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Les Français se sont laissés sortir de la politique

La France vit un moment de crise politique. Quelque soit le résultat des élections législatives, ça ne sera pas glorieux. Au delà de savoir qui va effectivement gouverner, il faut constater que notre système démocratique a un problème, celui de l’absence du citoyen dans son fonctionnement au quotidien, en particulier dans les partis politiques.

Quand on compare la situation des partis français, avec certains de leurs homologues (allemands notamment), on constate qu’en France, nos partis sont largement hors sol. Il y a très peu de militants, qui sont surtout des gens exerçant un mandat, ou aspirant à en exercer un. Ce n’est pas nouveau, mais on est arrivé à un niveau dramatiquement bas.

C’est le résultat d’un choix politique, finalement assez consensuel, de sortir les citoyens des partis, et donc des fonctions démocratiques qu’ils exercent : élaboration des programmes et sélection des candidats. La classe politique trouve cela très confortable, de faire ses petits affaires sans avoir de comptes à rendre à une masse de militants, et tant que les électeurs votent pour eux, aucune raison de changer cela. Mais paradoxalement, les citoyens trouvent aussi cela très confortable, car cela permet de ne pas avoir à travailler, s’investir, tout en pouvant gueuler de temps à autre et virer tout le monde à grand coups de déroutes électorales. Le tout dans le bruit, la fureur et les postures, conformément à notre culture politique.

Résultat des courses, le travail n’est pas fait, ou alors a minima. Les programmes des partis politiques sont indigents (et je reste gentil) et sont rédigés par au maximum une vingtaine de personnes dans chaque parti, qui s’y prennent parfois à la dernière minute. Ils restent superficiels et font la part belle à la démagogie. Le cru 2024 est particulièrement significatif de cette dérive. Pareil pour la sélection des candidats, qui relève de la cooptation entre amis, à peine équilibrée (parfois) par la nécessité d’avoir des gens présentables et un tantinet compétents techniquement. Le tout est décidé en conclave, sans que les militants n’aient absolument pas leur mot à dire. Rien de surprenant dans les partis populistes, comme le RN ou LFI, qui assument d’être des autocraties centrées sur la personne du chef, mais pour les autres, c’est inquiétant.

La faute en revient aussi aux citoyens, qui se sont désinvestis de la vie politique et militante. Il y a encore 40 ans, il y avait des militants politiques en nombre important. Ils auraient très bien pu refuser de se faire spolier de leur pouvoir, et imposer des règles de fonctionnement démocratique au sein des partis. Si on se retrouve avec une telle dérive, c’est parce qu’un acteur essentiel, les militants, n’a pas fait son boulot de contrôle, voire de contre-pouvoir. En Allemagne, les accords de coalition, quand ils sont conclus, sont soumis à un vote de ratification des militants, qui n’est pas qu’une simple formalité à l’issue quasi certaine.

En politique, comme pour tout, on a ce qu’on se donne. Quand les citoyens abandonnent le terrain et laissent les partis entre les mains d’apparatchiks fainéants et technocratiques, ils peuvent difficilement venir pleurer ensuite, que rien ne va, et exprimer dégoût et rejet. Si on veut sortir de cette crise politique, il va falloir que les citoyens se réinvestissent dans les structures militantes, et acceptent de bosser et de faire de la politique.

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Macron peut-il s’enfoncer encore plus ?

Une rumeur d’utilisation de l’article 16 de la Constitution commence à poindre. En cas de victoire du RN aux élections législatives, il est à peu près évident qu’il y aura des émeutes. A 15 jours de l’ouverture des Jeux Olympiques, ça ferait vraiment tache.

Pour faire face, le gouvernement a plusieurs outils juridiques. Le plus évident est la proclamation de l’état d’urgence, qui donne des pouvoirs particulièrement fort aux forces de l’ordre, et permettent de suspendre des libertés fondamentales.

Mais il y a un petit souci technique. S’il peut être déclenché par décret, il ne peut être maintenu plus de 12 jours sans une loi. Pour un déclenchement le 7 ou le 8 juillet, cela nous amène au 19 ou au 20 juillet. Or, l’Assemblée nationale, dont on ne connait pas la composition, reconstitue ses instances entre le 18 et le 20 juillet. Le premier texte qu’elle examinerait serait une prolongation de l’état d’urgence, et il n’est pas du tout certain que le texte soit voté. A minima, il donnera lieu à un débat parlementaire qui pourrait être très houleux et politiquement désastreux pour Emmanuel Macron. Si jamais le RN a une majorité absolue, mais que Jordan Bardella n’a pas été nommé Premier ministre, ce serait l’occasion de déposer (et voter) une motion de censure pour renverser un gouvernement Attal maintenu en fonction du fait des évènements. On ajouterait une crise politique à la crise sociale.

L’article 16 de la Constitution permet au président de la République de s’octroyer les pleins pouvoirs en cas de crise grave. Cet article a été utilisé une fois, en 1961, au moment de la tentative de putsch des généraux à Alger. De graves émeutes, dans plusieurs villes de France, pourraient constituer un motif de déclenchement. Cela aurait l’avantage pour Emmanuel Macron, de s’éviter un débat parlementaire difficile, et de garder complètement la main, sans être obligé de nommer un nouveau gouvernement qui ne soit pas de son bord. Depuis sa décision surprise de dissoudre l’Assemblée, la réponse à la question « Il ne va quand même pas oser ? » n’a rien d’évident.

Techniquement et juridiquement, cette option tient globalement la route, et les contrôles institutionnels étant quasi inexistants, pas grand monde ne pourra s’y opposer sur le moment. En revanche, politiquement, cela ressemblerait à une fuite en avant supplémentaire, après une dissolution de l’Assemblée, où le président peut être vu comme un joueur de poker, au bord de l’élimination, qui fait « tapis ». Après avoir lui-même déclenché la crise politique, voilà qu’il remet un bidon d’essence sur le brasier. Il achèverait ainsi de se discréditer, et de ruiner sa crédibilité, amenant certains de ses opposants à engager sa responsabilité politique.

On se heurterait alors à une impasse constitutionnelle, car formellement, le président de la République est politiquement irresponsable, et un seul mécanisme existe pour le renverser. L’article 68 de la Constitution, rend possible la destitution, pour « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». La procédure est politique, puisque c’est le Parlement, constitué en Haute Cour, qui tranche. On serait dans une procédure totalement inédite, aucun chef d’Etat n’ayant été destitué en France par le biais des procédures prévues à cet effet.

On pense être au fond du trou, et on se rend compte qu’on peut encore aller plus loin. Proprement effrayant.

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Une culture politique à renouveler

Le résultat des prochaines élections législatives risque d’être une absence de majorité à l’Assemblée, avec un RN en tête, mais loin de la majorité absolue et sans allié, une gauche qui va avoir besoin des débris de la Macronie (voire de LR), mais qui devra pour cela laisser LFI à la porte. Bref, ça va être ingouvernable, selon les normes et la culture politique en vigueur en France, où le président de la République, appuyé sur une majorité absolue aux ordres, dirige tout dans le pays.

On entre dans une période de crise, au sens premier du terme, à savoir une situation où les anciens cadres ne tiennent plus, et où il faut en inventer de nouveaux, sous peine de se crasher. C’est à la fois à très haut risque, mais également une opportunité formidable de faire évoluer la manière dont le pays est dirigé. Cela ne sera pas simple, et se fera sans doute dans la douleur, car il faudra une crise de grande ampleur, pour qu’on accepte de changer, plutôt que d’essayer de réparer le système tel qu’il existe.

Le scénario le plus probable, dans un premier temps, est un blocage politique du pays. On va se retrouver avec une reconstitution de la « troisième force » qui existait sous la IVe République, avec un bloc radical de chaque coté, qui impose de trouver une majorité dans le bloc central. On aura donc LFI d’un coté, et le RN de l’autre coté, qui ne pourront pas faire partie d’un majorité gouvernementale. Le RN parce que sans allié, LFI parce que repoussoir pour les Macronistes et LR canal-historique, sans lesquels aucune majorité ne sera possible. Si l’addition Ecolo-PS-divers gauche-Macronistes-LR ne dépasse pas les 289 députés (la majorité absolue), ça va faire mal. N’importe quel gouvernement sera à la merci d’une motion de censure, avec obligation, pour le président, de trouver un autre Premier ministre, sans pouvoir dissoudre avant juillet 2025.

Si par chance, le bloc central dépasse les 289 députés, il y a un espoir d’avoir un peu de stabilité. Mais cela ne sera pas pour gouverner dans la durée, les écarts sont trop grands sur de nombreux sujets. Ce sera pour tenir un an, le temps de faire les réformes nécessaires, de reconstruire les partis (certains vont sortir en lambeaux de cette dissolution) et d’écrire des programmes réalistes, avec des vraies idées et une vision qui fassent envie (et pas des catalogues de mesures technocratiques). Il est clair qu’en 2025, il devra y avoir de nouvelles élections législatives, qui devront se tenir selon un autre timing, voire d’autres modalités qu’en 2024.

La solution institutionnelle serait l’instauration de la proportionnelle intégrale, sur liste nationale, pour les élections législatives. J’y vois plusieurs avantages. Cela amène chaque parti à se préoccuper d’abord de son programme, et à renvoyer les alliances à l’après-élection. Cela sera un immense soulagement, pour les électeurs, de pouvoir enfin voter pour leur parti, au lieu de devoir systématiquement « voter utile » dans le cadre d’une union dès le premier tour. Je pense qu’un certain nombre d’électeurs de Glucksmann sont loin d’être enchantés de devoir mettre un bulletin LFI dans l’urne le 30 juin. Ce système écarte également le risque d’un raz-de-marée, qui donne une majorité absolue à un seul parti. Cela dédramatise l’enjeu, et permet de se concentrer sur l’essentiel, à savoir les candidats et le programme.

En revanche, cela suppose un gros travail de la part des partis politiques, car c’est sur eux que repose le système. C’est à eux qu’il revient d’élaborer le programme, de sélectionner les candidats, et de négocier les accords de gouvernement. Les partis politiques français sont parfois loin d’être au niveau dans tous les compartiments. Sur la sélection des candidats, ils savent encore faire, à peu près, mais constituer une liste nationale demande de respecter des équilibres, sociaux, politiques, territoriaux, qui sont la condition pour que la liste trouve grâce aux yeux des électeurs. Présenter une liste composée principalement d’apparatchiks parisiens ne fera pas recette. Il faut aussi être en capacité de proposer un programme crédible, et là, ils sont à peu près tous à la ramasse. Il n’y a que dans les négociations de coalition qu’ils ont encore un vrai savoir-faire (surtout à gauche). Il y a donc du boulot, mais ce n’est pas impossible d’y arriver.

Le deuxième point de vigilance est sur la loi électorale. Il faut que ce mécanisme de proportionnelle trouve un équilibre, pour éviter un trop fort éparpillement (comme en Israël) sans verrouiller le jeu politique. Il faut qu’un parti qui n’existe pas, puisse surgir et participer à la compétition électorale, à condition qu’il représente quelque chose. Je fais confiance aux juristes et politologues pour proposer des mécanismes permettant d’atteindre l’objectif. On peut fixer des seuils pour pouvoir présenter une liste, d’autres seuils pour avoir des élus, d’autres pour surpondérer certains critères ou territoires. Ce ne sera sans doute pas le plus compliqué.

Le troisième sujet est d’acclimater cette nouvelle manière de faire dans la culture politique française. C’est sans doute l’obstacle le plus délicat. La proportionnelle implique un pouvoir collectif, distribué, faisant la part belle aux compromis. C’est tout l’inverse de l’imaginaire politique français, pour qui compromis rime avec compromission, et où une réforme ne peut se faire qu’après avoir renversé la table. La France est habituée à un pouvoir centralisé et concentré sur une personne, à qui on coupe la tête quand il déplait, dans le bruit, la fureur et les postures radicales. Cela ne va pas être simple d’en sortir.

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Réinsuffler l’imaginaire et le désir dans la politique

La Croix a interviewé un philosophe protestant, Olivier Abel, sur la situation politique actuelle. Son propos est remarquable, car il n’attaque et ne critique personne, et livre une analyse de ce qui manque au pays, pour retrouver une forme de paix civile.

Il constate que le délitement de notre vie politique vient d’un délitement de notre imaginaire politique et des récits qui sous-tendent le vivre-ensemble. Nous avons asséché ce qui fait le ciment de la société, où l’individualisme, qui se veut émancipateur, a enterré les traditions, leur transmission ainsi que les liens et solidarités. Dans cette affaire, les plus fragiles ont été marginalisés. Les riches et nantis des villes ont cessé d’écouter ces populations, populaires et rurales, économiquement en difficulté, qui demandaient de la solidarité, de la considération, un peu de sécurité « culturelle » et de certitudes sur leur identité de groupe. Faute d’avoir été entendu (notamment par un pouvoir macronien technocratique et au service des nantis), ils ont progressivement décidé de voter pour un RN qui a su parfaitement capter ces messages de détresse, et s’en faire le porteur (sans pour autant y apporter de réelle réponse).

Sortir la France de la crise politique nécessitera d’écouter ces populations, et de répondre à leurs demandes, même si cela demande des concessions et des sacrifices de la part des populations urbaines, riches et diplômées. Il va falloir qu’elles prennent conscience qu’elles sont dans le même bateau, dans le même pays, que ces populations fragilisées, et qu’un minimum de solidarité est nécessaire.

Pour ressouder les populations, et redonner de la vitalité à la « Res publica », il va falloir recommencer à faire de la politique. Pour Olivier Abel, la politique est une question de désir, d’imaginaire, de récit poétique. Bref, très exactement ce qu’Emmanuel Macron n’a pas fait pendant 7 ans, et que ses prédécesseurs avaient cessé de faire, se reposant paresseusement sur de vieux récits, de plus en plus décalés avec les réalités du monde contemporain.

Ces récits et cet imaginaire sont à notre portée, il suffit de se pencher sur notre histoire, nos traditions, les différentes communautés et identités qui ont fait ce qu’est la France. Il faut aussi mener un travail intellectuel sérieux, et de faire en sorte que les gens s’écoutent et se parlent. Notre société étant devenue tellement éclatée, qu’on reste entre soi, entre proches pour lesquels nous éprouvons de l’affection. Les fameuses « bulles de filtre » créées par les réseaux sociaux préexistent, elles sont juste amplifiées par les outils techniques à notre disposition.

Olivier Abel alerte sur des écueils culturels qui peuvent faire obstacle à ce travail. Il dénonce notamment la tradition très française de l’unanimité, où il faut que tous le pays soit conforme à une ligne, sous peine d’être exclu. Un tradition qui se retrouve dans la culture politique, où l’absolutisme de Louis XIV, censé être le lieutenant de Dieu sur terre, a été transposée telle quel, à la Révolution, sur le peuple « souverain » dont le volonté est quasi sacrée et ne doit pas rencontrer d’obstacle et de limitation. De ce fait, nous avons beaucoup de mal à penser et donc à gérer la diversité et le pluralisme.

Il se montre aussi critique de notre conception de l’égalité, où on passe son temps à regarder dans l’assiette du voisin, et à se comparer, afin de couper toutes les têtes qui dépassent. Cela donne cette obsession pour la question de la répartition des richesses, qui se transforme en haine du riche, qui marque profondément la gauche. Je me retrouve pleinement dans cette critique, et comme lui, je pense qu’il y a dans cette conception de l’égalité, un obstacle majeur à la construction d’un « vivre-ensemble » apaisé.

Il appelle enfin à retrouver une « confiance en soi » qui fait grandement défaut à notre société. Nous vivons dans une insécurité culturelle, voire civilisationnelle, qui fait beaucoup de dégâts. Comment expliquer, autrement, qu’en étant plus de 65 millions de personnes, nous ayons peur d’être submergés par quelques centaines de milliers de personnes d’origine étrangères, pour la plupart dépourvues de capital économique ou culturel.

Ce travail de fond est nécessaire, et maintenant que la parenthèse macronienne est en train de se refermer, il sera peut-être possible qu’il soit pris au sérieux par ceux qui vont diriger le pays.

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La vitalité démocratique

Cette séquence politique ouverte par la dissolution surprise est un moment exceptionnel, un véritable révélateur de la nature profonde de chaque camp politique, mais aussi de la vitalité de notre système politique.

La capacité de la gauche à faire l’union, qu’on connait pourtant de longue date, a une nouvelle fois fait ses preuves. Alors qu’ils se sont déchirés sur le conflit israélo-palestinien, voilà qu’en 48 heures, tous les partis de gauche actent l’union dès le premier tour et se répartissent les circonscriptions sans le moindre psychodrame (pour l’instant). Il faut saluer l’exploit, qui montre que la gauche a vraiment envie du pouvoir, et surtout, qu’elle a entendu la pression de ses électeurs et leur peur de voir le RN arriver au pouvoir. Ils plébiscitent l’union (y compris ceux de Glusksmann) ce qui implique que les dissidences n’ont que peu de chances de prospérer. Pari raté pour Emmanuel Macron s’il comptait sur une désunion de la gauche.

La capacité de la droite classique à tomber dans le grotesque est une fois de plus au rendez-vous. Après la Cocoe du match Copé-Fillon, la séquence actuelle sur le ralliement de Ciotti au RN et la rébellion de ses troupes est un grand moment comique. Et il semble que cela ne soit pas fini. Mais il faut reconnaitre que cette clarification de LR était plus que nécessaire et est tout à l’honneur de ceux qui ont refusé de retourner leur veste. Maintenant, on sait que LR reste dans l’arc républicain, mais que c’est un canard sans tête, incapable de prendre les commandes du pays.

La Macronie s’est également montré sous son jour habituel, celui d’une monarchie absolue tournant autour de la seule personne d’Emmanuel Macron. Sa conférence de presse de lancement de campagne était lunaire, avec une mise en scène à la Louis XIV, mais surtout, une dissonance cognitive, avec un président qui se met en avant, tout en affirmant ne pas vouloir mener la campagne. Une fois de plus, aucun élan, aucune vision politique, mais un catalogue de mesures technocratiques. Sauf que cette fois-ci, le charme risque de ne pas opérer, du fait de l’usure du pouvoir et de l’absence de perspective d’avenir, Macron ne pouvant pas se représenter. Cette dissolution était l’occasion de mettre en selle le successeur, le président en exercice n’ayant plus le droit de se représenter. Cela n’a pas été le cas, alors que le dauphin, Édouard Philippe, était prêt à se lancer. Cela montre bien que le macronisme est désormais une impasse, une parenthèse qui va se refermer le 7 juillet à 20h.

Le RN s’est aussi montré sous son vrai jour, par son silence et sa gêne sur le programme et le fond. Car ce silence masque en fait un vide, le fait que ses dirigeants ne maitrisent pas grand chose et sont pris de vertige car ils ne sont pas prêts. Jordan Bardella n’a absolument pas la carrure pour être Premier ministre, cela s’est clairement vu dans son débat contre Gabriel Attal. Et derrière, il n’a pas quasiment personne ayant une expérience de l’exercice du pouvoir, pas même comme adjoint au maire dans une collectivité locale. On risque de bientôt voir au grand jour que le RN est un parti composé d’incompétents et de frustrés. Ce qu’on peut accepter quand c’est pour envoyer des eurodéputés siéger à Bruxelles, peut être moins bien accepté quand il s’agit de diriger le pays.

Tout cela permet de voir que notre système institutionnel fonctionne finalement plutôt bien. Certes, l’organisation matérielle de ce scrutin risque d’être un peu rock’n roll, mais globalement, cela devrait pas peser sur la sincérité des résultats. Une fois la dissolution annoncée, aucun parti n’a refusé de jouer le jeu, tous se sont mis en ordre de marche pour être présent, et le sera effectivement, malgré des délais très courts.

Au delà du risque de voir le RN accéder au pouvoir (auquel je crois de moins en moins), ces quelques jours de juin 2024 ont révélé une belle vitalité démocratique qu’il faut saluer. Espérons que la suite de la campagne sera à la hauteur et que le basculement dans le chaos, toujours possible, ne sera pas pour cette fois-ci.

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Macron renverse la table

Une heure après la fermeture des derniers bureaux de vote pour les élections européennes, Emmanuel Macron annonce une dissolution de l’Assemblée nationale, avec des élections législatives les 30 juin et 7 juillet. Une annonce sidérante et incroyablement risquée.

Vu la montée en puissance du RN, il était évident que plus on attendait, plus on risquait une nette victoire de ce parti, l’attente n’étant alors qu’une longue agonie du pouvoir en place. Avec un score aussi mauvais aux européennes (à peine 15%, contre 32 au RN), le gouvernement Attal risquait de ne pas aller beaucoup plus loin que l’examen du budget, en octobre prochain. Quitte à devoir dissoudre, autant le faire tout de suite, en profitant de l’effet de surprise, pour avoir une chance d’éviter le désastre annoncé.

Mais c’est loin d’être gagné pour autant !

Une dissolution ne peut être un succès, pour celui qui y procède, que si elle a un sens, que les électeurs comprennent l’enjeu. En 1962, De Gaulle a dissous après l’adoption d’une motion de censure, en 1968, il l’a fait après mai 1968. Mitterrand l’a fait en 1981 et 1988, après son élection. La raison de la dissolution était limpide, et les français ont acquiescé, en donnant une nouvelle majorité au président. A rebours, en 1997, personne n’a compris pourquoi Chirac avait dissous, et il s’est retrouvé avec une cohabitation.

J’ai un peu de mal à saisir le sens de la décision d’Emmanuel Macron. Pourquoi dissoudre ? Qu’attend-t-il des Français ? Pourquoi faudrait-il lui redonner une majorité ? Son message était assez succinct et peu explicite. Ce que j’en retire (à chaud) c’est qu’il a reconnu s’être pris une grosse déculottée électorale, qui le disqualifie politiquement et en tire les conséquences. C’est politiquement très honnête et courageux, mais ça sonne aussi comme une forme de démission, et une transmission de relais à Marine Le Pen. En tout cas, cela peut être interprété comme cela, si Macron n’en dit pas plus, ou se contente d’un « c’est moi ou le chaos RN » sans programme politique de fond.

Ces élections se font dans un contexte très particulier. Le délai est extrêmement court, prenant tout le monde par surprise. Chaque parti a moins d’une semaine pour désigner ses candidats. Les déchirures de la gauche risquent d’empêcher la reconstitution de la moindre alliance entre LFI et le reste de la gauche, d’autant plus que le résultat des européennes change la répartition du rapport de force en faveur du PS. Si la gauche part désunie, elle va se faire défoncer, en étant éliminée dès le premier tour dans beaucoup d’endroits.

La camp macroniste tente un coup de poker, en annonçant dès ce soir, donner l’investiture à tous les députés sortants, les siens, mais aussi ceux de LR, Liot, PS et Verts. Une main tendue pour une coalition « républicaine » qui sera nécessaire pour trouver une majorité en cas de forte poussée du RN. Encore faudrait-il que les députés d’opposition concernés répondent positivement à l’appel. Si ce n’est pas le cas, et que les macronistes sortants se retrouvent avec des PS et des LR contre eux, en plus du RN, ça va être un carnage.

L’onde de choc va peut-être fissurer la majorité actuelle. Un certain nombre de députés macronistes sortants sont usés, et risquent de ne pas rempiler. Joel Giraud, par exemple, vient d’annoncer son départ en retraite de la politique. Combien comme lui ? Autre fissure potentielle, quelle place laissée aux « alliés » Modem et Horizons ? Vont-ils y gagner ou y laisser des plumes ? Vont-il accepter de ne pas envoyer de candidats là où ils ont des chances sérieuses ? C’est bien de vouloir élargir sa majorité, c’est encore mieux d’arriver à y garder ceux qui y sont déjà.

Très rapidement, la campagne va tourner autour du spectre de voir Marine Le Pen obtenir une majorité à l’Assemblée, et donc diriger le gouvernement. Cette perspective ne doit pas être écartée. Mais ce serait une arrivée au pouvoir en mode cohabitation, avec un président qui a encore trois ans de mandat, et qui pourra à nouveau dissoudre à partir de juillet 2025. Un gouvernement RN serait loin d’avoir les mains libres, et c’est très différent d’une arrivée au pouvoir après une victoire à la présidentielle suivie d’une dissolution (et d’une victoire aussi aux législatives).

On peut se demander si, quitte à avoir le RN, mieux vaudrait cette configuration, qui limite la casse, et pourrait permettre de discréditer Marine Le Pen. Ce serait très cynique, car cela veut quand même dire au moins une année de combat politique violent, où c’est le pays qui trinquera.

Malheureusement, ce moment du choix démocratique qui nous saisit par surprise devait arriver, tôt ou tard. Espérons que la pièce qu’Emmanuel Macron vient de lancer en l’air retombe du bon coté. J’ai bien peur que ça ne soit pas le cas. Quand l’extrême droite arrive au pouvoir, en France, c’est toujours par surprise, et je crains que beaucoup, dans les lieux de pouvoir, ne s’en accommodent, une fois la sidération passée.

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Sur l’IA, l’urgence est d’attendre

Il y a parfois des rencontres qui ouvrent des perspectives, remettent de l’ordre dans un chaos informationnel. J’ai récemment écouté Daniel Andler parler de son dernier livre, « Intelligence artificielle, intelligence humaine, la double énigme« . Je n’ai pas encore lu le livre (il a l’air assez costaud) mais le propos de l’auteur était limpide et fait grandement progresser mon appréhension de l’intelligence artificielle.

Il commence par exposer que le concept, et la promesse « politique » derrière, n’a rien de nouveau. Dans les années 60-70, certains en rêvaient, avant que les échecs techniques ne mettent fin aux financements. Mais l’utopie d’arriver à égaler, voire dépasser l’intelligence humaine, est toujours là, prête à resurgir, car elle questionne notre humanité. Nous ne sommes pas dans la pure technique, mais davantage dans le questionnement philosophique et éthique, voire anthropologique.

Il pose ensuite quelques concepts et constats assez simples. Ce que l’on appelle « Intelligence artificielle » peut être de deux formes. C’est soit une reproduction exacte, par des voies technologiques, d’un cerveau humain, tel qu’il fonctionne, soit un développement technologique, qui permet d’obtenir un même résultat, mais par des processus radicalement différents. Il fait une comparaison éclairante, avec les hormones et enzymes. On en trouve dans la nature, que l’on peut synthétiser, et reproduire, mais dans beaucoup de cas, on ne fait que produire des substances qui se contentent d’avoir les mêmes effets.

Ce que nous appelons actuellement « intelligence artificielle » n’est en rien une reproduction, à l’identique, d’un cerveau humain. C’est juste un produit de substitution, qui permet d’obtenir le même résultat qu’un cerveau humain, sur des secteurs très particuliers. Il reconnait volontiers que pour la résolution de problèmes mathématiques ou les synthèses documentaires, les résultats sont épatants, et dépassent les capacités du cerveau humain.

Mais ces « exploits » sont limités et ne sauraient prétendre occuper le même espace que l’intelligence humaine. Il note par exemple que l’intelligence artificielle est bien incapable de faire face à une situation inédite, sans entrainement, là où l’homme y arrive plutôt bien, grâce à d’autres ressources que l’intelligence pure. Une intelligence artificielle n’aura jamais d’intuition ni d’émotions, qui sont pourtant des composantes essentielles de l’intelligence humaine. L’intelligence humaine a une conscience de lui-même et une capacité de réflexivité que n’aura jamais une machine. On est devant deux phénomènes, à qui on donne le même nom « intelligence », mais qui n’ont finalement pas grand à voir.

Il résume très bien la limite, en indiquant qu’une intelligence artificielle est très forte pour résoudre un problème dont les termes sont posés et clairs, mais qu’elle est incapable de poser les termes d’un problème. Tout simplement parce que la définition d’une question, les termes d’un problème, sont avant tout une construction subjective et sociale. La bonne photographie n’est pas dans la nature ou le modèle, mais dans l’œil du photographe.

Il en conclut que ce que l’on appelle actuellement « Intelligence artificielle » ne rattrapera jamais l’intelligence humaine, et ne prendra pas sa place. C’est juste un outil, superpuissant, qui peut grandement aider sur certaines tâches, à condition d’être bien paramétré, et utilisé à bon escient. C’est juste un effet multiplicateur d’une action pensée et voulue par les hommes. C’est bien pour cela que les questions éthiques et philosophiques ne peuvent pas, et de doivent pas être écartées, car elles sont fondamentales, vu la puissance de l’outil.

Cette vision en surplomb m’a offert un grand bol d’air intellectuel, et surtout, relativise beaucoup de discours « bullshit » sur l’IA, que l’on entend un peu partout. Non, l’IA n’est pas un clone de l’humain, et vouloir le faire croire, en lui donnant par exemple la voix de Scarlett Johansson, ne fait que mettre du trouble, et brouille la compréhension de la réalité de l’IA. Il faut absolument en finir avec le délire quasi-religieux autour de l’IA. ChatGPT n’est qu’un supercalcultateur qui parle !

Cela m’a aussi fait prendre conscience de l’immense irresponsabilité de certains chefs d’entreprise et start-uppers. En créant une bulle médiatique et un sentiment d’urgence à acheter leurs produits, ils ont précipité la mise sur le marché d’outils qui ne sont pas aboutis. Cela ne pourra que provoquer des dégâts, comme si on vendait massivement au public, un prototype de voiture à peine sorti du labo, et qui n’a même pas encore passé le moindre test de résistance au choc.

J’ai acquis la conviction que l’IA peut être un formidable outil, mais qu’il est surtout urgent d’attendre que le produit soit fiable avant de l’utiliser dans la vie courante. Exactement le contraire de ce que l’on est en train de faire, sous le coup d’un emballement hallucinatoire, dont on se demandera, plus tard, comment on a fait pour y succomber.

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Le cirque médiatique de la campagne des européennes

Deux incidents, impliquant à chaque fois le service public de l’audiovisuel, m’interpellent. A la fois sur ce que deviennent les campagnes électorales, mais également sur l’attitude des télévisions. Il s’agit de la décision d’organiser un débat Attal-Bardella, et de l’épisode où Gabriel Attal débarque sur le plateau d’un débat, en humiliant sa tête de liste. Dans les deux cas, le candidat LR, François-Xavier Bellamy a eu la parole juste sur ces incidents. Dommage qu’il soit LR, sinon, j’aurais bien voté pour lui.

La politique, même pendant les périodes de campagne électorale, est juste devenu un spectacle, un prétexte pris par l’audiovisuel pour faire de l’audience. Qu’est-ce qui justifie que le Premier ministre, qui n’est pas candidat aux élections européennes, débatte en face à face avec une tête de liste (quand bien même c’est la liste qui est placé en tête par les sondages) ? Il n’y a aucune raison pour que cette configuration soit retenue, mis à part la volonté des journalistes d’organiser un débat dont il rêvent, la fameuse affiche « le duel des héritiers ». L’agressivité de la journaliste, lorsque François-Xavier Bellamy le lui dit, est assez révélateur du fait qu’il a visé juste.

Le deuxième incident est encore plus choquant. Alors que les têtes de listes participent à un débat, le Premier ministre débarque sur le plateau, prend le micro de la main de la tête de liste de son camp, et s’exprime à sa place. C’est tout d’abord profondément grossier et insultant pour Valérie Hayer, qui est juste humiliée et dévalorisée. Politiquement, ça n’apportera rien de bon à la liste présidentielle, car le problème n’est l’incarnation, mais l’absence de projet et de ligne politique du parti présidentiel. Mais en revanche, cela fait un « rebondissement » et donc du buzz, qui semble être l’effet recherché. La responsabilité des journalistes est encore grande, car même si on est Premier ministre, on ne pénètre sur un plateau que si on y est autorisé. Si Gabriel Attal a pu intervenir, c’est qu’on l’a conduit jusque l’entrée du studio, et qu’on l’a laissé faire. A quand le retour d’un ministre de l’information, qui vient lui-même en plateau, présenter la nouvelle formule du journal télévisé ?

Cela en dit long sur l’état de déliquescence des médias audiovisuels, et en particulier du service public, dans leur traitement de vie politique et démocratique. A l’heure où le gouvernement cherche à reconstituer l’ORTF, par la fusion de tous les médias publics dans une seule entité, de telles pratiques discréditent l’argumentation des opposants sur la préservation de l’indépendance. On a vraiment l’impression que les chaines publiques ont servi la soupe au gouvernement en place, et au parti qui pourrait bien le remplacer. Au détriment de la démocratie et du respect des règles de l’équité du temps de parole. La mise en demeure de l’Arcom, contre France Télévision, prononcée le 30 mai, ne semble pas imméritée. Même si elle a été prononcée pour un cafouillage sur les horaires de diffusion des clips de la campagne officielle, cela aurait pu être pour l’ensemble du traitement de la campagne !

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La réforme de la décentralisation ne se fera pas

En ce moment, les rapports sur la décentralisation arrivent en rafale continue. Après celui de Boris Ravignon, sur le coût de l’enchevêtrement des compétences locales, voici celui d’Eric Woerth sur le réforme de la décentralisation. Que va-t-il sortir de tout cela. Sans doute pas grand chose, comme d’habitude ! Les conditions ne sont franchement pas réunies pour avoir une véritable réforme du labyrinthe coûteux et inefficace qu’est devenu notre organisation territoriale.

Les conditions politiques générales ne sont pas là. Avec une assemblée éclatée, où le gouvernement n’a pas de majorité absolue, aucune grande réforme un peu clivante ne peut passer (sinon au 49.3). Avec un Sénat hors du contrôle du gouvernement, c’est encore plus compliqué, car jamais Emmanuel Macron ne voudra laisser les sénateurs mener le bal de la réforme territoriale (et inversement). D’ailleurs, Eric Woerth prend acte qu’un « grand soir » n’est pas possible, et propose surtout des ajustements techniques et techno, avec un beau cadeau au Sénat, le retour du cumul des mandats, pour tenter de dealer. Il n’y a aucune ambition, dès le départ.

La clé d’une vraie réforme est ailleurs, dans un accord politique sur de grands principes, qui relèvent de la Constitution et du consensus politique. Cela doit porter sur la différentiation des compétences (et donc accepter de s’asseoir sur le principe d’uniformité), sur l’acceptation d’un véritable pouvoir réglementaire (voire quasi-législatif) local, avec une véritable autonomie fiscale (recettes propres, où les collectivités contrôlent le taux et l’assiette). Bref, il faut que l’Etat accepte de lâcher prise, et de laisser chaque territoire vivre sa vie, dans un cadre où il est possible de réaliser localement de véritables choix politiques.

La Corse est le lieu d’expérimentation de ces questions de fond. On voit à cette occasion à quel point le processus est lent, laborieux, car l’Etat central rechigne vraiment à lâcher prise. Imaginez ce que cela peut donner face à des régions qui n’ont aucune « particularité » culturelle ou géographique à mettre en avant ?

Si le gouvernement accepte plus ou moins le principe de différenciation entre territoires, c’est à condition que les adaptations locales relèvent exclusivement du préfet. C’est le « pouvoir de dérogation » des préfets, sur les normes, qui est pour l’instant une porte ouverte à une différentiation locale arbitraire et sous tutelle. Cela ne fait juste que rajouter du bazar dans un labyrinthe. Cela permet à la fois de mettre un peu d’huile, localement, quand ça coince vraiment, sans que l’on puisse en faire une règle pérenne et applicable sur tout le territoire. Cela rend le droit encore plus illisible, et surtout, cela donne encore plus de billes aux préfets dans leurs négociations (opaques) avec les élus locaux. La démocratie locale n’en sort pas grandie.

Le fond du problème est que les administrations centrales et les élites parisiennes n’ont jamais vraiment accepté le principe de la décentralisation. Depuis 40 ans, les réformes n’ont eu de cesse de rogner les pouvoirs des élus locaux. Aujourd’hui, l’essentiel de leur budget vient de dotations de l’Etat, les communes n’ont plus la main que sur la taxe foncière, les départements les plus fragiles financièrement sont devenus de simples opérateurs de l’Etat, gérant pour lui l’aide sociale et le grand âge. Il suffit ensuite de laisser se développer les rivalités entre élus locaux, entre territoires, de rajouter de nouvelles strates (intercommunalités) et on crée un monstre que personne ne contrôle. Sauf l’Etat, qui reste reste le maitre du jeu, en faisant les lois, en tenant les finances, en gardant un pied dans beaucoup de compétences locales, via les préfets et les administrations déconcentrées. On a donné aux élus locaux un pouvoir de faire, l’Etat gardant un pouvoir d’empêcher ou de gêner. Le rapport Ravignon est éclairant sur cet imbroglio, qui fait perdre un temps fou (et un pognon de dingue) en concertations et coordinations.

Les différents rapports sur lesquels le gouvernement prétend fonder son actions ne sont pas du tout au niveau nécessaire, celui de la vision politique et de l’acceptabilité d’une véritable autonomie locale. On aura donc, au mieux, une « grande loi » sur les collectivités locales qui ne portera que sur des points marginaux, bougera quelques curseurs, mais pas plus. Un peu comme la précédente « grande loi » sur les collectivités, dites « loi 3DS », du 21 février 2022, qui entendait traiter ces mêmes questions de différentiation et de simplification.

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Quitter Paris ?

Cela fait pas loin de 20 ans que je suis parisien, et pour la première fois, j’en viens à me demander s’il ne faudrait pas envisager de quitter Paris, tellement la vie quotidienne va en se dégradant. Je fais le constat très personnel (donc hautement subjectif) que ma qualité de vie est en baisse, et que cela ne va pas aller en s’arrangeant. Plusieurs sujets sont source d’inquiétude.

Le premier est la question de l’approvisionnement. C’est moi qui fait les courses du foyer, et comme beaucoup, j’ai subi une inflation, dont le ressenti va au delà des chiffres « officiels ». Faire les courses à Paris coûte cher, plus qu’en province. A coté de cet aspect prix, je constate aussi une dégradation et une uniformisation du choix offert par les enseignes de la grande distribution dans mon environnement proche. Quelque soit l’enseigne, le choix de produits est de plus en plus restreint, avec une progression des marques distributeurs, et ce sont exactement les mêmes produits que je retrouve partout. Le supermarché de province, proche de ma maison de campagne, est bien mieux achalandé que n’importe quelle supérette parisienne.

Le deuxième sujet, c’est le transport. Les transports en commun, le métro notamment, a connu une baisse de qualité, et une hausse de tarif. Je le prend de moins en moins, effectuant beaucoup de trajets à pied. Vu la hausse des tarifs, quand on sort peu de Paris, prendre un abonnement mensuel n’est plus du tout rentable. Je fonctionne par tickets, et je suis donc attentif à l’utilité d’un déplacement, question qu’on ne se pose pas quand on a une carte mensuelle. C’est quand même un peu étrange d’en arriver là, car quand je suis arrivé à Paris, la carte orange était autour de 40 euros, et la prendre était rentable, sans avoir à se poser la question.

L’autre point noir des transports, c’est le quasi bannissement de la voiture à Paris. Je soutiens complètement la politique visant à revoir l’allocation de la chaussée, en réduisant la place de la voiture, et en augmentant celle des vélos et des piétons (et accessoirement des bus). Même si je ne suis pas cycliste et que je n’entends pas le devenir, c’est un mode de déplacement qui a pleinement sa place et son utilité à Paris. Si Anne Hidalgo en était resté à cela, rien à dire. Malheureusement, depuis maintenant deux à trois ans, le plan de circulation de Paris est devenu ubuesque, avec des sens interdits partout, des voies uniquement réservées aux bus, alors qu’avant, les voitures y passaient aussi sans que cela ne provoque d’encombrements. Aujourd’hui, cela devient vraiment difficile de circuler à Paris en voiture, avec de moins en moins d’itinéraires possibles et des trajets inutilement tarabiscotés. C’est problématique, car même si je prend peu la voiture, quand je le fais, c’est que c’est le seul moyen de transport possible pour le trajet (aller à la campagne notamment). Quand j’entends que les arrondissements centraux vont devenir quasiment inaccessibles en voiture, et qu’il est envisagé de passer le périphérique à 50km/h, j’ai vraiment peur. Cela va devenir infernal de vouloir entrer et sortir de Paris, au point d’être un frein à l’activité économique.

Le troisième point est le mouvement de piétonisation de rues « secondaires ». C’est ce qui est arrivé à ma rue, qui est devenue une sorte de square, donc bruyant. Les propriétaires de chiens ont pris l’habitude d’y venir promener leurs bestioles, vers 18h30, afin qu’ils puissent « socialiser » avec leurs congénères. Concert d’aboiements tous les soirs. Autant dire que je regrette les voitures, qui faisaient moins de bruit.

Tous ces éléments accumulés me rendent la vie parisienne bien moins agréable. C’est peut-être aussi parce que je vieillis. De toute manière, tant que je suis dans la vie professionnelle, l’organisation politico-administrative de la France m’impose d’être à Paris. Mais j’y trouve de moins en moins d’intérêt, de plaisir, et donc d’attachement à Paris. Au point d’en arriver à penser en partir.

Je serais élu d’une ville dont une partie de la population n’est là que par obligation, et souhaite en partir, je me poserais des questions.