Depuis quelques temps, les écologistes ont décidé de cibler la technologie de téléphonie mobile dite « 5G ». Le courant « anti-sciences » présent chez les Verts, et incarné notamment par l’eurodéputée Michèle Rivasi, s’est ainsi trouvé un nouveau combat, après celui contre les vaccins.
A l’occasion des municipales, leur poids politique leur a permis d’imposer à leurs alliés socialistes, dans certaines villes, de reprendre leur proposition d’un moratoire sur l’installation de la 5G.
Emmanuel Macron, avec le sens de la formule cinglante qu’on lui connaît depuis le début de son mandat, vient d’entrer dans le débat. Il rejette en bloc cette demande, qualifiant ceux qui la soutiennent d’amish. Cette communauté religieuse, présente en Amérique du Nord, a pour caractéristique de refuser toutes les technologies apparues depuis la fin du XVIIIe siècle. Cela en fait un groupe très pittoresque, qui roule encore en charrette tirée par des chevaux et s’éclairent à la lampe à huile.
Ce faisant, le chef de l’État pose brutalement les termes du débat et entre dans le jeu des anti-5G, pour mener un débat stérile, bloc contre bloc, comme on sait malheureusement si bien le faire en France.
J’ai une autre approche de cette question du rapport aux évolutions technologiques. Ce débat est légitime, mais entre par la mauvaise porte, celle de la technologie, alors que le véritable enjeu, ce sont les usages.
Une technologie n’est qu’un outil, qui peut servir au bien comme au mal. Le sujet central est donc l’humain et son éthique dans l’utilisation des outils qui sont mis entre ses mains.
Certes, c’est compliqué de s’interdire, pour des raisons éthiques, des usages possibles d’une technologie. C’est exigeant, cela demande de longs débats, des délibérations, la création d’un consensus. On le voit par exemple avec les lois de bioéthiques, où certains débats sont ouverts et délicats, et où des terrains (l’eugénisme par exemple) restent fermés. Il ne sera bien entendu pas possible d’empêcher quelques individus isolés de mettre en œuvre ce que permet la technologie, mais cela restera des cas isolés, qui ne seront en aucun cas généralisés et considérés comme « normaux » car refusés par une majorité.
Il n’y a aucune raison que le types de débats menés autour des questions bioéthiques ne le soient pas autour des sujets numériques. Ce ne sont pas les sujets délicats qui manquent : utilisation des algorithmes, des données personnelles, reconnaissance faciale…Toutes les facettes des technologies doivent être explorées, y compris leur potentielle dangerosité pour la santé (question légitime posée par les anti-5G), pour déterminer quels usages sont légitimes.
Déplacer le débat vers les seules technologies, avec comme seule solution de refuser d’augmenter leur puissance, c’est à mes yeux une manière d’esquiver le débat sur l’éthique des usages. Les anti-sciences ont des arguments à faire valoir, et ils peuvent trouver une audience. Mais elle est pour l’instant très minoritaire, et ils n’ont donc aucun intérêt à un débat de fond, qui sorte des caricatures, oblige chacun à exprimer sa pensée, à la confronter à celle des autres, et à accepter de perdre…