Ces deux derniers jours, Bruno Retailleau me semble jouer un jeu très dangereux. C’est lui qui, dimanche soir, a allumé la mèche qui a fait exploser la coalition du bloc central, qui fonctionnait plutôt bien jusqu’ici. De ce fait, il a poussé Sébastien Lecornu à la démission, avec une dissolution de l’Assemblée qui devrait suivre très prochainement.
Dans ses prises de parole, il annonce également un rejet très clair de la gauche. Pas question d’un premier ministre venu de ce camp, et pire, donne une consigne de vote appelant implicitement à soutenir le candidat ciottiste, lors du second tour de la législative primaire dans le Tarn-et-Garonne. Il finit en beauté en affirmant qu’il veut un gouvernement de cohabitation avec Emmanuel Macron. Si ce n’est pas avec la gauche, avec qui cela peut-il bien être…
J’ai peur, très peur, que pour des raisons d’ambitions personnelles, et pour régler définitivement son compte à son opposant interne, Laurent Wauquiez, Retailleau ne s’apprête à faire la courte échelle au RN. J’ai peur que le soir du second tour des législatives, les LR annoncent qu’ils seront la force d’appoint qui manque à Marine Le Pen pour accéder au pouvoir, et faire entrer Jordan Bardella à Matignon.
Je doute qu’il arrive, de cette manière, à récupérer les électeurs du RN. L’expérience politique montre qu’à ce jeu, on perd ses propres électeurs, sans gagner ceux qu’on vise. Sociologiquement, une grande partie des électeurs du RN n’a rien à voir avec Retailleau et la sociologie de LR. Peut-être arrivera-t-il à assécher un peu Zemmour et Ciotti ? Même pas sur.
C’est d’autant plus étonnant que c’est de l’autre coté, qu’il y a un électoral en déshérence. La vitesse avec laquelle les anciens premiers ministres d’Emmanuel Macron le lâchent, et les reculades de dernière minute (comme sur la réforme des retraites) vont achever d’écoeurer les électeurs centristes. Depuis 48 heures, la Macronie est en pleine décomposition, et ne représente plus une offre électorale crédible. Seul Lecornu garde un semblant de dignité, mais ce n’est pas avec cela qu’il va sauver le bloc central.
En quelques jours, l’offre électorale est en train de muter de manière impressionnante, voire sidérante. L’écroulement de la Macronie va possiblement nous amener à un retour du bipartisme, où Marine Le Pen occupera l’espace à droite, avec des supplétifs ralliés à l’occasion des élections. C’est la répétition de 1962, où le jeune Valéry Giscard d’Estaing entraine avec lui une partie du CNIP, la droite classique de l’époque, pour créer le groupe des Républicains indépendants, et se rallier à la majorité gaulliste. Ce que Ciotti a tenté, et raté en 2024. Retailleau y arrivera-t-il ? Je ne l’espère pas.