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Il n’y aura pas de sursaut européen à l’élection de Trump

Donald Trump a réussi son retour, et de belle manière, puisqu’outre une majorité claire pour la présidence, les républicains emportent aussi le Sénat, la chambre des représentants, et ont déjà la cour suprême. Ils ont tous les leviers.

Je ne ferai pas ici l’exégèse de cette élection, ni les leçons politiques à en tirer, d’autres vont le faire abondamment. En revanche, les conséquences pour la France et l’Europe me préoccupent davantage.

Le résultat de cette élection est la prise de pouvoir central par la frange ultra-conservatrice, Trump n’étant finalement qu’un homme de paille. On les a vus à l’oeuvre lors du premier mandat de Trump, il n’y a pas de raison qu’ils aient fondamentalement changé d’options stratégiques. On aura peut être quelques accentuations, un habillage un peu différent (et plus brutal), et sans doute toujours beaucoup d’opportunisme et de pragmatisme.

L’élément géopolitique essentiel est que les Etats-Unis n’en ont plus grand chose à faire de l’Europe, qui dépend trop d’eux, pour partir ou les contredire. Leur vrai adversaire géopolitique, c’est la Chine. L’Europe n’est plus qu’une périphérique sans ressources essentielles, et sur ce terrain, leur objectif immédiat est que la Russie ne se rapproche pas trop de Pékin. Pour cela, il suffit de lâcher l’Ukraine, suffisamment pour que la Russie y trouve son compte, mais pas trop, pour éviter d’effrayer les européens.

L’Europe regardera tout cela en spectateur, car nous n’avons pas les moyens de remplacer les USA pour l’aide à l’Ukraine. Nous n’avons déjà pas les moyens de notre propre défense face à une guerre conventionnelle, si jamais la Russie se décidait à lancer ses troupes. Je ne suis pas certain que les français arriveraient à se mobiliser comme l’ont fait les ukrainiens, pour aller se faire tuer au front. Nous n’avons sans doute pas non plus les stocks d’armement pour faire face. Enfin, nous n’avons pas le choix de nos alliances, nous n’avons pas d’alternative à l’alliance américaine. On gesticulera beaucoup, on aidera l’Ukraine à panser ses plaies, et c’est tout. On se retrouvera avec un conflit gelé, où chaque belligérant campera sur les territoires qu’il contrôle.

L’état de fragmentation, politique, économique, idéologique de l’Europe est profond. Notre recul industriel, pas loin de virer à l’effondrement, est également structurel, et nous prive des moyens de la puissance. Nous n’avons jamais eu, depuis 60 ans, les moyens d’être une grande puissance mondiale, et l’élection de Trump ne suffira pas à changer nos orientations, pour faire de ce but une priorité. A moins d’une guerre sur notre territoire, je vois mal l’Europe changer de trajectoire. On va donc beaucoup gesticuler, mais ce sera surtout de la communication pour nous préserver notre ego et nous illusionner sur le fait que nous comptons encore, alors que c’est faux.

Cela fait déjà très longtemps que nous avons collectivement choisi (en France peut-être plus que dans d’autres pays) de sortir de la compétition pour continuer à être maitres de notre destin. Nous nous sommes placés dans la dépendance du bloc géopolitique américain, qui a trouvé son intérêt à y être présent en Europe, face au bloc soviétique. Depuis l’effondrement de l’URSS, l’Europe n’est plus un terrain majeur, et Trump pourrait tout simplement nous le dire brutalement, en nous indiquant qu’il veut bien nous garder sous son parapluie, mais à condition que nous lui fassions des concessions. Bref, que nous soyons un allié encore plus docile, et qui ouvre son chéquier pour rémunérer le service rendu. Trump l’a déjà dit lors de son premier mandat, avec la question du financement de l’OTAN, il va nous le redire, mais dans un contexte où nous avons encore moins les moyens de résister, ou de limiter les concessions.

Et nous nous cèderons, car nous n’avons pas le choix, et les choses continuerons comme avant. La deuxième président de Trump aura juste été une étape supplémentaire dans le déclin géopolitique de l’Europe.

20 réponses sur « Il n’y aura pas de sursaut européen à l’élection de Trump »

« Nous n’avons jamais eu, depuis 60 ans, les moyens d’être une grande puissance mondiale ».
Pas d’accord. Il n’y a pas si longtemps, le PIB combiné de l’UE était égal à celui des États-Unis. Le déclassement n’était pas une fatalité.
Mais avoir une politique industrielle européenne était un gros mot, seule comptait la « concurrence libre et non faussée ».
Une blague, alors que que les États-Unis et la Chine étaient plus protectionnistes que jamais.

Ne comparez pas un PIB d’un pays économique unifié, avec une monnaie commune, et un puzzle comme l’Europe, avec des petits marchés fragmentés et plusieurs monnaies.

@Iznogoud: Parlez du « PIB de l’UE » c’est parler de quelque chose qui n’existe pas. Ce PIB n’est pas celui d’une entité structurée économiquement. C’est la somme des PIB de 27 pays qui ont toujours privilégié le « nationalisme économique » à « l’intérêt commun ». D’ailleurs, une fois qu’on a cité Airbus et Arianespace, que reste-t-il comme entité économique européenne? On notera d’ailleurs que l’UE est bien incapable d’aider réellement l’Ukraine. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les apports militaires de l’UE à l’Ukraine par rapport aux apports de la Corée du Nord, ou de l’Iran, à la Russie. Si nous prenons le cas de la France, nous avons, par exemple, livré 10 canons Caesar. Mais nous produisons 3000 obus par mois (bientôt 6000). Donc, divisés par 10 canons, et 30 jours par mois, cela 10 obus tirables par jour et par canon. Autant dire que ces « beaux canons » sont plus des « plantes vertes » que de vraies armes.

@Authueil: « La France n’est pas préparée à une guerre de haute intensité (contre la Russie) » est un non-sens pour moi. Oui l’armée française est incapable de survivre à une guerre de haute intensité contre la Russie. Mais elle ne vivra cela que si tous les pays européens entre la France et la Russie se sont écroulés avant. Autrement dit, si l’OTAN se révèle totalement incapable de survivre à une guerre de haute intensité. Sur ce point d’ailleurs, nous risquons d’avoir la réponse beaucoup trop vite. Car, si Trump laisse Poutine s’emparer des territoires ukrainiens qu’il revendique, Poutine attaquera ensuite la Moldavie. Et après la Moldavie ce sera au tour des Pays Baltes. Or ces derniers sont membres de l’OTAN. Nous saurons donc rapidement si l’OTAN existe réellement ou si c’est devenu une vaste fumisterie.

je vous trouve très pessimiste. je suis loin d’être un spécialiste de la politique américaine mais il me semble que Trump doit plus sa réélection pour des raisons de politiques intérieures que de politiques extérieurs. Et son camp sera attendu aux élection de mi mandat sur les résultats de sa politique interne en matière économique. L’américain de base doit se foutre de la politique extérieur de son pays et au final Trump pourra très bien faire l’inverse de ce qu’il a dit. D’autre part le désengagement américain en Europe est en oeuvre depuis la chute du mur de Berlin. Les troupes de la 7° armées US qui étaient stationnées en Allemagne ne sont pas revenus en Europe après leur petite virée en Irak au moment de la 1° guerre du golfe…on est passé de plus de 400 000 hommes en Europe à 70 000 la veille de la guerre en ukraine.
Quant à leur opposition avec la Chine j’ai tendance à penser (mais je ne suis pas au Quai d’Orsay) que ce sont plus eux qui sont en demande envers l’Europe que l’inverse. Dans les faits nous n »avons pas grand chose à défendre en zone Pacifique (à part peut être quelques grands principes.. et encore dans les faits Taiwan c’est une ancienne province chinoises et les deux pays ont les mêmes prétentions territoriales l’un envers l’autres) Alors qu’eux c’est tout leur leadership sur la zone qui est remise en question (récemment les chinois se sont amusé à faire naviguer 2 porte avions de concert…choses qu’ils n’avaient jamais fait..)

Concernant Taiwan, dans les faits, c’est le gouvernement légitime de la République de Chine qui s’est réfugié à Taipei en 1949. Et c’est donc lui qui devrait réclamer la souveraineté sur toute la Chine. Le gouvernement communiste n’est composé que de putschistes et n’est jamais parvenu à s’imposer à Taiwan. Maintenant, qu’ils assument publiquement leur illégitimité.

il me semble que Taiwan réclame la Chine territoriale et a aussi à peu près les mêmes revendications que Pékin. Par exemple ils réclament aussi les Paracels et les Spratleys. Bon vu qu’il y a un différentiel de moyens cela devient de plus en plus théorique.

Quant à l’Europe « grande puissance mondiale » est ce que c’est réellement un projet qui est partagé par tout ses membres ? Cela me semble plus être un vœu pieux très franco français.

Il y aura toujours des blocs puissants. Si nous n’y sommes pas, nous subirons. On peut en effet le choisir, et on en prend la direction, on en voit les prémisses avec la Russie.

Tout ceci est tristement juste. Un élément essentiel est que les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial à la fois de pétrole et de gaz, et de loin. Le Moyen Orient et le reste du monde deviennent tout de suite moins importants pour eux, et nous, nous sommes devenus des clients de tout.

Nous sommes un vieux continent où la population vieillit, qui vit de ses rentes (tourisme, services), innove trop peu, investit mal, se concurrence trop, se sent bien plus coupable de polluer que le reste du monde, bref, organise sa décroissance au profit des autres. C’est très humaniste, mais face aux chars et aux missiles on va quand même devoir questionner nos choix. Les perspectives ne sont pas plus réjouissantes non plus pour le monde.

« L’élément géopolitique essentiel est que les Etats-Unis n’en ont plus grand chose à faire de l’Europe, qui dépend trop d’eux, pour partir ou les contredire. Leur vrai adversaire géopolitique, c’est la Chine. L’Europe n’est plus qu’une périphérique sans ressources essentielles, et sur ce terrain, leur objectif immédiat est que la Russie ne se rapproche pas trop de Pékin. Pour cela, il suffit de lâcher l’Ukraine, suffisamment pour que la Russie y trouve son compte, mais pas trop, pour éviter d’effrayer les européens. »

C’est marrant, ce paragraphe reprend mot pour mot le discours du 1er niveau de la propagande pro-russe : on doit céder à leurs caprices sinon ils vont s’allier à la Chine. Céder aux caprices de Poutine, c’est l’autoriser à recommencer parce qu’il sait qu’il finira toujours par avoir gain de cause.

Quant à l’armée Européenne, nous sommes un continent de 700 millions d’habitants. Si avec ça, on n’est pas capable de construire une armée suffisante pour battre celle d’un pays de 140 millions d’habitants qui ne parvient pas à venir à bout de celle d’un pays de 45 millions d’habitants, c’est qu’on a un sérieux problème de gestion.

Sinon, petit détail qui devrait avoir une certaine importance dans la construction d’une armée européenne : la Pologne est devenue en toute discrétion la deuxième armée européenne derrière la France. Et c’est une armée très bien équipée et parfaitement opérationnelle. Donc, avec un peu de volonté, on peut avoir les moyens de nos ambitions.

je vous rejoint. après il faut peut être que certains pays arrêtent de tirer la couverture à eux. Nous sommes un continent remplis ce vieilles puissances qui ont toutes été plus ou moins en conflit entre elles. Quand la France rêve de construire une armée européenne dont elle aurait le leadership en espérant que cela permettrait de la soulager dans la défense de son pré carré et de ses bouts de cailloux lointains, ce n’est pas sans soulever des arrières pensés chez nos anciens rivaux / nouveaux partenaires. Mais c’est pareil ailleurs.
Nous sommes des nations vieillissantes qui pour certaines ont choisi de remplacer leur taux de fécondité par l’immigration, ce n’est pas sans créer non plus des problèmes.

Nos nations sont peut-être vieillissantes, mais notre taux de natalité reste supérieur à celui de la Russie.

Vous m’avez fait douter qu’Authueil était devenu pro-russe, mais en remettant dans le contexte: le paragraphe que vous citez est ce qu’est la position trumpienne. Donc pas étonnant qu’elle soit pro-russe.

La propagande russe fonctionne sur plusieurs niveaux, c’est ce qui la rend aussi efficace.
Et globalement, le premier niveau consiste à dire qu’on s’indigne des crimes de la Russie, mais qu’il vaut mieux ne pas réagir parce qu’on subirait trop de conséquences. François Fillon était un spécialiste de ce genre de discours.

Je n’ai pas vraiment l’impression que ce soit ce que dit notre hôte. Par contre il dresse un état des lieux plutôt réalistes:
– Trump semble prêt à lâcher l’Ukraine en la poussant à céder les territoires revendiqués par Putin avec l’idée qu’il ne va pas se rapprocher de Pékin.
– Ça me coûte d’écrire cela, mais il est probable que les Européens n’ont pas les moyens de leur politique pour soutenir l’Ukraine. Et donc il y a de fortes chances que l’Europe doive s’aligner sur la position américaine.
Franchement je n’attends qu’une chose c’est d’être contredit sur ces deux points.

C’est entièrement faisable, ce n’est qu’une question de volonté politique. Si on fait France + Allemagne + Pologne (seulement 3 pays), on est déjà en supériorité numérique face à la Russie. Sachant qu’actuellement, en ce qui concerne les pertes, on est dans ratio 1 contre 5 en faveur de l’Ukraine, alors que celle-ci ne contrôle toujours pas l’espace aérien au-delà des lignes russes.
Donc, si on y rajoute une véritable force aérienne capable de prendre cet ascendant, on peut terminer cette guerre rapidement. Il faut juste accepter de s’en donner les moyens.

Une alternative terrifiante pourrait être de donner la technologie des armes nucléaires aux pays qui pourraient être agressés par la Russie et revenir à la guerre froide.

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