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Cela ne restera que des émeutes

La France connait, depuis quelques jours, des émeutes dans de nombreuses villes, avec des dégâts spectaculaires. Un épisode qui sera vite oublié, et dont on ne tirera malheureusement pas les moindres enseignements, car il ne s’agit que d’une flambée de colère, non structurée, sans revendications ni leaders.

On est devant un exemple très classique, d’une explosion sociale venue d’une population très identifiée, les jeunes des quartiers de banlieue. Ils expriment, de manière violente, leur colère face à un fait divers, le meurtre d’un jeune de banlieue par un policier, qui est emblématique de ce qu’ils vivent, et estiment injuste. Sur le fond, ils n’ont pas tort, le sort réservé aux banlieues et à leurs populations ne font pas honneur à la République, et l’actuel chef de l’Etat semble s’en désintéresser complètement (pour rester poli).

Devant de tels ghettos, cumulant tous les handicaps, il est compréhensible (mais regrettable également) que des jeunes, constatant le décalage entre la promesse républicaine, et leur vécu, expriment leur désarroi en attaquant les symboles et lieux du pouvoir qui sont à leur portée. Ils le font d’une manière désordonnée et violente, avec au passage des pillages de commerces très opportunistes. Cela leur assure une forte visibilité médiatique, mais tel un feu de paille, il va s’éteindre vite, car ils ne sont absolument pas structurés pour entrer en négociation avec le pouvoir politique. Ils n’obtiendront donc rien et tout continuera comme avant. Et c’est là que le bât blesse, car on perd une occasion de faire un bilan de ce qui ne va pas, et d’entendre ce qui est un cri de détresse d’une partie de la population.

C’est dans ce moment là qu’on voit à quel point la classe politique est devenue minable. Le pouvoir en place ne cherche qu’à minimiser les faits, et faire cesser les émeutes, alternant la compassion pour les élus locaux, et le bâton, pour les émeutiers. L’objectif du gouvernement est qu’il y ait le moins de conséquences possibles à ces émeutes, et l’assume complètement. A droite, à part la surenchère sécuritaire (attendue de leur part), pas grand chose, sinon le même souhait que la majorité, de refermer la parenthèse aussi vite que possible, pour ne surtout pas poser les questions de fond du « pourquoi ».

Le pire, c’est tout de même la gauche, qui est censée (du moins dans l’imaginaire politique sur lequel elle vit), défendre des populations défavorisées, et être leur porte-voix politique. Or, la position de la gauche se limite à la question de la violence policière qui est un sujet certes important, mais seulement la partie émergée de l’iceberg. Le tout dans la désunion sur l’expression entre LFI et les autres, qui rend la gauche tout simplement inaudible, les journalistes se concentrant sur ces divergences de ton. J’attends encore les constats et les propositions de solutions, pour traiter globalement la question de fond, qui est la relégation que vivent ces communautés, qui cumulent tous les handicaps et vers lesquels aucune main, ou presque, ne se tend pour les tirer vers le haut.

C’est donc assez désespérant de voir que finalement, le cynisme l’a emporté chez les dirigeants politiques, avec comme seule préoccupation le maintien de l’ordre et la gestion au jour le jour. Aucune vision, aucun souffle, aucune volonté de reconstruire une unité nationale, avec un projet fédérateur, qui puisse embarquer tout le monde (y compris les banlieues). C’est une forme d’épuisement du politique, malheureusement déjà diagnostiquée et bien documentée, qui s’exprime, et amène à encore plus de fragmentation et de rancœurs.

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Anticor, symptôme de la la faiblesse de la société civile

L’association Anticor vient de se voir retirer son agrément pour se porter partie civile dans les affaires de corruption. Elle perd ainsi l’un de ses principaux leviers d’action.

La décision a été prise par le tribunal administratif de Paris, qui annule l’agrément donné en 2021 par le Premier ministre, car l’association ne répondait pas aux conditions nécessaires pour obtenir cet agrément. Il lui est reproché de ne pas avoir voulu divulguer l’identité d’un très gros donateur financier (dont le don a permis de sauver financièrement l’association). Ce refus de transparence peut amener à penser que l’association a été « achetée » et qu’elle ne remplit donc plus la condition d’indépendance et d’action désintéressée, nécessaire pour être agrée. Rien ne dit qu’Anticor a été effectivement « achetée », mais le refus de transparence fait naitre un doute, et c’est suffisant au regard des règles. Accessoirement, pour une association dont l’objet social est la lutte contre la corruption, ça fait franchement tache.

Il est également reproché à l’association des problèmes de gouvernance, avec une mauvaise information des administrateurs, qui ne leur auraient pas permis de prendre des décisions éclairées. L’un des deux requérants est un ancien membre de l’association, qui dès 2020, a lancé l’alerte sur ces problèmes. Résultat des courses, il s’est fait virer de l’association, et est poursuivi en justice pour dénonciation calomnieuse. Là encore, quand on se pose en chantre de la transparence, on évite de saquer les lanceurs d’alerte dans sa propre structure.

Le ramdam médiatico-politique lancé par cette association apparait bien hypocrite, et il est sidérant que des élus, de tous bords, se laissent embarquer dans cet enfumage, et ne demandent pas des comptes à Anticor, sur les questions de fond (et de fonds), avant de s’afficher avec eux pour réclamer, par le biais d’une pression politique, que l’agrément soit rendu.

Ce triste spectacle est révélateur des faiblesses et des travers de la société civile organisée française.

La première faiblesse, c’est la très grande fragilité financière, qui a mis l’association à la merci d’un gros donateur. Avec des finances saines, et des donateurs en nombre suffisant, cela ne serait pas arrivé. Anticor n’est malheureusement pas la seule association à se retrouver en précarité financière, c’est même la norme. Et c’est en partie la faute de la culture très française de recours incessant à l’État, dès qu’un problème surgit. Comme des enfants, les Français se tournent vers l’Etat-nounou, au lieu de s’organiser eux-mêmes. Cela se traduit notamment par un sous-financement de cette société civile organisée, qui dépend très largement de l’argent public, par les subventions directes, mais aussi par la niche fiscale (où les deux tiers du montant du don des particuliers est déductible des impôts). Rien à voir avec les pays anglo-saxons, qui ont une société civile digne de ce nom bénéficiant de gros dons des particuliers.

La deuxième faiblesse est la sous-professionnalisation de cette société civile organisée. Du fait du manque de moyens financiers, il n’y a pas assez de salariés dans les associations (et ils sont mal payés), et une partie, plus ou moins conséquente, du travail est en fait assurée par les bénévoles, et notamment par la gouvernance bénévole. On connait tous des associations, parfois importantes, où les membres du conseil d’administration se retrouvent dans de l’opérationnel, qui ne relève pas de leurs attributions. Or, il est très dangereux, pour une structure, de reposer sur des bénévoles. Ils sont plus ou moins bien formés pour les missions qu’ils assument, et surtout, sont « hors hiérarchie » avec motivations diverses (qui peuvent relever de la quête de pouvoir et de satisfaction d’ego). Ils peuvent partir du jour au lendemain, sans qu’on puisse rien leur dire. Combien d’associations, ou d’activités au sein d’une association, périclitent parce que le bénévole qui s’en occupait est parti, et n’a pas été remplacé ?

La troisième faiblesse, qui est un travers, est cette tendance à se défausser de ses responsabilités, et à trouver des coupables ailleurs, prétextant parfois le complot ou les raisons « politiques » pour masquer ce qui relève de l’incompétence interne. Avec Anticor, on y est en plein. S’ils n’ont pas eu l’agrément, c’est parce qu’ils ne remplissaient pas juridiquement les conditions. Et le pire, c’est que tout cela a été révélé par un membre de l’association, le vérificateur des comptes ! Au moment du renouvellement, les services de l’Etat ont tiqué, car effectivement, les critères n’étaient pas remplis, mais le Premier ministre a passé outre, prenant un acte illégal en toute connaissance de cause, parce que des pressions politiques et médiatiques se sont exercées pour qu’il le fasse. Le juge administratif, imperméable à cela, a constaté l’illégalité de l’acte et en a tiré les conséquences. Le droit a été appliqué, donc il n’y a rien à redire.

Maintenant, rien n’empêche Anticor de demander à nouveau l’agrément, et de l’obtenir si l’association remplit effectivement les conditions. Si ce n’est pas le cas, il faudrait peut-être que ses membres, et accessoirement, tous ceux qui prennent leur défense, se posent des questions. Comment une association de lutte contre la corruption, particulièrement véhémente dans son ton et ses positionnements, peut-elle être durablement non transparente sur ses financements ? Il serait scandaleux que cet agrément soit à nouveau obtenu par pression politique, parce que les déficiences (que l’association s’était engagée à régler) persistent.

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Elisabeth Borne, au bout de l’usure

Les rumeurs bruissent d’un remaniement. Cela excite beaucoup les journalistes politiques, dont le boulot (du moins la part qu’ils en adorent) est de chroniquer la vie de la cour de Macron Ier. La grande question est de savoir si le président va maintenir ou pas Elisabeth Borne à Matignon. L’équation n’est pas simple, car entre l’espace politique, de plus en plus étroit, dont dispose la Macronie, et les difficultés de management d’Elisabeth Borne, elle restera, quoi qu’il en soit, en sursis.

Pour l’espace politique, on a en a déjà parlé, et le moment critique sera le vote de la motion de censure qui ne manquera pas d’être déposée après l’adoption du budget 2024 à coup de 49.3. Soit autour du 20-25 octobre. Les sénatoriales seront passées, et le budget de rigueur que le gouvernement va devoir prendre (sous la pression des agences de notation financières) offrira un large choix de prétextes à rupture pour LR.

L’autre sujet inquiétant est la manière de diriger d’Elisabeth Borne. Un gros warning vient de s’allumer, avec l’annonce du départ, cet été, de son directeur de cabinet, mais également du directeur adjoint et d’un chef de pôle. Cela fait suite à une série de départs de son cabinet, qui ont commencé dès l’automne 2022, seulement quelques mois après sa prise de fonction.

C’est un vrai problème, car dircab à Matignon est une place stratégique, avec réellement beaucoup de pouvoir pour son titulaire, qui tranche beaucoup de choses, sans avoir à en référer au dessus. On ne peut pas y mettre n’importe qui. C’est une sorte de sommet de carrière, le genre de poste qu’on a une fois ou deux dans sa vie de très haut fonctionnaire. En général, les Premiers ministres n’ont qu’un directeur de cabinet, voire deux mais c’est exceptionnel. L’actuel titulaire du poste, Aurélien Rousseau, avait déjà fait part de son souhait de partir, en avril, mais en pleine séquence des retraites, ce n’était juste pas possible politiquement. Quand les deux principales têtes du cabinet de Matignon partent, c’est révélateur d’un problème de fond, surtout quand il n’y a pas de noms qui circulent pour les remplacer.

Matignon est une tour de contrôle, qui voit tout passer, et nécessite d’avoir des « très bons », sous peine de voir l’ensemble du travail interministériel partir en vrille. Reconduire Elisabeth Borne à Matignon, mais avec une équipe de seconde zone, en CDD de quelques mois, est une solution qui ne tiendra pas bien longtemps. On prend le risque que les couacs se multiplient : arbitrages rendus en retard, ou contestés (donc remontée encore plus forte vers l’Elysée), manque de coordination entre ministres. Certes, le secrétariat général du gouvernement fait l’essentiel du boulot technique, mais si l’échelon politique ne suit pas, c’est la thrombose assurée.

Si Elisabeth Borne reste Première ministre, c’est le signe qu’Emmanuel Macron prépare autre chose, et qu’elle va juste gérer les affaires courantes, en attendant le grand choc politique de l’automne, avec un retour aux urnes d’ici la fin de l’année. C’est, de toute manière, le seul moyen de sortir de l’impasse politique où on se trouve depuis juin 2022.

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L’impossible alliance des macronistes avec LR

Depuis quelques semaines, on assiste à un ballet politique, une sorte de danse de la séduction de la Macronie autour de LR. L’idée est clairement d’arriver à un accord de coalition, qui consoliderait la majorité dont dispose le gouvernement à l’Assemblée. Sauf que cette alliance ne se fera pas.

La première raison tient à la culture politique française, qui est très rétive aux coalitions, à moins qu’elles ne soient « structurelles » entre partis relativement proches, et avec des accords avant les élections. Une fois le scrutin passé, pas d’accord possible, on le voit bien depuis un an. Les députés LR ayant été élus contre des candidats macronistes (au premier ou au second tour), ils estiment que leurs électeurs les ont envoyés à l’Assemblée pour être dans l’opposition. Tout revirement en cours de route ne manquerait pas d’être assimilé à une « trahison » à moins que cela ne se fasse collectivement, et au prix fort, d’une inflexion très sensible de la ligne gouvernementale. Autant dire que c’est improbable, vu la (faible) capacité d’Emmanuel Macron à accepter les compromis et à partager le pouvoir.

La deuxième raison est que personne ne contrôle vraiment le groupe LR de l’Assemblée. Un deal suppose une capacité à le faire appliquer, et donc à faire voter en bloc les députés. Or, nombre de députés LR sont des « survivants », qui doivent leur élection à leur équation personnelle et à une alchimie où l’investiture LR n’est qu’un ingrédient, parfois mineur. L’arme suprême de la discipline parlementaire, la menace d’enlever l’investiture à la prochaine élection, est donc d’une efficacité relative. Dans le même ordre d’idée, à supposer qu’il y ait alliance, et donc entrée au gouvernement, le choix des heureux élus donnerait lieu à une boucherie interne à laquelle LR pourrait succomber, ou subir des blessures avec des séquelles graves.

La troisième raison est qu’une partie importante des élus LR, les sénateurs, n’ont strictement aucun intérêt à cette alliance. La situation actuelle, d’un gouvernement minoritaire, les met dans une position rêvée, où ils peuvent obtenir bien plus que s’ils étaient dans la majorité présidentielle. Actuellement, c’est eux qui tirent les marrons du feu, tout en se donnant des postures d’opposants. Bref, ils gagnent sur les deux tableaux, alors pourquoi changer ?

La vraie raison de ce ballet amoureux n’est pas de faire entrer LR dans la coalition gouvernementale, mais d’empêcher le parti de basculer dans l’opposition complète (et de voter une motion de censure). Pour cela, le gouvernement ne dispose guère que de l’outil de la séduction et du débauchage. Faire miroiter des postes et des responsabilités est la seule arme un peu efficace, même si fragile, pour empêcher les députés LR de déclencher le feu nucléaire.

Tout l’avenir politique de la Macronie se joue donc sur la capacité à empêcher que LR ait finalement intérêt à une dissolution et à des élections législatives anticipées.

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L’épineux débat sur la fin de vie

La réforme des retraites a peut-être un peu occulté le fait que d’autres débats sont en cours, et pourraient déboucher prochainement sur un texte de loi. C’est le cas par exemple de la question de la fin de vie. Un débat s’est ouvert en commentaire, sous le précédent billet, et me donne l’occasion et le prétexte pour aborder cette question sensible.

Disons-le d’emblée, je suis hostile aux évolutions qui semblent être envisagées sur ce sujet de la fin de vie. Un cadre existe déjà, offrant des possibilités pour traiter, au cas par cas, les situations qui se présentent, sans avoir à ouvrir la boite de pandore de la levée de l’interdit anthropologique de donner la mort.

L’enjeu majeur du débat est en effet anthropologique, avec ce franchissement d’un palier, qui semble très problématique. La règle est claire « tu ne tueras point » et créer des exceptions ne peut que l’affaiblir, en la relativisant. Elle est pourtant une base absolument nécessaire de la vie en société.

Le premier sujet est de savoir si la personne qui va être tuée est consciente de ce qui va lui arriver, et réellement consentante ? On voit bien que la principale « clientèle » de ce texte, ce sont les personnes en fin de vie (quel que soit leur âge) pour qui l’issue fatale est irrémédiable, et est l’affaire de quelques semaines, voire de quelques mois. Parmi ces gens, il y en a un bon nombre qui n’ont plus toute leur tête, voire ne sont plus conscientes et en état d’exprimer le moindre consentement. Qui décide à leur place ? Et même si elles sont en situation de s’exprimer, ce sont souvent des personnes vulnérables. Qu’est-ce qui garantit qu’elles n’ont pas subi de pressions, pour accélérer un peu la date du départ (et donc de l’ouverture de la succession) ? Il y aura des dérapages, nécessairement…

Le deuxième sujet est de savoir où va être fixée la nouvelle limite. A partir du moment où les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites. Si on autorise la possibilité de donner la mort par suicide assisté, jusqu’où ira-t-on ? Quid des personnes handicapées qui ne sont pas en fin de vie ? Si on fait sauter une borne, il est absolument nécessaire, d’en mettre une autre immédiatement, dans le même mouvement. Anthropologiquement, il faut des limites et des interdits. Cette future loi ne peut donc que reculer une limite, déplacer une borne, mais certainement pas la supprimer. Or, ce sujet me semble très absent du débat.

Les raisons avancées pour proposer cette évolution me dérangent également. La principale association qui milite dans ce sens indique clairement les choses dans sa dénomination même : « Association pour le droit de mourir dans la dignité ». En résumé, mieux vaut partir que de vivre diminué, voire comme un légume. Derrière cette position, se dessine une conception de la vie (que je récuse) où certaines vies ne vaudrait pas le coup (ou le coût…) d’être vécues. On conditionne donc le droit de vivre au regard, très contingent et personnel, portée sur la situation d’une personne, par elle-même, mais aussi par d’autres. On en revient d’ailleurs à la question de savoir qui pose le « diagnostic » de dignité, qui conditionne l’ouverture de la possibilité de se faire suicider.

Cette vision portée par l’ADMD m’apparait profondément narcissique, car c’est l’expression du regard de gens en bonne santé, sur d’autres en moins bonne santé. Ils se disent « je ne veux pas devenir comme ça » donc il me faut une possibilité pour qu’on me fasse partir avant la déchéance. C’est donc au nom de ce narcissisme qu’on bouscule un tabou anthropologique très fort, et qu’on prend le risque de fragiliser encore davantage les plus vulnérables. Cela m’apparait bien léger, si ce n’est totalement irresponsable, comme justification.

L’autre argument avancé, celui de la souffrance, est très proche : partir pour ne plus souffrir physiquement. Cela fait un peu fi des progrès de la science, où la prise en charge de la douleur permet de gérer 98% des cas. Reste effectivement les quelques cas où la médecine ne peut rien, mais cela ne saurait justifier de lever un tabou.

Enfin, un autre point qui m’importe personnellement, est celui du sens de la vie et de la dignité de la personne. Chaque situation est différente, et gérer une fin de vie, c’est avant tout accompagner la personne, parfois en allant à la limite, mais sans transgresser le tabou. Oui, au cas par cas, avec des mécanismes de régulation, on peut être amené à accélérer un peu un processus. C’est ce que permet l’actuelle loi « Claeys-Leonetti ». L’essentiel n’est pas dans le biologique, mais dans le social. Mourir dans la dignité, c’est mourir entouré, en étant encore considéré comme une personne à part entière, pleinement membre de la société.

Vouloir faire partir un peu prématurément les vieux et les malades, c’est s’en débarrasser pour ne pas avoir à s’en occuper. Parce que cela coûte cher. Ne nous voilons pas la face, ça ne sera jamais dit, mais c’est en filigrane. C’est aussi parce que nous, personnes en bonne santé, estimons avoir mieux à faire qu’accompagner des personnes en fin de vie, dont le délabrement physiologique nous renvoie à notre propre finitude, que nous ne voulons pas voir.

Cette évolution que va nous proposer Emmanuel Macron, c’est juste un pas de plus dans le processus de relégation des plus fragiles hors de la société des bien-portants. Cette exclusion n’est pas ma conception de la société. Je ne peux donc pas souscrire à la légalisation du droit de donner la mort.

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Le décrochage de la vie politique

Ce deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron continue à m’intriguer, voire à me sidérer, avec une méthode déroutante. Des concertations sont mises en place en pagaille, avec notamment des CNR dont il n’est rien sorti de concret jusqu’ici. Quand, enfin, quelque chose de précis est publié, il est torpillé dans la demi-journée, comme ce rapport de Jean Pisani-Ferry sur la transition écologique, abattu en vol par Bruno Le Maire, qui refuse les deux principales solutions mises en avant.

Pendant ce temps, le « débat » politique et parlementaire se noie dans des petites polémiques de cour de récréation, à coup d’échange de tweets accusateurs. Toute le cirque autour de la PPL du groupe Liot visant à abroger la réforme des retraites est assez pathétique et symptomatique de ce qui arrive, quand un gouvernement passe en force sans en avoir vraiment les moyens. A l’absence de vision, s’ajoute l’enlisement politique, qui ne peut générer que de l’aigreur, de part et d’autre.

Quand, de temps à autre, des propositions un peu construites émergent, elles se retrouvent embourbées par l’absence de majorité absolue du gouvernement, qui préfère tout bloquer, plutôt que d’accepter de co-construire avec les oppositions. L’exemple du projet de loi Immigration en est un exemple, où le gouvernement et LR jouent au chat et à la souris, dans une succession de petits coups tactiques, où on se demande vraiment si l’envie d’aboutir à un compromis est vraiment là.

Toute la machinerie politique et parlementaire est en train de se consumer, dépensant beaucoup d’énergie, pour peu de résultats. Les députés sont cramés, il n’y a plus la moindre inspiration politique au gouvernement, où on ne fait plus qu’enquiller les projets technocratiques, en tenant de gérer au mieux (sans forcément y arriver).

Ce sentiment d’un enlisement mortifère me pèse, car plus ça va, moins j’ai envie de suivre la vie politique. Et c’est problématique, car je pense ne pas être le seul à décrocher progressivement, entre lassitude et écœurement. Cela est grave pour la vie publique, car ce détachement nuit à la crédibilité des institutions, affaiblit le contrôle citoyen, et finalement, laisse la voie ouverte aux troisièmes couteaux. Le seul point positif, c’est qu’on légifère moins, et que pour l’instant, ça ne semble pas gêner le fonctionnement du pays.

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L’hypothèse Ruffin

La semaine dernière, un sondage a montré qu’une alternative à gauche émerge, avec la personne de François Ruffin. Il est même donné meilleur candidat à la présidentielle que Jean-Luc Mélenchon. Certes, ce n’est qu’un sondage, mais l’hypothèse doit être prise très au sérieux.

Le principal problème de la gauche, je l’ai évoqué, est la succession de Jean-Luc Mélenchon. Il a été le seul à gauche, en 2017 et 2022, à avoir une chance réelle à la présidentielle (les deux fois, il n’est pas passé très loin du second tour). Sauf qu’à 72 ans (76 ans en 2027), il a dépassé la limite d’âge, et doit passer la main. Mais aucun candidat crédible n’apparait à l’horizon, avec à la fois une stature et la capacité à fédérer à gauche.

Ce sondage, c’est un peu la révélation. Je n’aurais pas pensé à lui avant, et voilà que d’un coup, je me dis que l’hypothèse est crédible, voire, que c’est déjà quasiment plié. Plusieurs éléments m’amènent à ce constat.

Nul ne peut reprocher à Ruffin, de ne pas être de gauche. Figure emblématique du mouvement « nuit debout », député depuis 2017, siégeant au groupe LFI, il dirige depuis longtemps un organe de presse militant, et son film « Merci Patron », ridiculisant « l’ultra-riche » Bernard Arnault en fait une icône de la gauche radicale. Pour autant, il ne s’est pas aliéné la gauche modérée, et dernièrement, il s’est beaucoup « recentré » dans ses prises de position. On dirait presque, en lisant ses derniers textes, un social-démocrate. En tout cas, à gauche, personne n’est contre Ruffin, et il fait pleinement partie de la famille.

Pour autant, François Ruffin a toujours été un indépendant. S’il siège au groupe de la France insoumise à l’Assemblée, il ne fait pas partie du parti, et s’en est régulièrement démarqué. Depuis le début de la XVIe législature, on le voit très peu participer aux chahuts et à la « bordélisation » des débats. Il joue ainsi très habilement, prenant le bénéfice d’être proche de LFI, sans être mêlé à leurs débordements, et donc au discrédit qui est en train de les toucher. Il n’est pas concerné par la guerre de succession interne à LFI, et au final, il va tous les mettre d’accord en prenant le leadership sur la NUPES.

Le personnage, en lui-même, est intéressant. Par son style, sa manière de s’exprimer, il détonne dans la classe politique, et peut revendiquer, contrairement à bien d’autres, une proximité avec les classes populaires, qui est sans doute réelle. En tout cas, il n’a rien à voir avec les apparatchiks embourgeoisés de la France insoumise, ou aux énarques socialistes. Il existe indéniablement une cohérence entre ce qu’il propose et ce qu’il est, et en politique, c’est capital.

Quand on écoute un peu ses discours, sur le fond comme sur la forme, on sent également une culture politique profondément de gauche et une réflexion qu’on ne trouve plus tellement en politique (à droite comme à gauche). Ruffin est un des rares qui a « quelque chose à dire » qui parle à la société telle qu’elle est en 2023. Il s’exprime notamment par le biais de documentaires et de films, vecteurs capables de toucher bien mieux la population que des tribunes dans Libé. Il a donc cette capacité à capter un électoral populaire, qui a depuis longtemps quitté la gauche, pour le RN ou l’abstention. Il est un des rares, sinon le seul, à gauche, à pouvoir faire bouger les lignes de ce coté là.

Enfin, le moment de ce surgissement est « optimal ». La succession de Jean-Luc Mélenchon s’enfonce dans l’impasse, avec des querelles internes entre les nouveaux tenanciers et la vieille garde, plus ou moins mise à l’écart. Le scandale Quatennens achève de discréditer le parti, par l’écart entre les valeurs affichées (féminisme et lutte contre les violences conjugales) et la réalité (mise à l’écart temporaire et réintégration d’un leader coupable de violences conjugales). La mauvaise image dans la population, données par les débordements réguliers des insoumis, achève de les marginaliser. Cela ne va pas mieux ailleurs à gauche, avec des Verts qui peinent à exister, vampirisés médiatiquement par Sandrine Rousseau, et un PS toujours en état de mort cérébrale idéologique et déchiré en deux camps presque égaux.

Au même moment, la macronie continue à patiner dans la semoule, incapable de trouver un élan politique. Le mandat d’Emmanuel Macron s’enlise toujours plus dans la gestion technocratique, et commence à désespérer jusque chez ses alliés, voire ses propres députés. A l’extrême-droite, l’hypothèse d’une possible victoire de Marine Le Pen continue à prendre corps. Au grand désespoir de la gauche et de ceux qui refusent la perspective de voir l’extrême-droite au pouvoir. En laissant les choses encore murir un peu, on pourrait avoir des centristes qui votent Ruffin pour éviter ça, chose inimaginable il y a encore quelques années.

Tout ces éléments, mis bout à bout, tracent une perspective, une forme d’alignement des astres. Mais, il reste encore du chemin et du travail, et cela dépend pour beaucoup de François Ruffin lui-même. Notre culture politique française est très marquée par l’homme providentiel (on peut le déplorer, mais c’est comme ça), et il est arrivé parfois à gauche que des personnalités refusent de s’engager dans une voie royale. Il y a eu Jacques Delors, et plus loin dans le temps, Pierre Mendès-France, qui auraient des chances très sérieuses à une présidentielle, s’ils n’avaient pas reculé devant l’obstacle.

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Les limites de la démocratie façon Ve République

le conseil constitutionnel a rendu deux décisions, concernant la réforme des retraites, l’une sur le texte lui-même, l’autre sur la demande de référendum d’initiative populaire, déposé par l’opposition. Il donné raison au gouvernement sur quasiment toute la ligne, ce qui fait hurler l’opposition.

Comme on pouvait s’y attendre, mis à part quelques dispositions sans impact financier (donc n’ayant pas leur place dans une loi financière), tout le reste passe crème, avec en prime un rejet sec de tous les arguments de procédure des oppositions. Une décision qui irrite beaucoup les militants (y compris ceux qui exercent ou ont exercé le métier de professeur de droit). Elle est pourtant parfaitement conforme au droit, et à l’esprit de la Constitution de la Ve République.

Il ne faut jamais oublier que la Constitution de 1958 est construite avec l’idée qu’un gouvernement minoritaire, ou reposant sur une coalition potentiellement fragile, ne soit pas paralysé. Le but est, tant qu’il n’est pas renversé, que le gouvernement puisse avancer et faire passer ses lois. D’où un arsenal assez fourni d’outils qui peuvent être vus comme du passage en force. C’est un choix, déséquilibré en faveur de l’exécutif, parfaitement assumé du constituant, et jamais vraiment remis en cause depuis. François Mitterrand, qui dénonçait cela en 1964 dans « Le coup d’Etat permanent » s’est bien gardé de changer quoi que ce soit, une fois au pouvoir en 1981. La réforme de 2008 s’est contentée de desserrer un peu l’étau, mais n’est pas revenu sur le principe. Si, sur cette réforme des retraites, il y a quelqu’un à blâmer, c’est le constituant de 1958, pas l’instance chargée de veiller au respect de la lettre et de l’esprit de la Constitution.

Sur le fond, il y a une part de mauvaise foi des députés d’opposition, qui se sachant battu d’avance (ils n’ont pas gagné les élections législatives, donc ne gouvernent pas) cherchent à faire croire au déni de démocratie. L’argument mis en avant par les critiques est l’atteinte au principe constitutionnel de clarté et de sincérité des débats parlementaires. En cela, ils déduisent du résultat (ils ont perdu) que la procédure était viciée. Un raisonnement dangereux pour les institutions, car les débats se sont passés dans le respect des règles institutionnelles et surtout, ils ont une part de responsabilité dans le naufrage du débat parlementaire.

Dans ce débat, il n’y a pas eu de volonté délibérée du gouvernement de tromper les députés en leur fournissant de fausses informations. Députés et sénateurs ont eu toutes les informations voulues pour discuter en connaissance de cause, et s’ils ne les ont pas toutes eu, ils ont été en capacité d’aller les chercher, comme l’a fait le député PS, Jérôme Guedj, en utilisant les pouvoirs de contrôle dont il dispose. Il n’y a pas eu non plus de manœuvre amenant les parlementaires à discuter ou voter à la va-vite, sans avoir laissé le temps aux oppositions d’exprimer l’intégralité de leurs arguments. Si les débats parlementaires ont été aussi chaotiques à l’Assemblée (et un peu au Sénat), à qui revient la faute ? En grande partie à l’opposition de gauche, qui a choisi de pratiquer l’obstruction, de manière affichée et assumée. Ils ont ainsi pu s’exprimer autant qu’ils voulaient avant que le gouvernement appuie sur l’accélérateur, avec des procédures qui n’étaient pas des surprises. Le temps limité de discussion, prévu par l’article 47-1 de la Constitution était connu dès le départ, et deux semaines de séance étaient amplement suffisantes pour débattre correctement de cette réforme des retraites. L’article 49 alinéa 3 a été utilisé en ratification de CMP, une séance où seul le gouvernement peut déposer des amendements, et qui dure en général une heure. L’absence de vote ne porte pas franchement atteinte à la clarté et à la sincérité des débats. Cela pose d’autres questions, mais sur d’autres sujets.

Le problème, sur cette réforme, est politique, pas institutionnel. Je comprend tout à fait que l’opposition cherche à faire feu de tous bois, c’est le jeu. Mais à mal poser les débats, pour des raisons purement tactiques, on abime la démocratie, car malheureusement, tous les citoyens ne maitrisent pas les subtilités institutionnelles, et s’indignent sur la base des symboles et arguments que les élus leur jettent en pâture.

Dans cette affaire, la démocratie « façon Ve République » a très bien fonctionné, puisqu’une loi a pu être adoptée, malgré l’absence de majorité à l’Assemblée.

Plutôt que vociférer contre ce fonctionnement institutionnel et le discréditer, il serait mieux de proposer d’autres mécanismes, pour que le gouvernement soit obligé de disposer d’une majorité à l’Assemblée. D’autres façons de procéder sont possibles, et ne demanderaient pas de grandes modifications institutionnelles. Ce débat est plus que nécessaire mais n’aura sans doute pas lieu. L’actuel président n’a pas caché, sous son premier mandat, qu’il aimerait aller plus loin encore dans ce déséquilibre en faveur de l’exécutif. Et surtout, je crains que quelques groupes d’opposition (pas tous, mais sans doute les deux plus importants) n’ont pas nécessairement dans l’idée d’améliorer la démocratie parlementaire, si jamais ils arrivaient au pouvoir…

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L’IA nous recentre sur l’humain

L’accélération se poursuit sur l’utilisation de l’Intelligence artificielle, avec des outils comme ChatGPT (mais pas seulement). Le sujet n’est plus le fait de les utiliser ou pas, ce débat est tranché, malgré les pudeurs de quelques régulateurs. L’enjeu est maintenant de s’assurer qu’il n’en sera pas fait des usages problématiques, et de préparer la société et le monde du travail au choc profond qui arrive.

L’informatisation et internet ont amené des changements qui relèvent de l’amélioration des outils, et touchaient des métiers et fonctions peu qualifiées. Avec l’IA, ce sont les professions intellectuelles, hautement qualifiées, qui entrent dans la danse. Le choc culturel et psychologique sera sans doute bien plus violent et surtout, visible, car ils touche ceux qui écrivent le narratif de nos sociétés.

Plein de métiers vont être percutés de plein fouet, notamment ceux qui reposent sur la production intellectuelle (recherche, journalisme, écriture…). Le grand remplacement n’aura pas lieu, car la recherche et la création demandent une part d’humain, d’intuition et de choix éthiques, qu’aucune IA ne pourra apporter complètement. En revanche, les productions purement basiques et utilitaires vont être très facilement automatisables. Beaucoup de gens vont soit se retrouver au chômage, soit devoir complètement revoir leur manière de travailler, se former, mais aussi redéfinir les cadres mentaux de leur exercice professionnel.

C’est ce dernier point qui m’inquiète le plus, car on touche à l’affectif, à ce pour quoi on se lance dans un métier, à la satisfaction qu’on en retire. On va être dans la situation d’artisans qui voient arriver l’industrialisation, où le coût de production n’a rien à voir entre les deux process, et où « l’amour du travail bien fait », voire la recherche d’une forme d’art, n’a quasiment plus de place dans le process industriel. Les professions intellectuelles font faire connaissance avec la déstructuration du travail à la chaîne, où on passe d’une production maitrisée de bout en bout, avec des savoir-faire valorisés et valorisants, à un simple poste d’opérateur de process semi-automatiques. Le monde de la culture au sens large va au devant de psychodrames terribles, et c’est pour dans très très vite, donc sans le moindre délai d’adaptation psychologique.

Même si je conçois qu’un temps de deuil est nécessaire, je crains que l’on perde une énergie folle dans des combats d’arrière-garde, avec des débats hystériques et stériles, des propositions de loi toutes plus débiles les unes que les autres, pour essayer de retarder l’inéluctable. Tout cela nous fera perdre un temps précieux, pour travailler aux véritables adaptations.

Un travail collectif d’acceptation et d’appropriation de ces technologies est indispensable. Cela nécessite d’en parler, de se former à leur utilisation, de comprendre leurs apports et leurs limites. Pour cela, il faut une organisation, des élites et décideurs qui prennent les choses en main, et mène un travail le plus apaisé possible. Avons-nous la maturité et la capacité collective à prendre ce sujet par le haut ?

Il faudra ensuite proposer des solutions concrètes et acceptables à ceux qui vont être réellement impactés, dans la réalité même de leur travail, ou dans le ressenti et l’investissement lié à leur activité professionnelle. On ne transforme pas comme ça un artisan en ouvrier d’usine. La question du sens donné au travail doit faire l’objet d’une attention particulière. Le risque est que le raisonnement purement économique n’écrase complètement cette considération humaine et psychologique.

Il faut ensuite explorer les pistes d’activités où l’IA n’a pas (encore) sa place. Le coeur du sujet est l’activité mettant en jeu le lien humain. L’arrivée des IA peut être le moment où nos activités se recentrent sur le lien social, qui justement, fait gravement défaut dans nos sociétés occidentales qui s’enfoncent dans la solitude. Des métiers comme l’enseignement ont encore un bel avenir, car le cœur de cette activité est la transmission, d’humains à humains, de connaissances, mais pas seulement. Tous les métiers de l’accompagnement, même s’ils ne sont pas toujours gratifiants, vont retrouver un nouvel attrait, en partie peut-être grâce à ce que l’IA apportera pour faciliter certaines tâches.

L’exercice du pouvoir et du contrôle est l’autre volet de ce qui doit rester aux mains des himaines. Ce n’est pas l’IA qui doit dicter les règles, passer les commandes, même si on peut facilement aller sur cette pente glissante. C’est, et cela doit rester un outil, au service de ce que les humains décident de faire, en toute responsabilité. La régulation sociale (dont la politique est une facette) devra rester aux mains des humains. Il en va de même des activités de contrôle, que ce soit des processus (on aura encore plus besoin d’informaticiens et de data scientists) mais aussi des contenus produits. Les journalistes, par exemple, vont voir leur rôle changer, basculant de la production de contenus, à la certification que ce qui est mis sous les yeux du public est véridique. Leur rôle social sera désormais, en priorité, celui de tiers de confiance, capable d’attester qu’un fait a bien eu lieu, et s’est déroulé d’une certaine manière. L’existence d’une photo ou d’une vidéo n’est plus, en soi, une preuve crédible de la réalité d’un fait. Là encore, on retombe sur une activité d’interaction sociale.

Tout ces questions, c’est d’ici 2025 qu’il faudra se les être posées, collectivement.

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La petite lueur à gauche

Ce soir, dans l’Ariège, une socialiste dissidente a largement battu (60/40) une sortante LFI, dans une élection législative partielle. Certes, l’Ariège est un département rural très ancré à gauche (donc pas nécessairement représentatif de la France entière) mais ce résultat est un signal politique notable.

Il peut être interprété comme une prise de position des électeurs de centre-gauche contre la Nupes, et donc une validation de la ligne défendue par un certain nombre de socialistes (notamment de grands élus locaux, dont la présidente de la Région où se trouve l’Ariège). Le Parti socialiste est d’ailleurs coupé en deux depuis le dernier congrès, en janvier, avec une victoire très très courte de la ligne pro-Nupes, qui peut apparaitre désavouée par les électeurs ce soir. En politique, c’est toujours gênant d’être désavoué par ses électeurs.

Si cela se confirme, cela ouvre un nouvel espace politique à gauche, et offre de vraies perspectives à ceux, comme Bernard Cazeneuve, et quelques élus Liot, qui veulent structurer une social-démocratie autonome, qui ne soit pas inféodée à LFI. Bref, pour ressusciter le PSU. A terme, se posera la question d’une éventuelle alliance avec le bloc central (ça sera pour l’après-Macron, de toute manière) qui donnera une carte supplémentaire à ces sociaux-démocrates pour peser politiquement. Car il est évident qu’ils n’ont pas vocation à être des pivots d’une alliance, mais l’appoint qui fait la différence dans la grande lutte entre la gauche radicale, la droite radicale et le centre.

L’équation ne peut fonctionner que s’il existe des perspectives de se faire élire sous cette étiquette « sociale-démocrate non Nupes ». Jusqu’ici, c’était très hypothétique, et Cazeneuve n’avait réussit à rassembler que des has been du PS et des barons locaux, qui n’ont pas besoin d’étiquette pour conserver leur poste (en Bretagne par exemple). L’élection partielle de ce soir entre-ouvre cette perspective, et permettra peut-être d’attirer de nouvelles personnes sur ce segment. Des personnalités qui sont actuellement au PS, ou qui aimeraient s’engager à gauche, sans aller à la Nupes, ou dans un groupuscule sans avenir électoral, peuvent s’y investir.

Reste maintenant à confirmer, à consolider, à bâtir une offre politique digne de ce nom. Il reste encore l’essentiel du chemin, mais le premier pas est fait !