Le gouvernement Lecornu n’a pas duré longtemps. Quelques heures seulement après sa nomination, LR a débranché le respirateur qui maintenait la Macronie en vie, malgré un état de quasi mort cérébrale. Il évident aujourd’hui qu’un chapitre se clôt, et qu’il faut passer à la suite. Le cirque des prochains jours ne sera que l’habillage médiatique d’une décision qui s’impose. On devrait avoir une dissolution de l’Assemblée nationale d’ici la fin de la semaine, avec des législatives anticipées mi novembre.
L’important est maintenant de se tourner vers le futur. L’autopsie de la Macronie viendra après, mais le naufrage actuel était prévisible. Le mieux à faire maintenant est justement de ne surtout pas tenter de maintenir la Macronie à flot. Le Titanic a coulé, il ne faut pas le renflouer. De toute manière, la pensée politique d’Emmanuel Macron n’était qu’un vague ramassis de technocratie centriste et attrape-tout, qu’il n’a pas eu le temps (ni sans doute la volonté) de structurer pour en faire une doctrine politique qui tienne la route. Sa pratique politique, verticale et égocentrée est un contre-exemple. Rien à garder, ni sur le fond, ni sur la forme.
La prochaine étape est de se préparer à des jours sombres. Les craintes formulées ici-même il y a quatre ans, vont se réaliser, avec une dimension géopolitique qui n’était pas anticipable en 2021, et qui rend la situation à venir encore plus inquiétante. L’arrivée au pouvoir du RN, que tout le monde pressent (on y a échappé de peu en 2024, on n’y coupera pas cette fois-ci) va donner du grand guignol à la Trump. Un mélange de discours simpliste (mais qui fait mouche dans certaines couches populaires), de décisions erratiques et techniquement contre-productives, avec un activisme contre l’état de droit et les libertés publiques.
Il va donc falloir résister. Ce n’est pas simple, quand la tentation est de croire qu’une forme de « normalité » peut revenir, que le RN n’est finalement pas si « méchant » et que tant de connaissances, voire d’amis, sont allés à la soupe et s’en trouvent très bien. La culture politique du RN est fondamentalement incompatible avec ma vision et mes convictions. Ils proposent une régression civilisationnelle, du chacun pour soi et du délitement du collectif. Cela ne peut amener que de la violence et de la destruction, qui mène au chaos. Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe aux États-Unis en ce moment, où la maison d’une magistrate ayant jugé Trump vient de faire l’objet d’un incendie criminel. Je refuse de vivre dans une société fondée sur la brutalité du rapport de force.
Résister, c’est aussi produire. Clamer qu’un « autre monde est possible » sans jamais être capable de le décrire, est profondément stérile. Dire ce qu’on ne veut pas est important, mais c’est encore plus essentiel de décrire ce que l’on veut, et de proposer une véritable alternative. La Macronie crève d’avoir été incapable de proposer un projet de société, qui fasse envie et puisse mobiliser positivement. Il faut donc se mettre à construire une pensée politique, pas juste un programme technocratique, mais un récit qui permette de souder un collectif. A la décharge de Macron, ce n’est pas quelque chose qui peut être fait en même temps que l’exercice du pouvoir. Être dans l’opposition est le bon moment pour faire naitre quelque chose qui soit le support intellectuel et politique d’un futur exercice du pouvoir.
Il faut dès maintenant tourner la page du macronisme, en espérant que la grande purge du personnel politique puisse au moins permettre de faire partir des gens qui ont fait des dégâts énormes (j’en voudrai éternellement Bayrou pour avoir grillé la dernière carte qui restait de redresser la barre). Il faudra former la relève, car des idées n’arrivent pas au pouvoir seul, il faut des personnes pour les porter.
Le conseil national de la Résistance a créé le programme mis en œuvre à la Libération pendant la période sombre de l’occupation. La France, qui allait si mal dans les années 30, a pu vivre sur ce nouveau paradigme pendant une trentaine d’années. Comme quoi, même au fond du trou, rien n’est complètement perdu. Mais cela demande d’arriver à traverser des moments difficiles.
22 réponses sur « Passer à la suite »
« Ils proposent une régression civilisationnelle, du chacun pour soi et du délitement du collectif. » Ça ressemble un peu avec ce que faisait les personnes au pouvoir ces dernières années.
« Cela ne peut amener que de la violence et de la destruction, qui mène au chaos. »
Voilà et leur politique et leur manière de diriger ont eu, entre autre, ce résultat.
Ça empirera probablement plus vite avec le RN au pouvoir mais je ne vois pas en quoi les politiques menées depuis plusieurs années nous menaient vers le beau.
Non, les politiques menées sous la Macronie n’étaient pas toujours optimales, mais elles n’étaient pas sous-tendues par une idéologie prônant ouvertement la loi du plus fort, le refus de l’état de droit et de toute contrainte limitant la « toute puissance du chef ». Ce qu’on voit avec les populistes, et c’est à l’oeuvre dans l’Amérique de Trump, c’est la régulation des rapports sociaux par les seuls rapports de force, avec l’égoïsme comme seul moteur. C’est particulièrement sur le plan des relations internationales. Macron a ses défauts, mais il a toujours défendu le multilatéralisme et le respect du droit, et du droit international.
Je pose ça ici avant mi-novembre : le RN n’aura pas la majorité absolue en cas de législatives anticipées, pas même de majorité relative.
Par contre, l’attitude du bloc central va être déterminante, surtout sur les désistements de second tour. Si LREM garde encore l’envie d’être une force d’importance à l’AN, ils peuvent précipiter le pays dans le chaos. Sinon, on pourrait enfin avoir deux énormes blocs et une poignée de francs-tireurs (LR, LIOT, les NI) qui joueraient les faiseurs de roi.
Sur ces législatives anticipeés, tout autre discours de LREM autre que celui de faciliter la démocratie serait proprement criminel. Si on revit le même cirque du ni-NFP ni-RN de 2024, certains auront du sang sur les mains.
En quoi dire « Ni NFP ni RN » ne faciliterait pas la démocratie ? Dans la série des paris à l’aveugle, je parie sur un RN gagnant sans majo absolu (c’est votre définition de majo relative ?), et 4 autres blocs de tailles comparables (pas égales) de 50-100 députés, sans personne pour assumer plus de compromis. Je ne sais pas classer ces blocs. Et je serais ravi de me tromper.
Winter is coming…
Le seul qui a un peu d’envergure dans la macronie et qui aurait pu reprendre le flambeau, c’est Édouard Philippe.
Macron a fait tout ce qu’il a pu pour le plomber.
Par désintérêt autant que crainte de la concurrence, Macron n’a jamais créé un parti qui ait une quelconque ligne politique et comportant autre chose que des troisièmes couteaux.
Le MoDem n’est pas grand chose avec Bayrou et rien sans lui.
Reste LR, indiscernable politiquement du RN, qui finira par s’y rallier.
Macron a fait du centre et de la droite un champ de ruines.
Je vais être provocateur, mais le parti le mieux placé pour reconstruire la droite républicaine aujourd’hui, c’est le PS. Il suffit juste d’assumer l’héritage de François Hollande.
J’aime bien E. Philippe, mis en cause au Havre dans une affaire de détournement de fonds public, conflit d’intérêt et harcèlement au Havre.
On voit que c’est un gentil garçon, qui n’a pas hésité à ruiner la réforme de la retraite à points pour une réforme paramétrique votée à la hussarde.
L’idée qu’il semble se faire de la politique est très 20ème siècle. Un libéral, cultivé, auteur de roman, décomplexé avec l’argent public.
Assurément, c’est l’homme qu’il nous faut.
Et il nous propose aussi une élection présidentielle anticipée. Vraiment ce dont on a besoin maintenant …
Pendant ce temps le NFP hors LFI appelle de nouveau à nommer un premier ministre sans coalition … Le dégagisme (de toute la classe politique, d’où qu’elle vienne) gagne des adhérents.
Je n’aime pas spécialement E. Ph., mais nous avons effectivement besoin d’une nouvelle présidentielle, suivie d’une dissolution. C’est la seule chance (pas une certitude, mais une chance tout de même) d’avoir une majorité parlementaire à peu près viable.
Félicitations à Authueil, qui devait avoir sa bouteille de champagne au frais depuis 10 ans en attendant ce moment !
Juste pour tout avoir en tête: quelle était la dernière carte que Bayrou a grillé ?
Oui, je n’ai pas compris non plus …
D’accord avec la première partie du post mais la comparaison la plus pertinente n’est pas à faire avec Trump mais avec Meloni. Et là, pour la suite, c’est très différent.
Ces volontés de la droite de vouloir faire barrage au RN sont bien jolies, mais combien d’entre vous sont prêts à accepter un gouvernement socialiste pour éviter l’extrême-droite ? Et combien sont prêt à dire ouvertement qu’ils acceptent de soutenir le PS pour aider au retour d’une situation stable ?
Car malencontreusement, le cœur du problème est là. Depuis un an, la droite entière ne cesse de dire ouvertement qu’elle refuse de participer à un gouvernement avec le PS, or, ce serait le seul moyen d’arriver à un gouvernement stable. Mais elle devrait alors faire des concessions sur l’impositions des ultra-riches, ce qu’elle refuse ouvertement.
D’un autre côté le ps veut il gouverner avec la droite ? (c’est a dire appliquer une partie du programme de la droite en échange de l’application d’une partie du programme du PS)
Les mauvaises langues diront que ceux qui ont connu la présidence Hollande sont rompus aux politiques de droite.
Je pense le PS beaucoup plus apte à faire certaines concessions, l’important étant que chacun puisse faire ce pour quoi on l’a élu.
Le PS a été élu pour abolir la réforme des retraites et remettre des impôts sur les plus grosses fortunes tels qu’on les avait avant 2017, tandis que la droite a été élu pour le sécuritaire. Ils peuvent bien trouver un point d’entente sans trahir leurs électeurs.
Beaucoup de critiques sur la Macronie et le centre mais, eux, au moins, ils essaient des trucs.
Tous les autres posent des « lignes rouges » et, au final, font tout pour rester dans l’opposition (je l’avais lu ici chez un commentateur).
Qui a cherché à faire une synthèse parmi eux ?
(cf les discussions sur le parlementarisme)
Et qui a construit (ou rajeuni) un projet de société, dans l’opposition ?
Pas grand-monde …
Et c’st dommage, parce que c’est ce genre de travail de fond qui paie quand il y un changement brusque (dissolution, élection).
Après, peut-être que ça a été fait et qu’on ne voit que les phrases provocs (rêvons que le PS et les écolos aient préparé une sortie de la NUPES, en alliance).
Espérons ….
Bonjour,
Quelle sera l’allure de l’Assemblée Nationale suite à la prochaine dissolution? J’avoue que j’ai du mal à me la représenter. Que le RN progresse, c’est certain. Jusqu’à quel point c’est moins clair. Qu’il y ait un gros effet « dégagisme » c’est aussi certain. Le « socle commun » en sera probablement la victime principale. Mais est-ce que cela s’étendra à la gauche, particulièrement au PS, je n’arrive pas à le savoir.
Donc oui, le prochain Premier Ministre, sera Jordan Bardella. Par contre je trouve que votre scénario est caricatural. Contrairement aux USA, la France a encore un certain nombre de contre-pouvoirs très actifs. Trump, contrôle son Sénat et sa Cours Suprême. Ce n’est pas le cas de la France, où la droite « républicaine » contrôle le Sénat. Et le Conseil Constitutionnel est réellement indépendant. Sans parler des limites imposées par l’UE.
Par contre l’arrivée du RN au pouvoir risque d’avoir un impact particulièrement négatif sur notre économie. Nos taux d’emprunt augmentent actuellement du fait de l’instabilité politique. Et les patrons évitent d’investir car ils n’ont aucune visibilité sur la politique. Avec le RN au pouvoir, et des décisions qui risquent d’être annulées les unes après les autres par le Conseil Constitutionnel, cela risque de se détériorer encore.
Maintenant, oui, il va falloir préparer un « nouveau projet pour la France ». Mais, personnellement, je ne l’imagine pas comme un « projet qui fasse rêver les français », mais plus comme un projet qui « donne sens au mot société ». Tout en en sachant les difficultés. Parce que, pour qu’il soit accepté il va aussi falloir extirper des cerveaux tout un tas de conditionnements tels que « il y a trop de fonctionnaires » (donc vous voulez virer des enseignants et des infirmières », ou « assistés » (vous n’avez jamais bénéficié de prestation sociales, ni du chômage, …?), …
Mais je réfute la référence au CNR. Car la situation actuelle n’a rien à voir. Le CNR n’a pu exister que parce que:
1- La Résistance avait fédéré des sensibilités politiques allant du Gaullisme au Communisme,
2- La libération a permis de créer un roman national (Paris outragé, mais Paris libéré) qui permettait à (presque) tous les français d’oublier leur bassesses, leurs compromissions, leurs absence d’action, etc.
3- Tout était à reconstruire.
petite remarque.. je trouve ironique ce conditionnement sur le trop pleins de fonctionnaire quand d’un autre coté on manifeste car pas assez de policiers, de professeurs, d’infirmiers, que l’on ferme des école, que les services publiques désertent la ruralité, etc.. Le français est plein de contradiction.. il trouve qu’il paie trop d’impots mais il est le premier à râler quand il y a pas d’aide ! A râler contre les chômeurs fainéants mais être le premier à râler car 57% de son brut en allocation cela fait pas beaucoup. Pour moi le premier conditionnement a extirper de ce pays c’est ce que nous avons connu ces dernières décennies le mythe d’un état qui pourrait tout.
Les partis n’ont travaillé aucun programme précis, uniquement des incantations. Aucun n’est capable des ruptures nécessaires pour redresser le pays, car aucun n’a des idées claires sur les causes de notre déclassement. Donc oui, c’est quasiment perdu, la nation France va continuer à s’enfoncer. Unique « consolation » : c’est aussi le cas de plusieurs pays européens, et pas des moindres. Finalement les pétainistes ont eu la peau des gaullistes…
Moi ce que je crains, c’est Macron ne joue la montre jusqu’en 2027, en présentant des gouvernements successifs destinés à se faire destituer par le Parlement, afin de gagner les deux mois nécessaires pour en former un à chaque épisode…
J’espère VRAIMENT me tromper, mais on est déjà à Lecornu 2!