Depuis maintenant plusieurs semaines, les médias (essentiellement parisiens) relatent une polémique à rebondissements autour de Gérard Dépardieu, avec pétition, contre-pétition, enquête sur la contre-pétition. J’ai longtemps hésité à écrire là-dessus, car finalement, toute cette histoire me semble ridicule, voire insignifiante.
Dans un reportage, on entend Gérard Depardieu tenir des propos grossiers et inconvenants. En français courant, on a un mot pour désigner ce genre de personnage : gros beauf. C’est même une espèce endémique en France, et je pense dans beaucoup de pays, le mauvais goût et la muflerie ne tombant pas sous la coup de la loi. Les propos de Depardieu se suffisent à eux-mêmes, pour qu’il laisse une mauvaise impression, et ils sont malheureusement assez cohérents avec des faits qui lui sont abondamment reprochés (y compris devant la justice). Pas la peine d’en rajouter, dans un sens comme dans l’autre.
Qu’un tel fait prenne de telles proportions dans le débat me laisse un peu pantois sur l’état du débat public. Une fois que la polémique se sera bien répandue, puis éteinte, par lassitude (une autre polémique prendra la place), que restera-t-il, concrètement, de tous ces débats ? Pas grand chose, si ce n’est rien. Gérard Depardieu continuera sa carrière, avec une image de marque encore un peu plus écornée, mais pas fondamentalement différente de ce qu’elle était avant, l’essentiel des faits « dévoilés » étant déjà appréhendables, et n’ont pas suscité de surprise, juste de la consternation.
Je dois avouer que ces polémiques et débats « sociétaux » me lassent profondément, et je déplore qu’ils prennent tant de place dans le débat public. Ils n’ont rien de constructif, et participent même assez largement à une ambiance délétère dans l’espace public. On ne débat plus, on échange des coups, chacun restant sur ses positions.
Quitte à se déchirer, il existe bien d’autres sujets sur lesquels des débats pourraient avoir lieu. Par exemple sur des orientations de politiques publiques. La France est le pays champion du monde des prélèvements, et de la redistribution, avec malheureusement plus de redistribution que d’argent prélevé sur le pays, d’où un financement du train de vie par la dette. En 2020, on vient de franchir un nouveau palier, avec le « quoi qu’il en coute » que l’on a bien du mal à débrancher. Pourquoi ne pas débattre pour savoir qui paie, qui touche, et si tout cela est légitime. Il y a un potentiel de disputes et de polémiques bien supérieur à l’affaire Depardieu et au conflit isréalo-palestinien, si on commence à aller regarder du coté des dépenses publiques dédiées aux personnes âgées (pensions de retraite, dépenses de santé…) alors même qu’ils sont détenteurs d’un patrimoine conséquent. Il est évident que beaucoup de politiques publiques (et donc de dépenses d’argent public) sont faites pour eux, sans qu’il y ait véritablement de débat politique sur cette priorité, et sur le fait que son coût est en partie supportée par les générations futures.
On pourrait également avoir un débat intéressant sur la préférence très française pour la redistribution, où dès qu’il faut réduite les dépenses publiques, il ne faut surtout pas toucher aux aides diverses et variées, mais juste tailler dans les dépenses dédiées aux services publics (on parle de « rationalisation »). Jusqu’au jour où un choc externe vient révéler que notre système santé ne tient que par le dévouement des personnels, et que celui-ci est en train de s’effriter dangereusement. Si on veut à nouveau avoir des services publics digne de ce nom, il va falloir mettre de l’argent public. Où le prend-t-on ? Voilà encore un beau débat.
Ces débats demandent du travail de recherche, de chiffrage, d’analyse. C’est bien plus difficile de se lancer dans l’indignation morale, et les concours de vertu. C’est sans doute une des raisons du drame que vit le débat politique en France, focalisé sur les symboles et le « sociétal » au détriment du réel. Il serait temps que les animateurs de ces débats, à savoir les médias, se penchent sur la question !
5 réponses sur « L’étrange polémique Depardieu »
Sur les personnes âgées… Cela s’explique peut être par le fait 1/ qu’elles votent (plus que la moyenne) et 2/ qu’elles voient leur situation du moment comme un juste retour des choses après avoir « payé » tant d’année (un peu comme le nouveau chômeur qui explique qui va en profiter car il a cotisé 30 ne réalisant pas qu’on va lui versé bien plus qu’il n’a cotisé….)
Les personnes âgées actuelles, génération « boomer » ont cotisé moins pour leurs ainés que les actifs actuels tout en ayant des pensions records. C’est une génération dorée qui a vécue une période exceptionnelle et qui le fait payer aux suivants et comme vous le dites, ils votent.
Mais je n’aime pas voir cela sous le prisme d’un conflit générationnel, le vrai débat doit se porter sur « où sont passés les fruits des gains de productivités de ces 40 dernières années »?
Avons-nous eu tant que cela de gains de productivité ces 40 dernières années ? Dans une économie de services, c’est moins évident d’être à 5% par an, comme dans l’industrie. Le souci majeur, est qu’on a continué à consommer comme si on avait encore les ressources des gains de productivité des années 60-70, alors qu’on ne les avaient plus !
C’est exactement ça ! Des gains de productivité de plus en plus faibles, et une croissance tirée par la dette laissée aux générations d’après pour maintenir le rythme. Voir le dernier article des Echos sur le maintien de l’indexation des retraites sur l’inflation et le dossier sur le poids croissant des dépenses « vieillesses » au détriment des dépenses « jeunesses »
Ceux qui se sont payés le pouvoir médiatique ne souhaitent pas que l’on débattent sur les sujets que vous évoqués, en particulier sur la légitimité de ce qu’ils touchent.