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La fin du moment Ruffin ?

Depuis les élections législatives, et son départ de LFI (accompagné de la vieille garde des anciens du Parti de gauche), François Ruffin est dans un moment difficile. Il s’est fait huer à la fête de l’Huma, et semble assez isolé.

Même s’il continue d’être, à mes yeux, l’une des personnalités d’avenir de la gauche, la situation actuelle n’est pas simple pour lui. En effet, sa stratégie implique un effacement de Jean-Luc Mélenchon, afin qu’il puisse se présenter comme un candidat unique de la gauche, acceptable à la fois de la gauche radicale, de la gauche « populaire » (le PCF) mais aussi des sociaux démocrates. Cela oblige à rompre avec Jean-Luc Mélenchon, ce qui ne peut pas se faire sans bruit et fureur. On y est, et comme prévu, ça chauffe. Reste à voir comme la vapeur va retomber et comment Ruffin va arriver à se rabibocher avec les LFI.

Le véritable souci, pour Ruffin, est la configuration générale de la gauche, de plus en plus éclatée. La question israélo-palestinienne a creusé des tranchées profondes, les suites des élections législatives n’ont pas arrangé les choses. Plaire à la fois à LFI et à l’aile droite du PS devient un challenge de plus en plus compliqué. Cet écart pourrait se traduire lors de la prochaine présidentielle.

Si Jean-Luc Mélenchon est candidat une nouvelle fois, ce qui est fort probable, il y aura une candidature socialiste ou de la mouvance. Je vois bien Raphaël Glucksmann se lancer, avec des chances sérieuses d’arriver devant Mélenchon, voire d’être qualifié au second tour face à Marine Le Pen. La reconfiguration à droite, à la suite de la dissolution, laisse entrevoir un duel entre Edouard Philippe et un représentant de LR, possiblement Laurent Wauquiez. Si c’est le cas, la pression à la candidature unique n’est plus aussi forte, et desservirait François Ruffin.

La récente dissolution nous a appris que les conditions politiques changent parfois très vite. L’important est d’être prêt, et de ce coté là, François Ruffin n’est pas en retard sur son planning. Il continue à s’organiser, à nouer des contacts et des liens, à affirmer sa différence et sa préférence pour une gauche sociale plutôt qu’une gauche sociétale.

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L’inquiétant début de dérive populiste à gauche

Plusieurs semaines après les élections législatives, alors qu’un Premier ministre vient d’être nommé, une partie de la gauche continue à clamer que c’est eux qui auraient gagné les élections, et que la nomination du Premier ministre de droite est un hold-up démocratique. Les exemples pullulent sur les réseaux sociaux, venant parfois même de gens qui affichent une qualité de « journaliste » dans leur bio.

Ce récit d’une victoire volée a été démonté en long et en large. Certes, la coalition de gauche a obtenu 193 sièges, mais c’est très loin de la majorité absolue de 289 sièges. Et la position de refus d’ouvrir des négociations sérieuses avec la macronie, seul allié possible, rend ce score stérile, et ouvre la voix à la recherche d’une autre coalition. Celle-ci, groupant Macronie et LR, avec un engagement (fragile et révocable) du RN de ne pas censurer, permet la mise en place d’un gouvernement Barnier.

Cette configuration où le parti arrivé en tête se retrouve finalement dans l’opposition, se retrouve parfois dans d’autres pays, sans que cela ne choque le moins du monde. C’est le cas, en 2023, du PiS en Pologne, qui s’est retrouvé face à une coalition des autres partis, qui a ramené Donald Tusk au gouvernement. Pareil en Espagne, où le Premier ministre sortant, Pedro Sanchez, est resté en place, bien que la droite soit arrivée devant, d’une courte tête. A chaque fois, cela donne des coalitions fragiles, ce qui n’est pas une bonne chose, mais c’est une autre histoire. Le jeu institutionnel post-électoral peut parfois être frustrant, surtout quand on n’a pas l’habitude. Mais il ne rend pas illégitime un gouvernement, quand les règles constitutionnelles sont respectées.

Pourtant, il y a une persistance de nombreux militants de gauche (notamment les plus à gauche), à refuser de reconnaitre comme légitime le gouvernement Barnier, et la coalition qui le soutient. Les mots qui reviennent sont « coup de force » ou « hold-up démocratique ». On peut comprendre cette surenchère dans la période de négociation et d’incertitude qui suit immédiatement l’élection. Mais une fois la situation stabilisée et le gouvernement nommé, il faut revenir à la réalité et concéder que malgré un bon score, la gauche restera encore dans l’opposition, parce que les conditions ne sont pas réunies pour qu’elle puisse gouverner.

Continuer à contester la légitimité du gouvernement relève alors d’une dérive populiste, qui refuse de reconnaitre la défaite. C’est exactement ce que l’on voit aux Etats-Unis, où un nombre non négligeables de Républicains continuent estimer que l’élection de 2020 a été « volée », malgré tous les recomptages et le respect de toutes les formalités constitutionnelles.

Nous n’en sommes pas encore là en France, mais il ne faudrait pas suivre cette pente, car elle est destructrice pour la démocratie. Il est de la responsabilité des dirigeants des partis de gauche de ne pas laisser perdurer cette petite musique, et de reconnaitre, explicitement et sans la moindre ambiguïté, que le gouvernement Barnier est légitime. Cela ne donnera que plus de force à leur opposition aux mesures que prendra ce gouvernement, qui s’inscrira dans un cadre républicain, offrant une possibilité d’alternance avec un contre-projet, soumis aux électeurs lors des prochaines échéances.

Il faut faire très attention, car il peut être facile et rapide de glisser hors du cadre républicain, et de déstabiliser les institutions. Peut-être, d’ailleurs, est-ce le but de certains…

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Le risque du burn-out parlementaire

La nouvelle configuration de l’Assemblée nationale, sans majorité claire, donne l’impression à certains qu’on va en finir avec l’inflation législative. Un avenir législatif radieux, où on voterait peu de lois, longuement travaillées et réfléchies, n’est pourtant pas à l’ordre du jour. Je crains beaucoup qu’on aboutisse au contraire à une machine parlementaire qui s’emballe encore plus, avec toujours plus d’idioties discutées, pour au final ne pas être adoptées, faute de majorité.

Le scénario qui se dessine pour cette XVIIe législature est très sombre pour ceux qui aiment le Parlement et la belle législation. Faute de majorité solide, toutes les réformes un tant soit peu clivantes vont être reportées, faute de pouvoir être adoptées. On va donc se retrouver avec une foule de propositions de loi dégoulinantes de bon sentiments ou d’idéologie, sur des sujets anecdotiques, ou des têtes d’épingle. Cela était déjà largement le cas sous la XVIe législature, où on trouvait un créneau pour discuter de la discrimination capillaire, alors que la loi de programmation énergie-Climat restait en rade.

L’inflation législative va continuer, car si on ne change pas les règles du jeu, il n’y a aucune raison que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Depuis bien longtemps, la loi est devenue un outil de communication, la réponse qu’on brandit dès qu’un problème monte dans les médias. Un fait-divers = une loi est une tentation permanente pour les politiques, sommés d’avoir réponse à tout, dans des temps médiatiques très courts. Déjà en 2008, on a eu cette magnifique loi sur les chiens dangereux, proposée à la suite d’une morsure très médiatisée de chien sur un enfant. L’article 1 de cette loi institue un « Observatoire national du comportement canin » et les articles suivants créent toute une série de nouvelles procédures administratives, génératrices de paperasse et de bureaucratie.

Les conditions de discussion des textes ne va pas aller en s’améliorant, le groupe LFI étant dans une stratégie assumée de bordélisation des institutions. Siéger dans l’hémicycle va rester un supplice. L’absence de majorité va amener à des bricolages et des compromis baroques, pour arriver à faire voter les textes. Je crains que tout cela ne se fasse au détriment de la qualité du droit. En effet, les parlementaires sont là pour faire de la politique, et les légistes sont une espèce en voie de disparition, voire quasiment éteinte au Palais Bourbon. Même s’il en reste au Sénat, il n’est pas certain qu’ils puissent tout rattraper.

Au final, on va avoir toujours autant de textes à discuter, car la machine parlementaire a horreur du vide. Ce ne sont pas les travaux d’évaluation et de contrôle qui vont prendre la place, car ils demandent beaucoup de travail, pour peu de bénéfice politique et médiatique. On aura donc toujours autant de propositions de loi anecdotiques, juridiquement vides, et politiquement clivantes. Mais bien peu risquent d’aboutir à quoi que ce soit, car si le gouvernement ne déclare pas la procédure accélérée, c’est deux lectures dans chaque chambre, puis une CMP, puis éventuellement une nouvelle lecture si la CMP échoue. Autant dire que sur une législature qui s’annonce courte, le bilan législatif risque d’être très maigre. En revanche, le risque de burn-out des différents acteurs du processus législatif est énorme.

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Laissons sa chance à Barnier

Emmanuel Macron s’est enfin décidé, en nommant Michel Barnier comme Premier ministre. Un choix logique, vu le refus du PS d’accepter une forme de soutien sans participation pour un gouvernement Cazeneuve. De plus, à 73 ans, il est suffisamment « has been » et dénué de charisme pour ne pas inquiéter les prétendants au pouvoir (comme Edouard P.), qui peuvent voir en lui un simple manager de transition, et pas plus.

Il peut compter, du moins dans les premiers mois, sur une base parlementaire assez solide. Les troupes macronistes vont le soutenir et LR ne peut pas s’en désolidariser. Et surtout, le RN semble accepter laisser sa chance au gouvernement Barnier en ne votant pas la censure (du moins pas tout de suite). Ils ont eu aussi, besoin d’un moment de répit pour se réorganiser, et Barnier n’est ni irritant, ni une menace. Cela va lui permettre de relancer la machine administrative, de prendre les décrets, ce qui permet de faire pas mal de choses. Il y aura sans doute une moindre productivité législative, car le fait que le RN ne vote pas les motions de censure ne veut pas dire qu’il votera les projets de loi. Mais mis à part le budget, ce n’est pas bien grave s’il y a moins de lois. Quand on regarde ce qui était discuté entre 2022 et 2024 au Parlement, cela relevait souvent de l’anecdotique.

Le vrai enjeu est sa capacité à ne rien céder au RN sur le fond, et à respecter dans les clous « républicains », malgré les coups de pression et les menaces de censure qui ne manqueront pas d’arriver régulièrement du RN. Pour l’instant, je ne suis pas fondamentalement inquiet, Barnier ayant toujours été un homme d’une droite classique, pro-européenne et modérée, loin de toute tentation extrême. Les épisodes comme la campagne des primaires de 2021, où il a été obligé d’aller draguer l’aile droite des militants LR, ne sont pas représentatifs de ce qu’il est vraiment.

J’attends de voir la composition du gouvernement et le discours de politique générale, mais ce gouvernement Barnier pourrait réserver quelques surprises. A partir du moment où il n’est pas renversé par une motion de censure, il dispose d’une véritable liberté d’action, car constitutionnellement, c’est lui qui dispose de la machine administrative et rend les arbitrages. Le président de la République ne peut pas lui donner d’ordres, il peut juste gêner ou empêcher. Comme en plus, Barnier est en toute fin de carrière, il n’a pas à « ménager l’avenir » et se moque de sa popularité.

Rappelez-vous ce qu’on a pu entendre, surtout venant de la gauche, lors de la nomination de Jacques Toubon comme défenseur des Droits. Au final, il a été excellent et est parti sous les applaudissements de la gauche.

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Macron entre dans la zone de danger

Le vaudeville de la nomination du Premier ministre se poursuit, et devient même interminable, lassant tout le monde. Il devient surtout très dangereux pour le président de la République, qui apparait, au fil des jours, comme le vrai responsable de tout ce bazar. C’est en effet lui qui a tout déclenché avec cette dissolution malencontreuse, et il se révèle incapable de trouver une solution. Plus on avance dans le temps, plus cela devient difficile pour l’Elysée de rejeter la faute sur les autres, même si la responsabilité du fiasco est partagée.

Cela se voit de plus en plus qu’Emmanuel Macron refuse de tirer les conséquences du résultat des élections législatives de juillet 2024, et de renoncer à sa toute-puissance. Son ancienne majorité, même si elle a sauvé les meubles, a subit une saignée, et n’est plus en mesure de gouverner seule. A partir de là, c’est tout le système présidentialiste qui s’écroule, car si le président de la République est un monarque, ce n’est pas en vertu de ses pouvoirs propres, mais parce qu’il a une majorité parlementaire à ses ordres. La reconstitution d’une majorité parlementaire qui soit à ses ordres n’est pas possible, avec deux blocs qui refusent de s’allier avec l’ancien parti présidentiel (surtout si c’est pour permettre à Macron de continuer à régner). Il est donc dans une impasse.

La seule issue institutionnelle est qu’une majorité parlementaire (qui ne pourra qu’être fragile, vu la composition de l’Assemblée) se constitue autour d’une autre personnalité, à savoir le Premier ministre. Mais dans ce cas, ce serait ce Premier ministre qui serait le véritable dirigeant du pays, reléguant Emmanuel Macron à l’inauguration des chrysanthèmes, jusqu’à la survenue d’une éventuelle crise politique. Une perspective totalement inacceptable pour Macron, qui refuse de se dessaisir du pouvoir, d’où cette recherche frénétique (et vaine) d’une solution technique (comme « l’hypothèse Thierry Beaudet »). Plus le temps passe, et plus c’est ce refus de Macron de renoncer au pouvoir, qui apparait comme le nœud de la crise politique.

Cette obstination risque de mener loin dans la crise. Il peut finir par se résoudre à nommer un Premier ministre (on voit mal désormais d’autres candidats que Bertrand ou Cazeneuve émerger) tout en cherchant à lui savonner la planche pour qu’il échoue. L’hypothèse de l’adoption d’une, voire de plusieurs motions de censure, n’a rien d’absurde. Mais même dans ce cas, ce n’est pas une solution pour Emmanuel Macron, car il serait tenu pour responsable du désastre.

Au final, on pourrait finir par être obligé de « débrancher Macron », en le poussant à la démission. Il suffit que les restes de son ancienne majorité le lâchent, en acceptant par exemple d’entrer dans une coalition sans son accord. Le lâchage vient de commencer avec la déclaration de candidature à la présidentielle d’Edouard Philippe. Le président d’Horizons pose abruptement le fait que les conditions politiques d’une présidentielle anticipée existent, et ouvre le bal des prétendants. En clair, la question n’est plus « est-ce que Macron a encore les moyens d’exercer son mandat ? » mais « combien de temps peut-il encore tenir ? ».