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La fin du moment Ruffin ?

Depuis les élections législatives, et son départ de LFI (accompagné de la vieille garde des anciens du Parti de gauche), François Ruffin est dans un moment difficile. Il s’est fait huer à la fête de l’Huma, et semble assez isolé.

Même s’il continue d’être, à mes yeux, l’une des personnalités d’avenir de la gauche, la situation actuelle n’est pas simple pour lui. En effet, sa stratégie implique un effacement de Jean-Luc Mélenchon, afin qu’il puisse se présenter comme un candidat unique de la gauche, acceptable à la fois de la gauche radicale, de la gauche « populaire » (le PCF) mais aussi des sociaux démocrates. Cela oblige à rompre avec Jean-Luc Mélenchon, ce qui ne peut pas se faire sans bruit et fureur. On y est, et comme prévu, ça chauffe. Reste à voir comme la vapeur va retomber et comment Ruffin va arriver à se rabibocher avec les LFI.

Le véritable souci, pour Ruffin, est la configuration générale de la gauche, de plus en plus éclatée. La question israélo-palestinienne a creusé des tranchées profondes, les suites des élections législatives n’ont pas arrangé les choses. Plaire à la fois à LFI et à l’aile droite du PS devient un challenge de plus en plus compliqué. Cet écart pourrait se traduire lors de la prochaine présidentielle.

Si Jean-Luc Mélenchon est candidat une nouvelle fois, ce qui est fort probable, il y aura une candidature socialiste ou de la mouvance. Je vois bien Raphaël Glucksmann se lancer, avec des chances sérieuses d’arriver devant Mélenchon, voire d’être qualifié au second tour face à Marine Le Pen. La reconfiguration à droite, à la suite de la dissolution, laisse entrevoir un duel entre Edouard Philippe et un représentant de LR, possiblement Laurent Wauquiez. Si c’est le cas, la pression à la candidature unique n’est plus aussi forte, et desservirait François Ruffin.

La récente dissolution nous a appris que les conditions politiques changent parfois très vite. L’important est d’être prêt, et de ce coté là, François Ruffin n’est pas en retard sur son planning. Il continue à s’organiser, à nouer des contacts et des liens, à affirmer sa différence et sa préférence pour une gauche sociale plutôt qu’une gauche sociétale.

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L’inquiétant début de dérive populiste à gauche

Plusieurs semaines après les élections législatives, alors qu’un Premier ministre vient d’être nommé, une partie de la gauche continue à clamer que c’est eux qui auraient gagné les élections, et que la nomination du Premier ministre de droite est un hold-up démocratique. Les exemples pullulent sur les réseaux sociaux, venant parfois même de gens qui affichent une qualité de « journaliste » dans leur bio.

Ce récit d’une victoire volée a été démonté en long et en large. Certes, la coalition de gauche a obtenu 193 sièges, mais c’est très loin de la majorité absolue de 289 sièges. Et la position de refus d’ouvrir des négociations sérieuses avec la macronie, seul allié possible, rend ce score stérile, et ouvre la voix à la recherche d’une autre coalition. Celle-ci, groupant Macronie et LR, avec un engagement (fragile et révocable) du RN de ne pas censurer, permet la mise en place d’un gouvernement Barnier.

Cette configuration où le parti arrivé en tête se retrouve finalement dans l’opposition, se retrouve parfois dans d’autres pays, sans que cela ne choque le moins du monde. C’est le cas, en 2023, du PiS en Pologne, qui s’est retrouvé face à une coalition des autres partis, qui a ramené Donald Tusk au gouvernement. Pareil en Espagne, où le Premier ministre sortant, Pedro Sanchez, est resté en place, bien que la droite soit arrivée devant, d’une courte tête. A chaque fois, cela donne des coalitions fragiles, ce qui n’est pas une bonne chose, mais c’est une autre histoire. Le jeu institutionnel post-électoral peut parfois être frustrant, surtout quand on n’a pas l’habitude. Mais il ne rend pas illégitime un gouvernement, quand les règles constitutionnelles sont respectées.

Pourtant, il y a une persistance de nombreux militants de gauche (notamment les plus à gauche), à refuser de reconnaitre comme légitime le gouvernement Barnier, et la coalition qui le soutient. Les mots qui reviennent sont « coup de force » ou « hold-up démocratique ». On peut comprendre cette surenchère dans la période de négociation et d’incertitude qui suit immédiatement l’élection. Mais une fois la situation stabilisée et le gouvernement nommé, il faut revenir à la réalité et concéder que malgré un bon score, la gauche restera encore dans l’opposition, parce que les conditions ne sont pas réunies pour qu’elle puisse gouverner.

Continuer à contester la légitimité du gouvernement relève alors d’une dérive populiste, qui refuse de reconnaitre la défaite. C’est exactement ce que l’on voit aux Etats-Unis, où un nombre non négligeables de Républicains continuent estimer que l’élection de 2020 a été « volée », malgré tous les recomptages et le respect de toutes les formalités constitutionnelles.

Nous n’en sommes pas encore là en France, mais il ne faudrait pas suivre cette pente, car elle est destructrice pour la démocratie. Il est de la responsabilité des dirigeants des partis de gauche de ne pas laisser perdurer cette petite musique, et de reconnaitre, explicitement et sans la moindre ambiguïté, que le gouvernement Barnier est légitime. Cela ne donnera que plus de force à leur opposition aux mesures que prendra ce gouvernement, qui s’inscrira dans un cadre républicain, offrant une possibilité d’alternance avec un contre-projet, soumis aux électeurs lors des prochaines échéances.

Il faut faire très attention, car il peut être facile et rapide de glisser hors du cadre républicain, et de déstabiliser les institutions. Peut-être, d’ailleurs, est-ce le but de certains…

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Le risque du burn-out parlementaire

La nouvelle configuration de l’Assemblée nationale, sans majorité claire, donne l’impression à certains qu’on va en finir avec l’inflation législative. Un avenir législatif radieux, où on voterait peu de lois, longuement travaillées et réfléchies, n’est pourtant pas à l’ordre du jour. Je crains beaucoup qu’on aboutisse au contraire à une machine parlementaire qui s’emballe encore plus, avec toujours plus d’idioties discutées, pour au final ne pas être adoptées, faute de majorité.

Le scénario qui se dessine pour cette XVIIe législature est très sombre pour ceux qui aiment le Parlement et la belle législation. Faute de majorité solide, toutes les réformes un tant soit peu clivantes vont être reportées, faute de pouvoir être adoptées. On va donc se retrouver avec une foule de propositions de loi dégoulinantes de bon sentiments ou d’idéologie, sur des sujets anecdotiques, ou des têtes d’épingle. Cela était déjà largement le cas sous la XVIe législature, où on trouvait un créneau pour discuter de la discrimination capillaire, alors que la loi de programmation énergie-Climat restait en rade.

L’inflation législative va continuer, car si on ne change pas les règles du jeu, il n’y a aucune raison que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Depuis bien longtemps, la loi est devenue un outil de communication, la réponse qu’on brandit dès qu’un problème monte dans les médias. Un fait-divers = une loi est une tentation permanente pour les politiques, sommés d’avoir réponse à tout, dans des temps médiatiques très courts. Déjà en 2008, on a eu cette magnifique loi sur les chiens dangereux, proposée à la suite d’une morsure très médiatisée de chien sur un enfant. L’article 1 de cette loi institue un « Observatoire national du comportement canin » et les articles suivants créent toute une série de nouvelles procédures administratives, génératrices de paperasse et de bureaucratie.

Les conditions de discussion des textes ne va pas aller en s’améliorant, le groupe LFI étant dans une stratégie assumée de bordélisation des institutions. Siéger dans l’hémicycle va rester un supplice. L’absence de majorité va amener à des bricolages et des compromis baroques, pour arriver à faire voter les textes. Je crains que tout cela ne se fasse au détriment de la qualité du droit. En effet, les parlementaires sont là pour faire de la politique, et les légistes sont une espèce en voie de disparition, voire quasiment éteinte au Palais Bourbon. Même s’il en reste au Sénat, il n’est pas certain qu’ils puissent tout rattraper.

Au final, on va avoir toujours autant de textes à discuter, car la machine parlementaire a horreur du vide. Ce ne sont pas les travaux d’évaluation et de contrôle qui vont prendre la place, car ils demandent beaucoup de travail, pour peu de bénéfice politique et médiatique. On aura donc toujours autant de propositions de loi anecdotiques, juridiquement vides, et politiquement clivantes. Mais bien peu risquent d’aboutir à quoi que ce soit, car si le gouvernement ne déclare pas la procédure accélérée, c’est deux lectures dans chaque chambre, puis une CMP, puis éventuellement une nouvelle lecture si la CMP échoue. Autant dire que sur une législature qui s’annonce courte, le bilan législatif risque d’être très maigre. En revanche, le risque de burn-out des différents acteurs du processus législatif est énorme.

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Laissons sa chance à Barnier

Emmanuel Macron s’est enfin décidé, en nommant Michel Barnier comme Premier ministre. Un choix logique, vu le refus du PS d’accepter une forme de soutien sans participation pour un gouvernement Cazeneuve. De plus, à 73 ans, il est suffisamment « has been » et dénué de charisme pour ne pas inquiéter les prétendants au pouvoir (comme Edouard P.), qui peuvent voir en lui un simple manager de transition, et pas plus.

Il peut compter, du moins dans les premiers mois, sur une base parlementaire assez solide. Les troupes macronistes vont le soutenir et LR ne peut pas s’en désolidariser. Et surtout, le RN semble accepter laisser sa chance au gouvernement Barnier en ne votant pas la censure (du moins pas tout de suite). Ils ont eu aussi, besoin d’un moment de répit pour se réorganiser, et Barnier n’est ni irritant, ni une menace. Cela va lui permettre de relancer la machine administrative, de prendre les décrets, ce qui permet de faire pas mal de choses. Il y aura sans doute une moindre productivité législative, car le fait que le RN ne vote pas les motions de censure ne veut pas dire qu’il votera les projets de loi. Mais mis à part le budget, ce n’est pas bien grave s’il y a moins de lois. Quand on regarde ce qui était discuté entre 2022 et 2024 au Parlement, cela relevait souvent de l’anecdotique.

Le vrai enjeu est sa capacité à ne rien céder au RN sur le fond, et à respecter dans les clous « républicains », malgré les coups de pression et les menaces de censure qui ne manqueront pas d’arriver régulièrement du RN. Pour l’instant, je ne suis pas fondamentalement inquiet, Barnier ayant toujours été un homme d’une droite classique, pro-européenne et modérée, loin de toute tentation extrême. Les épisodes comme la campagne des primaires de 2021, où il a été obligé d’aller draguer l’aile droite des militants LR, ne sont pas représentatifs de ce qu’il est vraiment.

J’attends de voir la composition du gouvernement et le discours de politique générale, mais ce gouvernement Barnier pourrait réserver quelques surprises. A partir du moment où il n’est pas renversé par une motion de censure, il dispose d’une véritable liberté d’action, car constitutionnellement, c’est lui qui dispose de la machine administrative et rend les arbitrages. Le président de la République ne peut pas lui donner d’ordres, il peut juste gêner ou empêcher. Comme en plus, Barnier est en toute fin de carrière, il n’a pas à « ménager l’avenir » et se moque de sa popularité.

Rappelez-vous ce qu’on a pu entendre, surtout venant de la gauche, lors de la nomination de Jacques Toubon comme défenseur des Droits. Au final, il a été excellent et est parti sous les applaudissements de la gauche.

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Macron entre dans la zone de danger

Le vaudeville de la nomination du Premier ministre se poursuit, et devient même interminable, lassant tout le monde. Il devient surtout très dangereux pour le président de la République, qui apparait, au fil des jours, comme le vrai responsable de tout ce bazar. C’est en effet lui qui a tout déclenché avec cette dissolution malencontreuse, et il se révèle incapable de trouver une solution. Plus on avance dans le temps, plus cela devient difficile pour l’Elysée de rejeter la faute sur les autres, même si la responsabilité du fiasco est partagée.

Cela se voit de plus en plus qu’Emmanuel Macron refuse de tirer les conséquences du résultat des élections législatives de juillet 2024, et de renoncer à sa toute-puissance. Son ancienne majorité, même si elle a sauvé les meubles, a subit une saignée, et n’est plus en mesure de gouverner seule. A partir de là, c’est tout le système présidentialiste qui s’écroule, car si le président de la République est un monarque, ce n’est pas en vertu de ses pouvoirs propres, mais parce qu’il a une majorité parlementaire à ses ordres. La reconstitution d’une majorité parlementaire qui soit à ses ordres n’est pas possible, avec deux blocs qui refusent de s’allier avec l’ancien parti présidentiel (surtout si c’est pour permettre à Macron de continuer à régner). Il est donc dans une impasse.

La seule issue institutionnelle est qu’une majorité parlementaire (qui ne pourra qu’être fragile, vu la composition de l’Assemblée) se constitue autour d’une autre personnalité, à savoir le Premier ministre. Mais dans ce cas, ce serait ce Premier ministre qui serait le véritable dirigeant du pays, reléguant Emmanuel Macron à l’inauguration des chrysanthèmes, jusqu’à la survenue d’une éventuelle crise politique. Une perspective totalement inacceptable pour Macron, qui refuse de se dessaisir du pouvoir, d’où cette recherche frénétique (et vaine) d’une solution technique (comme « l’hypothèse Thierry Beaudet »). Plus le temps passe, et plus c’est ce refus de Macron de renoncer au pouvoir, qui apparait comme le nœud de la crise politique.

Cette obstination risque de mener loin dans la crise. Il peut finir par se résoudre à nommer un Premier ministre (on voit mal désormais d’autres candidats que Bertrand ou Cazeneuve émerger) tout en cherchant à lui savonner la planche pour qu’il échoue. L’hypothèse de l’adoption d’une, voire de plusieurs motions de censure, n’a rien d’absurde. Mais même dans ce cas, ce n’est pas une solution pour Emmanuel Macron, car il serait tenu pour responsable du désastre.

Au final, on pourrait finir par être obligé de « débrancher Macron », en le poussant à la démission. Il suffit que les restes de son ancienne majorité le lâchent, en acceptant par exemple d’entrer dans une coalition sans son accord. Le lâchage vient de commencer avec la déclaration de candidature à la présidentielle d’Edouard Philippe. Le président d’Horizons pose abruptement le fait que les conditions politiques d’une présidentielle anticipée existent, et ouvre le bal des prétendants. En clair, la question n’est plus « est-ce que Macron a encore les moyens d’exercer son mandat ? » mais « combien de temps peut-il encore tenir ? ».

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La question présidentielle

La nouvelle configuration politique, issue des élections législatives, amène à se poser des questions qui n’avaient rien d’évident, sur le rôle et les pouvoirs du chef de l’État dans un « vrai » régime parlementaire. Jusqu’ici, l’interprétation « gaullienne » selon laquelle le président de la République est avant tout un patron politique quand il a une majorité parlementaire derrière lui, s’imposait assez naturellement. Un billet intéressant, sur le blog Jus Politicum (lecture recommandée à tous les geeks du droit constitutionnel) ouvre le débat sur la séparation entre rôle institutionnel et rôle politique.

Dans un régime parlementaire, le chef de l’Etat n’est pas celui qui décide (en fonction de ses envies et de ses intérêts) qui doit être premier ministre, mais qui prend acte du résultat d’une élection et organise, sans la diriger, la recherche d’une solution institutionnelle. Dans certains pays, comme la Belgique ou l’Italie, habitués aux situations compliquées, c’est un rôle important du chef de l’État, voire le seul qui soit véritablement significatif. Mais cela implique nécessairement une neutralité partisane. C’est d’ailleurs pour cela que, quand il s’agit de républiques, le profil recherché pour un président est celui d’un « vieux sage » expérimenté et respecté.

Actuellement en France, on en est loin, puisque ce rôle est occupé par le chef d’un des partis. Quoi qu’il en dise, l’objectif d’Emmanuel Macron est de faire en sorte de garder au maximum le contrôle du gouvernement et d’empêcher la gauche de s’en emparer. La seule limite à l’exercice, qu’Emmanuel Macron a très bien identifiée, est que le Premier ministre qui sera nommé devra, au mieux avoir une majorité de députés avec lui, au pire, aucune coalition majoritaire contre lui. Les actuelles consultations et négociations ne sont donc qu’un théâtre politique, où chaque acteur improvise, de manière plus ou moins crédible, pour faire face à une situation inédite.

Il faut reconnaitre toutefois que l’attitude d’Emmanuel Macron, si elle est politiquement contestable, reste institutionnellement correcte. La lettre et l’esprit de la Constitution font que la nomination du Premier ministre est complètement à la main du président. Il n’a aucune formalité à respecter, aucune consultation obligatoire. Il n’a pas tellement de ressources à puiser dans la tradition politique française, où il n’y a pas eu, depuis 1958, de problèmes de constitution de gouvernement aussi délicat qu’aujourd’hui. Les exemples étrangers peuvent être des sources d’inspiration, mais aucun ne s’impose, et chaque parti, en fonction de ses intérêts, va chercher ceux qui l’arrangent. C’est de bonne guerre et c’est de la politique, pas du droit constitutionnel.

Il n’empêche que la question est très pertinente, et devra être prise en considération si jamais une réforme des institutions doit avoir lieu. Je dois bien avouer que jusqu’ici, je ne me l’étais pas posée, et je ne dois pas être le seul. Le sujet est exactement le même pour le droit de dissolution, où Emmanuel Macron s’est servi de l’outil dans un esprit de pur opportunisme partisan, et pas comme un chef d’Etat prenant acte d’une situation de blocage.

Dans une telle configuration, c’est effectivement gênant que le président de la République soit aussi le chef d’un parti, et donc oriente son action institutionnelle, en fonction de ses intérêts politiques et partisans, alors même qu’il est « irresponsable ». Cela veut donc dire qu’il exerce un rôle clairement partisan, sans que sa responsabilité politique ne puisse être mise en cause autrement que par l’article 68, qui est destiné aux cas où le président est manifestement hors d’état d’exercer ses fonctions, ou déraille complètement (comme par exemple le président du parti LR qui se lance dans une alliance avec le RN, sans consulter personne au sein du parti).

On peut très bien choisir de garder ce modèle où le président de la République reste un « patron » politique, et donc un chef de parti. Mais dans ce cas, il faut en finir avec son « irresponsabilité » et mettre en place des mécanismes pour le faire dégager s’il veut imposer des décisions contre une majorité, ou qu’il empêche sciemment un fonctionnement normal des institutions. Même si pour l’instant, en France, on ne peut pas dire qu’Emmanuel Macron en soit là, la question pourrait finir par se poser si un gouvernement n’est pas rapidement nommé.

On peut aussi, et cette démarche est complémentaire, encadrer davantage l’exercice du droit de dissolution et la nomination du Premier ministre. On peut le faire de manière à laisser plus ou moins de liberté au chef de l’Etat, mais on ne peut pas rester dans la situation actuelle où il a une latitude complète, permettant des décisions s’apparentant à un détournement de pouvoirs.

Cette période, à défaut d’être politiquement réjouissante, aura au moins eu le mérite de renouveler profondément le stock de questions nouvelles de droit constitutionnel.

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On rejoue le match dans un an

Depuis le mois de juillet, je suis atterré par la classe politique française (élus et militants compris). Les élections législatives du 7 juillet se sont soldées par un match nul, où le RN aurait dû gagner, mais bien qu’arrivé en tête en nombre de voix, n’est que troisième en nombre de sièges. Si quelqu’un est légitime à crier au déni de démocratie, c’est bien le RN. Et certainement pas le Nouveau Front populaire.

L’union de la gauche, même si elle a obtenu un bon score, ne peut pas prétendre que c’est sur son programme. Comme la Macronie, elle doit son score en sièges au front républicain qui s’est mis en place pour empêcher le RN d’arriver au pouvoir. Le prétention du NFP a dire qu’il est la coalition arrivée en tête se heurte aussi à un obstacle. Si c’était le cas, c’est André Chassaigne qui serait à l’hôtel de Lassay, pas Yael Braun-Pivet.

Dans le même temps, la Macronie ne peut pas dire qu’elle a gagné, car elle perd une centaine de députés, et l’élection de Yael Braun-Pivet est due à un deal avec LR, dont rien ne dit qu’il sera perenne, et que ce « coup d’un soir » puisse se transformer en mariage durable. Wauquiez ne semble pas avoir envie d’aller plus loin que du « au cas par cas », un accord de gouvernement avec la Macronie étant exclu à ce stade.

Bref, personne n’a gagné, personne n’est en mesure de former un gouvernement disposant d’une majorité suffisamment stable pour survivre à la première motion de censure. Ou alors cela implique la bienveillance du RN, qui accepterait de ne pas censurer, ce qui ressemble au baiser de la mort, et ne serait qu’un sursis. Car il est évident que, vu la configuration politique, il arrivera un moment où une motion de censure sera adoptée. On ne va pas tenir 5 ans, ni même 3 ans, comme ça.

Dans ces conditions, deux options sont possibles.

On admet qu’on est dans une impasse et qu’il faudra revenir rapidement aux urnes. Une dissolution n’étant possible qu’à partir de juillet 2025, cela laisse un an aux différents blocs pour, soit changer les règles (instaurer la proportionnelle) soit maintenir le mode de scrutin, et se préparer avec un programme et des candidats qui tiennent la route. Dans ce cas, l’honnêteté serait de dire qu’on va avoir, pendant un an, un gouvernement gérant les affaires courantes, mais sans mandat pour faire de grandes réformes, pendant que les partis font campagne. C’est très probablement le scénario vers lequel on se dirige (sans qu’il soit explicitement assumé).

Le deuxième scénario est la recherche d’une coalition, entre les différentes forces représentées à l’Assemblée, permettant de former un gouvernement majoritaire stable, sur la base d’un programme négocié. C’est ce qui se passerait dans la plupart des démocraties parlementaires, où une fois la composition du Parlement connu, les partis discutent, élaborent un programme, et forment un gouvernement. Dans ces pays, il n’est pas du tout assuré que le parti arrivé en tête le soir du scrutin, se retrouve au gouvernement. C’est par exemple le cas en Pologne, où le PiS, arrivé en tête, est dans l’opposition, ou encore l’Espagne, où le Premier ministre PS sortant, distancé par le PP de droite, est toujours au pouvoir. A chaque fois, ce résultat a été obtenu par une coalition formée après le résultat du scrutin, sans que personne ne crie au déni de démocratie. Il faut les français prennent conscience que c’est leur fonctionnement de type « Ve république » qui est atypique et démocratiquement contestable.

Pourquoi donc la coalition qui a obtenu 193 sièges (sur 577) prétend à cor et à cri être la seule légitime à former le gouvernement, alors même qu’elle n’a pas été capable de faire élire son candidat à la présidence de l’Assemblée, et surtout, qu’il existe une majorité pour renverser cet éventuel gouvernement ? On ne verrait ça dans aucune autre démocratie parlementaire.

La classe politique française montre qu’elle n’est clairement pas à la hauteur de l’enjeu. Elle refuse complètement la deuxième option, sans assumer qu’elle opte pour la première. Le bloc de gauche comme le bloc central cherchent à biaiser, avec une mauvaise foi et/ou un déni de la réalité qui ne les honorent pas, car aucun des deux n’est légitime à gouverner. Finalement, seul le RN offre une forme d’honnêteté, en reconnaissant qu’ils ont été battus et en ne la ramenant pas. Depuis le 8 juillet, on entend peu voire pas du tout, les dirigeants du RN, et c’est sans doute la meilleure attitude qu’ils puissent avoir, alors que c’est eux qui ont le plus de raisons d’avoir « le seum ».

Attendons de voir ce qui va advenir, mais je vois mal autre chose qu’un « gouvernement intérimaire », composé de retraités de la politique et de la haute fonction publique. Un peu comme des « managers de transition », qu’on trouve dans les entreprises où les dirigeants se sont fait brutalement révoquer, et où il faut quelques mois avant de recruter et « onboarder » leurs remplaçants. Tout autre scénario ne serait que fantasme et mensonge, qui ne ferait qu’abimer encore un peu notre démocratie, déjà mal en point.

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Faut-il instaurer la proportionnelle ?

Le moment politique, entrouvert en 2022, et carrément ouvert en 2024, perturbe fortement toute la classe politique, avec une assemblée nationale sans majorité. Le « fait majoritaire » qui structure la vie politique depuis 1962, connait une éclipse, obligeant à retrouver un fonctionnement antérieur, où ce ne sont plus les électeurs qui choisissent directement les dirigeants, mais les parlementaires.

Ce fait majoritaire qui connait une éclipse aujourd’hui, peut très bien revenir à la prochaine échéance électorale. Le scrutin uninominal à deux tours, couplé à une élection présidentielle où il ne peut pas y avoir de triangulaire au second tour, produit mécaniquement du bipartisme. Cela n’a pas fonctionné cette fois-ci car la droite radicale, l’un des acteurs politique de ce jeu à 4, est considéré comme illégitime par les trois autres acteurs. Alors que les reports de voix au second tour auraient dus, logiquement, se faire entre le RN (droite radicale) entre la Macronie-LR (la droite modérée), ils se sont fait, pour l’essentiel, entre gauche modérée (PS-écolo) et droite modérée.

Cette anomalie peut se résorber, si le RN évolue vers plus de modération et devient donc accepté par les autres comme un partenaire acceptable du jeu électoral. On en est encore loin, et le risque est davantage que ce scrutin uninominal ne permette au RN de s’emparer des clés du camion, à la faveur d’une poussée électorale. On n’en est pas passés loin en juillet 2024, et il a fallu opérer un freinage d’urgence.

La question de changer le mode de scrutin est donc un élément important du débat public. Le passage à la proportionnelle aurait pour avantage d’empêcher un parti de remporter une majorité absolue avec seulement 35% des voix. Ce mode de scrutin est également plus adapté à une certaine vision du vote, où beaucoup d’électeurs se disent fatigués de devoir quasi-systématiquement « voter utile » dès le premier tour, parfois au détriment de leurs préférences partisanes. De nombreux électeurs du PS, par exemple, se sont fait régulièrement violence à mettre un bulletin LFI dans l’urne, car ils y sont contraints par le système d’alliance, rendu obligatoire par le mode de scrutin uninominal.

Ce débat soulève une question de fond, qui doit être posée en préalable au débat. Le scrutin majoritaire valorise les coalitions avant le scrutin, qui font que l’électeur sait qui (et accessoirement quel programme) arrivera au pouvoir, sans risque de retournement de veste. Cette garantie est profondément ancrée dans la culture démocratique française. De ce fait, ce mode de scrutin permet une désignation directe des dirigeants par les électeurs. A l’inverse, par le scrutin proportionnel, les électeurs donnent à leur représentants, le soin de décider qui, in fine, gouvernera, et encore plus, quel programme sera effectivement mis en œuvre. De ce point de vue, la France a connu quelques traumatismes, sous la IVe République, qui ont durablement affecté l’image de marque du scrutin proportionnel. En 1956, alors que les électeurs votaient pour Pierre Mendès-France, ils se sont retrouvés avec Guy Mollet. Les exemples qui arrivent de pays voisins comme l’Italie ou la Belgique, montrent que cela ne donne pas toujours satisfaction. Beaucoup de choses dépendent de la maturité démocratique des électeurs et de la classe politique. La France a-t-elle cette maturité ?

Vu le niveau (médiocre) de notre classe politique, j’ai un peu peur qu’en leur donnant une large délégation de pouvoir pour définir qui détient le pouvoir, et pour faire quoi, on n’aille au devant de très grosses déceptions. Connaissant les politiques, je n’ai aucune illusion sur leur capacité à travailler d’abord pour leur carrière, celles de leurs amis, en s’asseyant sur le vote des électeurs. Ils le font déjà un peu, quand ils le peuvent, dans le système majoritaire. Alors imaginez ce que cela sera, s’ils ont l’autorisation officielle de le faire ! Mais c’est pareil pour le citoyen français, qui adore trop souvent le bruit, la fureur et la radicalité, et déteste le compromis et le pragmatisme. J’ai un peu peur qu’un passage mal géré au scrutin proportionnel ne crée surtout des déchirures encore plus profondes entre gouvernants et gouvernés.

Si on doit basculer à la proportionnelle, il ne faut pas se contenter de juste changer le mode de scrutin, mais également procéder à un sérieux toilettage de notre culture politique et de la Constitution, afin d’y mettre des mécanismes empêchant, ou limitant les dérives possibles. Sinon, le remède pourrait être pire que le mal.

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La révolution se poursuit à l’Assemblée

Le renouvellement des instances de l’Assemblée a donné lieu à des péripéties et surtout, des résultats parfois surprenant. Pour autant, le résultat final est extrêmement intéressant, et ouvre de vraies perspectives pour un début de rééquilibrage entre l’exécutif et le législatif, ainsi qu’une évolution de la culture parlementaire. A condition que les députés se montrent à la hauteur.

Le premier point important est que la Macronie, par sa faute (il ne faut jamais quitter l’hémicycle avant la fin de tous les votes, même s’il est 3h du matin), n’a pas la majorité absolue au Bureau. Or, c’est cette instance qui, outre la supervision du fonctionnement matériel de l’Assemblée, gère également les questions de discipline (sanctions, règles déontologiques…). La précédente législature a connu une pluie de sanctions frapper des députés n’ayant pas respecté le règlement. Les LFI, dans une stratégie assumée de bordélisation de l’Assemblée, ont pris le plus cher, et de loin. Cette « main lourde » de Yaël Braun-Pivet, a été contestée, y compris au sein de son camp. Elle a surtout été une impasse, car elle n’a rien réglé sur le fond (voire elle a empiré la situation), a pourri l’ambiance et au final dégradé l’autorité, déjà fragile, de la présidente.

Désormais, quand un député brandira un drapeau étranger dans l’hémicycle, il ne pourra se voir infliger qu’un rappel à l’ordre avec inscription au procès-verbal, sanction maximale pouvant être prononcée en séance depuis le perchoir. Les sanctions plus lourdes devant être prises en Bureau, c’est l’opposition qui a la main pour les décider, ou pas. La discipline devant quand même être assurée, il y aura des saisines, de la part de Yaël Braun-Pivet, mais la jurisprudence pourrait évoluer assez fortement, tant sur ce qui est sanctionnable, que sur l’échelle des sanctions. Cela ouvre un champ des possibles très prometteur, si les membres du bureau et les responsables de groupes veulent effectivement faire évoluer le sujet.

Cela suscite toutefois une inquiétude chez moi. La gauche a fait le choix d’exclure le RN des postes de décision (Bureau et présidences de commission). Ils y sont arrivés, et les choses sont même allées plus loin, car dans le chaos des votes, Yaël Braun-Pivet se retrouve avec Roland Lescure et Brigitte Klinkert à représenter le groupe EPR, censé être le groupe majoritaire et le Modem se retrouve même sans représentant au Bureau. Pour une instance censée être composée en fonction de l’équilibre des forces dans l’hémicycle, c’est plus que problématique. Outre la rancoeur que peuvent concevoir RN et ses alliés (141 députés, quand même) du fait de cet ostracisme, la faible représentation de la majorité pourrait affaiblir l’autorité, voire la légitimité, des décisions du Bureau. Son fonctionnement étant à la main de la présidente (elle convoque, fixe l’ordre du jour, et dirige les débats), on pourrait se retrouver assez vite dans une situation de blocage de cette instance de régulation, si les positions se radicalisent.

Le deuxième point à retenir est la désignation de Charles de Courson comme rapporteur général du Budget. Il s’agit d’un pur accident, car il a été élu, au bénéfice de l’âge, du fait d’une égalité de voix avec son concurrent, le rapporteur général sortant, le macroniste Jean-René Cazeneuve. Pour la première fois, la commission des Finances échappe totalement au gouvernement, car en temps « normal », si le président est d’opposition, le rapporteur général est dans le camp gouvernemental, et se comporte en fidèle relais de Bercy (en mode « la voix de son maître »). Lors des débats en commission sur le budget, le ministre n’avait pas besoin d’être présent, le rapporteur général parlait pour lui. Même si le gouvernement conserve d’importantes prérogatives, les débats budgétaires vont être moins confortables pour lui.

Le deuxième « effet kiss cool » de cette désignation, c’est la personne même du nouveau rapporteur général. Charles de Courson est un centriste jusqu’au bout des ongles, d’une farouche indépendance, très attaché au respect du Parlement, avec une forme de panache qui rend ses interventions écoutées. C’est aussi un hyperspécialiste des finances publiques. Il a commencé sa carrière à la cour des Comptes, et a été élu député en 1993. Depuis, il siège à la commission des finances, sans discontinuer. C’est le seul qui est capable, en lisant un amendement financier technique, de le comprendre et d’en saisir immédiatement les enjeux politiques. C’est la bête noire de tous les ministres du Budget, et sans doute le cauchemar de tous les technos de Bercy, dans les prochains mois. Car le rapporteur général du budget est doté de très larges pouvoirs de contrôle, notamment celui de débarquer, sans prévenir, à Bercy, pour se faire communiquer tous les documents qu’il demande.

Tout se met en place pour qu’une évolution importante de la culture parlementaire puisse se produire au cours de la XVIIe législature !

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La bataille de la culture politique commence !

La séquence qui a débuté le 7 juillet, dévoile une culture politique très particulière de la part de la classe politique, en particulier à gauche (mais pas que là). Elle s’appuie très fortement sur le fait majoritaire, considérant comme normal que celui qui arrive en tête rafle tout le pouvoir et l’exerce en solitaire pendant 5 ans.

Cette culture est née en 1962, et a globalement perduré jusqu’en 2022, avec un léger accident en 1988, mais qui n’a pas prêté à conséquence. A chaque fois, le gagnant de la présidentielle a eu une majorité solide pour gouverner, et si par malheur, il la perdait en cours de mandat, c’est l’opposition qui raflait la mise et exerçait le pouvoir dans le même état d’esprit.

Pour la classe politique, c’est un système très confortable. On gagne tout sur un coup de dés, en une seule fois, sans avoir besoin de construire et d’entretenir patiemment une coalition. Discuter et palabrer, c’est chronophage, et c’est quand même ennuyeux, quand on aime commander, de devoir transiger, et donc ne pas faire ce qu’on veut. Comme, depuis 1962, il y a eu globalement une alternance régulière, personne n’avait intérêt à changer le système. En plus, on était dispensé de bosser, car mécaniquement, le balancier revenait vers vous. La seule exception récente est 2007, où la gauche a raté le coche, sans doute par excès de confiance.

Elle est également confortable, car elle amène à ne pas avoir de compte à rendre, sauf une fois, en bloc, tous les cinq ans. Cela peut permettre de considérer qu’une réélection est une validation sans réserve de tout ce qui a été décidé dans le cadre d’un exercice solitaire du pouvoir. C’est par exemple, ces personnes qui expliquent qu’en 2007, 75% des voix sont allés vers des candidats favorables au traité de Lisbonne, donc cela vaut ratification du fait qu’on se soit complètement assis sur le résultat du référendum de 2005, où 55% des votants avaient explicitement dit non à un approfondissement de la construction européenne.

Mais cette belle machinerie s’est enrayée. Une première fois en 2017, où les français ont littéralement mis à la porte tout le pan gauche de la classe politique, avec une déculottée historique dont le PS ne s’est toujours pas remis. Au passage, le parti de gouvernement de droite, l’UMP devenue LR, s’est également pris une belle claque. On sentait déjà une volonté d’en finir avec ce modèle de fonctionnement. Le fameux « en même temps » d’Emmanuel Macron était une promesse qui a été entendue, et qui était en partie à la base de son succès. Sur ce point, il a franchement déçu, d’où ses échecs aux législatives de 2022 et 2024, où le bloc central ne doit sa survie qu’à la radicalité des alternatives. Même si on déteste Macron, il reste moins pire que Mélenchon ou Le Pen.

Le message d’exaspération des français contre la classe politique (dans son ensemble) a commencé par le dégagisme. On se disait qu’en virant les pourris et en mettant des gens neufs et de bonne volonté, ça allait marcher mieux. On a vite déchanté, et on est passé à autre chose, en s’attaquant à l’organisation du système, qui pousse la classe politique à avoir ce comportement qu’on veut éradiquer. Si on ne change pas les règles du jeu, on aura la reproduction des mêmes comportements, même si on change les joueurs.

Les français ont donc décidé, en le disant dans des sondages avant et après les élections, de ne donner de majorité absolue à personne, afin d’obliger les élus des différents bords à travailler ensemble. Comme on n’avait pas tapé assez fort en 2022, et que Macron a continué à vouloir fonctionner comme avant, on en a remis une couche en 2024. Alors que le président espérait, avec son coup de dés de la dissolution, retrouver une majorité absolue (comme avant), il s’est retrouvé avec l’amplification du mouvement de fond.

Depuis le mois de juillet 2024, et pendant un an, les parlementaires sont coincés, et vont soit devoir travailler ensemble, soit assumer la responsabilité d’un blocage du pays. Car soyons clair, le blocage ne viendra pas des institutions, qui permettent tout à fait de fonctionner avec une assemblée éclatée. La constitution de 1958 a même été pensée pour ce genre de situation. Il n’y a donc aucun échappatoire pour les élus, si ça plante, ce sera de leur faute !

Après un moment de stupeur, beaucoup d’élus sont encore dans le déni. C’est assez manifeste à gauche, où PS comme LFI tiennent un discours assez surréaliste. Alors même qu’ils n’ont que 200 députés (sur 577), ils considèrent qu’ils ont gagné, et doivent donc rafler toute la mise. C’est d’autant plus surréaliste qu’ils montrent, jour après jour, être dans l’incapacité complète d’exercer effectivement ce pouvoir qu’ils revendiquent haut et fort. En 10 jours, ils n’ont même pas été capables de s’entendre sur le nom d’un premier ministre.

La Macronie ayant fait alliance avec ce qui reste de LR, ils sont passés devant (de peu) en nombre de sièges, et ont réussit à faire élire leur candidate au perchoir. La réponse de la gauche, au lieu de reconnaitre leur défaite, a été de contester la légitimité de l’alliance Macronie-LR. A les entendre, les seules alliances légitimes sont celles qui sont conclues avant le scrutin, et donc validées par les électeurs. Tout autre configuration est une trahison des électeurs. En résumé, même si vous n’avez qu’une faible avance, vous êtes en droit d’être le « vainqueur qui prend tout » et vos adversaires ne doivent pas se mettre en travers de votre chemin. En matière de déni, on peut difficilement faire mieux.

En adoptant cette attitude de sauvetage désespéré de l’ancien système, la gauche montre qu’elle n’a strictement rien compris à ce que demandent les électeurs. En refusant d’entendre cette demande, et donc d’y répondre, ils ne font que creuser encore davantage le fossé. Pourtant, ils sont pris au piège, et il y a fort à parier que s’il y a une dissolution dans un an, on arrivera au même résultat, à savoir une absence de majorité. Ce qui peut juste changer, c’est l’ordre d’arrivée des blocs, avec un RN devant, mais pas plus en capacité de gouverner que ne l’est la gauche aujourd’hui.

Bon gré mal gré, il va falloir que les élus changent leur manière de travailler, et révolutionnent la culture politique de la France. Le chemin est encore très long, et les résistances sont énormes. La bataille ne fait que commencer, mais elle est exaltante !