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La HATVP est un échec

Mis en place en 2013, les mécanismes de transparence de la vie publique, gérés par la haute autorité de transparence de la vie publique (HATVP), sont un échec. La promesse initiale d’être un outil de réconciliation entre les citoyens et leurs dirigeants n’est pas tenue, et en plus, de très nombreux effets de bord négatifs ont été créés par cette bureaucratie inefficace. Si l’objectif politique d’une amélioration de l’honnêteté en politique doit rester, il faut sérieusement revoir le dispositif.

Le premier vice de conception tient à une confusion entre l’existence d’une situation objective (je suis actionnaire de telle société) et l’existence d’une dérive (je favorise cette société dans le cadre de mon mandat). La notion de conflit d’intérêt pose des difficultés, car elle pousse à faire voir comme existants, des problèmes qui ne sont que virtuels, et pourraient ne jamais devenir réels. On cloue au pilori des personnes étant dans une situation objective, sans la moindre preuve qu’il y ait effectivement une dérive préjudiciable. Parfois, cela va loin, comme la ministre Pannier-Runacher, critiquée à cause de la composition du portefeuille boursier de son père, sans qu’il y ait le moindre élément montrant que cela ait eu une influence sur son action au gouvernement.

La dispositif repose également sur du pénal, qui par nature, est une sanction forte mais aléatoire. C’est un peu comme les accidents d’avion, on a statistiquement très peu de chances d’en être victime, en revanche, si l’accident survient, l’ensemble des passagers sont tués. Cela créé une pression sur les personnes concernées, qui provoque un malaise. Le dispositif est encore plus vicieux, car on peut être condamné sur des faits réellement problématiques de corruption, mais aussi pour ne pas avoir bien rempli ses obligations déclaratives, en l’absence de tout fait de corruption. Une personne foncièrement honnête, mais un peu négligente, peut se retrouver sanctionnée, comme cela a été le cas de Jean-Paul Delevoye. Il a du quitter le gouvernement, pour avoir pris un trop à la légère cette obligation déclarative, alors qu’il n’avait rien à se reprocher sur les questions de probité.

Ce dispositif est un bureaucratie kafkaienne, qui demande à 98% des personnes, qui sont honnêtes et de bonne volonté, de remplir des questionnaires très détaillés, sur leur vie, de passer du temps à tout rechercher, en leur mettant une épée de Damoclès pénale. On peine à imaginer, en dehors, la violence que peut représenter, pour les personnes concernées, ce déballage de leur vie privée, parfois de leur histoire personnelle. Il faudrait que sortent les témoignages de personnes ayant mal vécu leurs contacts avec la HATVP. J’ai en tête l’exemple de ces députés battus en juillet 2024. Ils ont reçu l’injonction (avec menace implicite de poursuites pénales) de rendre toutes leurs déclarations de sortie de mandat avant le 9 août (2 mois après la dissolution), alors que pour certains, ils sont en pleine campagne électorale, ou en phase de sidération après une défaite qu’ils n’ont pas vu venir.

Tout le dispositif repose sur une détection des potentiels conflits d’intérêts, sans se donner les moyens de vérifier s’il y a effectivement un problème. L’institution de contrôle n’a pas de moyens suffisants pour faire son travail, et ne les aura jamais. Elle peut tout juste traiter les dossiers entrants et faire un peu de pédagogie.

L’un des problèmes de fond, jamais évoqué, est que la HATVP est un organisme extérieur aux secteurs qu’ils doit contrôler. Il n’a donc pas accès aux informations réellement sensibles, aux signaux faibles que l’on perçoit quand on est impliqué, aux éléments qu’on se communique entre pairs, mais pas à un gendarme. Le contrôle externe oblige à demander aux contrôlés une masse d’informations, dont la plupart ne sont pas utiles, d’où un effort bureaucratique, sans que leur traitement par l’instance soit pertinent, faute d’avoir les bons réflexes ou les signalements de ce qui est réellement problématique.

Le vrai contrôle devrait être interne, au sein même de chaque secteur, avec des contrôleurs qui sont à l’intérieur, et qui ont les « bonnes » informations et savent détecter ce qui ne va pas. Reliés à la HATVP, il seraient une sorte de « signaleurs de confiance », qui orientent les contrôles vers les personnes qui dérapent. Ce maillon est complètement absent, alors qu’il est essentiel au bon fonctionnement du dispositif.

Dans le même ordre d’idée, on pensait que la transparence, en soi, suffirait à restaurer la confiance des citoyens. Le résultat est catastrophique, car les citoyens ne s’emparent que des informations les plus croustillantes, comme les éléments de patrimoine, pour alimenter un « élu-bashing ». Les déclarations d’intérêt et de patrimoine sont devenues un réservoir de munitions pour opposants politiques. Pour que la masse d’information soit correctement traitée, il faut des intermédiaires, qui développent des outils, qui fassent de la pédagogie. Livrer des éléments bruts, à des personnes qui ne connaissent pas les tenants et aboutissants, ne peut conduire qu’à des malentendus, voire pire. On le voit par exemple avec les sites mesurant l’activité des députés, qui balancent des statistiques de présence, purement quantitatives, sans expliquer à quoi cela correspond, à des citoyens qui ne connaissent pas la procédure parlementaire. Or, là encore, ce maillon indispensable n’est qu’embryonnaire, et l’outil passe donc à coté de sa cible, qui est de renforcer la confiance des citoyens dans leurs élus.

Une refonte est indispensable en impliquant beaucoup plus les groupes concernés (élus, lobbyistes, hauts fonctionnaires), dans une logique d’autorégulation, sous la surveillance d’une autorité indépendante, qui peut éventuellement prononcer les sanctions, ou transmettre à la justice, après enquête. Il faut également alléger les déclarations aux éléments substantiels, en donnant à la HATVP le pouvoir d’aller chercher elle-même les informations pertinentes, auprès des banques et des services fiscaux, de Tracfin. Ces derniers pourraient aussi avoir une obligation de signaler des incidents concernant des publics précis, signalés comme sensibles.

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Reconstruire la Politique

En ce premier anniversaire de la dissolution, les articles fleurissent sur cet « évènement » qui a révélé, bien plus que provoqué, une liquéfaction de notre système politique.

Benjamin Morel nous livre dans le Figaro une très bonne analyse. La crise politique existait déjà, depuis plus longtemps qu’on ne le pense (ça remonte au moins à la présidence Hollande) et est allé en s’accentuant au fil des élections, jusqu’à 2024, où c’est devenu une crise institutionnelle. Les différents sondages et résultats électoraux de l’année montrent qu’une nouvelle dissolution, maintenant, donnerait à peu près le même résultat, avec sans doute une montée du RN, au détriment de la gauche, mais toujours pas de majorité stable. Cette tribune est aussi un peu désespérante, car il ne voit aucune porte de sortie à cette déliquescence avancée du système politique français.

On pourrait en déduire que rien ne va plus, en mode « vieux con » pour qui « c’était mieux avant ». C’est très tentant, mais on va essayer de voir les choses autrement. Revenir à l’ancien monde n’est pas possible, et mieux vaut essayer de proposer des solutions d’avenir, en prenant acte que certaines manières de faire de la politique sont mortes.

Le premier point à éclaircir est de savoir ce que nous attendons du système politique, quel est le but que nous lui assignons ? Cela peut paraitre évident, mais ça l’est finalement pas tant que ça, tellement les attentes peuvent être irrationnelles. Pour ma part, j’en attends la capacité à proposer des perspectives et une histoire commune, qui permettent à la forme « communauté nationale » de continuer à exister (du moins tant que l’Etat-Nation reste le cadre politique imposé). J’attends aussi de la part des politiques des propositions d’actions et de politiques publiques réalistes et réalisables, avec les moyens humains et financiers de les mener à bien. Déjà, si on arrive à cela, ce sera bien. La « représentation » symbolique importe assez peu à mes yeux, je n’ai pas besoin que mes élus me ressemblent, ou soient conformes à des valeurs abstraites qui me seraient chères.

Actuellement, la classe politique m’apparait plutôt remplie d’irresponsables, qui promettent monts et merveilles (le retour de la retraite à 60 ans par exemple) jouent les boutefeu en accentuant les clivages, pour servir leurs ambitions personnelles. La faute en revient à la classe politique elle-même, mais aussi au système institutionnel, qui amènent à ces comportements, rationnels quand on se place du point de vue de la classe politique, mais qui sont destructeurs pour le pays. On le voit bien, les limites de la Ve République ont été atteintes depuis un an, et on tourne en rond. La question centrale est donc de réformer l’ensemble de l’organisation politico-institutionnelle.

Le premier élément est déjà de redonner sa place à la Politique, au sens noble du terme. Nous sommes victimes, et nous sommes loin d’être les seuls en Europe, d’un épuisement idéologique. Cela fait bien longtemps que les partis politiques ne sont plus que des cartels d’élus et d’aspirants à être élus, vaguement animés par des idéaux (je n’ose pas parler d’idéologie) et adeptes des postures. Il faut s’attaquer à cet épuisement, non pas en ressuscitant les vieilles lunes, mais en trouvant et en mettant en lumière ce qui fait sens pour nos concitoyens. Qu’est-ce qui les fait se mobiliser ? Vient ensuite la question du comment les mobiliser, et c’est là que la rupture est la plus forte. Nous avons basculé de modalités collectives d’organisation de la société à un repli sur les individus et les entourages proches. Un élu d’une petite commune rurale me faisait part de cette évolution qu’il vu se déployer « Avant, on avait des évènements collectifs sur la commune, comme le repas des chasseurs ou la kermesse de l’école. Maintenant, chacun reste chez soi, et ne veut surtout pas être dérangé ». On peut regretter cela, mais il faut s’y adapter, c’est une tendance lourde de la société. Il faut sans doute inventer des choses qui n’existent pas, pour raccrocher au collectif ce que certains ont appelé « archipélisation ».

Le deuxième point qui pose gravement problème est la désorganisation de l’action publique, qui nuit grandement à la légitimité des dirigeants. En 50 ans, la puissance publique étatique s’est largement dépossédée de beaucoup de leviers d’action. Le pouvoir est désormais beaucoup plus distribué, entre l’Union européenne, les collectivités locales, les agences publiques et autres régulateurs, le secteur privé. Au rythme des différents plans de « simplification », les budgets des administrations centrales et des services publics ont été réduits, au point, pour certains, d’être actuellement sous la ligne de flottaison. La règlementation est devenue tellement foisonnante et contradictoire, que les juges sont entrés dans la danse, non pas pour faire, mais pour empêcher de faire, voire pire, pour mettre en insécurité juridique celui qui doit faire. Là encore, c’est une tendance de fond qu’il faut assumer et accompagner. Il faut absolument que les élus arrêtent de faire des promesses qu’ils savent intenables, car ils n’en ont pas les moyens. Mais cela veut dire qu’il faut aussi que leur légitimité repose sur autre chose que cette image de démiurges omnipotents. Un élu n’est pas Merlin l’enchanteur, qui va résoudre tous les problèmes de citoyens-enfants, qui attendent les mains dans les poches que les choses se fassent toute seules. C’est une culture politique, où personne ne veut faire de compromis, parce qu’on ne se fait confiance, qui est à reconstruire.

La reconstruction d’un système politique sain passe par plusieurs éléments.

Les citoyens doivent se prendre en main, et se dire qu’ils sont responsables de la manière dont le système fonctionne. On a les élus qu’on se donne, et c’est trop facile, depuis son fauteuil, de se défausser sur d’autres, de sa part de responsabilité dans la conduite de la chose publique. Être citoyen, c’est s’engager dans des actions collectives (de préférence constructives) et ne pas tout attendre de la « puissance publique » qui serait un prestataire universel.

Les partis politiques doivent faire leur travail idéologique de construction de récits fédérateurs, de structuration du débat public, en explicitant les grandes options, en donnant des caps. C’est sur ce point que l’on est le plus mal en France, avec un énorme vide, sauf éventuellement aux extrêmes (et encore). Une démocratie parlementaire ne peut pas fonctionner sans partis politiques, on voit ce que ça donne aujourd’hui en France, où les structures partisanes ne sont que l’ombre de ce qu’elles devraient être. Le principal, sinon le seul enjeu du dernier congrès du parti socialiste, c’est la stratégie d’alliance électorale, et ils n’ont même pas été capable de la trancher de manière claire. On est au fond du trou, et ce manque est clairement bloquant.

La distribution du pouvoir doit être faite de manière équilibrée, chacun connaissant son rôle, et son pouvoir. Le pouvoir du peuple ne doit pas se limiter à désigner un président une fois tous les cinq ans, ou son conseil municipal tous les six ans. Il faut davantage de consultations intermédiaires, à condition que ce soit pour trancher sur des choix clairs et engageants (et pas comme on le fait à Paris, avec un référendum sur les tarifs de stationnement des SUV sur la voie publique). Il faut aussi que cette parole, une fois édictée, soit sans appel. La classe politique française a commis une faute majeure, en s’asseyant sur le résultat du référendum européen de 2005. Une faute que les britanniques n’ont pas faite, après le référendum sur le Brexit. Même s’ils cherchent à panser les plaies et à rétablir des ponts, la question de l’appartenance formelle à l’Union européenne est close pour au moins 30 ans.

Mais dans le même temps, il faut accepter que la démocratie ne soit pas la dictature de la vox populi. La démocratie libérale est construite sur la balance des pouvoirs, et sur le fait que les représentants, une fois élus, ont une autonomie d’action et un réel pouvoir décisionnaire. Cela implique aussi un respect de l’état de droit, et la reconnaissance de la légitimité des limites constitutionnelles, du pouvoir judiciaire, avec le respect de ses décisions. Cela demande un travail de réécriture de notre constitution, afin de revoir des équilibres et des mécanismes et d’apporter les précisions là où des zones de flou sont apparues.

La vie politique, doit retrouver une fluidité qui a été perdue, et à contribué à la baisse du niveau. On devrait pouvoir s’engager facilement en politique, ce qui n’est plus le cas. Aujourd’hui, un citoyen qui veut entrer en politique ne peut pas le faire seul. Pour quasiment toutes les élections, il faut être au moins deux (pour les législatives), voire quatre (les cantonales) ou sur une liste. Les formalités sont de plus en plus lourdes et tatillonnes. Il faut tenir un compte de campagne et respecter des règles byzantines, avec des déclarations et de la paperasse dans les tous les sens, avant, pendant et après l’élection (avec toutes les déclarations HATVP, par exemple). Une fois élu, il faut pouvoir rester un certain temps, car être un élu demande un apprentissage et des compétences qui ne sont pas innées (on l’a bien vu en 2017). C’est souvent seulement au deuxième mandat, qu’un élu est pleinement opérationnel. Il faut aussi avoir la garantie d’en sortir sans heurts et sans être un pestiféré. Tout cela veut dire un système politique organisé, avec une véritable gestion prévisionnelle des carrière. Cela implique d’avoir des partis politiques fonctionnels, et une stabilité du système électoral,. Il faudrait aussi revoir de fond en comble les règles liées à la Transparence et aux conflits d’intérêt. Parties d’un bon sentiment, elles ont fait d’énormes dégâts, et sont en partie responsables de la désaffection pour l’engagement politique, et donc de la baisse du niveau des élus.

La sortie de crise ne peut se faire qu’au prix d’un travail d’ensemble. Il ne me semble pas avoir vu le moindre début de commencement d’une volonté politique d’aller aussi loin. Ce qui est annoncé pour le moment ne sont que de simples bricolages institutionnels, des replatrages, comme changer le mode de scrutin aux législatives, qui ne mèneront nulle part.

Je crains que ce travail de fond, s’il se fait un jour, se fera en dehors du cadre des institutions, et sans une classe politique qu’il faudra mettre au rencart, tellement eux aussi, sont devenus obsolètes.

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L’extrême-droite n’est pas fiable

Aux Pays-Bas, le parti d’extrême-droite vient de faire chuter la coalition (dont il fait partie), provoquant des élections anticipées. Le coup a été soigneusement préparé, pour arriver pile au bon moment, en donnant l’apparence que ce sont ses partenaires (et pas lui) qui en portent la responsabilité. Une stratégie sans doute méditée depuis le début.

Aux États-Unis, Elon Musk, après l’avoir soutenu, s’en prend violemment à Donald Trump. Ce dernier, qui a multiplié les décisions erratiques, est en train de se faire contrer par les juges, qui suspendent ses décisions les plus arbitraires, que ce soit sur les droits de douane ou les attaques contre les universités. Près de six mois après son arrivée au pouvoir, le bilan de la deuxième présidence Trump, c’est un Amérique discréditée, qui sème le trouble, sans avoir rien obtenu de concret.

L’extrême-droite montre ainsi son vrai visage. Ces gens-là ne sont pas fiables, en plus d’être brutaux, et souvent incompétents. Ils veulent le pouvoir pour se servir, et certainement pas pour servir l’intérêt général. On retrouve ces traits, plus ou moins marqués, dans tous les mouvements d’extrême-droite, et il n’y a aucune raison que ses représentants en France soient différents. Et de fait, quand on regarde le RN, ça colle : incompétents, pas fiables, rapaces et brutaux.

Il est donc évident qu’il n’y a rien à gagner voter ou à faire alliance avec eux. Le cordon sanitaire doit rester de mise, car se rapprocher d’eux, c’est accepté de se faire tirer vers le bas, et de finir avec un couteau dans le dos, après s’être discrédité auprès de ses électeurs.

C’est juste un petit rappel, à l’occasion de faits réels, bien plus parlant que les grands discours et la comm’ de ceux qui ne pensent surtout qu’à sauver leurs sièges.

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Renoncement et inutilité des députés

Ce lundi 2 juin après-midi, la séance de l’Assemblée symbolisait magnifiquement l’effacement presque complet de l’institution dans le processus de décision.

Les députés ont commencé par approuver, à l’unanimité, une proposition visant à donner le grade de général de brigade à Dreyfus. Une proposition que personne ne demandait, qui n’apporte rien, qui n’est même pas de niveau législatif. Bref, aucun intérêt, si ce n’est de tenter d’instrumentaliser la mémoire. A défaut d’avoir des idées et des propositions concrètes, on adopte des postures. C’est le pain quotidien du Palais-Bourbon.

Ils ont poursuivi en adoptant, avec la même unanimité, la motion de rejet préalable, sur la proposition de loi visant à valider (à la suite d’une annulation en justice), le permis de construire de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Le sujet était pourtant intéressant, car il permettait au moins deux beaux débats, celui sur l’acceptabilité des grandes infrastructures routières, et un autre sur le droit, pour les parlementaires, d’annuler par une loi une décision de justice. Les députés ont préféré ne pas en débattre, et de laisser les sénateurs (à l’origine du texte) faire le boulot.

Enfin, le troisième texte est destiné à rattraper une grosse boulette, votée lors du denier budget, concernant l’assujettissement des microentrepreneurs à la TVA. A l’hiver, la discrète mesure gouvernementale était passée inaperçue, ce qui se comprend, puisqu’avec le 49.3, il n’y a pas de débat, donc pas de réel examen du fond. Ce n’est qu’une fois la machine de Bercy mise en branle, pour mettre en œuvre la mesure, que les intéressés se sont rendus compte des dégâts et ont sonné le tocsin auprès des élus. Après avoir obtenu la suspension de la mise en application, voilà qu’arrive l’abrogation. Réparer une erreur, ce n’est pas vraiment progresser. Vu les conneries votées dans le projet de loi de simplification, on va regonfler les stocks de conneries à réparer.

Voilà donc, le bilan de la journée réservée au groupe EPR, qui est censé être l’épine dorsale du gouvernement. Du vide, du refus de débat et du rattrapage de bévue. Ce n’est pas glorieux, et c’est malheureusement emblématique du travail parlementaire à l’Assemblée.

L’impasse politique dans laquelle nous a mis la dissolution, et le résultat des législatives ne fait que se confirmer. Il ne va rien se passer jusqu’aux prochaines échéances électorales, et la classe politique semble très bien s’en accommoder. Qu’importe que les réformes nécessaires, que les décisions à prendre n’avancent pas, tant qu’on peut faire de la politique, les yeux rivés sur les prochaines élections. Le burn-out parlementaire, que je voyais arriver en septembre dernier, est bel et bien là. La faillite de la classe politique se confirme également.

Pourtant, il va bien falloir, d’une façon ou d’une autre, voter un budget, à l’automne prochain. Pour le moment, le gouvernement et les députés semblent y aller à reculons, avec beaucoup de comm’, des grands moulinets, un diagnostic alarmant, et pas le moindre consensus sur les mesures à adopter. On va droit dans le mur, en klaxonnant encore plus fort que l’an dernier.

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Un bon débat implique du décryptage

Le Monde vient de publier une tribune de deux économistes, que je trouve absolument pertinente et d’utilité publique. Ils se penchent sur une « étude » qui affirme que les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre viennent des 10% les « plus riches ».

L’exemple même d’une « pseudo-étude », militante avant d’être scientifique, où la conclusion et l’utilisation politique sont prioritaires, la méthodologie devant s’adapter pour fournir le résultat attendu avec une apparence la plus scientifique possible. On en rencontre plein, qui viennent de tous les bords politiques, mais où certaines officines bien ancrées à gauche excellent.

Nos deux économistes posent le principe qu’il y a deux étapes dans la fabrication d’une étude, la première (la plus importante) étant de poser les conventions. Il faut bien, en effet, définir l’objet que l’on entend mesurer, et la réalité étant complexe, il est indispensable de choisir un angle. Ils soulignent bien que cette étape est politique, et que c’est ensuite seulement, lorsqu’il s’agit de mesurer, que la science intervient. Mais à la base, il y a le choix politique de définir ce qu’on mesure, et bien trop souvent (voire quasiment jamais) ce choix politique de départ n’est pas questionné, voire complètement laissé de coté. Les journalistes qui relaient ces « études », soit par fainéantise ou par complicité idéologique, zappent complètement cet aspect et ne font que reprendre les conclusions.

Les deux économistes appliquent leur méthode à cette étude, affirmant que les deux tiers des GES sont dus aux 10% les plus riches, et regardent quelle base a été choisie. Ils découvrent que la méthodologie employée diffère de celle qui est utilisée habituellement, appelée « empreinte carbone ». Cela rend d’emblée certaines comparaisons peu pertinentes. Elle est également questionnable, car les « 10% les plus riches » sont une catégorie abstraite, regroupant autour de 800 millions de personnes, aux situations très différentes, et donc au « comportement climat » très divers. Autant de remarques utiles, pour bien comprendre l’intérêt et les limites de cette étude. On en voit clairement les limites, et surtout les intentions.

Un débat public de qualité implique ce travail de décryptage, qui trop souvent, n’est pas fait. Encore un rôle que les médias ne prennent pas suffisamment à cœur, alors que cela devrait être au centre de leur activité, et justifierait qu’on paie pour cela.

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L’étau se desserre un peu pour Philippe

Le week-end a été marqué par deux évènements politiques qui redonnent un peu d’oxygène au bloc central, et un peu d’espoir à Édouard Philippe. La poutre a encore un peu bougé, dirait-il !

Le premier est le score, très décevant du candidat RN sortant, au premier tour de l’élection législative partielle en Saône-et-Loire. Avec seulement 31%, et pas de réserve de voix, il est en très mauvaise posture face au candidat LR, qui a obtenu 25%, et le soutien de tous les autres candidats éliminés. A gauche, le candidat soutenu par le PS local fait 17%, quand la candidate LFI n’en fait que 8%. Cette dernière était au second tour, en 2024, avec l’étiquette NFP. Ces résultats confirment ceux des précédentes législatives partielles. Un RN qui reste haut au premier tour, mais n’est plus en mesure de gagner s’il est en duel, et LFI qui s’effondre, avec une gauche modérée qui fait le double. Une gauche est éclatée, et surtout, n’est pas en capacité d’accéder au second tour, ou se fait exploser quand elle y est, par le candidat du bloc central.

Le second est l’élection de Bruno Retailleau à la présidence de LR, avec un score sans appel de 75%. C’est d’abord le choix d’une personnalité expérimentée et fiable, qui incarne le choix de la participation loyale de LR à l’exercice du pouvoir. LR est désormais pleinement dans le bloc central, et y restera aux prochaines échéances électorales, avec cette fois-ci un accord pré-électoral en bonne et due forme. Il n’y aura pas de blague à la Ciotti (ce qui aurait été possible avec Wauquiez). C’est aussi une bonne nouvelle pour Édouard Philippe, car il a pas mal d’atomes crochus avec Retailleau. En politique, c’est important que le courant passe bien entre les leaders. Cela évite bien des bévues et des échecs. En plus, quoi qu’il en dise, Bruno Retailleau (64 ans) n’a pas la stature d’être candidat à la présidentielle, mais ferait un bon premier ministre d’un bloc central qui remporte les prochaines échéances électorales. La distribution des rôles pourrait se faire assez naturellement dans le tandem.

On va probablement voir émerger un tandem Philippe-Retailleau, qui va prendre de plus en plus d’espace dans le bloc central. La seule personnalité qui pourrait prétendre jouer un rôle de premier plan, Gabriel Attal, se retrouve cornérisé. Malgré une bonne position dans les sondages, il a plusieurs handicaps. En effet, un axe Attal-Retailleau est improbable, tant ces deux leaders sont différents, sur le plan du parcours, des idées, des personnalités. Autre handicap, Attal, même s’il a pris le parti Renaissance, est en retard dans la structuration de ses équipes (Borne n’a pas fini de le pourrir), de son programme et il incarne la continuité avec l’héritage d’Emmanuel Macron. Ses chances de trouver des alliés sur sa gauche est faible, car l’espace politique est occupé par Glucksmann, et son seul allié, le Modem, est d’une fiabilité incertaine et finira par aller à la soupe en ralliant l’axe Philippe-Retailleau.

Le terrain politique qui se dessine progressivement amène à un deuxième tour avec Édouard Philippe contre le candidat du RN (Le Pen et Bardella sont interchangeables), avec une possible victoire du premier, le RN étant fort au premier tour, mais moins en capacité de rassembler au second tour (le barrage républicain fonctionnera toujours un peu). Pour la gauche, c’est la pire hypothèse, car la crainte du RN est devenu son seul ciment. On peut penser qu’une fois les municipales passées, on aura une spectaculaire explosion en vol de l’union de la gauche, surtout si LFI persiste à mettre en avant Mélenchon.

Même si d’ici 2027, il peut se passer beaucoup de choses imprévues, c’est le chemin qui me semble se dessiner.

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Stérin teste la démocratie parlementaire

Le milliardaire Pierre-Edouard Stérin a trouvé un autre moyen pour tenter de déstabiliser la démocratie parlementaire, en testant les limites de la capacité des députés à lui imposer de venir devant une commission d’enquête. Un bras-de-fer où l’enjeu est bien plus important que de simplement faire venir un milliardaire dans la salle Lamartine de l’Assemblée nationale.

La commission d’enquête sur l’organisation des élections en France, en cours à l’Assemblée nationale, a souhaiter l’auditionner, sur l’impact du « projet Périclès ». Cette initiative, financée sur sa fortune personnelle, vise à favoriser les initiatives militantes d’extrême-droite, qui contestent la démocratie libérale, et veulent l’affaiblir, voire la détruire. Il est donc logique et légitime pour les députés, de s’interroger sur l’impact qu’il peut avoir sur l’organisation et le déroulement des élections en France.

Depuis le départ, Pierre-Edouard Stérin joue au chat et à la souris avec les responsables de la commission d’enquête. Il commence par faire la sourde oreille aux demandes d’auditions, puis annule à la dernière minute, une première fois, puis une deuxième fois, avec un prétexte qui relève du foutage de gueule XXL. Il aurait reçu des menaces de mort, et craint donc pour sa sécurité, faisant comme si le Palais-Bourbon était un lieu dénué de toute mesure de sécurité.

L’enjeu maintenant n’est plus tellement ce que pourrait raconter Pierre-Edouard Stérin. Le directeur du projet Périclès ayant déjà été auditionné, les informations ont été données, et Stérin n’en dira pas plus sur le fond. Ce qui compte maintenant, c’est qu’il soit contraint de venir, et donc de respecter les règles de la démocratie parlementaire et la loi. Ce qu’il recherche est une victoire symbolique, où l’Assemblée subirait une humiliation, en ne parvenant pas à l’auditionner sous serment.

Cela prend une toute autre ampleur quand, dans le même temps, on apprend qu’Alexis Kohler a pu sécher, en toute impunité, une audition devant une commission d’enquête. Après son refus de venir devant la commission des Finances de l’Assemblée, qui enquêtait sur le dérapage des finances publiques, le président LFI de la commission, Eric Coquerel, a signalé le refus au parquet… qui a donné raison à Kohler !

Si Stérin veut s’amuser à obliger les députés à faire un signalement au parquet, pour son refus d’être auditionné, ça va être un beau cirque. Je sais que les contorsions sont toujours possibles, et que la solution Kohler ne sera pas la solution Stérin, mais dans tous les cas, Stérin est gagnant.

Si les députés ou la procureure finissent par renoncer à l’auditionner ou à le poursuivre, c’est la victoire totale. La crédibilité de l’institution parlementaire, et donc son pouvoir d’enquête, seront sérieusement écornés. Qui aura envie, s’il peut y échapper, d’aller passer un mauvais moment, à se faire cuisiner en direct sur LCP ? Je ne pense pas qu’on en arrivera là,

Si la procureure se déjuge et lance les poursuites, Stérin aura beau jeu de dénoncer le « deux poids, deux mesures » par rapport à l’ancien secrétaire général de l’Elysée. Succès médiatique garanti. Cela amènera Stérin devant un tribunal correctionnel, avec un procès public, qui sera hautement médiatisé, et donc un deuxième tour de manège et une belle tribune pour taper sur la démocratie parlementaire, dénonçant un « procès politique », entrainant l’institution judiciaire dans la danse. Là encore, palme du martyr garantie, pour une sanction limitée. Il n’aura sans doute pas de peine de prison, et le montant maximal de l’amende est ici de 7500 euros. Vraiment pas cher payé pour une si belle opération de comm’. Au passage, cela créera une jurisprudence sur ce sujet, va donc rigidifier un processus jusqu’ici très souple, comme le montrent les tentatives de conciliations du président de la commission d’enquête parlementaire, qui s’est montré plus qu’accommodant sur la date de l’audition.

C’est dans ces moments qu’on se rend compte que la démocratie libérale est plus fragile qu’on ne le pense. Les sanctions en cas de manquement existent sur le papier. Mais elle ne sont pas si évidentes à mettre en oeuvre, surtout face à ceux qui sont dans la provocation, et cherchent les bornes, pour les franchir, et qu’ensuite, il n’y ait plus de limites.

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Les malfaçons législatives dans toute leur splendeur

Les députés ont examiné, lundi 5 mai, une proposition de loi qui est emblématique de la vacuité de l’activité parlementaire. Un neutron législatif à l’état chimiquement pur !

Cette proposition de loi issue du groupe EPR vise à renforcer le parcours des élèves en situation de handicap. Le coeur du texte est de créer un livret numérique destiné au partage d’informations entre enseignants suivant les élèves en situation de handicap. Sujet tout à fait honorable, mais un peu « de niche » et comme bien souvent, dans le domaine de l’éducation, le contenu en est purement règlementaire. Un décret aurait largement suffit (ce qui aurait permis de demander l’avis de la Cnil).

Mais les parlementaires voulant s’exprimer sur tout, ils ont trouvé le moyen de déposer 74 amendements en commission et 75 en séance (avec le lot habituel d’irrecevables). A l’arrivée, 14 articles, dont certains très bavards, descendant très bas dans l’infrarèglementaire, et 6 articles de demandes de rapports. Le gouvernement n’a pas été en reste, déposant des amendements creux et bavards. Au passage, la ministre en profite pour faire voter la généralisation d’une expérimentation qui a débuté à la rentrée 2024, et n’a donc pas pu faire l’objet de la moindre évaluation. Bref, un cauchemar légistique.

Les députés ont cramé une séance entière sur cette PPL, et pendant ce temps, le gouvernement cherche désespérément des créneaux, pour faire discuter un projet de loi de simplification qui traine depuis un an. La mise en abîme est éloquente.

Cela doit vraiment amener à s’interroger sur l’organisation du travail des assemblées. Il faut en finir avec une organisation complètement obsolète de répartition du temps et revoir les outils. Le but d’un parlementaire est de débattre de sujets politiques, de contrôler l’action du gouvernement et d’écrire la loi. Chaque fonction devrait se faire indépendamment de l’autre, sans instrumentalisation d’un outil, par détournement de sa fonction. Malheureusement, l’outil d’écriture de la loi est trop souvent détourné, pour faire de la politique. Il est nécessaire de trouver d’autres manières, pour que les députés puissent continuer à avoir leurs pastilles vidéos pour réseaux sociaux, sans parasiter l’écriture du droit. L’organisation de « débats » qui ne sont qu’une succession de monologues, lors des semaines de contrôle, n’a pas montré une grande efficacité, que ce soit pour le contrôle de l’action du gouvernement ou l’expression politique. L’examen de résolution (sans portée législative) est une piste plus intéressante, et devrait être davantage creusée.

Sur l’organisation du temps, il y aurait plein de choses à faire. Certains sont déjà mises en œuvre, sans le dire, comme le phagocytage des semaines de contrôle. Pas plus tard qu’en début de mois, l’essentiel d’une semaine de contrôle a été consacrée à un projet de loi (celui sur la simplification). Il faudrait aussi s’attaquer à l’organisation des prises de parole en séance, en cassant le lien mécanique entre amendement et prise de parole. Tout député qui dépose un amendement à droit à deux minutes, quelque soit l’intérêt de sa proposition. C’est véritablement pousse-au-crime sur l’inflation des amendements, et surtout, ça déstructure le débat, certains prenant la parole pour répéter ce que vient de dire son voisin, juste pour ce que soit lui qui le dise, et produire sa capsule vidéo pour les réseaux sociaux.

Il faut également assumer davantage que le travail législatif est structuré par les groupes. Si le dépôt d’amendement en commission peut rester individuel, il faudrait que seuls les groupes politiques, ou un nombre substantiel de députés (au moins 15) puissent le faire en séance, avec des prises de parole structurées, dans un ordre prévu à l’avance. La répartition du travail existe déjà, entre une commission qui écrit le texte législatif et une séance qui est le théâtre où sont mises en scène les postures politiques. Autant aller au bout de la logique, cela fera gagner du temps à tout le monde, rendra les débats politiquement plus lisibles, et on polluera moins les textes législatifs avec les scories que sont les amendements sémantiques et les demandes de rapports.

Pour l’instant, cela reste théorique, car il n’y a pas de majorité à l’Assemblée pour revoir en profondeur le fonctionnement de la machinerie législative. Mais à terme, il faudra bien y arriver.

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Les agences survivront à Montchalin

Alors que les premières discussions autour du budget 2026 débutent, la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, s’est offert une annonce-choc dans le Parisien. L’Etat va inscrire, d’ici la fin de l’année, notamment dans le budget, la suppression et la fusion d’un tiers des agences et opérateurs de l’Etat.

Cette annonce est irréalisable, car il faudrait pour cela modifier un nombre important de lois, donc passer par une assemblée nationale où le gouvernement ne contrôle pas grand chose.

Il existe effectivement un débat en ce moment (avec une commission d’enquête au Sénat) sur le développement, que certains jugent anarchique et problématique, des agences et opérateurs de l’Etat. On parle ici de structures relevant du droit public, qui disposent d’une autonomie juridique, afin de mener à bien des missions publiques, relevant clairement de la sphère de compétence de l’Etat. Il y en a de toutes les tailles, certaines ayant des centaines de salariés et plusieurs centaines de millions d’euros de budget, d’autres n’ayant qu’une taille réduite et une fonction très ciblée.

Le choix de passer par ce mécanisme présente des avantages. Il permet, par l’autonomie juridique, d’avoir une chaine de décision claire et efficace. La structure connait ses missions (en général ciblées) et a un patron identifié (son président ou son directeur général), ce qui facilite la réactivité et la responsabilisation. Cela permet aussi, via un conseil d’administration, d’associer plus ou moins des « parties prenantes » non étatiques (collectivités locales, ONG, syndicats…) à la définition des objectifs et à l’évaluation de l’action du « patron ». C’est par exemple le cas de l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) chargée d’animer l’aménagement du territoire (comprenez « du fin fond de la province ») dont le conseil d’administration comprend beaucoup d’élus locaux. Autre exemple, celui de l’Agence nationale des fréquences, qui regroupe dans son conseil d’administration toutes les catégories de bénéficiaires de ces fréquences hertziennes (Télécoms, militaires, audiovisuel…). A chaque fois, bien évidemment, il y a des représentants de l’Etat au sein du conseil d’administration, et le « patron » est désigné par le gouvernement. Pour les plus importantes, cette nomination passe souvent par une audition devant le Parlement.

Vouloir, par principe, fusionner et couper est une mission impossible. Toute structure qui a une autonomie va lutter pour sa survie, à moins que ceux qui la dirigent estiment que fusionner est dans l’intérêt de la mission qu’ils accomplissent (et accessoirement de leur intérêt). Autant vous dire que tuer une structure administrative qui se débat, c’est très très compliqué, et quand cela fonctionne, c’est surtout une prédation, l’absorption d’un opérateur par une agence plus grosse (comme la fusion du CSA et de l’Hadopi).

La communication gouvernementale est un peu en difficulté, car en ce moment même, un projet de loi (sur la simplification) tente de supprimer des comités consultatifs. Les députés ont passé presque trois jours sur l’article 1er de ce texte, qui concerne quelques petites commissions, pour des résultats qui s’annoncent très maigres, le gouvernement étant le premier à s’opposer à nombre de demandes de suppression. C’est donc assez paradoxal, après avec défendu en avril la survie d’un certain nombre d’opérateurs et d’agences, d’annoncer en mai des fusions et suppressions autoritaires.

Ces tentatives de fusions et de suppressions ne vont pas générer beaucoup d’économies. Certaines agences, comme l’Ademe (mais c’est le cas de beaucoup d’opérateurs) ont des budgets de fonctionnement assez modestes, et ne font finalement qu’attribuer des subventions ou piloter des politiques publiques qui ont vocation à être maintenues. On prend le risque de déstabiliser la mise en œuvre de nombre de politiques publiques, en mettant la pagaille dans les organismes qui en sont chargées. Au lieu de faire des économies, on va surtout perdre de l’argent dans des fusions administratives infernales, qui vont absorber toute l’énergie des dirigeants.

L’enjeu réel, pointé par les sénateurs dans leur commission d’enquête, n’est pas financier mais politique. Ce développement des agences et opérateurs, en accordant de l’autonomie aux structures, fait perdre du pouvoir aux administrations centrales, et donc aux ministres qui les dirigent. Si tous ces opérateurs ont des représentants de l’Etat au sein des conseils d’administrations, et que les « patrons » sont souvent issus du monde politique ou de la haute administration, ils obéissent beaucoup moins « au doigt et à l’œil » qu’un directeur d’administration centrale, qu’on peut virer sans difficulté, en conseil des ministres. Cela énerve beaucoup la droite sénatoriale, pas toujours très « écolo-friendly » de découvrir, sans pouvoir rien y faire, les initiatives très « écolo-friendly » de l’Ademe, l’agence de la transition écologique de l’Etat.

La laisse est devenue trop longue et trop lâche, et l’objectif, pour certains, est clairement de la raccourcir. Les économies ne sont qu’un prétexte, et les annonces d’Amélie de Montchalin ressemblent un peu à ce que fait Trump en ce moment. Après avoir annoncé des horreurs maximalistes, parfaitement contreproductives, mais qui sèment l’effroi, on s’assoit à la table des négociations, en espérant gratter un peu sur les véritables objectifs. Pour le gouvernement français, le budget est le seul levier véritablement efficace, pour contraindre les agences à lâcher du lest et à « dealer ». Encore faut-il qu’Amélie de Montchalin soit toujours ministre au moment où vont s’ouvrir les négociations, cet automne. Rien n’est moins sur…

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Existe-t-il un traitement inéquitable des musulmans en France ?

Le débat public évoque souvent les différences de traitements et discriminations que subiraient certaines minorités ethnico-religieuses (notamment les musulmans), de la part des autorités publiques. Un cas récent et très concret permet de documenter la réalité de ces discriminations, et devrait nous interpeller et amener à une sérieuse introspection.

Le tribunal administratif de Lille vient d’annuler la décision du préfet du Nord de résilier le contrat d’association du collège-lycée confessionnel Averroès, de Lille. Il s’agissait du seul établissement d’enseignement secondaire musulman à bénéficier d’un contrat d’association avec l’Etat.

La lecture du jugement est édifiante, et devraient provoquer un sentiment de honte, au moins à la préfecture du Nord, mais aussi chez tous les défenseurs des Libertés. Non seulement le dossier présenté par la préfecture était largement vide, mais en plus, la procédure était entachée d’au moins deux vices de forme substantiels, ayant porté atteinte aux droits à la défense. Dans le jugement, on découvre également que cet établissement avait pourtant fait l’objet d’un grand nombre d’inspections, ce qui en faisait « l’établissement le plus inspecté de l’académie ».

On a donc un établissement qui semble avoir un fonctionnement pédagogique correct (sinon, les nombreux inspecteurs qui y sont passés auraient remarqué quelque chose). Chose rare, la chambre régionale des comptes s’est également penchée sur la gestion financière et n’a noté aucune malversation ou source de financement illicite. Elle a juste signalé que les procédures de gestion étaient perfectibles, avec quelques bricoles administratives sans gravité. Le principal souci est modèle économique, devenu trop fragile du fait du fort développement de l’établissement et du tarissement des financements venus de l’étranger. Le rapport a également un peu tiqué sur le cours de « catéchisme » musulman (donc hors champ de la gestion financière), appelant juste à des clarifications, sans mise en cause explicite. Bref, rien de bien différent d’un rapport qui aurait pu être fait dans un établissement catholique.Si la fragilité financière était une cause de retrait du contrat d’association, un certain nombre d’établissements catholiques auraient du souci à se faire.

Pourtant, Le lycée Averroès s’est fait saquer, alors que Notre-Dame de Betharram, lieu de violences éducatives et sexuelles systémiques, n’a jamais été inquiété jusqu’à il y a peu de temps, ni sur son fonctionnement pédagogique, et encore moins sur son contrat d’association. Pourtant, il y aurait eu bien plus de choses problématiques à trouver dans ce lycée bourgeois (mais catholique) que dans le seul lycée musulman de France.

Des exemples comme celui-ci prouvent incontestablement qu’il y a un problème systémique, tant la différence de traitement par les autorités publiques est énorme et en défaveur de l’établissement musulman. Cela mériterait un débat de fond, sur ce qui est une atteinte grave à nos valeurs, celles des droits de l’homme, qu’on prétend porter fièrement en bandoulière…