Depuis le lancement de l’opération « refondation », avec comme point d’orgue la création du Conseil national de la Refondation (CNR), je reste perplexe devant ce nouvel objet politique. J’attends les annonces sur les axes de travail, les « points d’atterrissage » et je ne vois rien venir. Après plusieurs séquences et prises de parole, je reste toujours sur ma faim. Je ne comprends à quoi Emmanuel Macron veut en venir.
Ou alors, je crains, malheureusement, de comprendre qu’il se moque complètement de nous. Et là, ce serait extrêmement dangereux pour la démocratie.
Quand je lis les déclarations, je ne vois que des questions de méthodes, avec des vieilles recettes éculées, sur des enjeux du quotidien, des débats éclatés, avec une équipe de permanents de quelques personnes. Les groupes de parole, les plateformes de consultation, ça existe depuis bien longtemps, et ce ne sont que des outils. Ce qui importe, quand on mobilise des gens, c’est de leur indiquer le point d’arrivée et ce qui sera fait de leur travail. J’ai beau scruter, je ne vois strictement aucun débouché, aucune promesse de reprise. Il n’y a que des débats au niveau micro-local, animés par on ne sait qui, sur des problèmes connus et sur lesquels les élus et responsables planchent depuis déjà longtemps. On cherche depuis longtemps à résoudre la baisse du niveau scolaire ou les déserts médicaux. Je ne vois pas comment cette nouvelle « méthode » pourrait apporter des solutions et des moyens qui n’ont pas déjà été trouvés et expérimentés.
Lors du premier mandat, avec le Grand Débat et la Convention citoyenne pour le Climat, il y avait au moins une feuille de route, un point d’horizon et un engagement d’en tenir compte (même si rien ou presque n’a été tenu). Là, on n’a strictement rien, ce qui est profondément déroutant pour moi. Il est vrai qu’il est difficile de réaliser deux fois la même entourloupe, et que le bilan du premier mandat, sur ce sujet, ne donne pas beaucoup de marges de crédibilité au président.
De l’autre coté, je constate que l’hypercentralisation de la décision s’est encore accentuée. Après avoir servi pour le Covid, le conseil de défense est à nouveau détourné de son objet, pour être le lieu des décisions concernant la gestion de la crise énergétique. Les décisions fondamentales se prennent après des repas « de la majorité » où le nombre de convives s’est encore restreint. Les exemples sont nombreux de cet enfermement du pouvoir, que l’on voit davantage en fin de mandat. Tout cela s’ajuste mal à l’existence d’une majorité relative à l’Assemblée nationale, et d’une absence totale de majorité au Sénat, qui empêche le gouvernement de faire voter ce qu’il veut, sauf à passer en force ou à dealer des compromis boiteux avec LR, au cas par cas.
J’ai énormément de mal à voir en quoi une opération de « refondation » aussi creuse, pourrait créer les conditions politiques pour surmonter cet écart entre une volonté et un exercice aussi centralisé et solitaire du pouvoir, et l’absence de leviers techniques. J’ai peur que tout cela ne soit qu’un nuage de fumée, lancé par un pouvoir politique aux abois. Cela ne peut pas fonctionner, cela ne peut qu’aggraver la situation politique et l’exaspération des citoyens face à un pouvoir qui se révèle incapable de fixer un cap lisible.
11 réponses sur « Le vide sidéral de la « refondation » macronienne »
Euh.. faut relire les textes de loi sur les conseils de defense qui au final ne que des conseils de ministre restreint.Art.R. * 1122-1.-Le conseil de défense et de sécurité nationale définit les orientations en matière (.
coupe…) de sécurité économique et énergétique (etc….) cela date de…2009…. bref on ne va pas reprocher a un gouvernement de… gouverner. Jusqu’a preuve du contraire nous vivons dans une pays où il y a separation du legislatif et de l’executif.
Il est vrai que l’on etait pas habitue apres chirac, sarkozy et hollande a des presidents qui essayent de faire quelque chose au lieu de rester dans un immobilisme et de prendre leur cheque en fin de mois. Les reformes dont ce pays a besoin elles auraient du etre prise il y a 20 ans….
Merci, Marianne, de vous être donné tant de mal pour nous faire rire un peu.
@Gilles: de rien, ce fut un plaisir.
Un conseil de Défense, comme son nom l’indique, s’occupe d’affaires militaires. D’où une composition plus souple et une forme de secret du délibéré. Le souci, c’est que l’organe normal de décision de l’exécutif, c’est le conseil des ministres. Vouloir faire passer ailleurs, dans un organe discret et composé à la main du président, les décisions importantes, c’est du détournement de procédure.
Si après le mot « défense » il est rajouté un adjectif,genre « sanitaire » ou « écologique ». Hop derechef ce conseil n’a plus rien à voir avec la défense au sens habituel c’est à dire militaire et l’on peut durablement piloter le pays selon des principes et des finalités moins transparentes mais plus commodes pour une exécutif faible.
non. Rappel de la loi Art.R. * 1122-1. Un conseil de défense s’occupe de tout ce qui a trait à la sécurité de la nation. l’approvisionnement energétique en fait parti ( le terme exact dans la loi est « de sécurité économique et énergétique ») Je ne ne suis pas un pro macron mais l’anti-macronisme donne parfois plus l’impression de l’être pour le principe que pour le fond Sinon l’organe est tellement discret qu’il est annoncé et que tout le monde est au courant qu’il aura lieu… Bref
Le problème de l’extension du domaine Conseil de Défense ne porte pas sur sa date (si je suis bien renseigné, il se tient avant le Conseil des Ministres, ce qui n’était pas le cas sous De Gaulle où il avait lieu après quand il avait lieu (rarement), ce qui indiquait une prééminence de l’organe institutionnel) ou son annonce, mais sur son contenu qui est couvert par le secret Défense – ce qui n’est pas le cas du Conseil des Ministres pour lequel seules les informations couvertes préalablement par le secret défense ne doivent pas être légalement divulguées, pour le reste l’obligation de confidentialité est de nature purement morale.
Sur son machin « CNR » le président n’a peut-être pas compris qu’après les précédentes grandes consultations qui n’ont même pas accouché d’une souris, les citoyens déniaisés s’en moquaient du tiers comme du quart.
A condition toutefois qu’il n’en sorte pas encore des mesures et dispositions attentatoires aux libertés ou un retour aux pratiques anciennes comme le cumul des mandats qui semble flotter dans l’air.
« J’ai peur que tout cela ne soit qu’un nuage de fumée, lancé par un pouvoir politique aux abois. »
Je crains également que cela soit le cas. Je pense que le but est de tenir le temps du mandat en cours et après tant pis pour les conséquences.
Refonder les institutions, selon E. Macron, c’est maintenir un secrétaire général de l’Elysée mis en examen pour prise illégale d’intérêt à son poste.
Une république exemplaire qu’il disait.
Je suis d’accord avec vous, l’écart entre la population et E. Macron devient de plus en plus grand, ça n’augure rien de bon pour la démocratie. Il a perdu beaucoup de crédibilité après les différentes instances qu’il avait mis en place, en ne tenant quasiment pas compte de leurs recommendations, et donc au 3e organe consultatif annoncé à la va-vite, personne n’est intéressé pour participer car tout le monde suppose que ça va encore faire flop.
Il faudrait plus de transparence dans les décisions, plus d’implication de tous les acteurs de la société civile en prenant leurs recommendations en compte, mais je crains que nous allions dans la direction opposée.