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Politique et microcosmes, les liaisons dangereuses

L’adjoint à la Culture de la maire de Paris, Christophe Girard, vient d’être obligé de quitter ses fonctions. Ses détracteurs lui reprochent sa trop grande proximité avec Gabriel Matzneff, un écrivain sulfureux, accusé de viols et de pédophilie.

Il fait partie de ceux qui ont, depuis des années, couvert, protégé, voire subventionné cet écrivain qui ne faisait pas mystère de sa pédophilie, au point d’en faire son fond de commerce littéraire. Tout le monde, dans le petit milieu culturel parisien, le savait, mais personne n’a rien dit, car il faisait partie de la « tribu ».

Un cas malheureusement pas si rare que ça, en France, où un microcosme couvre volontiers ses brebis galeuses. Parfois, cela va très loin, comme pour Roman Polanski, toujours défendu avec acharnement par une partie du milieu du cinéma, malgré des faits avérés et reconnus.

Parfois, il y a des dommages collatéraux, avec des personnalités politiques qui se retrouvent prises entre deux feux. La France étant un pays de microcosmes (dans d’autres pays, on appelle cela « communautés »), il est utile, quand on veut diriger le pays, ou une ville, d’avoir des antennes dans tous ces microcosmes. Plus la personnalité est profondément enracinée et influente dans le microcosme, plus elle est précieuse pour le politique.

Christophe Girard est de ceux là. Adjoint à la Culture de Bertrand Delanoé, puis d’Anne Hidalgo, il est aussi une figure connue du secteur culturel. C’est en jouant sur ces deux tableaux, qu’il a pu construire une solide position de pouvoir, à la fois à l’hôtel de ville, mais aussi dans le secteur culturel parisien.

Cette double appartenance se retourne contre lui aujourd’hui, car il est contraint de renoncer à un poste politique, alors même qu’aucune faute ne peut lui être reprochée en tant qu’élu. S’il a pu aider Matzneff, c’est surtout au titre de ses fonctions professionnelles chez LVMH et comme « personnalité influence » dans le milieu de la culture.

Sa démission était inéluctable car la pression qui pèse sur les politiques est devenue énorme. On ne leur demande plus d’être juste compétents et honnêtes dans leurs fonctions d’élus. Il faut également qu’ils soient irréprochables dans tous les compartiments de leur vie, y compris professionnelle et privée. C’est d’autant plus difficile à gérer quand les « règles » en vigueur dans le microcosme, et qui s’imposent à ses membres, sont en décalage avec la norme communément admise dans la société, qui s’impose aux élus. Et le pire, c’est qu’ils sont à la merci de revirements d’opinion, où on est jugé avec des lunettes de 2020, pour des faits remontant à une époque où ils étaient considérés comme normaux, ou du moins pas trop problématiques.

Tout cela n’est pas fait pour attirer des personnalités de qualité en politique. Vu les contraintes qui pèsent sur les élus, qui doivent tout déclarer (patrimoine, intérêts…) accepter de subir des attaques et des polémiques (qui touchent parfois leurs proches, qui n’ont rien demandé), se faire reprocher de toucher des indemnités, seuls les médiocres et les « nolife » vont encore vouloir y aller. Les autres se garderont bien d’apparaitre en première ligne, et se contenteront de mener par le bout du nez les seconds couteaux qui sont assez fous pour se mettre sous le projecteur.

Il est nécessaire d’ouvrir un vrai débat, sur le statut de l’élu, sa rémunération, ses droits et obligations, afin que le cadre soit équilibré et permette de continuer à attirer les talents. Le traitement uniquement populiste du sujet ne peut que nuire à notre Démocratie.

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L’éternel problème du pseudonymat

Le garde des Sceaux et le Premier ministre ont relancé le débat sur le pseudonymat sur internet. Un débat qui a au moins 15 ans, avatar d’un combat mené par les élites politico-intellectuelles pour essayer de sauver leur monopole de la participation légitime au débat public.

Nos dirigeants de 2020, veulent que tout le monde s’exprime, sur internet, sous son identité civile. Un moyen, pour ceux qui sont au sommet de l’échelle, et donc peuvent dire à peu près tout ce qu’ils veulent sans trop de risque, de faire taire « la plèbe ». Autrefois, c’était facile de contrôler l’accès à la parole publique, qui devait obligatoirement passer par les médias (audiovisuel et presse écrite). Internet a fait sauter ses passages obligés et démocratisé l’accès au débat.

Il est vrai qu’un certain nombre de personnes seraient peut-être plus policées dans leur langage, si leur photo apparaissaient à coté de leurs propos. L’argument est aisé à comprendre, et en cette période de montée de la haine, sur les réseaux sociaux, mais aussi ailleurs, peut trouver un écho.

Il ne résiste pas à une analyse un peu poussée. Le pseudonymat a toujours existé, et est nécessaire à la liberté d’expression. Il permet à ceux qui sont « dépendants » (d’un employeur, actuel ou futur, par exemple) de tenir des propos qui dérangent. Le débat public, notamment politique, tourne malheureusement bien trop souvent au pugilat. Le but n’est pas de discuter sur le fond, mais de faire taire son contradicteur, en le disqualifiant. Il est donc logique que celui qui est en position de force cherche à se doter de l’outil lui permettant de faire taire son contradicteur, soit par des pressions directes ou indirectes, soit en faisant porter le débat sur le messager, et pas sur le message. Le pseudonymat est une vraie plaie pour ceux qui sont habitués à esquiver les débats et ne tiennent pas la route quand il faut aller au fond des choses.

Un bon nombre de membres de « l’élite politico-intellectuelle française » n’ont jamais digéré la démocratisation de la parole publique amenée par internet (d’abord les blogs, puis les réseaux sociaux). Ils perdent ainsi du pouvoir, à la fois dans le choix de ceux qui sont cooptés et autorisés à prendre la parole, et dans le choix des termes et de l’orientation du débat public. Plus possible d’étouffer les scandales comme autrefois, de protéger l’entre-soi auquel se sont habitués bien des membres de cercles élitistes.

Bien évidemment, la massification du pseudonymat pose des problèmes, car il ne s’est pas accompagné de la mise en place de « bonnes pratiques ». La fameuse Netiquette des dinosaures de l’internet a volé en éclats depuis bien longtemps. La solution du problème est pourtant en partie là, dans l’éducation au numérique, avec un volet « apprentissage » des codes et un autre plus répressif. Cela ne me choque pas que des poursuites pénales soient engagées plus systématiquement contre des propos inacceptables proférés sur internet. Il devrait même y avoir des procédures simplifiées Le législateur n’a pas hésité à le faire quand il s’est agit de défendre les intérêts financiers de l’industrie du divertissement, avec la loi Hadopi. C’est sur cette voie que Laetitia Avia aurait dû aller, plutôt que s’acharner à transformer les opérateurs de plateformes en censeurs.

Mais cela implique de donner des moyens à la police et la justice. Et surtout, cela met tout le monde sur le même plan. Or, ce n’est pas cela que les élites demandent, mais bien un système à deux vitesses, où eux peuvent dire ce qu’ils veulent, en faisant retirer ce qui ne leur plaît pas. La loi, ici, est utilisée comme un tapis de bombes, avec de nombreux dommages collatéraux, qui ne sont pas pour déplaire à ceux qui portent cette vision d’une régulation du débat public par la censure.

Faire taire internet est le combat de toujours de cette élite qui a ses propres canaux de communication, et qui aimerait tellement retrouver son monopole perdu, plutôt que de devoir s’insérer dans les nouveaux canaux, qu’elle ne contrôle pas et où elle doit partager la parole avec des gens considérés comme illégitimes à s’exprimer et prendre part au débat public.

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Jean Castex n’est pas un Premier ministre au rabais

Le nouveau premier ministre a marqué le coup pour sa première grande journée politique, celle de son discours de politique générale. Sur le fond comme sur la forme, et sur le vote final, il s’en tire honorablement, vu les contraintes qui pèsent sur sur lui.

Sur le fond, il colle aux propos, tenus la veille par le Président de la République, dans son « interview » télévisée (plutôt mieux conduite que d’habitude par les journalistes). C’est le système institutionnel qui veut cela, tous les chefs de gouvernement y passent, encore plus avec Emmanuel Macron qu’avec les autres. Pas de surprise à attendre du contenu du discours, donc pas vraiment de déception à la sortie.

Sur la forme, j’ai trouvé Jean Castex assez bon. Il ne s’est pas laissé intimider, et n’était pas désagréable à écouter, même si c’est compliqué de passer après Edouard Philippe, pétillant d’humour et de culture. Le nouveau Premier ministre a assumé, accent du Sud-Ouest compris, son coté Terroir et « terre-à-terre ». Sur le style, pas d’escroquerie ou d’esbroufe, on a eu le « vrai » Jean Castex à la tribune, et ça fera l’affaire pour les 600 jours qui restent avant la présidentielle.

Le vote, enfin, 345 pour, 177 contre et 43 abstentions, est conforme à ce qui est attendu. La majorité est un peu réduite, par rapport aux scores obtenus par Édouard Philippe. Mais avec une majorité absolue à 289 voix, il passe largement la barre, et ne devrait pas avoir de problème majeur d’ici la fin du mandat.

Le vrai évènement du jour n’était pas à l’Assemblée, mais au Conseil des ministres, qui a décidé le remplacement au secrétariat général du gouvernement, de Marc Guillaume par Claire Landais. La chute de Marc Guillaume est un véritable séisme, tant l’homme était présenté comme puissant et indéboulonnable.

Marc Guillaume était quasiment un premier ministre bis, qui exerçait un pouvoir qui dépassait largement ses attributions administratives. Après avoir été secrétaire général du conseil constitutionnel (où le président de l’époque, Jean-Louis Debré, ne faisait que signer les décisions rédigées par Marc Guillaume) il était au coeur du pouvoir. Le secrétariat général du gouvernement est la tour de contrôle de toute la mécanique administrative français. En plus de cette position centrale, il était aussi le « parrain » de la haute fonction publique, celui qui fait et défait les carrières, place ses protégés.

Son départ brutal, sur demande expresse du nouveau premier ministre, est la marque que Jean Castex a compris où est le véritable pouvoir. Il n’est pas à l’Assemblée nationale, qui n’est que l’ombre d’elle-même, mais dans la machinerie administrative. C’est en prenant le contrôle de ce lieu de pouvoir, qu’il est en mesure de faire avancer les réformes, et donner les résultats concrets et visibles, dont Emmanuel Macron va avoir besoin, pour espérer être réélu.

Une chose est sure ce soir, Jean Castex n’est pas un Premier ministre au rabais. C’est un homme de pouvoir qui a montré qu’il sait tuer ses rivaux pour se donner un espace politique.

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Dupond-Moretti, dernier rempart contre le dégagisme

Emmanuel Macron a choisi de nommer le ténor du barreau Eric Dupond-Moretti, comme Garde des sceaux. Un choix qui détonne et m’apparait profondément salutaire, tant le besoin de renouvellement de la classe politique est devenu crucial.

Les premiers commentaires sont pourtant partagés, mais globalement négatifs du coté « éditorialistes parisiens » et très négatifs chez les magistrats : « grenade dégoupillée », « déclaration de guerre » et autres amabilités (comme une comparaison avec Eric Raoult) ont fleuri. Visiblement, cette nomination dérange et fait peur.

Il est vrai qu’Eric Dupond-Moretti est un personnage « hors normes », un ténor du Barreau, dans tous les sens du terme. C’est un véritable acteur, une forte personnalité qui a montré qu’il ne s’encombre pas des formalités et des bienséances quand elles sont un obstacle à son action. Il n’hésite pas à déranger dans le choix des causes qu’il défend, avec des cas « impossibles » (comme Patrick Balkany) qu’il accepte malgré tout de défendre, parce que c’est cohérent avec son éthique professionnelle. Et il obtient des résultats., il n’y a qu’à voir le nombre d’acquittements obtenus.

C’est exactement ce que l’on devrait attendre d’un responsable politique de haut niveau.

Un ministre n’est pas là pour lire gentiment les fiches rédigées par ses services, avec des mots pesés pour ne surtout pas bousculer les intérêts en place. Notre classe politique est devenue tellement insipide et transparente, qu’elle n’arrive même plus à dissimuler que ce sont les hauts fonctionnaires qui dirigent réellement le pays.

La nomination de Dupond-Moretti est un renouvellement profond du personnel politique. Il est l’anti-technocrate par excellence, un provincial qui n’a pas fait l’ENA ni la moindre grande école parisienne, une personnalité rugueuse, qui parle avec ses tripes et des convictions chevillées au corps. Il n’a rien à gagner à entrer en politique, il est déjà célèbre et reconnu. De ce fait, il dispose d’une légitimité bien supérieure au personnel politique en place, quand bien même il n’a jamais été élu.

En le faisant entrer au gouvernement, Emmanuel Macron apporte une réponse aux Gilets jaunes, dont le message est d’abord et avant tout une contestation des élites en place. Eric Dupond-Moretti est une personnalité reconnue, populaire, et on attend de lui qu’il secoue le cocotier. C’est bien cela qui inquiète et suscite les commentaires négatifs…

Je ne sais pas si Eric Dupond-Moretti arrivera à répondre à la commande et à obtenir des résultats à la hauteur de ceux qu’il a eu comme avocat. Il arrive en terrain hostile, sans disposer des codes, avec un calendrier contraint, les fins de quinquennats n’étant pas très propices aux réformes de fond.

Mais l’expérience mérite d’être tentée, doit être tentée, car la promesse du renouvellement des marcheurs de 2017 a été un échec cruel. L’envie de dégagisme de l’électorat est encore plus fort, et si les élus en place ne proposent rien, ils risquent de se faire dégager, pas forcément par les urnes, mais par la rue…

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Retour prochain

A la suite d’incidents techniques, ce blog est en cours de migration. Merci de ne pas vous inquiéter.

Ce n’est que le troisième changement depuis la création de ce blog, en janvier 2006. Sauf que cette fois-ci, il a bien failli ne pas renaitre. En effet, l’envie me manquait de continuer. Et plus finalement, je m’y suis mis (il faut encore que je transfère les archives).

On verra si cette nouvelle formule sera différente des anciennes, si le ton sera autre. Les blogs sont passés de mode, mais peuvent encore trouver une forme d’intérêt dans une expression libre et loin du tumulte des réseaux sociaux.