Caroline Cayeux, ancienne LR ralliée à la macronie, est aux prises avec une polémique sur ses propos tenus au moment de l’examen de la loi sur la mariage des personnes du même sexe.
Comme beaucoup dans la droite classique, elle partage sans doute cette réticence face à l’affirmation publique de l’identité homosexuelle, sans pour autant être homophobe. Comme beaucoup d’élus et de militants LR, elle s’est laissée emportée par l’ambiance de l’époque à tenir des propos excessifs et ineptes contre cette loi, et profondément blessants pour la communauté homosexuelle.
Que la polémique éclate au moment de sa nomination fait partie du jeu normal. L’opposition est là pour aller chercher les casseroles des membres de la majorité (et vice-versa) et cette polémique n’a rien de choquant. Caroline Cayeux aurait pu s’en sortir sans trop de dommages avec un mea culpa clair et immédiat, en affirmant que ses propos de l’époque ont été tenus dans un contexte particulier, qu’elle les regrettent profondément, et que sa position a évolué depuis sur le sujet. Dans un tel contexte, le choix des mots et des formules ne doit surtout pas être laissé au hasard.
Elle n’a visiblement pas su, ou pu, prendre conscience assez vite de la nécessité d’opérer ce virage avant que les choses ne se cristallisent contre elle. Elle s’est lancée dans une justification de sa position de l’époque, montrant qu’au fond, elle ne renie rien et qu’elle n’a pas changé. Elle n’a pas compris qu’à ce niveau d’exercice du pouvoir, il faut savoir se renier pour survivre. Une attitude qui est de plus en plus difficile à tenir, au fur et à mesure qu’on vieillit. Pour commencer à subir les effets de l’âge, je me rend compte qu’on a tendance, en vieillissant, à montrer moins appétence pour les postes et la carrière, et surtout, qu’on a plus de mal à évoluer radicalement sur des positions qu’on a depuis toujours. D’où cette tentation de se justifier, de préserver l’intégrité de ce que l’on est profondément, là où la nécessité politique imposerait une amputation immédiate, si on veut survivre.
Elle n’a sans doute pas été aidée par le fait que les réseaux et affinités que chacun a, sont ceux de sa génération. On vit toute sa vie avec les amis et relations qu’on s’est fait dans notre jeunesse, ou avec des personnes globalement du même âge (d’où la très grande solitude pour ceux qui atteignent un grand âge). On continue vivre avec l’état d’esprit de notre jeunesse, et on ne connait finalement pas grand chose à ce qu’apprécie la génération suivante, celle de nos enfants, voire petit-enfants. En politique, être ainsi coupé de la perception des attentes, des positions, des goûts des « jeunes générations » est un vrai problème. On peut y remédier, à condition de s’y prendre assez tôt. Devoir tout rattraper, après 70 ans, c’est un effort énorme, si ce n’est insurmontable.
Quand on est plus ou moins déconnecté des attentes d’une partie de la population, on ne « sent » plus instinctivement, ce qu’il faut dire ou pas. On se rend moins compte de ce qui, dans notre comportement et notre attitude, ne passe plus. Et là, c’est le drame…
Ces dernières années, on a eu quelques exemples de personnalités qui sont arrivées à des fonctions ministérielles pour la première fois, autour de 70 ans. On ne peut pas dire que Gérard Collomb ou Jacques Mézard, qui étaient pourtant des sénateurs aguerris, aient laissé de grands souvenirs dans les ministères où ils sont passés. Pareil pour Jean-Pierre Delevoye, revenu aux avants-postes à plus de 70 ans, après une coupure de 15 ans. Il ne s’est pas rendu compte que pendant son absence, les choses ont changé, et que le sujet des conflits d’intérêts est devenu important. Remplir par dessus la jambe, et au dernier moment, ses déclarations d’intérêts et de patrimoine, relève de la faute politique. Il ne l’a pas saisi, et l’a payé plein pot. Pareil pour Alain Griset, lui aussi devenu ministre sur le tard, tombé pour la même chose.
Être ministre est une tâche complexe, qui demande à la fois une souplesse et un flair que l’on perd progressivement en prenant de l’âge. Plus on entre tard dans ces fonctions, plus on s’expose à des difficultés, qui font qu’au final, les choses se terminent mal, ou mieux, de manière mitigée.
9 réponses sur « On ne devrait pas être nommé ministre après 70 ans »
> En politique, être ainsi coupé de la perception des attentes, des positions, des goûts des « jeunes générations » est un vrai problème
Quid d’être coupé des vieilles générations ?
Le problème est moindre dans ce cas, il est toujours plus facile de comprendre et d’anticiper ce que vont penser vos parents, que ce que vont penser vos enfants.
« On ne devrait pas être nommé ministre après 70 ans » … sauf ministre des collectivités territoriales, qui permet de rester entouré de personnes de son âge 😉
Faut pas généraliser. Mélenchon a 71 ans et il n’est pas du tout coupé de la perception des attentes, des positions, des goûts des « jeunes générations » – hélas!
Mélenchon a été élu sans discontinuer de 1986 à 2022 et a été ministre de 2000 à 2002 et est chef de parti depuis 2008. Je parle ici de ceux qui n’ont jamais été ministre, ou alors, il y a longtemps, et qui entrent dans un gouvernement alors qu’ils ont plus de 70 ans. S’ils ne sont pas dans le rythme, c’est très compliqué pour eux.
Melenchon est un professionnel de la politique. Il avait le choix de ses circonscriptions. Il a plus été élu pour son étiquette qu’autre chose.
« Elle n’a pas compris qu’à ce niveau d’exercice du pouvoir, il faut savoir se renier pour survivre. » C’est peut-être aussi une partie du problème. On peut évoluer mais il me semble que les citoyens sont un peu trop souvent mis devant le fait accompli du reniement une fois le personnel politique arrivé aux affaires et que cela concourt à la défiance qui fait tant de mal au pays.
L’orthodoxie, intransigeance, s’est sécularisée. La discussion législative s’en ressent et mon sentiment est qu’il y a toujours et encore des sujets qui ne sont pas ouverts à la discussion (ce qui ne signifie pas qu’il faut prendre une autre direction à chaque fois d’ailleurs) parce que nous serions le « Pays du Progrès » (à cause de la mythologie de 1789 et parce que pour certains, la France n’existait pas avant cela).
Et ces derniers jours montrent encore une fois que l’on est encore en 1946 au point de vue mental pour une bonne partie du personnel politique (1946 à travers les âges …) sans la plasticité de 1946, le réalisme des acteurs de l’époque alors que les idéologies étaient autrement plus structurées. Ce pays perd-il sa culture à ce point que l’on ne puisse lire les arguments des autres avec un minimum d’attention et que l’on ne puisse tout voir que de manière téléologique et décontextualisée ? Pétain, c’est avant tout un grand défaut. Il n’est pas mort aussi vite que les autres généraux vainqueurs de la Grande Guerre (en 2018 aussi on avait un problème avec la victoire par ailleurs).
Je trouve triste dans ce pays qu’il n’y a plus de choix d’avoir un avis autre. Je ne trouve rien de réprehensible d’être contre le mariage pour les homosexuels. Certes elle est à contre courant (et encore, il y aurait un referendum est ce que la loi passerait ? ) et rien ne nous garantit que dans une, deux ou trois générations, nos descendants ait la même vision de la société que nous. Sa position n’est pas plus choquante que ceux qui sont pour la mariage pour tous. En plus le rapport entre les collectivités territoriales et le mariage pour tous. on assiste à une chasse aux sorcières. Ce n’est pas ainsi que l’on effacera les divisions de ce pays en forçant les gens à penser bien comme tout le monde.
Il y a même des gens contre le mariage tout court ! 🙂