Il a fallu moins d’une semaine pour que Pap Ndiaye, qui a quitté (apparemment contre son gré) le ministère de l’éducation nationale, soit recasé. Il vient d’être nommé ambassadeur de la France auprès du conseil de l’Europe à Strasbourg.
La question ici n’est pas tellement les capacités de Monsieur Ndiaye à occuper ce poste. Je n’ai pas les éléments pour juger, et on peut penser, vu sa carrière et son passé académique, qu’il n’est pas totalement incompétent, ni ignorant des questions relatives aux droits humains. En droit administratif, on dirait qu’il n’y a pas « erreur manifeste d’appréciation ». De là à dire qu’il est parfaitement calibré pour le poste…
Le vrai sujet politique, c’est la rapidité du recasage, et l’absence de réçit autour de cette nomination, qui me fait tiquer. En cette période de défiance généralisée envers la classe politique, c’est au mieux imprudent, au pire, une erreur politique. L’image, déjà ancienne, de collusion généralisée et d’entre-soi des élites, est en plein boom, faut-il lui donner une nouvelle incarnation, qui ne manquera pas de ravir les milieux complotistes et populistes ? On voudrait le faire, on ne ferait pas mieux !
La question pourrait même être élargie : faut-il recaser les anciens ministres ? Il y a quelques années, j’aurais répondu « oui » sans trop d’hésitation. Pourquoi refuser de puiser dans un vivier de personnes compétentes, formées, disponibles pour le service de l’Etat ? Un ancien ministre des Finances (ou un ancien parlementaire) aurait des choses à apporter à la Cour des Comptes ou à une inspection générale de ministère. Un ancien ministre, a souvent une expérience de haut niveau de l’exercice du pouvoir (par exemple de l’échelon européen) qui peut être mise à profit de l’intérêt général.
Aujourd’hui, je suis plus dubitatif, ou je serais plus prudent. Il est toujours utile de recycler des personnalités compétentes qui peuvent encore servir, mais cela ne peut plus se faire dans la tranquillité des antichambres ministérielles et l’ambiance feutrée du conseil des ministres. Il faut expliquer et justifier. Ce n’est plus possible autrement, et même en expliquant, ce n’est pas certain que ça passe. Le discrétionnaire (réel ou perçu) n’est plus acceptable pour les nominations.
Le pouvoir macronien est passé d’une promesse de rupture, à une continuité dans les pratiques qu’il contestaient avant de prendre le pouvoir. C’est désastreux pour la crédibilité, de ce gouvernement, mais également (et c’est plus grave) des institutions. Le pire, c’est que ce n’est pas le premier loupé de Macron sur ce sujet.
Pap Ndiaye est peut-être un bon choix pour le poste d’ambassadeur de la France auprès du conseil de l’Europe. Mais cela ne va pas de soi, demande un peu d’explications, et surtout, de respecter un délai de décence.
5 réponses sur « Faut-il recaser aussi vite les ministres virés ? »
Je disconviens franchement avec ce billet.
Tout d’abord, je ne comprends pas cette histoire de « délai de décence ». Faut-il attendre 2 mois ? 6 mois ? Laisser un poste vacant le temps ça n’intéresse plus les journalistes ? Je ne vois pas en quoi il serait plus démocratique de passer une nomination en douce dans 6 mois, sous prétexte que ça va froisser les complotistes.
D’autre part, il me paraît naïf de penser que si on nomme Marlène Schiappa ambassadeur à Monaco dans un an, l’opinion l’acceptera davantage. Soit une personne est qualifiée pour un poste soit elle ne l’est pas, et ce débat est sain et ne doit pas être escamoté.
Dernière observation : dire simultanément que les anciens ministres ne doivent pas se recaser dans le privé (parce que conflits d’intérêt et pantouflage) mais pas non plus dans le public (parce que connivence), ça commence à faire beaucoup ! Or, il est déjà évident qu’on a un appauvrissement massif de la qualité des membres de gouvernement, surtout quand la majorité est fragile.
Moins d’une semaine entre le départ du gouvernement et la nomination à un nouveau poste, c’est bien trop court. Cela peut donner l’impression que cela a été préparé en amont (donc résultat d’un marchandage politique) ou alors décidé à la dernière minute, sur un coin de table, ce qui n’est pas non plus de la bonne gestion.
Excellent commentaire, que j’approuve. Et pourtant je suis loin de chérir la Macronie.
Vous avez néanmoins oublié un troisième option pour les ministres : si on exclut le recasage public et le recasage privé, il reste la gérontocratie sauce algérienne, celle où le shauts dignitaires ne partent que pour la retraite et/ou on ne peut nommer pour un mandat d’horizon moyen (5 ans, ce n’est pas une carrière) que des gens au seuil de la retraite.
Compétence peut être, pertinence c’est moins sûr. Le Conseil de l’Europe est une des enceintes de l’offensive anglo-saxonne contre la viens française de la laïcité, de l’intégration etc. Peut être que Pap Ndiaye, ancien penseur de cette tradition anglo saxonne sera le mieux placé pour la contrer et défendre la vision française. Ou pas. Exilé à Strasbourg avec un devoir de réserve il devrait pas gêner Macron, mais était ce le meilleur choix pour cette sinécure ?
Après, la question du recasage n’est pas seulement celle des ministres mais aussi des hauts fonctionnaires. Marie Lajus, ancienne commissaire de police puis préfète rappelée d’Indre et Loir vient d’être nommée à la cour des comptes. Jérôme Salomon est au conseil d’état si je ne m’abuse. Le recalage est une grande tradition française. C’est peut être mieux quand il y a 3-6 mois de placard intermediaure pour les fonctionnaires, et de chômage indemnisé pour les ministres, comme cooling off, mais même Giscard est retourné à l’IGF quand de Gaulle l’a chassé du ministère des finances en 1966
+1 sur la pertinence,après avoir mis un communautariste à l’éducation nationale,on le transfert au conseil de l’Europe. Ce qui est sûr c’est qu’il n’a pas changé d’idées.