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Sarkozy : Justice est faite

Après 21 jours derrière les barreaux, Nicolas Sarkozy retourne chez lui, lesté de bracelets électroniques et sous contrôle judiciaire. Il est en liberté, mais surveillée, en attendant son procès en appel. Une situation finalement très équilibrée, qui fait honneur à la manière dont la justice est rendue dans le pays.

Condamné en première instance à 5 ans de prison (s’ajoutant à une première condamnation, définitive, à un an de prison ferme aménagée), l’ancien président s’est retrouvé derrière les barreaux, alors même qu’il a fait appel, du fait de l’exécution provisoire avec mandat de dépôt décidé par le juge. Ce sujet de l’exécution provisoire d’une peine d’emprisonnement fait l’objet de débats, surtout depuis que les élites découvrent qu’il s’applique aussi à eux, et pas juste aux « manants » qui peuplent les audiences de comparution immédiate.

Nicolas Sarkozy a bien été obligé de déférer à la décision de justice, qui a pris soin de lui laisser le temps de s’organiser. Rien que là, il a bénéficié d’un traitement de faveur, d’habitude, la sortie de la salle d’audience se fait entre deux gendarmes.

Il a également bénéficié de règles procédurales plus souples pour les remises en liberté, que pour l’incarcération, pour obtenir une remise en liberté finalement assez rapide. Beaucoup de prévenus aimeraient que leurs demandes de remise en liberté soient traitées aussi promptement.

Les juges ont ainsi montré une bonne administration de la justice. Vu la personnalité du condamné, et sa capacité à agiter l’opinion, il fallait y aller avec prudence. Mais il fallait aussi une condamnation exécutée dans un délai raisonnable. La défense acharnée de l’ancien président a utilisé toutes les ficelles procédurale pour faire trainer les choses. Le verdict a été rendu tardivement, 18 ans après les faits, avec un prévenu principal de 70 ans. En reproduisant le même schéma de défense en appel, on aurait pu attendre très longtemps une condamnation définitive, et donc exécutoire.

Le caractère hautement emblématique de cette affaire nécessitait que la sanction soit exécutée. Il en allait de la confiance (déjà bien fragile) que les français accordent à l’institution judiciaire. Vu la passion égalitaire qui anime ce pays, l’image d’une justice à deux vitesses, rude pour les pauvres, indulgente pour les puissants, ne pouvait pas trouver une nouvelle confirmation. Il fallait que le couperet tombe. Il était également nécessaire, et c’est un délice, de renvoyer à la figure de l’ancien président et de ses soutiens, meurs propos sur la nécessité d’une justice sévère, qui exécute effectivement les peines.

Dans cette affaire, l’important n’était pas le temps passé par Sarkozy en prison, mais qu’il y aille. Ensuite, la justice pouvait desserrer un peu l’étau, ce qu’elle a fait, en s’offrant un petit plaisir. Dans son contrôle judiciaire (dont la violation le ramènerait en prison), Nicolas Sarkozy a interdiction de rencontrer le garde des sceaux. Un magnifique pied de nez des magistrats à leur ministre, qui avait apporté un soutien marqué à ce prévenu particulier, au point de susciter un soupçon d’atteinte à l’indépendance de la magistrature.

Au final, le procès peut se poursuivre, et peu m’importe de la manière dont il se termine, car Nicolas Sarkozy a effectivement passé trois semaines en prison. Justice a déjà été rendue.

16 réponses sur « Sarkozy : Justice est faite »

Je n’irai pas jusqu’à dire que « Justice a été rendue », 3 semaines pour la nature des crimes concernés, c’est vraiment beaucoup trop peu à côté du temps que passent d’autres prévenus en cellule pour des délits banaux

Je suis d’accord avec vous deux : oui c’est un énorme gap symbolique, mais je n’oublie pas que Sarkozy a été jusqu’à livrer une guerre a la Lybie pour tenter de cacher son délit.

Je sais que ce n’est pas légalement punissable, mais a mes yeux ça mériterait la perpétuité vu le nombre de morts! Alors même 5 ans c’est peu!

je ne suis pas certains que la guerre contre la Lybie avait pour but de cacher le financement occulte de sa campagne présidentielle. La France n’a pas été seule dans cette histoire. Je pense surtout que la France et d’autres pays européens ont voulu joueur aux américaines en Irak. Et on s’est planté comme eux.

Aux Américains non. Aux Européens tout simplement. Une colonne de l’armée libyenne devait commettre des exactions dans Benghazi en rébellion. Pour des raisons humanitaires, et peut-être aussi pour ne pas créer des mouvements de populations vers l’Europe, décision a été prise de bombarder la colonne. Rien à voir avec une invasion pour motifs louches depuis le départ. Maintenant il est vrai aussi que certains pays n’ont pas apprécié le tournant que cela a pris après, avec la mort du Guide (pas forcément voulue par Paris, qui devait connaître sur quelle base complexe d’alliances régnait Khadafi), considérant avoir été joués au Conseil de Sécurité.

@Aristarque ce n’est pas tout à fait ça.
Le mandat de l’ONU donné à la France et aux Britanniques correspondait à l’exclusion aérienne de l’aviation de Khadafi. Les français et les anglais ont pris sur eux de bombarder au sol. Et sauf erreur, il n’y a pas eu de preuves de l’existence de cette colonne de char partie massacrer les habitants de Benghazi.
Le convoi de Khadafi est arrêté par une frappe de l’aviation des occidentaux (je ne sais plus si c’est l’OTAN).

Le résumé du jugement par la chaîne L’esprit critique complète très bien votre billet: https://youtu.be/xjcfNmgPM90
Ou plutôt est-ce l’inverse, mais peu importe. Et dans tous les cas, la vidéo est un modèle du genre. Aaah si les médias prenaient autant de temps pour expliquer ce qui se joue.
Et oui il était important que Sarkozy aille, ne serait-ce que trois semaines, en prison.

Trois semaines c’est un couperet. C’est une bonne chose. Ni trop long, ni trop court. La justice en sort grandie, je ne croyais pas à son passage par la case zonzon, j’ai été surpris de l’indépendance de la justice auquel je m’attendais moyennement. Et cette interdiction de frequenté Darmanin est la cerise sur le gateau.

je ne suis pas du même avis que la majorité des intervenants. on reste dans la stratégie de Sarkozy qui est d’utiliser toutes les voix de recours possibles pour ne pas être condamné ou au pire ne pas exécuter la peine. Le tout avec l’appui de ses amis ou la complicité d’une partie des élites qui ne trouvent pas normal de condamner un président. 5 ans pour sortir au bout de 3 semaines pour un homme politique qui a triché avec les règles de financement (encore cela pourrait passer… on a l’habitude…. ) en obtenant un financement illégal (cela coince plus) d’une nation étrangère (là c’est plus difficile à justifier) qui n’était pas classée dans la liste des pays amis (là on atteint l’oeuvre d’art), ce n’est pas cher payé… Ce serait tombé sur un simple quidam je ne suis pas certains qu’il aurait connu autant de mansuétude… Mention spéciale à tout ces politiques qui « gueulent » contre une justice laxiste mais quand tout d’un coup les lois votées s’appliquent à l’un des leurs, les discours deviennent plus compréhensifs …
Bref pas certains que pour le simple citoyen que « justice soit faite ».

Mon voisin simple quidam s’est pris 6 mois de séchoir pour conduite sans permis et assurance… il y est resté plus longtemps… Aprés il reste à voir ce qui est le plus grave: conduire permis mais en n’ayant jamais provoqué d’accidents ou fricoter avec les dirigeants d’un pays ennemi…

D’accord avec vous sur le fond a savoir le ralentissement de la Justice, a un point près : ce sont bien les règles de droit usuelles qui sont appliquées, il n’y a pas de passe-droits.
Je considère qu’un ancien Président doit être traité comme tout le monde, pas mieux mais AUSSI pas pire donc je ne peux contester aucune des deux décisions

A ce stade il est peut-être utile de rappeler que des millions de plaintes finissent classées sans suite chaque année, faute de moyen d’enquête et que les délais qu’endurent habituellement les justiciables Monsieur Toulemonde que ce soit au civil, pénal ou prud’homal, sont autrement plus longs que ceux qu’a supporté l’ex-président.
Faire accroire que le sort de N. Sarkozy est identique au pékin moyen est audacieux, mais qui ne tente rien n’a rien.
Osons !

En 1789, l’article premier de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen était « Les hommes naissent et DEMEURENT libres et égaux en droits ». Par contre le même article, dans la déclaration universelle des droits de l’homme est « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » Alors nous y avons gagné « la dignité », mais bizarrement nous y avons perdu la durée. Autrement dit 1 seconde après votre naissance l’égalité et la dignité dépendront de votre statut sociale. Et 70 ans après votre naissance, il y ceux (les puissants) qui sont dignes de bénéficier de l’égalité des droits et les autres.

Malaise avec tout cela.
S’il y a suffisamment de preuves d’une corruption venue de Lybie avec financement de la campagne électorale sa condamnation est justifiée.
S’il n’est pas possible de prouver une présomption de corruption, alors il n’avait pas à aller en prison.
Même si la présomption existe.
Et il reste aussi une impression très désagréable d’une justice qui s’intéresse à tout ce qui va de travers du côté droit et qui ne pose pas de questions à propos de l’enrichissement personnel avéré d’un membre du Conseil constitutionnel.
Et plus largement on n’est pas sorti des questions à propos du trafic d’influence et de carnet d’adresses de tant et tant d’anciens élus qui monnayent leurs informations et deviennent avocats ou conférenciers après leurs mandats.
Sarkozy en fait partie après tant d’autres.

Sarkozy ne pouvait pas être condamné pour corruption, car pour cela, il aurait fallu qu’il soit en poste, à la présidence, au moment où le pact est conclu. Ce qui n’était pas le cas. Mais on a toutes les preuves que le pacte existe, et qu’il a été au moins en partie, exécuté.

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