Le conseil constitutionnel vient de censurer lourdement la loi relative à l’immigration, avec 32 cavaliers législatifs et 3 censures de fond, sur des dispositions grossièrement inconstitutionnelles. Même si elle est très longue (52 pages), la décision n’est pas très innovante ni audacieuse.
Au fond, même s’il en prend pour son grade, le gouvernement ne s’en tire pas trop mal. Ce sont les ajouts sénatoriaux qui se font censurer, pas tellement le texte initial du gouvernement.
Arriver à trouver 32 cavaliers législatifs (dont certains crèvent les yeux), alors que les assemblées sont censées faire un contrôle a priori de la recevabilité des amendements, ce n’est plus du laxisme, c’est de la provocation de la part du Sénat. Qu’on ne me dise pas que les services du Sénat n’avaient pas vu le coup venir et prévenus les élus des irrégularités qu’ils s’apprêtaient à commettre. C’est donc en pleine connaissance de cause que la majorité sénatoriale s’est complètement lâchée.
Les sénateurs ont décidé de faire de la politique, au détriment de leur rôle de législateur. Un choix qui ne pouvait que les amener dans le mur, tellement il était évident que, quoi qu’il arrive, le conseil constitutionnel aurait été saisi. L’effet politique qu’ils pensaient avoir obtenu en chargeant la barque de dispositions très marquées, se retrouve largement annulé, quand bien même il resterait quelques horreurs juridiques dans ce texte.
Une telle claque pourrait créer des effets secondaires sur le fonctionnement concret des assemblées, sur des points sensibles. Le président de la commission des Lois ayant montré que la politique l’emporte sur le droit, quand ça l’arrange, dans son examen de la recevabilité des amendements, il prend le risque d’une contestation systématique, et d’accusations régulièrement de partialité, de la part de l’opposition. Il fragilise ainsi un dispositif de régulation déjà pas bien solide, et pourtant essentiel dans les assemblées, à l’heure où l’inflation des amendements prend des proportions inquiétantes. Depuis 2022, on atteint des niveaux insoutenables, comme sur le budget, où l’utilisation du 49.3 à l’Assemblée a permis de masquer le fait qu’il aurait été très compliqué de discuter tous les amendements dans les délais impartis.
Normalement, c’est les députés qui sont censés se comporter comme ça. Les sénateurs sont censés être plus « sages » et voilà que c’est eux qui sont pris les doigts dans le pot de confiture du grand n’importe quoi législatif.