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Le décrochage de la vie politique

Ce deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron continue à m’intriguer, voire à me sidérer, avec une méthode déroutante. Des concertations sont mises en place en pagaille, avec notamment des CNR dont il n’est rien sorti de concret jusqu’ici. Quand, enfin, quelque chose de précis est publié, il est torpillé dans la demi-journée, comme ce rapport de Jean Pisani-Ferry sur la transition écologique, abattu en vol par Bruno Le Maire, qui refuse les deux principales solutions mises en avant.

Pendant ce temps, le « débat » politique et parlementaire se noie dans des petites polémiques de cour de récréation, à coup d’échange de tweets accusateurs. Toute le cirque autour de la PPL du groupe Liot visant à abroger la réforme des retraites est assez pathétique et symptomatique de ce qui arrive, quand un gouvernement passe en force sans en avoir vraiment les moyens. A l’absence de vision, s’ajoute l’enlisement politique, qui ne peut générer que de l’aigreur, de part et d’autre.

Quand, de temps à autre, des propositions un peu construites émergent, elles se retrouvent embourbées par l’absence de majorité absolue du gouvernement, qui préfère tout bloquer, plutôt que d’accepter de co-construire avec les oppositions. L’exemple du projet de loi Immigration en est un exemple, où le gouvernement et LR jouent au chat et à la souris, dans une succession de petits coups tactiques, où on se demande vraiment si l’envie d’aboutir à un compromis est vraiment là.

Toute la machinerie politique et parlementaire est en train de se consumer, dépensant beaucoup d’énergie, pour peu de résultats. Les députés sont cramés, il n’y a plus la moindre inspiration politique au gouvernement, où on ne fait plus qu’enquiller les projets technocratiques, en tenant de gérer au mieux (sans forcément y arriver).

Ce sentiment d’un enlisement mortifère me pèse, car plus ça va, moins j’ai envie de suivre la vie politique. Et c’est problématique, car je pense ne pas être le seul à décrocher progressivement, entre lassitude et écœurement. Cela est grave pour la vie publique, car ce détachement nuit à la crédibilité des institutions, affaiblit le contrôle citoyen, et finalement, laisse la voie ouverte aux troisièmes couteaux. Le seul point positif, c’est qu’on légifère moins, et que pour l’instant, ça ne semble pas gêner le fonctionnement du pays.

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L’hypothèse Ruffin

La semaine dernière, un sondage a montré qu’une alternative à gauche émerge, avec la personne de François Ruffin. Il est même donné meilleur candidat à la présidentielle que Jean-Luc Mélenchon. Certes, ce n’est qu’un sondage, mais l’hypothèse doit être prise très au sérieux.

Le principal problème de la gauche, je l’ai évoqué, est la succession de Jean-Luc Mélenchon. Il a été le seul à gauche, en 2017 et 2022, à avoir une chance réelle à la présidentielle (les deux fois, il n’est pas passé très loin du second tour). Sauf qu’à 72 ans (76 ans en 2027), il a dépassé la limite d’âge, et doit passer la main. Mais aucun candidat crédible n’apparait à l’horizon, avec à la fois une stature et la capacité à fédérer à gauche.

Ce sondage, c’est un peu la révélation. Je n’aurais pas pensé à lui avant, et voilà que d’un coup, je me dis que l’hypothèse est crédible, voire, que c’est déjà quasiment plié. Plusieurs éléments m’amènent à ce constat.

Nul ne peut reprocher à Ruffin, de ne pas être de gauche. Figure emblématique du mouvement « nuit debout », député depuis 2017, siégeant au groupe LFI, il dirige depuis longtemps un organe de presse militant, et son film « Merci Patron », ridiculisant « l’ultra-riche » Bernard Arnault en fait une icône de la gauche radicale. Pour autant, il ne s’est pas aliéné la gauche modérée, et dernièrement, il s’est beaucoup « recentré » dans ses prises de position. On dirait presque, en lisant ses derniers textes, un social-démocrate. En tout cas, à gauche, personne n’est contre Ruffin, et il fait pleinement partie de la famille.

Pour autant, François Ruffin a toujours été un indépendant. S’il siège au groupe de la France insoumise à l’Assemblée, il ne fait pas partie du parti, et s’en est régulièrement démarqué. Depuis le début de la XVIe législature, on le voit très peu participer aux chahuts et à la « bordélisation » des débats. Il joue ainsi très habilement, prenant le bénéfice d’être proche de LFI, sans être mêlé à leurs débordements, et donc au discrédit qui est en train de les toucher. Il n’est pas concerné par la guerre de succession interne à LFI, et au final, il va tous les mettre d’accord en prenant le leadership sur la NUPES.

Le personnage, en lui-même, est intéressant. Par son style, sa manière de s’exprimer, il détonne dans la classe politique, et peut revendiquer, contrairement à bien d’autres, une proximité avec les classes populaires, qui est sans doute réelle. En tout cas, il n’a rien à voir avec les apparatchiks embourgeoisés de la France insoumise, ou aux énarques socialistes. Il existe indéniablement une cohérence entre ce qu’il propose et ce qu’il est, et en politique, c’est capital.

Quand on écoute un peu ses discours, sur le fond comme sur la forme, on sent également une culture politique profondément de gauche et une réflexion qu’on ne trouve plus tellement en politique (à droite comme à gauche). Ruffin est un des rares qui a « quelque chose à dire » qui parle à la société telle qu’elle est en 2023. Il s’exprime notamment par le biais de documentaires et de films, vecteurs capables de toucher bien mieux la population que des tribunes dans Libé. Il a donc cette capacité à capter un électoral populaire, qui a depuis longtemps quitté la gauche, pour le RN ou l’abstention. Il est un des rares, sinon le seul, à gauche, à pouvoir faire bouger les lignes de ce coté là.

Enfin, le moment de ce surgissement est « optimal ». La succession de Jean-Luc Mélenchon s’enfonce dans l’impasse, avec des querelles internes entre les nouveaux tenanciers et la vieille garde, plus ou moins mise à l’écart. Le scandale Quatennens achève de discréditer le parti, par l’écart entre les valeurs affichées (féminisme et lutte contre les violences conjugales) et la réalité (mise à l’écart temporaire et réintégration d’un leader coupable de violences conjugales). La mauvaise image dans la population, données par les débordements réguliers des insoumis, achève de les marginaliser. Cela ne va pas mieux ailleurs à gauche, avec des Verts qui peinent à exister, vampirisés médiatiquement par Sandrine Rousseau, et un PS toujours en état de mort cérébrale idéologique et déchiré en deux camps presque égaux.

Au même moment, la macronie continue à patiner dans la semoule, incapable de trouver un élan politique. Le mandat d’Emmanuel Macron s’enlise toujours plus dans la gestion technocratique, et commence à désespérer jusque chez ses alliés, voire ses propres députés. A l’extrême-droite, l’hypothèse d’une possible victoire de Marine Le Pen continue à prendre corps. Au grand désespoir de la gauche et de ceux qui refusent la perspective de voir l’extrême-droite au pouvoir. En laissant les choses encore murir un peu, on pourrait avoir des centristes qui votent Ruffin pour éviter ça, chose inimaginable il y a encore quelques années.

Tout ces éléments, mis bout à bout, tracent une perspective, une forme d’alignement des astres. Mais, il reste encore du chemin et du travail, et cela dépend pour beaucoup de François Ruffin lui-même. Notre culture politique française est très marquée par l’homme providentiel (on peut le déplorer, mais c’est comme ça), et il est arrivé parfois à gauche que des personnalités refusent de s’engager dans une voie royale. Il y a eu Jacques Delors, et plus loin dans le temps, Pierre Mendès-France, qui auraient des chances très sérieuses à une présidentielle, s’ils n’avaient pas reculé devant l’obstacle.

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Les limites de la démocratie façon Ve République

le conseil constitutionnel a rendu deux décisions, concernant la réforme des retraites, l’une sur le texte lui-même, l’autre sur la demande de référendum d’initiative populaire, déposé par l’opposition. Il donné raison au gouvernement sur quasiment toute la ligne, ce qui fait hurler l’opposition.

Comme on pouvait s’y attendre, mis à part quelques dispositions sans impact financier (donc n’ayant pas leur place dans une loi financière), tout le reste passe crème, avec en prime un rejet sec de tous les arguments de procédure des oppositions. Une décision qui irrite beaucoup les militants (y compris ceux qui exercent ou ont exercé le métier de professeur de droit). Elle est pourtant parfaitement conforme au droit, et à l’esprit de la Constitution de la Ve République.

Il ne faut jamais oublier que la Constitution de 1958 est construite avec l’idée qu’un gouvernement minoritaire, ou reposant sur une coalition potentiellement fragile, ne soit pas paralysé. Le but est, tant qu’il n’est pas renversé, que le gouvernement puisse avancer et faire passer ses lois. D’où un arsenal assez fourni d’outils qui peuvent être vus comme du passage en force. C’est un choix, déséquilibré en faveur de l’exécutif, parfaitement assumé du constituant, et jamais vraiment remis en cause depuis. François Mitterrand, qui dénonçait cela en 1964 dans « Le coup d’Etat permanent » s’est bien gardé de changer quoi que ce soit, une fois au pouvoir en 1981. La réforme de 2008 s’est contentée de desserrer un peu l’étau, mais n’est pas revenu sur le principe. Si, sur cette réforme des retraites, il y a quelqu’un à blâmer, c’est le constituant de 1958, pas l’instance chargée de veiller au respect de la lettre et de l’esprit de la Constitution.

Sur le fond, il y a une part de mauvaise foi des députés d’opposition, qui se sachant battu d’avance (ils n’ont pas gagné les élections législatives, donc ne gouvernent pas) cherchent à faire croire au déni de démocratie. L’argument mis en avant par les critiques est l’atteinte au principe constitutionnel de clarté et de sincérité des débats parlementaires. En cela, ils déduisent du résultat (ils ont perdu) que la procédure était viciée. Un raisonnement dangereux pour les institutions, car les débats se sont passés dans le respect des règles institutionnelles et surtout, ils ont une part de responsabilité dans le naufrage du débat parlementaire.

Dans ce débat, il n’y a pas eu de volonté délibérée du gouvernement de tromper les députés en leur fournissant de fausses informations. Députés et sénateurs ont eu toutes les informations voulues pour discuter en connaissance de cause, et s’ils ne les ont pas toutes eu, ils ont été en capacité d’aller les chercher, comme l’a fait le député PS, Jérôme Guedj, en utilisant les pouvoirs de contrôle dont il dispose. Il n’y a pas eu non plus de manœuvre amenant les parlementaires à discuter ou voter à la va-vite, sans avoir laissé le temps aux oppositions d’exprimer l’intégralité de leurs arguments. Si les débats parlementaires ont été aussi chaotiques à l’Assemblée (et un peu au Sénat), à qui revient la faute ? En grande partie à l’opposition de gauche, qui a choisi de pratiquer l’obstruction, de manière affichée et assumée. Ils ont ainsi pu s’exprimer autant qu’ils voulaient avant que le gouvernement appuie sur l’accélérateur, avec des procédures qui n’étaient pas des surprises. Le temps limité de discussion, prévu par l’article 47-1 de la Constitution était connu dès le départ, et deux semaines de séance étaient amplement suffisantes pour débattre correctement de cette réforme des retraites. L’article 49 alinéa 3 a été utilisé en ratification de CMP, une séance où seul le gouvernement peut déposer des amendements, et qui dure en général une heure. L’absence de vote ne porte pas franchement atteinte à la clarté et à la sincérité des débats. Cela pose d’autres questions, mais sur d’autres sujets.

Le problème, sur cette réforme, est politique, pas institutionnel. Je comprend tout à fait que l’opposition cherche à faire feu de tous bois, c’est le jeu. Mais à mal poser les débats, pour des raisons purement tactiques, on abime la démocratie, car malheureusement, tous les citoyens ne maitrisent pas les subtilités institutionnelles, et s’indignent sur la base des symboles et arguments que les élus leur jettent en pâture.

Dans cette affaire, la démocratie « façon Ve République » a très bien fonctionné, puisqu’une loi a pu être adoptée, malgré l’absence de majorité à l’Assemblée.

Plutôt que vociférer contre ce fonctionnement institutionnel et le discréditer, il serait mieux de proposer d’autres mécanismes, pour que le gouvernement soit obligé de disposer d’une majorité à l’Assemblée. D’autres façons de procéder sont possibles, et ne demanderaient pas de grandes modifications institutionnelles. Ce débat est plus que nécessaire mais n’aura sans doute pas lieu. L’actuel président n’a pas caché, sous son premier mandat, qu’il aimerait aller plus loin encore dans ce déséquilibre en faveur de l’exécutif. Et surtout, je crains que quelques groupes d’opposition (pas tous, mais sans doute les deux plus importants) n’ont pas nécessairement dans l’idée d’améliorer la démocratie parlementaire, si jamais ils arrivaient au pouvoir…

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L’IA nous recentre sur l’humain

L’accélération se poursuit sur l’utilisation de l’Intelligence artificielle, avec des outils comme ChatGPT (mais pas seulement). Le sujet n’est plus le fait de les utiliser ou pas, ce débat est tranché, malgré les pudeurs de quelques régulateurs. L’enjeu est maintenant de s’assurer qu’il n’en sera pas fait des usages problématiques, et de préparer la société et le monde du travail au choc profond qui arrive.

L’informatisation et internet ont amené des changements qui relèvent de l’amélioration des outils, et touchaient des métiers et fonctions peu qualifiées. Avec l’IA, ce sont les professions intellectuelles, hautement qualifiées, qui entrent dans la danse. Le choc culturel et psychologique sera sans doute bien plus violent et surtout, visible, car ils touche ceux qui écrivent le narratif de nos sociétés.

Plein de métiers vont être percutés de plein fouet, notamment ceux qui reposent sur la production intellectuelle (recherche, journalisme, écriture…). Le grand remplacement n’aura pas lieu, car la recherche et la création demandent une part d’humain, d’intuition et de choix éthiques, qu’aucune IA ne pourra apporter complètement. En revanche, les productions purement basiques et utilitaires vont être très facilement automatisables. Beaucoup de gens vont soit se retrouver au chômage, soit devoir complètement revoir leur manière de travailler, se former, mais aussi redéfinir les cadres mentaux de leur exercice professionnel.

C’est ce dernier point qui m’inquiète le plus, car on touche à l’affectif, à ce pour quoi on se lance dans un métier, à la satisfaction qu’on en retire. On va être dans la situation d’artisans qui voient arriver l’industrialisation, où le coût de production n’a rien à voir entre les deux process, et où « l’amour du travail bien fait », voire la recherche d’une forme d’art, n’a quasiment plus de place dans le process industriel. Les professions intellectuelles font faire connaissance avec la déstructuration du travail à la chaîne, où on passe d’une production maitrisée de bout en bout, avec des savoir-faire valorisés et valorisants, à un simple poste d’opérateur de process semi-automatiques. Le monde de la culture au sens large va au devant de psychodrames terribles, et c’est pour dans très très vite, donc sans le moindre délai d’adaptation psychologique.

Même si je conçois qu’un temps de deuil est nécessaire, je crains que l’on perde une énergie folle dans des combats d’arrière-garde, avec des débats hystériques et stériles, des propositions de loi toutes plus débiles les unes que les autres, pour essayer de retarder l’inéluctable. Tout cela nous fera perdre un temps précieux, pour travailler aux véritables adaptations.

Un travail collectif d’acceptation et d’appropriation de ces technologies est indispensable. Cela nécessite d’en parler, de se former à leur utilisation, de comprendre leurs apports et leurs limites. Pour cela, il faut une organisation, des élites et décideurs qui prennent les choses en main, et mène un travail le plus apaisé possible. Avons-nous la maturité et la capacité collective à prendre ce sujet par le haut ?

Il faudra ensuite proposer des solutions concrètes et acceptables à ceux qui vont être réellement impactés, dans la réalité même de leur travail, ou dans le ressenti et l’investissement lié à leur activité professionnelle. On ne transforme pas comme ça un artisan en ouvrier d’usine. La question du sens donné au travail doit faire l’objet d’une attention particulière. Le risque est que le raisonnement purement économique n’écrase complètement cette considération humaine et psychologique.

Il faut ensuite explorer les pistes d’activités où l’IA n’a pas (encore) sa place. Le coeur du sujet est l’activité mettant en jeu le lien humain. L’arrivée des IA peut être le moment où nos activités se recentrent sur le lien social, qui justement, fait gravement défaut dans nos sociétés occidentales qui s’enfoncent dans la solitude. Des métiers comme l’enseignement ont encore un bel avenir, car le cœur de cette activité est la transmission, d’humains à humains, de connaissances, mais pas seulement. Tous les métiers de l’accompagnement, même s’ils ne sont pas toujours gratifiants, vont retrouver un nouvel attrait, en partie peut-être grâce à ce que l’IA apportera pour faciliter certaines tâches.

L’exercice du pouvoir et du contrôle est l’autre volet de ce qui doit rester aux mains des himaines. Ce n’est pas l’IA qui doit dicter les règles, passer les commandes, même si on peut facilement aller sur cette pente glissante. C’est, et cela doit rester un outil, au service de ce que les humains décident de faire, en toute responsabilité. La régulation sociale (dont la politique est une facette) devra rester aux mains des humains. Il en va de même des activités de contrôle, que ce soit des processus (on aura encore plus besoin d’informaticiens et de data scientists) mais aussi des contenus produits. Les journalistes, par exemple, vont voir leur rôle changer, basculant de la production de contenus, à la certification que ce qui est mis sous les yeux du public est véridique. Leur rôle social sera désormais, en priorité, celui de tiers de confiance, capable d’attester qu’un fait a bien eu lieu, et s’est déroulé d’une certaine manière. L’existence d’une photo ou d’une vidéo n’est plus, en soi, une preuve crédible de la réalité d’un fait. Là encore, on retombe sur une activité d’interaction sociale.

Tout ces questions, c’est d’ici 2025 qu’il faudra se les être posées, collectivement.

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La petite lueur à gauche

Ce soir, dans l’Ariège, une socialiste dissidente a largement battu (60/40) une sortante LFI, dans une élection législative partielle. Certes, l’Ariège est un département rural très ancré à gauche (donc pas nécessairement représentatif de la France entière) mais ce résultat est un signal politique notable.

Il peut être interprété comme une prise de position des électeurs de centre-gauche contre la Nupes, et donc une validation de la ligne défendue par un certain nombre de socialistes (notamment de grands élus locaux, dont la présidente de la Région où se trouve l’Ariège). Le Parti socialiste est d’ailleurs coupé en deux depuis le dernier congrès, en janvier, avec une victoire très très courte de la ligne pro-Nupes, qui peut apparaitre désavouée par les électeurs ce soir. En politique, c’est toujours gênant d’être désavoué par ses électeurs.

Si cela se confirme, cela ouvre un nouvel espace politique à gauche, et offre de vraies perspectives à ceux, comme Bernard Cazeneuve, et quelques élus Liot, qui veulent structurer une social-démocratie autonome, qui ne soit pas inféodée à LFI. Bref, pour ressusciter le PSU. A terme, se posera la question d’une éventuelle alliance avec le bloc central (ça sera pour l’après-Macron, de toute manière) qui donnera une carte supplémentaire à ces sociaux-démocrates pour peser politiquement. Car il est évident qu’ils n’ont pas vocation à être des pivots d’une alliance, mais l’appoint qui fait la différence dans la grande lutte entre la gauche radicale, la droite radicale et le centre.

L’équation ne peut fonctionner que s’il existe des perspectives de se faire élire sous cette étiquette « sociale-démocrate non Nupes ». Jusqu’ici, c’était très hypothétique, et Cazeneuve n’avait réussit à rassembler que des has been du PS et des barons locaux, qui n’ont pas besoin d’étiquette pour conserver leur poste (en Bretagne par exemple). L’élection partielle de ce soir entre-ouvre cette perspective, et permettra peut-être d’attirer de nouvelles personnes sur ce segment. Des personnalités qui sont actuellement au PS, ou qui aimeraient s’engager à gauche, sans aller à la Nupes, ou dans un groupuscule sans avenir électoral, peuvent s’y investir.

Reste maintenant à confirmer, à consolider, à bâtir une offre politique digne de ce nom. Il reste encore l’essentiel du chemin, mais le premier pas est fait !

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L’impasse politique des petits ajustements

La France est en panne politique, en panne d’idées, d’idéaux, et de capacité à créer du consensus. La situation, déjà ancienne, va en s’aggravant, et bloque l’ensemble des réformes, dans tous les domaines. Le plan annoncée par Emmanuel Macron sur l’eau en est un exemple flagrant (un parmi d’autres).

Alors même que nous allons avoir une sécheresse assez terrible cette année, et que cela pourrait devenir la norme, le président vient de présenter un plan qui peut se résumer à un appel à la bonne volonté de chacun, aux petits gestes, et à l’innovation technique et technologique, pour éviter de gaspiller la ressource. En soi, c’est bien, mais c’est malheureusement nettement insuffisant pour faire face, à court terme, mais encore plus à moyen terme, au problème structurel de raréfaction de la ressource.

Le réchauffement climatique est à l’œuvre en France, avec deux éléments majeurs, l’augmentation des pics de températures (en hiver, c’est sympa, en été, c’est l’enfer) et la baisse de la ressource en eau, qui est très problématique. Il va donc falloir s’adapter vite, et revoir complètement l’allocation de la ressource : quels usages pour l’eau ? Qui est prioritaire ? Quelles activités doivent être réduites et/ou abandonnées ?

Poser ces questions, c’est toucher à des équilibres économiques (agriculture ou industrie ?), mais aussi aux normes de confort (est-ce encore raisonnable d’avoir plusieurs millions de piscines privées en France ?). Ne pas se les poser, c’est prendre le risque que les choses se passent quand même, sans débat, car s’il n’y a plus assez d’eau, il va bien falloir faire des choix, le pire étant de baisser tout le monde de manière égale.

C’est malheureusement vers cela que l’on va, Emmanuel Macron ayant décidé de ne fâcher personne en se gardant bien de trancher. Il n’y aura officiellement pas de restriction pour certains secteurs, juste une incitation à la sobriété, et des investissements pour éviter le gaspillage. Cela ne tiendra que quelques années, car le problème de fond n’est le gaspillage, mais le manque. de ressource.

La vrai courage politique serait de mettre les différents usages sur la table, et de dire, clairement, lesquels sont prioritaires, et qui doit faire quels efforts pour transformer ses modèles économiques. Au risque d’être moins performants et de perdre de la compétitivité, voire de la richesse…

Car derrière le changement climatique et la redistribution des cartes qu’il opère au niveau mondial, il y a ce risque du déclassement, qui touchera en priorité ceux qui n’ont pas pris le taureau par les cornes. Faire des choix douloureux à court terme, c’est s’assurer (si on a fait les bons choix) de conserver un bon positionnement, tenable dans le temps, dans l’économie et le commerce mondial. Cela permet aussi de mettre les moyens dans les transformations nécessaires, car c’est évident qu’il va falloir beaucoup d’argent pour opérer cette adaptation aux changements climatiques. Avoir l’argent n’est pas tellement le problème, le plus difficile, c’est de décider où le dépenser et s’y tenir.

La France a des questions à se poser sur l’avenir et la place de son agriculture. Notre pays a-t-il encore un avenir comme puissance agricole ? Si oui, sur quels types de productions ? Est-ce encore raisonnable de continuer à produire du Maïs et d’autres cultures demandant beaucoup d’eau ? Emmanuel Macron semble refuser d’ouvrir ce débat, et c’est là une erreur politique grave pour l’avenir du pays. Oui, ce débat (et d’autres comme celui des piscines ou du rationnement « normal » de l’eau) vont être durs et rudes, oui l’état du corps social et du pays est fragile, avec de vrais risques de déchirures. Mais plus on attend, plus les choix, qui se feront par la force des choses, seront douloureux, mal vécus, et causeront encore plus de déchirures.

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Sainte-Soline, erreur stratégique de la gauche

A peine quelques jours après le passage en force du gouvernement sur la réforme des retraites, voici qu’un nouveau sujet de polémique surgit, et pourrait occuper beaucoup d’espace médiatique : la manifestation contre la construction d’une méga-bassine de rétention d’eau dans les Deux-Sèvres.

Ce week-end, ont eu lieu à Sainte-Soline des manifestations violentes, avec des blessés, parfois graves, des deux cotés. Elles pourraient être un magnifique cadeau fait au gouvernement par la gauche. Alors que la Macronie était prise dans la nasse, sur la réforme des retraites, avec un front uni (en apparence) des oppositions, voilà qu’une planche de salut se présente pour Emmanuel Macron.

A peine une semaine après ce moment difficile, alors que la gauche aurait tout intérêt à maintenir la pression sur la réforme des retraites, voilà qu’ils ouvrent un deuxième front, permettant de déplacer le centre de gravité du débat politique de la question sociale vers la question sécuritaire. Elle permet également de retomber dans le bon vieux clivage droite/gauche, et donc desserrer l’étau de la « convergence des luttes » qui est le principal souci du gouvernement.

Alors que gauche et extrême-droite se rejoignent pour contester la réforme des retraites, la contestation violente contre les méga-bassines ne rassemble que la gauche radicale. En s’attaquant aux agriculteurs et en contestant leur modèle économique, les écologistes ne risquent pas de s’attirer la sympathie de la droite et du RN, pour qui les agriculteurs et le monde rural sont une cible électorale de première importance.

Le danger politique est réel pour la gauche. Dans les médias, en particulier des chaines d’information en continu, il n’y a qu’un sujet par jour, tout le reste n’existe pas. Or la violence des manifestations contre les méga-bassines, avec des blessés et des images spectaculaires, attire mécaniquement des médias avides de violence et de colère. Et donc, cela pourrait détourner en partie ces mêmes médias de la contestation contre une réforme des retraites, où les débats sont terminés et où des manifestations, finalement assez classiques, ont pris le relais. Il va être difficile, pour des leaders LFI ou écologistes, interrogés sur Sainte-Soline, de faire le lien avec la réforme des retraites.

Le deuxième danger est une radicalisation excessive des contestations, ceux qui demandent le retrait de la réforme des retraites. Pour continuer à attirer l’attention des médias, il ne reste guère comme ressource que des violences urbaines, des grèves, et des tentatives de blocage des institutions. Autant d’éléments qui sont de nature à effrayer s’ils dépassent certaines limites, et donc à remettre le gouvernement dans la posture du gardien de l’ordre face à des risques de débordements dont finalement, peu de français veulent. La gauche réformiste et les syndicats risquent de se retrouver pris en étau, dans un dilemme où ils ne peuvent que perdre. On peut être certain qu’avec Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur, la partition du garant de l’ordre sera bien jouée, voire surjouée.

Les journalistes politiques nous expliquaient, lors de la réforme des retraites, qu’Emmanuel Macron préparait la suite, avec des sujets comme la fin de vie ou l’écologie. Finalement, c’est la gauche radicale qui pourrait lui imposer une séquence « sécurité et maintien de l’ordre » qui pourrait, paradoxalement, rnforcer ses positions chez les électeurs LR…

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La victoire à la Pyrrhus d’Élisabeth Borne

En apparence, Élisabeth Borne a sauvé sa tête, la motion de censure, ce 20 mars, n’ayant obtenu que 278 voix, alors qu’il en fallait 287. A part sur ce point, elle n’a pourtant pas à se réjouir, et se sait désormais en sursis.

Pour la première fois, l’opposition a fait le plein complet de ses voix. Quasiment aucune ne manquait. Le groupe LIOT, composé d’indépendants de centre-gauche et de centre-droit, jusqu’ici « fluctuant » et potentiellement « achetable » a clairement basculé dans l’opposition frontale. Un espace de potentiel élargissement de la majorité présidentielle vient de se fermer, sans doute définitivement.

La séquence étant particulièrement tendue, Elisabeth Borne s’est également fermé, pour un certain temps, toute possibilité de négocier un soutien, ou une abstention de la gauche sur ses textes. Quand bien même certains partis de gauche seraient d’accord sur le fond, ce n’est plus possible, politiquement, de faire autre chose que voter contre en bloc.

Ce basculement du groupe LIOT est d’autant plus préjudiciable qu’il manquait aux oppositions, très clivés, un lieu de rencontre, et un chef de file « respecté » car ne menaçant personne. Charles de Courson, doyen en élection de l’Assemblée (il siège sans discontinuer depuis 1993) joue à merveille cette incarnation du grand sage, tout droit sorti de « l’ancien monde » voire d’au-delà. Il est ce lieu « neutre », capable de lancer une initiative où les voix LFI et RN puissent se mélanger, sans que surgisse le spectre de la disqualification. Le RN votait sans rechigner les motions LFI, mais l’inverse ne fonctionnait pas. Voter, en chœur, pour une motion de censure de « Charles-Amédée de Courson » ne coûte politiquement rien, et permet la convergence des luttes.

L’autre point, dramatique pour le gouvernement, est le début de basculement de LR dans l’opposition dure. En effet, 19 députés, sur les 61 que compte le groupe, ont voté la censure. Une fois qu’on a franchi le Rubicond, on ne revient pas en arrière, et je vois mal ces 19 se déjuger dans les mois prochains, et annoncer leur ralliement à une coalition pro-gouvernementale. Or, le groupe LR est la seule réserve de voix d’Elisabeth Borne pour s’assurer une majorité. Elle perd déjà un tiers du potentiel, et surtout, le reste ne vaut plus grand chose.

Car l’autre grand perdant de la soirée, c’est Eric Ciotti, qui a vu son autorité de chef du parti allègrement piétinée. Alors qu’il a clairement annoncé qu’aucun député LR ne voterait la censure, et que les contrevenants seraient sanctionné, le voilà avec 19 rebelles. Son souci, c’est qu’il suffit de 15 députés pour former un groupe parlementaire à l’Assemblée. Exclure les rebelles, c’est juste les pousser à former un onzième groupe à l’Assemblée, et à l’affaiblir encore plus. Pour Elisabeth Borne, c’est une catastrophe de ne plus être en mesure de pouvoir compter sur un engagement du chef des LR, car elle se retrouve en insécurité permanente, sur tous les textes, alors qu’elle n’a qu’un seul joker « 49.3 » jusqu’en juin, et quelques textes sensibles à faire passer.

Elle a fait passer sa réforme des retraites, mais à quel prix ! On appelle ça une victoire à la Pyrrhus.

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L’impasse politique

Depuis maintenant un an, la France est un pays politiquement en panne. Le chef de l’Etat a été reconduit, sans vrai projet politique, sur la simple continuation de l’action menée depuis 2017. Il gère le pays plus qu’il ne le gouverne, avec une majorité relative à l’Assemblée. Sans pour autant le paralyser, cette situation représente une gêne, car elle ne lui permet plus, comme avant, de tout décider seul.

Depuis un an, l’ambiance politique est plombée. L’opposition de gauche s’est requinquée (en nombre de sièges) mais peine à trouver son équilibre, du fait de la stratégie « insurrectionnelle » et du problème de leadership de sa principale composante, La France insoumise. L’opposition gouvernementale de droite, LR, poursuit sa lente décomposition, et n’arrive pas à se relancer. Enfin, l’opposition d’extrême-droite se réfugie dans le silence et l’inaction, estimant que le temps et le pourrissement politique jouent pour elle.

La défiance des Français dans les institutions et leur classe politique est toujours aussi forte, et la situation économique est de plus en plus instable et l’inflation fragilise une part grandissante de la population.

Et voilà qu’un sondage indique, qu’en cas de dissolution, on retrouverait, à quelques sièges près, la même configuration à l’Assemblée nationale.

J’ai vraiment un sentiment de gâchis, d’une année complètement perdue où rien n’a bougé. On a toujours un gouvernement de technocrates, que les procédures démocratiques embarrassent, une gauche qui se la joue révolutionnaire et se fait plaisir avec des postures mais ne construit rien, et un RN, absolument pas prêt à exercer le pouvoir et qui attend juste que le fruit soit mûr. Aucune alternative politique ne se dessine, aucun projet qui fasse envie n’émerge. On est dans le brouillard complet et c’est profondément désespérant.

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Le loupé de Macron sur l’autorité des transports

Notre système politico-administratif vient de vivre un petit incident, qui passera largement inaperçu, mais qui est pourtant très significatif. Le candidat proposé par Emmanuel Macron pour la présidence de l’autorité de régulation des transports, Marc Papinutti, a renoncé avant même les auditions parlementaires. Officiellement, pour raisons personnelles. En fait, c’est plus ennuyeux que ça.

Sur le papier, le candidat présente toutes les garanties de compétence technique dans les transports : directeur de cabinet de Christophe Béchu, il a été directeur de cabinet de la ministre des transports Elisabeth Borne, puis directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités au ministère. Il connait le secteur des transports sur le bout des doigts et à 63 ans, ce serait son dernier poste (il est nommé pour 6 ans).

Mais cette grande compétence technique est à la source d’un problème : ces six dernières années, il a été mêlé de très près à quasiment toutes les décisions sur les transports. Compliqué, en tant que président de l’Autorité de régulation, de se prononcer sur des dossiers où on a officié comme directeur de cabinet ou directeur général au ministère. On imagine mal, à moins d’une schizophrénie avancée, que le président de l’ART aille dans un sens différent de l’ancien dircab. Le pire, c’est que ce sont les services administratifs de l’ART qui ont signalé qu’il devrait se déporter sur 4 des 5 gros sujets que couvre l’autorité.

Le coeur du problème, que n’a pas du assez bien mesurer Macron, est qu’il s’agit d’une autorité administrative indépendante. Il est donc important qu’en tant que régulateur, cet organe puisse prendre des positions différentes de l’administration, voire même mettre des vetos. Pour cela, il faut que les membres du collège, à commencer par le président, aient un certain recul et au moins l’apparence d’un regard neuf sur les dossiers.

La nomination du directeur de cabinet du ministre de l’Ecologie et des transports, au poste de régulateur indépendant, sans la moindre transition, peut faire penser à une « reprise en mains » par le pouvoir politique. Même s’il est toujours délicat de présumer de la future indépendance d’une personne avant sa nomination (rappellez-vous, Jacques Toubon…), cette forme de « continuité » donne une image désastreuse, qui dessert l’autorité elle-même et peut se révéler un handicap sérieux pour son président, qui devrait continuellement se justifier.

Soit Emmanuel Macron n’a pas perçu cette question du conflit d’intérêt et des apparences désastreuses, et cette nomination relève d’une légèreté et d’un défaut d’analyse difficilement excusable au bout de 6 ans de mandat. Soit, c’est effectivement une tentative de mettre sous tutelle une autorité administrative indépendante, et c’est encore plus grave. Car ce serait une atteinte à une forme de séparation des pouvoirs, et une volonté d’emprise politique sur la régulation. Et surtout, c’est d’une grande bêtise de croire qu’on peut garder le contrôle d’une personne dont c’est le dernier poste avant la retraite. Il faut avoir à l’esprit que, bien souvent, « la fonction fait l’homme » et qu’une personne de bon niveau sait s’adapter aux attentes du poste. En politique comme dans la haute administration, c’est souvent illusoire de croire qu’une personne que vous avez nommé à un poste « indépendant » vous en sera reconnaissant et vous restera fidèle…