La « droite classique », celle qui se situe dans l’espace politique entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, avait un coup à jouer pour la présidentielle de 2022. Elle avait le potentiel électoral suffisant pour avoir une chance de se glisser au second tour. Par son incapacité à choisir son candidat, elle est train de laisser passer sa chance.
Le drame de LR s’est joué en plusieurs actes, et tient d’une incapacité à poser le débat du candidat à la présidentielle suffisamment tôt et clairement.
La saignée effectuée par Emmanuel Macron depuis 2017, n’est pas nécessairement un problème. Même si nombre d’élus et de ténors sont partis en Macronie, à la suite d’Edouard Philippe, il reste encore assez de militants et d’élus pour que LR soit viable et puisse s’en remettre (le PS est tombé bien plus bas). Ce qui a plombé LR, c’est la chute de Laurent Wauquiez, et l’incapacité de trouver un leader de remplacement, au point d’installer à la présidence une sorte de gérant de transition, en la personne de Christian Jacob. Les méchantes langues le comparent à Leonid Brejnev, avec une forme de « glaciation » de LR, que l’on met au congélateur, pour le retrouver (espère-t-on) intact quand un nouveau leader prendra le manche.
En politique, cela ne fonctionne pas comme ça, surtout à droite. Le président du parti est le candidat naturel, et l’élection à la tête de LR tient lieu de primaire. Une fois aux manettes, le patron du parti a les moyens de tout verrouiller. Or, Christian Jacob a clairement indiqué dès le départ qu’il n’a pas vocation à être candidat en 2022. Il n’en a ni l’étoffe, ni l’envie, et a suffisamment les pieds sur terre pour pas prendre le melon. Mais c’est une occasion manquée de trancher le débat.
La deuxième erreur a été de croire qu’un candidat pouvait, « naturellement » prendre le leadership et mettre tout le monde d’accord. Cela peut fonctionner, quand il y a effectivement un « gros potentiel » que tout le monde voit venir mais qui a encore besoin d’un peu de temps pour flinguer ses rivaux (façon Sarkozy en 2002). Or, depuis 2017, on a beau regarder l’horizon à droite, rien de tel en vue. On a bien quelques grands élus, anciens ministres, qui pourraient prétendre au poste. Sauf qu’aucun ne sort du lot, car tous ont des faiblesses, et donc « ne cochent pas toutes les cases ».
Christian Jacob a bien tenté de pousser François Baroin, qui aurait pu, en s’y prenant bien, arriver à rallier suffisamment de monde autour de lui pour dissuader ses rivaux d’y aller. Il avait l’appareil LR avec lui, mais a finalement décidé de ne pas y aller. La voie est donc ouverte à des rivaux à quasi égalité, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse. Les deux sont présidents de région depuis 2015, se situent dans l’entre-deux entre LR et la macronie, incarnant un centre-droit un peu mou et sans grand charisme. Bref, des candidats potables, mais qui ne font pas rêver, et ne produiront certainement pas du disruptif.
La troisième erreur est de ne pas avoir définit assez clairement les modalités de désignation du candidat. On y est globalement arrivé, avec le choix, au final, d’un scrutin fermé réservé aux militants LR. Mais ce fut long, laborieux, et surtout, cela arrive bien tard. Les candidats se sont déjà déclarés, les écuries se sont formées, et plus on va avancer dans la campagne, plus les rancœurs et rivalités vont grossir entre les équipes. Comme en 2016-2017, celui qui sortira vainqueur de la primaire ne pourra compter que ses propres forces. Ses rivaux viendront, au mieux, faire la claque au premier rang dans les meetings, mais pas plus. Et une partie de leurs électeurs potentiels partiront, dès le premier tour, chez Emmanuel Macron ou Marine Le Pen.
La droite est donc dans l’impasse, avec trois candidats crédibles, mais pas follement enthousiasmants non plus (Bertrand, Pécresse, Barnier). Aucun n’est en mesure de l’emporter à la présidentielle avec ses seules forces. Déjà qu’une droite unie aurait eu du mal, là, c’est mort. Quelque soit le candidat qui sort du congrès LR le 4 décembre (et cela risque fort d’être Michel Barnier), il fera au mieux 15%. Trop juste pour espérer passer devant Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui ont le potentiel de faire davantage, et donc d’être qualifié au second tour, contre un Emmanuel Macron, qui fera entre 20 et 25%, et qui a donc de bonne chances d’être réélu.