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La bataille de la culture politique commence !

La séquence qui a débuté le 7 juillet, dévoile une culture politique très particulière de la part de la classe politique, en particulier à gauche (mais pas que là). Elle s’appuie très fortement sur le fait majoritaire, considérant comme normal que celui qui arrive en tête rafle tout le pouvoir et l’exerce en solitaire pendant 5 ans.

Cette culture est née en 1962, et a globalement perduré jusqu’en 2022, avec un léger accident en 1988, mais qui n’a pas prêté à conséquence. A chaque fois, le gagnant de la présidentielle a eu une majorité solide pour gouverner, et si par malheur, il la perdait en cours de mandat, c’est l’opposition qui raflait la mise et exerçait le pouvoir dans le même état d’esprit.

Pour la classe politique, c’est un système très confortable. On gagne tout sur un coup de dés, en une seule fois, sans avoir besoin de construire et d’entretenir patiemment une coalition. Discuter et palabrer, c’est chronophage, et c’est quand même ennuyeux, quand on aime commander, de devoir transiger, et donc ne pas faire ce qu’on veut. Comme, depuis 1962, il y a eu globalement une alternance régulière, personne n’avait intérêt à changer le système. En plus, on était dispensé de bosser, car mécaniquement, le balancier revenait vers vous. La seule exception récente est 2007, où la gauche a raté le coche, sans doute par excès de confiance.

Elle est également confortable, car elle amène à ne pas avoir de compte à rendre, sauf une fois, en bloc, tous les cinq ans. Cela peut permettre de considérer qu’une réélection est une validation sans réserve de tout ce qui a été décidé dans le cadre d’un exercice solitaire du pouvoir. C’est par exemple, ces personnes qui expliquent qu’en 2007, 75% des voix sont allés vers des candidats favorables au traité de Lisbonne, donc cela vaut ratification du fait qu’on se soit complètement assis sur le résultat du référendum de 2005, où 55% des votants avaient explicitement dit non à un approfondissement de la construction européenne.

Mais cette belle machinerie s’est enrayée. Une première fois en 2017, où les français ont littéralement mis à la porte tout le pan gauche de la classe politique, avec une déculottée historique dont le PS ne s’est toujours pas remis. Au passage, le parti de gouvernement de droite, l’UMP devenue LR, s’est également pris une belle claque. On sentait déjà une volonté d’en finir avec ce modèle de fonctionnement. Le fameux « en même temps » d’Emmanuel Macron était une promesse qui a été entendue, et qui était en partie à la base de son succès. Sur ce point, il a franchement déçu, d’où ses échecs aux législatives de 2022 et 2024, où le bloc central ne doit sa survie qu’à la radicalité des alternatives. Même si on déteste Macron, il reste moins pire que Mélenchon ou Le Pen.

Le message d’exaspération des français contre la classe politique (dans son ensemble) a commencé par le dégagisme. On se disait qu’en virant les pourris et en mettant des gens neufs et de bonne volonté, ça allait marcher mieux. On a vite déchanté, et on est passé à autre chose, en s’attaquant à l’organisation du système, qui pousse la classe politique à avoir ce comportement qu’on veut éradiquer. Si on ne change pas les règles du jeu, on aura la reproduction des mêmes comportements, même si on change les joueurs.

Les français ont donc décidé, en le disant dans des sondages avant et après les élections, de ne donner de majorité absolue à personne, afin d’obliger les élus des différents bords à travailler ensemble. Comme on n’avait pas tapé assez fort en 2022, et que Macron a continué à vouloir fonctionner comme avant, on en a remis une couche en 2024. Alors que le président espérait, avec son coup de dés de la dissolution, retrouver une majorité absolue (comme avant), il s’est retrouvé avec l’amplification du mouvement de fond.

Depuis le mois de juillet 2024, et pendant un an, les parlementaires sont coincés, et vont soit devoir travailler ensemble, soit assumer la responsabilité d’un blocage du pays. Car soyons clair, le blocage ne viendra pas des institutions, qui permettent tout à fait de fonctionner avec une assemblée éclatée. La constitution de 1958 a même été pensée pour ce genre de situation. Il n’y a donc aucun échappatoire pour les élus, si ça plante, ce sera de leur faute !

Après un moment de stupeur, beaucoup d’élus sont encore dans le déni. C’est assez manifeste à gauche, où PS comme LFI tiennent un discours assez surréaliste. Alors même qu’ils n’ont que 200 députés (sur 577), ils considèrent qu’ils ont gagné, et doivent donc rafler toute la mise. C’est d’autant plus surréaliste qu’ils montrent, jour après jour, être dans l’incapacité complète d’exercer effectivement ce pouvoir qu’ils revendiquent haut et fort. En 10 jours, ils n’ont même pas été capables de s’entendre sur le nom d’un premier ministre.

La Macronie ayant fait alliance avec ce qui reste de LR, ils sont passés devant (de peu) en nombre de sièges, et ont réussit à faire élire leur candidate au perchoir. La réponse de la gauche, au lieu de reconnaitre leur défaite, a été de contester la légitimité de l’alliance Macronie-LR. A les entendre, les seules alliances légitimes sont celles qui sont conclues avant le scrutin, et donc validées par les électeurs. Tout autre configuration est une trahison des électeurs. En résumé, même si vous n’avez qu’une faible avance, vous êtes en droit d’être le « vainqueur qui prend tout » et vos adversaires ne doivent pas se mettre en travers de votre chemin. En matière de déni, on peut difficilement faire mieux.

En adoptant cette attitude de sauvetage désespéré de l’ancien système, la gauche montre qu’elle n’a strictement rien compris à ce que demandent les électeurs. En refusant d’entendre cette demande, et donc d’y répondre, ils ne font que creuser encore davantage le fossé. Pourtant, ils sont pris au piège, et il y a fort à parier que s’il y a une dissolution dans un an, on arrivera au même résultat, à savoir une absence de majorité. Ce qui peut juste changer, c’est l’ordre d’arrivée des blocs, avec un RN devant, mais pas plus en capacité de gouverner que ne l’est la gauche aujourd’hui.

Bon gré mal gré, il va falloir que les élus changent leur manière de travailler, et révolutionnent la culture politique de la France. Le chemin est encore très long, et les résistances sont énormes. La bataille ne fait que commencer, mais elle est exaltante !

22 réponses sur « La bataille de la culture politique commence ! »

Analyse un peu biaisée et orientée à mon sens, et d’autant plus que dans la période, il faut lire les comportements de chaque bloc à la lumière de celui des autres.

C’est de bonne guerre que le NFP pense avoir gagné (même si c’est faux), et ce n’est pas déconnant d’estimer qu’on pouvait en vertu de leur nombre d’élus leur laisser l’occasion de construire une coalition. Mais dès le 7 juillet au soir, tous les autres blocs, et notamment l’extrême-centre (on en reparlera de ceux-là), ont mis toutes les barrières possibles pour que ça ne se fasse pas. On a vu mieux pour éviter que chacun se radicalise.

La déclaration de Chassaigne ce soir est un peu grossière certes, mais comment qualifier ce qui est en train de se passer, ou une majorité qui prend deux énormes roustes coup sur coup va réussir à conserver le perchoir ET le gouvernement puisque visiblement Macron attendait ce résultat pour définir la prochaine couleur du gouvernement ?

On appréciera au passage l’ironie de la décla de Braun-Pivet sur le résultat qui « l’engage ».

On tape beaucoup sur la gauche, et à raison tellement ils sont désespérants, mais l’attitude de la majorité actuelle est exécrable et ils représentent un danger inouï en poussant RN/NFP sur les bords pour faire exister un espace central dont les électeurs ne veulent pas et se maintenir au pouvoir, chose dont les électeurs ne veulent pas non plus, en tout cas pas avec eux à leur tête.

Comment arrivez-vous encore à justifier à ce point le NFP ? Ils sont minoritaires point ! Et refusent de le reconnaitre, font comme s’ils avaient gagné… C’est là le vrai déni de démocratie ! Authueil à raison, en fait ils sont bien plus contents dans l’opposition. C’est tellement plus facile de critiquer, ça ils savent faire côté LFI, ils ne vivent que de ça. Quelles barrières leur a-t-on mis ? Non, non, ils s’en mettent très bien tous seuls.

Et ils sont tout autant responsables de la situation actuelle, à force d’expliquer aux gens que Macron / Le Pen sont juste deux extrêmes à combattre (« l’extrême centre » vraiment…). La réalité, c’est que le plus grand bloc de l’Assemblée est de fait de centre droit, en cohérence avec les votes de Français quoi qu’en disent ceux qui gardent les chiffres qui les intéressent, et tant pis pour le PS s’ils préfèrent rester de l’autre côté de la barrière.

Le déni de démocratie, c’est de se déclarer vainqueur d’une élection ou on est en tête à la majorité relative ? C’est incomplet, mais ce n’est pas fondamentalement faux : la preuve, Braun-Pivet vient d’être élue en majorité relative. Par contre, être sévèrement battu 2 fois d’affilée, perdre 80 députés malgré un front républicain, mais vouloir conserver perchoir et gouvernement en s’alliant avec LR avec pour contrepartie la commission des Finances (selon les propos de Denis Masseglia) alors que l’usage veut de la réserver à l’opposition, tout est normal ?

C’est la macronie qui érige des barrages grotesques, on repense aux Maud Brégeon et consorts qui dès le 7 juillet en étaient même à exclure les écologistes de toute future coalition, tout ça après une campagne lunaire ou la macronie a créé l’homme de paille de l’extrême-gauche et qualifié tout un bloc comme étant sorti de l’arc républicain (ce qui n’a absolument aucun sens en plus d’être irresponsable et dangereux).

Le perchoir est élu à la majorité relative. Le centre droit est majoritaire par rapport au NFP, c’est tout. Le NFP n’est nulle part en majorité relative, ils sont incapables de regarder en dehors de leur nombril qui vaut donc au mieux 205 députés. La démocratie ne s’intéresse pas au nombre de députés qui ont changé entre la législature précédente et l’actuelle, elle ne s’intéresse qu’à ceux qui sont là.

Par ailleurs une coalition de circonstance Macronie-LR est bien plus cohérente électoralement et programmatiquement que PS-LFI qui ne sont d’accord sur rien si ce n’est sauver leurs sièges en s’opposant à « l’extrême centre » et au RN (eux aussi ont été sauvés par le front républicain). Et la Macronie a eu raison de pointer du doigt l’extrémisme de LFI qui gangrène encore le NFP, pour preuve le spectacle ridicule depuis 10 jours. Vous avez le droit de penser encore que c’est la faute des autres si le NFP est pathétique, c’est exactement leur posture : une posture d’opposant inconstructif.

Le fait est, et cela a été largement documenté, que bien plus de NFP se sont retiré à faveur de la centre-droite que l’inverse. Suite à cela pour éviter la poussée du RN, la gauche perd le perchoir et en plus à la faveur d’une personne qui s’est larbinisée à Macron lors des deux mandats.
C’est bien clairement indigne et cela aura des conséquences importantes pour la suite des votes.

« Coalition de circonstance » alors même que LR a fait campagne contre la majorité et a choisi de siéger dans l’opposition (seul moyen d’obtenir la Commission des finances), on est au-delà de l’euphémisme.

Et par ailleurs, le NFP ni LFI ne sont toujours pas extrémistes. Radicaux si vous préférez à la limite. L’extrême-gauche a des contours bien précis documentés à la fois par la science politique et nos institutions.

On peut faire dire beaucoup de choses aux resultats de ces elections suivant les points de vue. Mais au final on se retrouve avec trois blocs qui n’ont pas assez de legitimite pour gouverner seuls et imposer leurs programmes. Une majorite de francais ne veut pas du RN. Une autre majorite de francais ne veut pas de l’ancienne majorite. Et une derniere majorite de francais ne veut pas de la NFP.
Simple
On se retrouve avec un resultat de regime parlementaire et ce sera le bloc qui aura reussi a rassembler le plus autour de lui qui ira au pouvoir. Il semble que la macronie ait une petite longueur d’avance.

Très bien vu, en effet il y a 3 majorités de « contre ». Reste à trouver une voie pour construire quelques « pour »..

La macronie est responsable de beaucoup de choses, mais certainement pas du programme bricolé du NFP, des dérives antisémites de LFI et du comportement déplorable en pleine assemblée de certains de ses représentants. Par contre, la macronie est responsable de l’élection de bon nombre de ces rigolos avec les désistements. La vérité, c’est que sans barrage républicain, le NFP serait réduit à pas grand chose. Indirectement, ils peuvent dire merci au RN !

La macronie est au contraire totalement responsable de la gabegie actuelle, car la responsabilité de la convocation précipitée d’une élection surprise (tellement precipitee qu’elle en viole la Constitution au passage) ET des conséquences est 100% de leur faute.

Programme bricolé ? Même s’ils avaient bossé le programme en continu, ça aurait été le cas ! => responsabilité 90% Macronnie… D’ailleurs on en parle de leur programme à ceux là ? EUX pouvaient le préparer s’ils le souhaitaient…

Comportement déplorable : conséquence hélas prévisible de la culture du passage en force systematique de Macron, c’est pas Autheuil qui me contredira.
C’est pas le seul facteur, mais Macron a aussi de la responsabilité la dedans !

Et maintenant on va voir ce que Macron va nous sortir du chapeau, après Philippe et Castex plus rien ne devrait nous étonner. Il serait taquin de trouver un candidat mi-techno mi-social-démocrate compatible.

Par ailleurs je vois régulièrement des gens citer sa démission comme un moyen ultime de sortie de crise, j’avoue que je vois vraiment mal en quoi ça nous mettrait sur de meilleurs rails, à part peut-être à définitivement acter la fin du macronisme et redonner de l’espace au PS et à LR, ce qui pourrait nous amener à avoir 4 blocs et toujours aucun majoritaire. Et plus on attend, plus les dents longues du centre vont muscler leur jeu…

Bonjour,

Il me semble que vous oubliez un acteur important.

Je ne connais aucun politique en n’en côtoie pas.
La seule manière dont j’en entends parler, c’est par les journaux ou la radio.
Ce que font nos élus, c’est pour plaire au filtre médiatique, pour qu’on parle d’eux.
Et je crains que les médias ne soient pas trop câblés pour rendre compte de négociations, de coalitions.
Et c’est avec ces « lunettes » que nous lisons la politique, forcément ….

Un exemple: hier, j’entendais la radio de loin et je n’arrivais pas à savoir si on parlait de l’élection de la présidence de l’AN ou l’arrivée du tour de France ;-D , tant le ton était stressé, tendu, dramatisant.

Je n’ai rien lu sur cet accord du centre droit (ailleurs qu’ici), alors que c’est fondamental.
En revanche, j’ai entendu parler des députés LFI qui n’ont pas serré la main du député RN qui recueillait les bulletins de vote … 🙁

a+
Bigben

Il y a t-il eu un acord ? Laa gauche parle de combines et magouille et les anciens LR d’un choix su moins pire. La verite est sans dpute quelque part entre ces deux explications….

C’est d’ailleurs, ce que j’aime beaucoup sur ce blog : l’explication du dessous des cartes, des actions menées en coulisse.

Au passage, certains d’entre vous ont-ils d’autres sources d’information, donnant explications des sous-entendus, recul et enrichissant la réflexion ?

a+
Bigben

Alors, je partage toute votre analyse sauf un point… et même si c’est du trollage de qualité, je l’alimente.
En 2007, il n’y a pas de réélection qui validerait tout ce qu’a fait la majorité sortante. Par contre il y a plus de Français en voix et en pourcentage qui valident un projet européen qui passe par le Traité de Lisbonne.
Et refuser que la majorité des Français ait pu changer d’avis en deux ans, c’est quand même une conception de la démocratie surprenante.
De plus la légitimité des parlementaires est équivalente à un référendum.

Enfin, ajoutons qu’en 2005, le non a empêché l’adoption du Traité constitutionnel.
Et dire que les Français ont dit non à l’approfondissement de la construction européenne, c’est mettre de côté un peu vite un contexte politique où n’importe quel référendum aurait abouti à un non tant les Français rejetaient l’exécutif.

Sur ce mon petit doigt me dit que nous n’allons pas être d’accord. 😀

Eh bien moi ce que je trouve surprenant c’est de considérer que sous prétexte de détestation bien méritée du pouvoir en place on puisse considérer comme nul et non avenu un résultat d’un référendum qui nous déplaît, juste parce que parmi les candidats sérieux d’une élection n’ayant rien à voir tous étaient pour le oui…

Je ne le considère pas comme nul et non avenue. D’ailleurs il a eu l’effet escompté. Mais je ne lui donne pas plus de poids que cela. Le référendum en France est vraiment un outil inadéquate il a été vu comme un moyen de soutenir (ou de rejeter quand ça n’allait pas dans le sens du gouvernement) le pouvoir en place, alors qu’il n’aurait dû être qu’un moyen de voter un texte, à l’instant de ce qui se passe en Suisse, où personne ne penserait que voter pour ou contre couper les cornes des vaches (votation du 25 novembre 2018, oui parfois c’est pas folichon les sujets soumis au vote :D) remettrait en cause la légitimité du pouvoir en place.

Donc maintenant, avant de prendre des mesures impopulaires et déconnectés du quotidien d’une partie de la population, ils vont devoir discuter entre eux. Quel progrès…

Merci de nous alimenter avant autant d’articles ! On est gâté !

Comme avait dit ce célèbre philosophe du nom de Bertrand Cantat :
« Il y avait Paul et Mickey on pouvait discuter
Mais c’est Mickey qui a gagné
Allez d’accord, n’en parlons plus »

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