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Militer, c’est d’abord produire des contenus

Le lancement du nouveau réseau social de Meta, Threads (couplé à Instagram) montre à quel point on est arrivé au bout d’un modèle. Ce réseau est complètement hors du contrôle de l’utilisateur, qui reçoit des contenus décidés par l’algorithme (vaguement aidé par les préférences indiquées par l’utilisateur). En résumé, c’est Twitter en pire, avec tous les inconvénients, sans le moindre avantage.

Cela met en lumière, quasiment par l’absurde, les limites de ce qui n’est qu’un outil, où on a oublié l’essentiel, à savoir le contenu. Un peu comme une voiture sans le carburant. La logique du réseau social est de mettre les gens en relation, et finalement, on ne s’est jamais vraiment préoccupé du contenu des échanges. Au début (vers 2006), on pensait un peu naïvement que « contenu généré par les utilisateurs » suffirait à remplir les tuyaux. Certains sites des presses se sont même lancés sur cette intuition, qui s’est révélée bien vite une impasse. La création de contenu de qualité, c’est du travail, du savoir-faire, du temps, et ce n’est pas donné à tout le monde. Assez rapidement, les contenus « professionnels » ont pris l’essentiel de l’espace, souvent pour le pire, avec une profusion de contenus publicitaires creux, mais aussi de propagande politique. La promesse initiale d’un échange de qualité et « désintéressé » subsistait, de manière marginale, au sein de quelques petites bulles assez réduites.

Militer pour une cause, en ligne, passe par la production de contenus de qualité. Juste cliquer ou liker pour relayer et pousser les causes auxquelles on adhère, c’est très insuffisant, les bots faisant cela bien plus efficacement. Il faut collectivement s’organiser pour produire des messages et positions, et ça se passe en dehors des réseaux sociaux. Il faut se sortir le nez de ce milieu nauséabond et comprendre que la véritable bataille est ailleurs, et surtout, se joue en collectif organisé. Produire des contenus pertinents et intelligents demande des moyens que seuls une organisation peut avoir, par l’argent, mais aussi et surtout par l’investissement de ses membres dans la production. Il faut de l’argent, mais cela ne suffit pas, il faut aussi du jus de cerveau.

Il est donc essentiel de se déconnecter des réseaux sociaux, ou alors de les utiliser juste pour ce qu’ils sont, des diffuseurs de contenus produits ailleurs. Les outils pour s’informer sont de plus en plus nombreux, et les réseaux sociaux sont de moins en moins pertinents pour cet usage, surtout quand le degré de contrôle de l’utilisateur sur ce qu’il voit est proche de zéro.

5 réponses sur « Militer, c’est d’abord produire des contenus »

Bonjour et bonne année.
Merci pour vos billets toujours stimulants. Cela fait du bien.

Quels sont ces outils de plus en plus nombreux que vous mentionnez à la fin de votre billet, s’il vous plaît ?

Bon vent.

Les outils existent déjà, c’est la production intellectuelle (universitaire mais pas que) les débats de qualité. Si on veut faire avancer la démocratie, il faut s’investir là dedans, et pas se contenter de relayer passivement des récits écrits par d’autres.

Si je suis d’accord avec le constat sur Thread et Twitter, je ne peux que discuter la phrase « Il est donc essentiel de se déconnecter des réseaux sociaux ».

Militer, c’est créer un dialogue au sein de son groupe et avec l’extérieur, c’est donc littéralement créer un réseau social. Est-ce que des solutions numériques non-marchandes existent pour porter ces actions ? Oui. Le Fédivers est un réseau social qui n’appartient à personne, décentralisé, permettant à des personnes de s’inscrire sur un serveur, et à ce serveur de communiquer (ou non, ou en fonction de conditions) avec d’autres. Il existe des serveurs de partage de photo, de partage de longs textes, ou de micro-messages comme Twitter/Threads. Ces derniers sont particulièrement présents sur le Fédivers et la solution phare permettant de les publier fait beaucoup parler d’elle : Mastodon.

Mastodon permet aujourd’hui de retrouver ce dialogue que nous avions au tout début de Twitter, sans générer de dérives commerciales. Le Fédivers est aux réseaux sociaux ce que la généralisation des hébergement de pages et d’emails a été à AOL : une brique technique signant la fin progressive d’une centralisation qui n’a plus lieu d’être.

Mastodon est consorts sont sympathiques, mais on est pas très loin de la messagerie privée. L’essentiel, c’est d’avoir des choses à dire, et de les communiquer là où on peut toucher les « bonnes personnes ». Les grosses plateformes ont pu être ce lieu, aux débuts, elles le sont de moins en moins.

Bonjour,
Je ne vous suis pas sur ce coup. Je trouve au contraire que les réseaux, en tout cas Twixter et Youtube que j’utilise, regorgent de personnes passionnées et parfois très compétentes, qui créent et diffusent du contenu de grande qualité, parfois avec des moyens équivalents à des médias professionnels (voir certaines chaînes Youtube).
Le problème se situe au fond dans l’objectif de ces plateformes, qui n’est pas de nous amener sur des contenus intéressants, mais bien de vendre de la pub, et par conséquent de mettre en avant les contenus faciles à ingurgiter, qui créent de l’engagement (du lol, du kawaii, ou du clash).
Pour revenir sur la partie de votre billet sur le militantisme en ligne (deuxième sujet, qui me semble mélangé au premier dans le billet alors que ce sont deux choses assez différentes), je pense que l’épisode des gilets jaunes a montré que les réseaux, via les bulles de filtres, permettent de créer des dynamiques et de l’engagement qui débordent parfois hors du web. Cependant on voit également que cela ne suffit pas à créer quelque chose de pérenne.

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