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L’inquiétante fragilité du dispositif Attal

A peine trois mois après son entrée en fonction, le dispositif politique autour de Gabriel Attal apparait bien fragile. Il y a eu des erreurs de casting, dans la garde politique rapprochée, ainsi que de grosses difficultés à trouver des conseillers (notamment pour le pôle parlementaire du cabinet, postes pourtant prestigieux). Les premiers craquements se font déjà entendre, ce qui n’augure rien de bon.

La semaine dernière, les trois principaux conseillers de la porte-parole du gouvernement (son directeur de cabinet, la directrice de cabinet adjointe et la cheffe de cabinet) ont démissionné. Cela fait suite à un gros couac, où en sortie de conseil des ministres, la porte-parole a évoqué un attentat déjoué, avant de se rétracter un peu après.

Même si l’entourage restant cherche à minimiser l’évènement, c’est le signe d’une grave crise interne, avec un problème clairement identifié : c’est juste la ministre qui n’est pas à la hauteur, et qu’il faudrait changer. Mais comme ce n’est pas politiquement possible, ce sont les conseillers qui partent. Qu’un conseiller ministériel parte au bout de trois à quatre ans, c’est normal, car il y a une usure, vu le rythme de travail assez dingue. Mais les trois têtes du cabinet qui claquent la porte au bout de trois mois, c’est du jamais-vu (et pourtant, la Macronie nous en a fait voir).

L’ennui, c’est que le poste de porte-parole est hautement stratégique. Il l’est encore plus quand, faute d’argent et de majorité au Parlement, le gouvernement en est réduit à ne faire que de la communication.

D’autres postes aussi stratégiques dans l’entourage proche du Premier ministre, donnent également des signes de faiblesse. La nouvelle ministre des relations avec le Parlement a mal commencé, avec une opération de comm’ complètement lunaire, le jour sa nomination, suivie la semaine suivante d’une bourde dans l’exercice de ce qui est le coeur de son activité : la construction du calendrier parlementaire. A la suite du discours de politique générale de Gabriel Attal, l’opposition dépose une motion de censure, afin d’avoir un scrutin, puisque n’ayant pas de majorité, le nouveau premier ministre s’est bien gardé de demander un vote de confiance. La conférence des présidents se réunit (en présence de la nouvelle ministre des relations avec le Parlement) et fixe la discussion au lundi 5 février, à 21h30. Mais voilà que quelques heures plus tard, changement de programme, la discussion aura finalement lieu à 10h du matin (ce qui n’arrange personne). En effet, le soir, Gabriel Attal effectue son premier déplacement diplomatique, à Berlin, et n’est donc pas disponible. Cela fait un peu ballot de s’en apercevoir après la réunion de la conférence des présidents…

La troisième ministre déléguée auprès du Premier ministre, Aurore Bergé, pourrait devenir elle aussi source de problèmes. D’abord nommée ministre de plein exercice aux Affaires sociales en juillet 2023, elle est rétrogradée six mois plus tard, au poste de ministre déléguée, chargée de l’égalité hommes-femmes et de la lutte contre les discriminations. Or, voilà que la presse annonce qu’elle aurait bloqué la nomination d’une fonctionnaire, parce qu’elle aurait milité, il y a 10 ans, aux côtés de Benoit Hamon. Quand on est en charge de lutter contre les discrimination, ça fait tache. Le Canard enchainé vient aussi de publier article sanglant, où il relate un turn-over inquiétant chez les conseillers d’Aurore Bergé, avec des cas de maltraitance et d’humiliation, montrant un grave déficit de bienveillance dans le management. Là encore, quand on est ministre qui est censé s’occuper de la lutte contre le harcèlement, ça relève de la dissonance cognitive. En politique, ce genre de grand écart se finit mal.

Tout cela ne serait pas si grave, si le Premier ministre était un vieux routier de la politique, doté de réseaux profonds, tant dans l’appareil d’Etat que dans les milieux économiques. Agé de 35 ans, Gabriel Attal est entré, à l’issue de ses études, comme stagiaire au cabinet de la ministre de la Santé, où il gravit les échelons, avant d’être élu député et d’enchainer les postes ministériels, sans y rester suffisamment longtemps pour s’y tisser des réseaux ou s’imprégner des dossiers. Un Premier ministre inexpérimenté, sans réseaux, entouré de ministres déléguées fragiles, et guère plus expérimentées, il y a de quoi s’inquiéter.

Et voilà que, au fil du début de campagne pour les élections européennes, la liste de la majorité présidentielle s’effrite, alors que celle du PS semble avoir trouvé une dynamique. Dans le dernier sondage, où le RN est largement en tête (30%), les courbes commencent à se rapprocher entre Valérie Hayer (16%) et Raphaël Glucksmann (14%). Faute d’avoir trouvé une tête de liste charismatique, c’est au Premier ministre qu’il reviendra de porter politiquement la campagne de la liste Hayer, et qu’il sera donc politiquement responsable du résultat…

8 réponses sur « L’inquiétante fragilité du dispositif Attal »

Peu d’estime particulière pour Aurore Bergé, mais dire que la haut fonctionnaire en question n’avait plus d’engagement politique depuis 10 ans semble exagéré. Le parti Générations où elle aurait milité n’a pas encore 7 ans, et des tribunes de soutien aux gilets jaunes ont au maximum 6 ans. On ne sait pas non plus ce qu’il y avait dans ses tribunes contre l’islamophobie, mais si elle affichait un soutien bruyant aux abayas il y a moins d’un an, ça ferait un peu tache pour ce poste sur l’égalité homme-femme.

Si ce recrutement posait problème, pourquoi cette personne aurait passé avec succès tous les entretiens ? Un freinage brutal, à ce stade de la décision (qui est en principe une ratification formelle) pose question.

Tout en étant d’accord sur la forme, en quoi est-il problématique, sur le fond, qu’un ministre veuille être en confiance avec ses hauts fonctionnaires ? On a une notion d’emploi à la discrétion du gouvernement précisément pour s’assurer de l’alignement stratégique des hauts fonctionnaires avec le gouvernement.

Je ne pense pas que cet emploi soit un « emploi supérieur à la discrétion du gouvernement », peut être un emploi de direction de l’Etat, mais ce n’est pas certain non plus. A minima un emploi fonctionnel je pense. Mais ça reste un sujet fortement politique, pour lequel je pense qu’on fait normalement des vérifications en amont

Le souci n’est pas le fond, mais la forme et la manière dont ça sort dans les médias. C’est anormal qu’un veto brutal arrive, depuis le ministère, à la toute dernière étape, alors qu’il y a eu de nombreux filtres auparavant, que la candidate a tous passés avec succès. Cela donne vraiment l’impression d’un caprice de diva, et d’une décision « intuitu personae » qui est du plus mauvais effet. Cela montre aussi une forme de brutalité dans le management, qui peut aussi être aperçue par les autres signaux. Tout cela ne peut que fragiliser la ministre concernée, et donc créer des problèmes potentiels à son supérieur direct, le Premier ministre.

Oui, quels que soient les motifs pour la bloquer, c’était trop tard et il valait mieux laisser pisser. Mais je serai curieux de voir de quoi il s’agissait vraiment

On verra bien, si cette affaire continue de mousser et que le nom de cette personne sort. Normalement les vérifications se font en amont, mais sur ces sujets « égalité et discriminations » les services sont parfois un peu schizophrènes dans les rectorats, peut être aussi les préfectures. Sans compter que le processus de recrutement a pu commencer avant le remaniement, et que la nouvelle ministre avait plus à redire dessus que la précédente.

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