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Comme un parfum d’erreur de casting

Depuis sa nomination à Matignon, Je ressens un malaise face aux actions et prises de parole de François Bayrou. Rien ne va. J’en suis à me demander si ce choix, au delà des aspects idéologiques, n’est pas juste une énorme erreur de casting.

Les prises de parole sont lunaires. Elles montrent ce qu’on savait déjà, que Bayrou a un melon énorme. Mais c’est même pire, car que ce soit en montant dans sa voiture, ou sur le perron de Matignon, il parle pour ne rien dire, dissertant sur Henri IV et parlant finalement surtout de lui. En revanche, pas la moindre once de ligne politique, mis à part qu’il veut « réconcilier les français ». C’est assez sidérant qu’un homme qui est dans le paysage politique depuis 40 ans ne soit pas capable de distiller intelligemment des messages politiques. On dirait juste un papy qui radote sur ses marottes.

Les choix symboliques et la communication médiatiques laissent également pantois. Alors que Mayotte vient d’être dévastée par un terrible cyclone, que la France est sans budget, il trouve le moyen de s’afficher à Pau, pour parler de cumul des mandats. Quel sens étrange des priorités. Il a beau dire que depuis Pau, il a assisté en visio-conférence à la réunion dédiée à Mayotte, présidée par Emmanuel Macron, cela n’imprime pas. Les images que les Français attendent, c’est Bayrou, assis aux cotés de Macron, à la table du conseil, ou alors dans l’avion qui l’amène à Mayotte. Mais pas à la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, à présider un conseil municipal. Cela donne une impression de flottement et de déconnexion absolument surprenants pour un homme de cette expérience, que l’on pensait avoir du sens politique.

Le choix du recrutement des collaborateurs proches laisse également perplexe. C’est particulièrement le cas pour son directeur de cabinet, à Matignon. Pour ce poste qui est une véritable tour de contrôle des administrations centrales, il prend quelqu’un qui a fait toute sa carrière comme directeur général des services dans de grosses collectivités. N’étant ni énarque (donc n’appartenant pas aux cercles centraux de « l’état profond ») et n’ayant jamais occupé de poste en administration centrale, on se demande ce qu’il vient faire là, et ce qu’il va arriver à contrôler. Sa nomination s’explique sans doute davantage par le fait qu’il a été, de 1995 à 1997, le chef de cabinet de François Bayrou au ministère de l’Education, puis son directeur général des services à la mairie de Pau, entre 2014 et 2018. C’est un proche, un fidèle de très longue date. C’est sans doute une grande qualité, mais ce n’est pas suffisant pour avoir une autorité face aux préfets, conseillers d’Etat et autres inspecteurs des finances qui peuplent les directions générales de ministères.

C’est là que je me rend compte que François Bayrou est depuis longtemps à la dérive. Jusqu’en 2007, il est un homme politique de centre-droit, qui a un beau destin devant lui. Il a été ministre, il est à la tête d’un parti, certes minoritaire au sein de la droite, mais qui pèse un peu. Bref, à l’issue de l’élection présidentielle de 2007, il aurait dû devenir un poids lourd du gouvernement Fillon, dans la logique habituelle des clivages droite-gauche.

Or, il prend une voie différente. Son score à la présidentielle de 2007, tout à fait honorable, semble lui avoir tourné la tête, lui faisant croire qu’un « grand destin » l’attend, au bout d’un chemin solitaire. Il s’entoure alors d’une garde rapprochée, et s’isole complètement, refusant d’entrer dans la coalition de droite, entamant une traversée du désert à la poursuite d’un mirage. Au fil du temps, ce groupe s’est replié sur lui, sans apport de sang neuf, tournant progressivement au clan, voire à la secte. L’élection d’Emmanuel Macron représente une lueur, mais le grand destin dont rêvait Bayrou sera finalement pour un autre. Celui-ci a l’intelligence de lui laisser un petit bout de lumière, et d’offrir un peu de pitance gouvernementale au Modem, en reconnaissance du coup de main donné. Il permet ainsi à ce groupe, qui aurait dû s’étioler dans l’isolement, de retrouver un peu de couleurs, sans pour autant lui permettre un plein épanouissement, du fait de la mise à l’écart de Bayrou, pour cause d’ennuis judiciaires. Le Modem s’est retrouvé dans un entre-deux, comme supplétif au sein d’une majorité sur laquelle il n’a finalement pas prise.

En 2024, de manière assez inespérée, François Bayrou arrive finalement à Matignon, à 73 ans. Son heure est enfin arrivée, le « grand destin » se réalise, même si c’est un peu en modèle réduit, et en mode précaire. Et là, c’est le drame, car on se rend compte que cet isolement a transformé le bonhomme, au point de le rendre inapte à exercer le pouvoir. Quand vous avez un ego surdimensionné, et une haute estime de vous, être entouré de courtisan et de fidèles « compagnons de route » ne fait que vous enfermer dans votre égotisme. Ce genre de choses ne s’arrangeant pas avec l’âge, cela peut donner une personne totalement imbuvable, et donc inapte à rassembler et diriger une coalition.

Maire de Pau depuis 2014, il est resté dans une sphère des élus locaux qui s’est progressivement déconnectée des administrations et lieux de pouvoir parisiens, du fait de l’interdiction du cumul des mandats. Il est sans doute aussi victime d’un syndrome que l’on retrouve chez beaucoup de politiques qui, arrivés à un certain âge, ne sont plus aptes à exercer des fonctions ministérielles après une coupure. Ils sont déphasés par rapport aux évolutions sociétales, et commettent des erreurs, comme par exemple Jean-Paul Delevoye en 2019 et Caroline Cayeux en 2022, qui ne se sont pas rendu compte qu’il ne faut surtout pas négliger les déclarations d’intérêt et de patrimoine. Michel Barnier a peut-être aussi été victime de cette forme de déconnexion, où une fois parti, on ne reconnecte jamais complètement.

Tous ces éléments m’amènent à regarder avec circonspection ce gouvernement Bayrou. Alors qu’il n’est pas encore formé, une petite musique monte déjà, sur le fait que même sans motion de censure, il pourrait ne pas tenir, du fait de faiblesses et d’erreurs du dirigeant. Un peu comme ce qui est arrivé à Liz Truss, en 2022, dont les 45 jours au 10 Downing Street n’ont été qu’un long chemin de croix. Elle a accumulé les erreurs, qui ont finit par rendre sa position intenable, alors même qu’elle disposait d’une majorité absolue à la chambre de communes.

Si jamais, du fait de l’absence de Budget, la France s’enfonce dans une crise sociale dans les premiers mois de 2025, je ne donne pas cher de ce gouvernement.

3 réponses sur « Comme un parfum d’erreur de casting »

Je résumerai ainsi: Tiens on nomme un personnage politique âgé, médiocre, imbu de lui-même, qui n’est même pas un premier choix et chef d’un parti très modeste, à la tête du gouvernement d’un pays en crise. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?

Sur l’aspect psychologique, une personne qui se pense suffisamment bonne pour exercer le pouvoir et décider au nom de dizaines de millions d’individus a quand même un sacré ego. Pour en arriver là où Bayrou en était avant d’arriver à Matignon, il avait dû faire pas mal de compromission et de coups tordus. Et puis la quête du pouvoir est en grande partie égoïste, il faut qu’ils arrêtent de nous faire croire qu’ils le font pour nous. Ajoutés à ça, la clique de flagorneurs qui tournent autour pour grappiller une once de ce pouvoir, ça nous donne de drôles de personnages non ?

Vous parlez d’erreur de castings mais est-ce qu’on aurait pas un problème avec le cast entier ?

Je suis d’accord avec l’ensemble du propos… mais je l’étais déjà avant jusqu’au moment où ils ont virés barnier

Franchement c’est désespérant. Imaginez-vous optimiste et donnez-nous un espoir d’une quelconque bonne découverte pour 2025 ! 🙂

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