médias. Les téléspectateurs ont une image négative de la qualité de ce qui leur est proposé, même si les audiences sont encore au rendez-vous. Derrière, c’est l’ensemble de la presse qui pâtit de cette image et c’est là un vrai danger. Les cassures sociales françaises sont déjà énormes, avec un fossé grandissant entre villes et campagnes, entre « élites » et classes populaires. Si en plus, les médias sont gangrénés, et que la confiance dans l’information données par les journalistes baisse, on creuse encore un peu plus les fossés.

Aujourd’hui, ce sujet de la qualité de l’information, et du rôle néfaste des chaînes d’information en continu doit devenir une question politique. Est-ce vraiment ce qui nous est proposé actuellement que nous voulons pour la France ?

Il n’est plus possible de faire l’économie d’une réflexion d’ensemble, sur les moyens de retrouver un débat public sain, et une bonne qualité d’information. Le temps n’est plus aux petits bricolages, mais à une refonte globale, qui doit utiliser tous les leviers, notamment et surtout le levier économique, car la base du problème est le modèle économique de ces chaînes.

Le débat qui doit s’ouvrir ne porte donc pas sur les moyens (cela viendra après), mais sur ce que l’on attend, en France, des médias audiovisuels d’information et de débat politique, et plus globalement, des médias, dans leur traitement de l’information. Le sujet, derrière, est la solidité de notre démocratie et la cohésion sociale du pays. Laisser les choses suivre leur pente actuelle, c’est se préparer une crise sociale et politique majeure !