Après Eric Coquerel, mis en cause pour agression sexuelle, c’est aujourd’hui Adrien Quatennens, et demain, possiblement Julien Bayou, qui se retrouvent au cœur d’une tempête, pour des faits de violence conjugale. Des affaires qui pourraient leur couter leur carrière, ou du moins, briser une ascension en cours.
C’est assez saisissant de voir à quel point le boomerang que cette frange de la gauche avait lancé contre l’éphémère ministre, Damien Abad, leur est revenu à la figure. Mais c’est tout sauf surprenant, car la violence (sexuelle ou pas) est omniprésente en politique. Attaquer ses adversaires sur cette base, c’est prendre le risque d’attirer les projecteurs sur un sujet où l’on n’est pas, soi-même, très clair (si ce n’est franchement pas beau à voir) et qui est de plus en plus sensible dans l’opinion.
Cela pose, plus globalement, le sujet de la violence, et de sa gestion, par les formations politiques. On entre là au cœur d’une problématique majeure de l’exercice du pouvoir, dont la conquête et l’exercice sont fondamentalement violents, car induisant des rapports de domination. Les progrès de la « civilisation » ont amené une amélioration dans les processus de dévolution (on n’exécute plus en place publique les chefs déchus) et dans l’exercice des fonctions. Mais cette gestion est moins évidente dans le cadre des formations politiques, où on coupe toujours (symboliquement) des têtes et où la culture politique rend parfois légitime cette violence, voire la met en scène. C’est assez visible sur les extrêmes du champ politique, où la violence et la domination sont régulièrement valorisés (de manière différente, mais le résultat final est aussi violent).
Cet épisode permet d’entrevoir le choc que représente l’arrivée dans le champ politique des demandes d’égalité homme-femme et de refus des rapports de domination qui l’accompagnent. C’est même très impressionnant à la gauche de la gauche, où les mouvements politiques sont violents dans leur culture et leur fonctionnement interne, tout en se faisant les porte-drapeaux de ces demandes d’égalité. Cela provoque des dissonances cognitives redoutables : c’est compliqué de rester crédible sur la lutte pour l’égalité et contre les violences faites aux femmes, quand les leaders de ces partis battent leurs propres conjointes.
Cet épisode montre qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, pour que cette demande politique de refus de la violence et des rapports de domination, soient réellement portée par des dirigeants politiques qui se l’appliquent. Pour l’instant, c’est avant tout un outil électoral, pour capter des voix, et accessoirement, pour se débarrasser de ses rivaux en interne. Car il ne faut se leurrer, si des affaires du type Abad et Quatennens sortent, c’est rarement un hasard et ça vient en général de l’intérieur.
Je ne peux donc que recommander la plus grande prudence, à tous les responsables politiques qui voudraient instrumentaliser ces affaires. Tant qu’ils ne seront pas, personnellement et effectivement en phase avec le message, ils risquent de se prendre un retour de flamme et creusent ainsi encore un peu plus, l’écart entre la population et ses dirigeants.