A la suite de la chute du gouvernement Barnier, François Bayrou est chargé de former un gouvernement dont la stabilité ne repose pas sur la bonne volonté du RN. Mais il ne peut le faire qu’en se reposant sur la bonne volonté du PS. Pas sur que ça fonctionne.
Pour que cela réussisse, il faut que le PS (voire les écologistes) jouent le jeu. Pour le moment, ils se positionnent sur le minimum : ils restent dans l’opposition, donc pas de participation au gouvernement, avec juste un engagement de non censure du gouvernement s’il n’utilise pas l’article 49.3. Pour le reste, c’est des accords texte par texte, « avec paiement comptant, au cul du camion ».
Tout cela va donner un beau bazar, car en privant le gouvernement de la possibilité de passer en force, on le met à la merci des scrutins à l’Assemblée. On a bien vu, cet automne, dès qu’un sujet est un peu clivant, rien de cohérent ne peut sortir de l’hémicycle du Palais-Bourbon et ça se termine par un rejet. Disposer du Sénat permet de réécrire quelque chose qui tienne la route, mais reste à le faire passer à l’Assemblée, qui a le dernier mot. L’échec retentissant sur le PLFSS illustre bien l’impasse dans laquelle se trouve le gouvernement. Et la gauche le sait parfaitement.
François Bayrou va se retrouver pris dans des lignes rouges de partout, notamment sur les textes financiers, qui vont l’amener à ne pouvoir faire passer que les choses consensuelles, ou les plus petits dénominateurs communs. Sur la loi de Finances, tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut que la France continue à fonctionner, donc la loi spéciale sera votée. Mais derrière, seront-ils capables de se mettre d’accord sur une loi de finances ? J’ai de gros doutes, on pourrait rester longtemps, cette année, en mode « provisoire qui dure » avec plein de dysfonctionnements administratifs, et de dégâts dans le tissu associatif, social et économique. Ce serait absolument dramatique pour le pays.
Cette censure du gouvernement Barnier, et les prises de position qui ont suivi montrent clairement que les différents chefs de partis ne pensent qu’à leur carrière, à l’élection prochaine, dans le cadre mental et culturel qu’ils connaissent. Ils estiment toujours être dans une parenthèse institutionnelle qu’il faut refermer au plus vite en revenant aux urnes pour qu’une majorité absolue se dégage. Même si, pour cela, il faut sacrifier le présent. Le déficit et la dette laissent la classe politique largement indifférente, ce que chacun demande, ce sont des trophées qu’il puisse valoriser auprès des segments électoraux qu’il vise. Peu importe le coût, financier, mais également politique. Entre Marine Le Pen qui se veut la madone protectrice des intérêts pécuniaires des couches populaires, et LFI qui ne parle que du totem de l’abolition de la « réforme des retraites », leur absence de hauteur de vue m’affole.
Personne ne semble donc vouloir négocier réellement pour mettre en place un contrat de gouvernement, pour l’intérêt supérieur du pays. Ce n’est pas l’arrivée de François Bayrou, avec la même assise politique que Michel Barnier, qui va y changer quoi que ce soit.
La France est donc partie pour six mois (au moins) de chaos politique, où le gouvernement peut tomber à tout moment, sur un caprice du PS, ou parce que son intérêt politique est de ne pas rompre avec LFI (les municipales approchent…). Impossible de se projeter, les engagements ministériels ne valant que tant que le gouvernement est en place. Et comme on ne sait pas combien de temps il va rester, on arrête de faire des plans. En matière économique, il n’y a rien de pire que l’incertitude. Aucune loi, à part des bricoles sans intérêt et les urgences vitales, ne sera voté par le Parlement. Des réformes pourtant nécessaires attendront, ou ne seront traitées que trop tard, quand l’infection est déjà purulente, et on ne peut plus soigner.
Si aucune loi de finance n’est adoptée, le fonctionnement matériel de l’Etat se fera à la petite semaine, sur la base du budget de 2024 pour le fonctionnement courant, et à coup de lois ponctuelles pour les grosses urgences. C’est catastrophique dans un pays aussi centré sur l’appareil d’Etat que la France. Tout passe par lui, et s’il dysfonctionne, c’est le pays tout entier qui dysfonctionne.
On n’en sortira pas indemnes.
17 réponses sur « L’impossible équation gouvernementale »
« une parenthèse institutionnelle qu’il faut refermer au plus vite en revenant aux urnes pour qu’une majorité absolue se dégage » Et si aux prochaines législatives on se retrouve plus ou moins dans la même situation (ce qui n’est pas improbable)…. ils ont prévu quoi ?
C’est trop loin pour eux…
En tout cas, l’Élysée n’est pas la solution, mais le problème.
Dans une démocratie parlementaire, les discussions se mèneraient entre chefs de partis ou de groupes parlementaires.
Rien n’interdit aux chefs de partis et de groupes parlementaires de mener des discussions. On peut d’ailleurs s’étonner à bon droit qu’ils n’aient pris aucune initiative autonome et qu’ils laissent Macron faire leur travail.
C’est parce que Macron doit d’abord nommer un premier ministre avant que l’assemblée ne puisse s’exprimer sur le gouvernement. Il le sait bien, et c’est pour ça qu’il fait traîner le plus longtemps possible, c’est toujours ça de gagner pour tenir jusqu’en 2027.
Il pourrait accepter de laisser l’Assemblée Nationale organiser elle-même un débat parlementaire sur la formation d’une coalition, mais il va toujours refuser ostensiblement cette possibilité et se contenter de n’inviter que les chefs de partis à l’Elysée. C’est tout un symbole sur la centralisation des institutions en France.
Donc la Nupes ou le NFP ne sont pas de vraies coalition vu qu’elles n’ont pas été créés par un débat parlementaire ?
La NUPES est une coalition dans le but de remporter les élections. Aujourd’hui, les élections sont passées, la NUPES n’ayant pas la majorité absolue, elle doit monter une coalition de gouvernement si elle veut exister.
Si l’Assemblée arrivait avec son gouvernement et ses exigences, Macron n’aurait d’autre choix que de s’y plier comme il a cédé face à Bayrou. Discuter avec lui et laisser la main à l’Elysée, c’est une perte de temps absolu. Il est une grosse partie du problème et pas la solution.
L’assemblée ne peut pas arriver avec son gouvernement car elle est composé de 3 camps qui ne s’entendent pas, ne veulent pas faire de concessions et gouverner ensemble. Tout le monde vise le jackpot ou rien.
LFI ne s’entend pas pas avec LREM qui s’entend pas avec RN. D’ailleurs RN ne n’entends pas avec LFI. Dit autrement personne n’a la majorité pour gouverner sans faire des concessions à un parti ancien opposant qui deviendrait un allié de circonstances. Hors, à priori personne ne veut faire de concessions à part je veux être calife à la place du calife. Il faut arrêter de nous faire croire que sans Macron; LFI arriverait à transformer les députés du centre, centre gauche et centre droit (je n’ose évoquer les anciens LR tellement ce serait encore plus facile pour les mélenchonniste) en maoiste de la première heure.
Si il y avait eu un accord de parti menant à une coalition, Maron aurait nommé un premier ministre de cette coalition. Il n’y en a pas.
[…] qui ont honte de se voir qualifier de proche de l’extrême gauche. Quand à Authueil il ne voit que “6 mois de chaos politique” […]
Bonjour. Je serais un peu moins pessimiste que vous. Du moins pour l’instant. Ce qui a coulé Barnier c’est la volonté de faire une politique de droite bien libérale basée sur le principe « les taxes pour la populace sont permanentes. les taxes pour les riches sont exceptionnelles ». Même l’aile libérale du PS ne pouvait accepter cela. Côté RN, la « politique Retailleau » était totalement dans leurs vues. Mais ils ont aussi pas mal de leurs électeurs qui auraient été touchés par la « rigueur Barnienne ». Et pour ces électeurs le coût de la vie est une préoccupation bien plus importante que l’immigration.
Bayrou a un vision un poil plus sociale que le LR. Même s’il va devoir composer, il peut mettre en place des mesures budgétaires et réformes, acceptables par le PS et le écolos. Et il pourrait même activer le 49-3 avec moins de risques que Barnier. Car, s’il obtient une certaine neutralité de la part du PS et des écolos, un motion de censure nécessiterait alors le vote des LR. Et sur le plan politique ce serait totalement suicidaire de leur part.
Or, cette neutralité du PS et des écolos est politiquement possible, y compris en vue des municipales. Car ils pourraient alors se présenter comme les partis qui essaient de continuer à faire fonctionner la machine étatique, ce qui inclut les municipalités. Quitte à rompre avec LFI qui deviendrait alors le « parti qui veut bloquer toutes les institutions, y compris locales ».
« une motion de censure nécessiterait alors le vote des LR. Et sur le plan politique ce serait totalement suicidaire de leur part. »
Vous leur faites confiance la dessus? Sérieusement ?
C’était AUSSI censé être suicidaire pour le FN. On voit ce que ça a donné !
Pourquoi LR, canard sans tête n’ayant aucune chance à la présidentielle, serait plus responsable qu’un parti qui lui a de vraies chances?
Ils n’hésiteront pas une minute à censurer dès que les responsables pensent que c’est dans leur intérêt !
Et vu comment leur parti n’a toujours pas pu se redresser en dix ans de Macronisme, la pertinence de leurs choix stratégiques est discutable!
Il faut arrêter de dire n’importe quoi: Barnier n’a jamais eu une politique libérale, et la taxation à tout crin, des riches comme des pauvres, n’a rien de libéral. Il n’y a d’ailleurs aucune personnalité politique réellement libérale en France, on n’a que des politiques qui sont étatistes à des degrés divers
Et à la fin, le sentiment de dégagisme risque d’être plus puissant que le sentiment de raison garder. Finalement c’est assez logique, dans un contexte difficile comme on y est depuis des années, les oppositions montent et doivent reprendre le pouvoir. Macron a été réélu en 2022 parce que les autres n’étaient pas au niveau ou tristement caricaturaux. Sauf que l’opposition au centrisme c’est « l’extrême ». Sur un malentendu Ciotti fera une OPA sur JB en l’absence de la patronne, le RN n’est plus RN et hop barre à droite. Ca ne résoudra aucun des problèmes de la France, mais ça donnera l’impression qu’on fait quelque chose.
Et pour couronner le tout le nouveau premier ministre n’a rien de plus urgent à faire qu’à cumuler ses mandats de maire de Pau et de premier ministre.
Les palois seront ravis d’apprendre qu’ils conservent un si bon maire.
C’est à dire que lui aussi sait que tout peut s’arrêter encore plus vite …
A 73 ans, il vaut mieux.