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Le vaste pipeau des réseaux sociaux

Il va falloir un jour, que les journalistes en finissent avec ces regards frénétiques rivés sur les réseaux sociaux, croyant y scruter la réalité et confondant ainsi une carte floue, partielle et déformée, à la réalité du territoire.

Les fameux réseaux sociaux, à commencer par Twitter, le plus scruté, ne rassemblent qu’un nombre très limité de personnes, absolument pas représentatifs de la population. Ils sont un forum, largement déformant par rapport à la réalité, d’où il peut parfois sortir de bonnes choses, à condition de savoir trier. C’est d’abord un lieu d’expression purement individuel, d’où il est difficile de sortir une conclusion « collective ». Les journalistes commettent une lourde erreur en accordant une valeur de « signal social » à ce qui se dit sur Twitter, qui rassemble des gens qui s’expriment à titre individuel. Quand ils le font à titre collectif, c’est souvent par le biais d’un effet de meute. Les manipulations à base de publications automatiques et de robots, achèvent de fausser complètement les résultats « collectifs ». Et pourtant, régulièrement, on voit des publications comme celle-ci, où on dissèque doctement de savoir ce que « pèsent » les différents candidats à partir des données recueillies sur les réseaux sociaux. Ailleurs, on va prétendre vous mesurer « l’influence » de personnalités sans jamais avoir défini, d’ailleurs, ce qu’on entend pas influence.

Le même raisonnement s’applique dans le domaine du marketing, où des consultants fumeux font croire que les pubs et les « influenceurs » très suivis ont un réel impact, alors qu’en fait, on n’en sait rien. Quel est l’impact réel sur le public ? Avoir généré beaucoup « d’impressions », au final, cela a quel effet ? A-t-on réussi à toucher durablement une personne, à la faire changer d’avis ? On n’en sait pas grand chose et toutes ces évaluations relèvent trop souvent du pifomètre et de l’analyse au doigt mouillé.

De tout cet écosystème n’émerge que du bruit et assez peu de signal, avec des « médiateurs » (comme les journalistes ou les publicitaires) qui leur font dire ce qui les arrangent, et arrivent, en plus, à faire gober que cela est réellement représentatif de ce que pense la population. Tout cela n’est, au final, qu’une vaste escroquerie intellectuelle.

Comment s’étonner, ensuite, de la dégradation de la qualité du débat public, quand il prend appui sur de telles bases ?

Les personnes en charge d’animer le débat démocratique, journalistes et personnel politique (quand il est de bonne foi), doivent prendre leurs responsabilités, et ne pas prendre ces mirages numériques pour des lanternes. Il y a d’autres moyens de connaitre (un peu) la société, ses attentes et ses refus, il suffit d’écouter les gens, avec les bons outils. C’est d’abord leur parler, en vrai, en face-à-face, en prenant le temps d’entendre leur complexité, de suivre les nuances d’un raisonnement. Les sondages, quand ils sont bien fait, avec des questions intelligentes et une partie « qualitative » apportent également une matière utile. Mais c’est vrai que cela demande du travail et une expertise que tout le monde n’a pas (ou ne souhaite pas se donner).

Un débat démocratique digne de ce nom ne peut pas se bâtir sur la paresse et les facilités.

2 réponses sur « Le vaste pipeau des réseaux sociaux »

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