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La France en pleine reconfiguration politique

La déflagration provoquée par la dissolution de l’assemblée en juin 2024 marque un moment majeur d’une reconfiguration politique qui se poursuit, vers des direction pour l’instant encore incertaine.

Le premier effet a été de mettre Emmanuel Macron à l’écart de la vie politique. Il reste président et garde donc une capacité de nuisance, mais il a été mis au rencart par son propre camp. Il ne représente plus l’avenir, et ce qu’il peut dire n’intéresse plus grand monde, et semble assez mal le vivre. Le bloc central peut donc commencer à se reconfigurer se stabiliser, mais ce sera très progressivement, et un peu dans la cacophonie. Il y a des moments, on se croirait dans une cour de récréation, avec quelques gamins mal élevés comme Attal ou Wauquiez, qui cherchent à jouer les caïds. Ils peuvent discréditer ce bloc politique aux yeux de leurs électeurs, désespérés de ces enfantillages.

Même si l’Assemblée est un véritable cirque, du fait de l’absence de majorité, c’est aussi un terrain d’expérimentations, avec des cohabitations inattendues comme l’improbable tandem Coquerel – de Courson à la tête de la commission des Finances. Malgré des résultats déroutants dans les élections internes, on est arrivé à un résultat finalement pas inintéressant en termes de partage du pouvoir, la gauche ayant plus de leviers qu’on ne le pense. Ils sont à la tête de trois commissions et ont la majorité au bureau. Ils sont donc, de fait, associés au bloc central dans manière dont l’institution est gérée, et en seront considérés comme co-responsables. Il ne sera pas possible, pour la partie « raisonnable » de la gauche, de se défausser du bilan, quand l’heure des comptes arrivera, sur le déroulement de cette XVIIe législature.

Cette absence de majorité donne (et donnera) des résultats surprenants et imprévisibles, ce qui donne un véritable pouvoir à l’Assemblée nationale (en tout cas, plus qu’avant). En matière de lois, on sait ce qui entre dans l’hémicycle, mais personne ne peut prédire ce qui en sortira, ni dans quel état le texte sortira. Après le budget, un nouvel exemple vient d’être donné cette semaine, avec une banale proposition de loi sur les titres restaurants. Le but était de prolonger d’un an un dispositif provisoire, le temps de voter une réforme d’ensemble du dispositif. Prévue en 2024, cette réforme n’avait pas pu se faire pour cause de dissolution. Et voilà qu’en commission, les députés votent, à une voix près, non pas la prolongation d’un an, mais la prorogation définitive du dispositif, contre l’avis de la rapporteure (et du gouvernement). La devise de cette législature pourrait être « sur un malentendu, ça peut passer ».

A gauche, les choses évoluent aussi, avec des rééquilibrages entre gauche réformiste et radicale, où la prochaine étape sera les municipales de mars 2026. On pourrait avoir beaucoup de surprises, on commence déjà à avoir des signes que « la poutre bouge » dans certaines villes, dans le choix des alliances. Et surtout, la question de la succession d’un Jean-Luc Mélenchon vieillissant n’est toujours pas réglée à LFI, où ce n’est pas Manuel Bompard, qui a le charisme d’une huitre, qui pourra passer de coordinateur du parti à candidat à la prochaine présidentielle.

La reconfiguration politique se poursuit également, avec l’évènement majeur que pourrait être la condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité. Vu comment s’est déroulé le procès, l’amateurisme de la ligne de défense, on est bien parti pour qu’elle perde ses mandats dès 2025, et ne puisse pas se présenter à la prochaine présidentielle. Cette situation est une bombe à fragmentation, car cela pourrait entrainer une colère et une radicalisation du coté du RN et de son électorat. Cela pourrait aussi entrainer une guerre de succession, voire une implosion du parti, si Jordan Bardella n’arrive pas à s’imposer, ou tombe, lui aussi, pour des questions d’emplois fictifs.

L’élection de Donald Trump et le supplément d’instabilité qu’elle ajoute à une situation géopolitique déjà menaçant, peut également changer la donne politique nationale. Une crise géopolitique peut rapidement dériver sur une crise économique ou financière, la guerre en Ukraine l’a montrée en 2022. L’Europe n’est pas bien vaillante, entre une France gérée par un intérimaire qui pourrait durer, et une Allemagne qui n’aura un gouvernement stable qu’au mieux en avril 2025 et une Italie dirigée par l’extrême-droite. Les tractations autour de la prochaine commission européenne montrent bien que les failles politiques s’approfondissent à Bruxelles.

23 réponses sur « La France en pleine reconfiguration politique »

Ce que je trouve intéressant avec ce qui se passe à l’assemblée, c’est qu’on voit que contrairement à ce que prétendaient les macronistes, la gauche aurait très bien pu faire voter un budget.
Mais ça me paraît un peu gonflé d’associer la gauche au bilan du bloc macronistes-LR.
Tout le monde voit bien qu’absolument rien de ce que veut la gauche ne passera au final (je pense d’ailleurs que claironner sur Twitter des victoires sur des amendements qui passeront à la trappe est stupide).
Le RN n’a pas besoin de Marine Le Pen pour gagner des élections, ça s’est vu aux européennes et même au premier tour des législatives.
Ils peuvent présenter une chèvre et ça passera pour 2027, pour peu qu’effectivement, une scission ne les empêche pas d’être au second tour.
L’argument de la compétence ne convaincra plus personne, surtout avec l’état dans lequel Bruno Lemaire laisse les finances du pays.

L’association de la gauche avec le bilan macroniste, c’est juste pour ce qui relève du fonctionnement de l’Assemblée nationale. Pour le reste, il risque de ne pas y avoir grand chose de substantiel dans le bilan.

Vous avez vraiment suivi les votes ? On voit au contraire très bien que la gauche n’est pas capable de faire passer son budget. C’est même plutôt risible : « Regardez on a présenté le budget pour lequel les Français ont voté ! » et Bim retoqué, CQFD. Sans surprise personne ne le peut, ça se jouera au 49.3.

La gauche à littéralement échouée à faire voter son budget, vous le dites vous même quelques lignes plus bas.
Pour le fn je suis d’accord avec vous si ce n’étais pas la présidentielle : on élit qqun censé diriger le pays, pas un parti.

Que va donner le résultat, en terme politique, de cette législature? Même avec une boule de cristal cela va être difficile à déterminer. Déjà, elle va indiquer si la proportionnelle est viable en France. Autrement dit si les politiques, quel que soit leur bord politique, sont en capacité intellectuelle de la gérer.

Au niveau de chaque parti cela va être très compliqué. Vous parlez de « bloc central », mais celui-ci existe-t-il réellement? Entre absence de députés, et vote contre l’avis du gouvernement des présents, sa structure même est très instable.

D’autant que la composante LR n’a en fait pas de ligne claire. Elle a un 1ier ministre et pas mal de ministres. Mais elle s’est déchirée avant l’élection entre pro et anti Ciottiste. Et au final sa politique ressemble quand même pas mal à une « alliance des droites » version hypocrite. Cette hypocrisie sera-t-elle acceptée par son électorat?

A gauche, le « succès » de la NUPES augure mal de l’avenir du NFP. D’autant que LFI reste du positions extrêmes. On le voit encore aujourd’hui, sur Grenoble, où idans la partielle qui va avoir lieu, il a imposé un inconnu de son camp plutôt que d’accepter une candidature d’une personne mieux implantée ou ayant une meilleure visibilité médiatique, mais d’un autre parti de « ‘l’alliance ». En plus le congrès du PS qui va se tenir sous peu, peut aussi tout modifier.

Quand à l’autre bord, effectivement, les affaire judiciaires, dont l’institution est, suivant les circonstances, et surtout les personnalités impliquées, soit « laxiste », soit « politique », peuvent effectivement rabattre les cartes, et faire émerger de nouvelles candidatures.

Et au final, quand il faudra faire le bilan, tout le monde « aura gagné » selon les politiciens, qui s’appuieront sur les lois et amendements qu’ils auront réussi à faire passer. Mais est-ce que cela sera l’avis des électeurs? Ceci est nettement moins certain.

On peut vraiment discuter du parachutage à Grenoble, mais Lyes Louffok n’est pas du tout un inconnu, c’est depuis des années un militant reconnu des droits des enfants placés.

Peut-on vraiment considérer que Mme Meloni représente l’extrême droite? Par son histoire, ou plutôt celle de son parti, sans doute. Mais en pratique, elle me semble simplement conservatrice.

C’est embêtant de constater que la société s’est tellement droitisée que ce qui est d’extrême droite devient le quotidien de la droite.

De mon point de vue, c’est embêtant de constater que la société s’est tellement gauchisée que des opinions qui relevaient autrefois de la droite de gouvernement sont aujourd’hui considérées extrêmes.

Attention, préparez-vous à un choc, mais nous sommes en 2024.
Si, si.

Les idées, à l’instar de la société, évoluent. Et ce n’est pas parce qu’une idée a été défendue par Sarkozy, Chirac, Giscard, Pompidou ou De Gaulle, pour ne citer que les présidents de droite, qu’il faut la défendre parce que l’on est de droite. Être conservateur c’est bien, il faut juste faire attention à ne pas se fossiliser.

Un brin plus sérieusement, il est atterrant de voir que la droite dite de gouvernement n’apporte guère de réponses aux problématiques de notre temps si ce n’est en sautant sur sa chaise comme un cabri en disant « ordre », « wokisme » et « immigration ».

On est d’accord. La société a changé, en se gauchisant au point que si De Gaulle devait ressusciter (ce que je ne lui souhaite pas, le pauvre…) il serait rejeté bien à la droite de Zemmour.

Le problème, c’est qu’en appliquant ce principe sans réfléchir pour savoir si ces évolutions (qui peuvent n’être a la base qu’une construction mediatique) sont bénéfiques, neutres ou délétère, on finit par entériner et accélérer des évolutions que l’on aurait pu empêcher autrement.

Entre « ne pas se fossiliser » et renoncer à toute colonne vertébrale intellectuelle sous prétexte de modernité, il y a une différence.

C’est péjoratif de dire que la société s’est gauchisée. De mémoire l’hôte de ses lieux a écrit un billet expliquant que la société aspirait à plus d’égalité, d’horizontalité. On peut dire que ce sont des aspirations de gauche, cela ne les rend pas méprisables.
Et sur cette évolution sociale majeure, la Droite n’a rien à dire si ce n’est crier “wokisme” et ne rien changer. Si seulement elle prenait le temps de “réfléchir pour savoir si ces évolutions (qui peuvent n’être a la base qu’une construction mediatique) sont bénéfiques, neutres ou délétère” (sic)…
On accélère ces évolutions parce que la Droite n’est pas fichue d’apporter une alternative, en s’appuyant sur ses valeurs fondamentales. Pire, elle crache sur ses valeurs, et en premier lieu la Liberté (oui j’ai une vision caricaturale de la Droite).

@ Adrienhb :
J’ai surtout le sentiment que vous avez une vision, même pas unidimensionnelle, mais binaire du contexte politique, qui se réduirait à deux points, à savoir la droite avec ses valeurs, et la gauche avec les siennes.

Or, dans la pratique, la politique est traversée par de nombreux courants de pensée : des individualistes qui considèrent que toute contrainte aux droits individuels doit être combattue, des communautaristes divers qui considèrent que ces droits s’effacent face aux droits du groupe des gens qui vous ressemblent (et qui ne sont pas d’accord entre eux selon leur critère communautaire : famille, ethnie, religion, etc…), des collectivistes qui considèrent que les droits individuels s’effacent, mais face aux droits de collectivités rationnelles (nations, entreprises) dans le cadre d’un contrat (la nation retire des droits, mais apporte la solidarité, l’entreprise apporte la prospérité, etc…).

Et comme, sur une question politique, la réponse est forcément binaire (on est nécessairement pour ou contre une réforme, étant entendu que si on en veut une autre, c’est qu’on est contre…) tout ce beau monde s’organise et se réorganise en permanence sur l’axe droite/gauche.

Chercher une essence de la droite ou de la gauche n’a de sens. Hollande n’est pas plus l’héritier de Jaurès que Bardella n’est celui de Pétain

@Renard Il y a quand même des grands traceurs qui structurent encore fortement les pensées de gauche et de droite depuis plus d’un siècle : la gauche se place en défenseure des opprimés, de quelque nature qu’ils soient, face à des structures de domination qui ont souvent pour point de départ ou pour finalité une volonté d’accaparement des ressources, c’est d’ailleurs comme cela que la gauche est retombée sur ses pattes sur l’écologie.

La droite n’est plus autant qu’avant structurée autour de l’économie étant donné que l’essentiel du (sale) boulot a été effectué depuis les 80’s, et en la matière, quand il s’agit de proposer un horizon et un narratif aux classes moyennes, c’est souvent au détriment de classes plus laborieuses. Un peu la seule façon de donner l’illusion que le « travailler plus pour gagner plus » fonctionne, si on veut être taquin.

Le péril social et civilisationnel, ils ont eu des formes diverses au fil des décennies, mais ils restent structurants pour les deux camps.

@ Nick Carraway :
Il est possible de retrouver des fils conducteurs, parce les mouvements ne se reconfigurent pas brutalement, mais dans un continuum. Entre Jaurès et Yannick Jadot, il y a eu Blum, puis Mendes-France, puis Mitterand, puis Jospin, chacun se considérant comme l’héritier du précédent. Il n’empêche que chacune de ces figures s’appuie sur des classes sociales légèrement différentes de la précédente, et qu’à la fin, Jadot n’a plus aucun du soutien populaire qui était le marqueur de Jaurès.

La « défense des opprimés » n’est qu’un point rhétorique. L’Eglise catholique « défendait les pauvres ». La belle affaire.

Ce qui permet de caractériser un mouvement politique, c’est sa base sociale. Dans les mouvements qui composent la gauche actuelle, maintenant que Roussel et Ruffin son marginalisés, les seuls à porter des voix d’opprimés (en l’occurrence, de populations racisées), c’est LFI. Le reste, ce sont des petits bourgeois qui jouent aux bonnes âmes charitables.

@Renard
Donc il y a des nuances en politique (on est tous d’accord là-dessus), mais on s’organise quand même selon la droite et la gauche? C’est un peu ce que l’on dit depuis le début non ?

Je ne partage pas par contre votre avis qu’untel ne soit pas l’héritier de telle ou telle figure. Prenons Bardella : de par sa culture politique proche du néant, il est une girouette, mais il s’est quand même planté dans un parti qui s’inscrit parfaitement dans la suite de Pétain.

Je pense qu’il y a des fondamentaux de droite et de gauche, avec les nuances pour chacune qui vont des centristes aux extrêmes. Les partis de gouvernement les ont un peu (beaucoup oubliés) et n’ont que peu de choses à offrir pour actualiser ces fondamentaux et répondre aux questions de notre temps. Les extrêmes gardent leurs fondamentaux, mais c’est tellement simple de trouver un bouc émissaire et tout lui mettre sur le dos. Mais au final, ce n’est jamais une solution viable. Voire cela permet de ne pas se mouiller car on sait qu’on ne sera jamais au pouvoir, donc on se garde le beau rôle.
Bon je digresse, donc je vais m’arrêter. 🙂

@Renard
Ajout: La défense des pauvres par l’Église catholique n’est pas un point rhétorique. 😉

@Adrienhb
Je veux bien que l’Eglise catholique ai permis à des déclassés de se faire entendre au XIVè siècle, notamment grâce aux ordres mendiants. Elle a toujours un peu ce rôle en Amérique du Sud, et, dans une moindre mesure, en Afrique.

Mais en Europe occidentale aux XIXè et XXè siècle, l’Eglise catholique s’est organisée autour l’idée de charité. C’est à dire :
– Choisir les pauvres qu’on aide et ceux qu’on laisse (c’est la différence avec la solidarité, par définition inconditionnelle)
– Et ne surtout pas remettre en cause l’ordre social. On aide les pauvres à condition qu’ils le restent.

Dans la pratique, l’Eglise a certes développé une rhétorique d’aide aux pauvres, tout en développant une pratique d’opposition systématique aux mouvements prétendant émanciper les pauvres.

Alors certes, des individus développant la même rhétorique ont toujours été présents à gauche. En 1920, Lénine inventait pour eux le nom de gauchistes, et les qualifiait de « maladie infantile ». Mais ils étaient minoritaires. Ce qui est embêtant, c’est qu’aujourd’hui, ils sont majoritaires.

Et de la même manière que les paysans ont fini par se détourner de l’Eglise quand ils ont réalisé l’arnaque, les classes populaires se détournent actuellement de la gauche. Je ne suis pas sûr que quoi ce soit de bon sorte de cette situation.

@Renard
L’Église n’a sans doute pas été une grande révolutionnaire face à l’ordre établi, mais dire qu’elle maintient “ses” pauvres dans leur état… hum. Ne serait-ce que par son œuvre éducative, elle a contribué à l’émancipation de tellement de personnes. Sans compter toute son action sur le temps long auprès des plus démunis.
Elle n’est pas sans défaut, loiiiin de là. Mais elle a fait bien plus que bien des institutions.

@Adrienhb
A quoi pensez-vous exactement ? Parce que je cherche, et je ne trouve pas. Le mouvement des prêtres ouvriers ? Purement symbolique sans portée pratique. Les JOC ? Traitées avec beaucoup de méfiance par l’institution qui a finit par y mettre un terme.

Le reste, c’est de la charité, c’est à dire le fait de partager un peu avec les pauvres, sans leur donner la possibilité de s’assumer sans aide.

L’œuvre éducative est équivalente. Tout de monde, loin de là, n’avait pas accès aux écoles chrétiennes. Si des parents voulaient la promotion sociale de leurs enfants par là, il fallait penser correctement.

Je ne dénie pas tout mérité à l’Eglise catholique. Elle a joué un rôle de transmission que j’apprécie. Elle a mis de l’huile dans les rouages sociaux.
Mais on ne peut pas dire qu’elle ai contribuer à les changer.

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