Lundi 27 janvier, les bourses ont connu une journée agitée, avec des baisses assez spectaculaires, sur des valeurs boursières liées à l’intelligence artificielle. Une entreprise chinoise est en effet parvenue à développer une IA, tout aussi efficace que celles des vedettes américaines du secteur, mais pour 10 fois moins cher, et une consommation énergétique moindre.
La bulle spéculative de l’IA en a pris un coup, mais par là où on aurait pu le penser. Il n’y a pas eu de gap technologique, d’avancée spectaculaire. Juste la preuve que certaines entreprises (américaines notamment) sont bien meilleures en marketing qu’en éco-conception, et ont cramé des centaines de millions en pure perte.
Tout cela montre qu’on se précipite un peu trop sur ce sujet de l’IA, en surréagissant à la moindre bricole, avec beaucoup de trop de brassage d’air, y compris sur le plan politique. Je ne parle même pas du médiatique, où ça tourne au délire, et brouille la compréhension. J’ai décroché depuis un certain temps, devant le fouillis complet « d’expertise » et de débats qui deviennent insignifiants, si ce n’est obsolètes. Il y a beaucoup de trop de bullshit, dans les tribunes, évènements et publications sur l’IA.
Les enjeux sont pourtant assez simples. On a une innovation technique (mais pas nécessairement une rupture fondamentale), qui permet de réaliser un saut qualitatif dans le traitement de la donnée. L’enjeu est important, cela permet plein de choses très intéressante, mais c’est du même niveau que l’arrivée de l’ordinateur personnel, ou encore d’internet. Mais au lieu de se faire sur une dizaine d’années, cela se déroule en trois fois moins de temps, ce qui donne un sentiment d’urgence, et pousse à se précipiter pour faire et surtout, dire n’importe quoi. D’où un brouillard épais dans la réflexion autour du phénomène, car analyser demande un peu de temps et de recul.
Cela explique le coté erratique, tant sur le plan boursier que celui de la régulation. La France s’apprête à accueillir, début février, un sommet mondial sur le sujet. On se demande ce qui peut bien en sortir d’intéressant, tellement l’innovation avance plus vite que la réflexion. Sur tous les sujets discutés, que ce soit le « partage de la valeur » (les tentatives de racket des ayant-droits), les questions de consommation énergétique, l’éthique et le respect des interdits, les documents longuement préparés sont obsolètes avant même d’être signés.
On a pourtant l’expérience de cela, avec l’Europe qui décide de réguler (avant de savoir ce que c’est réellement) et qui lance des travaux législatifs, qui sont percutés de plein fouet par ChatGPT et l’IA générative. Il n’empêche, on continue.
Le débat public gagnerait à se poser, à reprendre son souffle, et à écouter davantage les scientifiques. Cela permettrait de partir sur la base de possibilités, et non plus sur des certitudes, concernant les évolutions, et donc les régulations et efforts nécessaires pour accompagner ce développement.