A peine nommée, la nouvelle ministre de l’Education nationale est dans la tourmente. Deux affaires, totalement distinctes, se rejoignent, celle concernant la scolarisation de ses enfants, et celle concernant son action (et son salaire) dans ses précédentes fonctions à la Fédération française de tennis. Dans les deux cas, la réplique est catastrophique, et enfonce encore davantage la ministre, donc par ricochet, le gouvernement dans son ensemble.
Sur le fond, les deux affaires sont hypersensibles. Une ministre de l’éducation nationale qui met ses enfants dans le privé, en soi c’est gênant, mais comme nombre de responsables politiques (y compris de gauche) font de même, on aurait pu en rester là, faute de combattants pour la torpiller dans les médias. Le fait que les enfants soient au collège Stanislas, établissement élitiste de la droite catholique conservatrice ajoute un peu de piment. Outre le fait que cette école soit très « marquée », elle fait l’objet d’enquêtes de la part de Médiapart, pour des cas de dérapages « homophobes » en cours de catéchisme. Là encore, c’était défendable, avec un peu d’habileté. Mais la défense a été pathétique, et la faute politique est là. Amélie Oudéa-Castéra commence en effet par mettre en cause l’établissement public où étaient ses enfants, pointant un problème d’absences non remplacées. Quand on est ministre de l’Education, on évite ce genre de mises en cause, surtout quand l’établissement rend publique une autre version, qui est que la ministre aurait demandé que son fils saute une classe, ce qui lui a été refusé. Non contente de se mettre à dos le public, elle se tire une deuxième balle dans l’autre pied, en se défendant d’être « catho », caricaturant ainsi l’établissement, et les autres parents d’élèves. Bref, elle se met à dos tout le monde, toute seule, sans qu’aucun piège ne lui soit tendu. Un amateurisme qui relève de la faute lourde en politique !
La deuxième affaire est aussi lourde. Une commission d’enquête de l’Assemblée, lancée par les écologistes, s’est penchée sur les dérives des fédérations sportives. Et il y en a, dans tous les sens, que ce soit des problèmes de harcèlement sexuel (voire de viols), des dérapages financiers, révélant que ce monde sportif est en roue libre, et n’est finalement pas contrôlé. Parmi les révélations qui ne manqueront pas de choquer, figure le salaire annuel d’Amélie Oudéa-Castéra, quand elle était directrice générale de la Fédération française de tennis : 500 000 euros annuels, soit 35 000 euros par mois, agrémentés que de quelques jetons de présence (50 000 euros). Un niveau de revenu objectivement indécent, et considéré partout comme « anormal » pour ce niveau de responsabilité. Au passage, le rapport souligne aussi qu’elle a été globalement inactive sur les sujets de harcèlements et d’éthique, à la fédération et comme ministre des Sports. Le tout, sur fond de copinage et de renvois d’ascenseurs. Là encore, la réplique est pathétique, la ministre dénonçant un rapport « militant ». Aucune réponse ou justification sur le fond, juste une tentative de disqualification de ceux qui la critiquent. Elle oublie un détail, c’est qu’il s’agit du rapport d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale, et que ce faisant, elle jette l’opprobre sur l’ensemble des députés, car même si la commission d’enquête a été demandée par les écologistes, elle était présidée par une députée de la majorité.
D’autres choses pourraient encore survenir, car il reste des billes. En effet, Amélie Oudéa-Castéra est la nièce des joournalistes Alain et Patrice Duhamel, et de Nathalie Saint-Cricq, parfois vus comme des symboles de l’oligarchie médiatique. Tout cela mis bout-à-bout, forme un cocktail détonnant, dont le maniement demande une grande dextérité de communication, dont Amélie Oudéa-Castéra semble dépourvue.
Même si pour le moment elle tient, elle est politiquement affaiblie. rien de pire, en politique, que d’être accusé de manquements déontologiques, après s’en être mis plein les poches. Dans ce monde de requins qu’est la politique, elle risque fort de faire écraser dans les arbitrages, et d’être finalement incapable de porter politiquement le sujet de l’école, pourtant érigé en priorité numéro 1 du gouvernement Attal.
Son avenir politique est donc réduit, et une fois les Jeux Olympiques passés, elle pourrait être dégagée sans ménagement du gouvernement, si elle arrive à tenir jusque là !