Les récents sondages (qui valent prise de température à l’instant T, pas résultat final) indiquent que la perspective d’une victoire de Marine Le Pen à la présidentielle devient une possibilité. Certes, pas la plus probable, mais ce n’est plus une hypothèse d’école.
Une telle perspective doit être envisagée, et il faut s’y préparer, au cas où. Par chance, le scénario des premiers temps de la présidence Le Pen est assez prévisible, au regard des expériences passées, que sont l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, et la conquête des premières grandes villes par le FN, en 1995.
Une victoire, même sur le fil, de Marine Le Pen, lui permettrait sans doute, dans la foulée, d’avoir une majorité à l’Assemblée. Le coup de massue provoquera, plutôt qu’un sursaut, un découragement qui se traduira par de l’abstention, au milieu des déchirements de la gauche et du centre, chacun accusant l’autre d’être responsable de ce désastre. A droite, on aura, sans aucun doute, un certain nombre d’élus qui iront manger dans la main du RN, pour garder leur place. Ils se découvriront (pour certains assumeront) une proximité avec des positions du RN. Ce sera d’autant plus facile si Marine Le Pen, comme cela semble se dessiner, arrondit les angles et élimine les points les plus clivants et contestables de son programme.
Après cette déflagration, il y aura sans doute de nombreux remous médiatiques. Marine Le Pen va avoir besoin de marquer fortement la rupture, avec des décisions symboliquement lourdes. Le RN au pouvoir, dans les premiers temps, va se lâcher, avec des propositions baroques (je n’ose imaginer la liste de la première promotion de la légion d’honneur de la grande chancelière Marine Le Pen) et une chasse au sorcières, des stigmatisations et des dérapages verbaux en pagaille. C’est malheureux dans leur ADN. La Presse engagée de gauche va sans doute éructer au moins trois fois par jour (et je ne parle pas des réseaux sociaux…).
Viendra ensuite le temps des gaffes et des erreurs de gestion. Les premiers effets de l’absence totale d’exercice du pouvoir se feront rapidement sentir. Devenir chef de l’Etat, sans jamais avoir exercé la moindre responsabilité auparavant, c’est l’assurance de nombreuses gaffes et boulettes, en plus des décisions absurdes, prises sciemment, pour des raisons politiques. Un certain nombre de secteurs qui sont connus pour être frontalement opposés au RN, comme la Culture et l’Enseignement supérieur risquent d’en baver, par des coupures sèches de crédits, par pure méchanceté, mais avec des conséquences économiques bien réelles. Le secteur où j’ai le plus de craintes est celui de la politique étrangère, avec des risques de renversement d’alliance. L’Union européenne risque d’être complètement paralysée, car elle repose sur un moteur « franco-allemand » qui va s’arrêter net.
Le point qui sera capital, pour le pays, sera la capacité (ou pas) de la Justice à se poser en rempart contre les débordements et exactions. Cela se joue à deux niveaux, à savoir la capacité à prendre des décisions faisant respecter le droit, contre les décisions du gouvernement, et surtout, à les faire appliquer en contraignant le gouvernement à les respecter. Si cette digue cède, on peut tout craindre.
Le troisième temps sera celui de la reprise en main du gouvernail, par des acteurs déjà dans la place. La gauche, à son arrivée au pouvoir en 1981, a mis deux ans à capituler, prenant un virage économique à 180° en 1983, avec le « tournant de la rigueur ». Avec Marine Le Pen à l’Elysée, il ne faudra sans doute que quelques mois. Les « repreneurs » les plus probables sont un attelage entre milieux d’affaires (Vincent Bolloré s’y prépare déjà, mettant son groupe média au service de la droite radicale) et haut-fonctionnaires conservateurs, qui verront là un moyen de conserver leur pouvoir. Ils laisseront juste les attributs du pouvoir et quelques gadgets symboliques aux élus. Nous aurons donc un « retour à la normale » qui sera une politique ouvertement pro-business, à faire passer Emmanuel Macron pour un collectiviste. En échange de quelques susucres symboliques, « l’Etat profond » à la française reprendra sa place, avec les mains encore plus libres que sous Emmanuel Macron, les dirigeants politiques RN seront, à n’en pas douter, encore plus novices et incompétents que leurs prédécesseurs.
Loin de sortir la France de la crise, et lui faire changer de cap politique, l’élection de Marine Le Pen à la présidence de la République ne ferait qu’enfoncer davantage la France dans l’ornière où elle se trouve.
17 réponses sur « Et si Marine gagnait ? »
On dit souvent que la France a dix and de retard sur les États-Unis. Au moins, on ne serait plus qu’à six ans de retard… Mais je crains que nos institutions et équilibres des pouvoirs soient bien moins solides…
« Une victoire, même sur le fil, de Marine Le Pen, lui permettrait sans doute, dans la foulée, d’avoir une majorité à l’Assemblée. »
Je ne suis pas sûr de suivre l’enchainement, ici, et je m’interroge sur un scénario où ça ne serait pas le cas.
Les mécanismes politiques français sont orientés vers la présidentielle, et une victoire entraine, dans la foulée, des gains aux législatives. En cas de victoire de Marine Le Pen, on aura à la fois une démobilisation de l’électorat de gauche (assommé et dégouté) et un ralliement d’une partie des électeurs et cadres de LR. Dans bien des cas, ça permettra d’assurer la victoire au second tour des législatives.
Mmm … il y a des points différents qui pourraient dans ce cas ne pas permettre une confirmation législative.
Les électeurs savent bien que le RN n’a pas la capacité de gouverner, et pourraient ne pas confirmer leur vote de protestation.
Les candidats députés RN sont loin d’être aussi bien et implantés vu que les classiques
Marine se targue de vouloir faire un référendum sur l’immigration. Elle n’a pas besoin de l’assemblée pour le faire. Ceux qui votent RN contre l’immigration mais ne souhaiteraient pas le reste de leur politique pourraient se satisfaire de cette mesure.
A vrai dire, elle aurait tout intérêt à ne pas remporter les législatives afin d’éviter la guerre civile médiatique et judiciaire que vous annoncez.
Pour moi au contraire, me caractérisant de gauche (et classant PS et EELV comme du centre droit aujourd’hui), je suis prêt à voter contre macron au second tour.
Et je compte au contraire sur un sursaut de la gauche aux législatives pour avoir une cohabitation.
SI j’ai bien suivi, cette reprise en main ne serait qu’économique, les libertés, la protection sociale, l’environnement n’étant clairement pas des priorités des ‘repreneurs’. Et la proximité entre une partie des forces de police et des idées d’extrême-droite fait peur, surtout dans notre pays où les limites aux pouvoir des forces de police – quand elles sont soutenus par leur hiérarchie – sont faibles.
Oui, la protection de l’environnement et les libertés publiques risquent de souffrir. Le vrai barrage est la capacité de notre état de droit à tenir le choc. J’essaye de rester optimiste, car il y a quand même quelques garde-fous, notamment internationaux (merci l’UE…) et les « repreneurs » n’ont surtout pas intérêt à ce que la France se retrouve le paria de l’UE.
Terrible tableau que vous dressez là.
De même que Marine n’a pas intérêt a gagner la législative, si elle les remporte, absolument personne n’a intérêt à déclencher une guerre médiatique et judiciaire. La gauche le fera cependant. Car ils ont tellement diabolisé et radicalisé qu’ils ne pourront pas reculer sans disparaitre.
A partir de là, il sera extrêmement difficile de s’informer. Si Marine fait 75% de gaffes, Les média seront à 100% comme une horloge cassée sonnant midi en permanence, mais personne ne saura vraiment ce qu’il se passe
Les lecteurs de gauche ignoreront les 25% mensongers, mais les lecteurs de droite disqualifierons l’ensemble des fake-news.
Les média seront donc devenu virtuellement inutile car ils auront refusé à leur mission d’information.
A partir de là, comment un individu, même éclairé, pourrait il savoir qu’un juge empêche un abus ou qu’il en commet un lui-même. Surtout s’il se base sur la presse haïssant le pouvoir et estime que la justice est aussi biaisée.
Sans confiance dans le système, celui-ci ne vaut rien.
Sans confiance dans notre système électoral, le gouvernement n’est qu’une force.
Sans confiance dans les media, il n’y a plus de communication entre les gens.
Sans confiance dans la neutralité de la justice, on préfère se faire justice soi-même.
Marine pourrait faire 5 ans de recul social, un cirque international et flinguer la moitié de notre budget, sacrifier les institutions pour lutter contre par tous les moyens pourrait être la fin de notre démocratie.
« Une politique ouvertement pro-business, à faire passer Emmanuel Macron pour un collectiviste… ». Vous me mettez presque l’eau à la bouche, tellement la France en aurait besoin.
Mais des hauts fonctionnaires se lancer dans une politique pro-business, franchement, j’ai un peu de mal à y croire…
Soit vous faites partie des 10% (1%) les plus riches et alors je comprends votre soutien à ce genre de politique,mais je vous considère comme un égoïste et un parasite.
Soit ce n’est pas le cas et vous priez donc pour une politique qui va à l’encontre de vos intérêts, et je me pose des questions sur vous… 🤔
Il suffit de comparer avec la situation aux Etats Unis… Sauf que le Président français a plus de pouvoir.
On ira au max de ce que permet la constitution, en espérant que la droite sénatoriale refuse toute modification du texte constitutionnel. Nos institutions céderont et ne se rebelleront pas trop.
Ca va être le cirque avec une série de médiocre aux manettes, avec de nombreux opportunistes (il n’y a qu’à voir la place que laisse Marine à n’importe quel Enarque médiocre comme Philippot ou Messiha ou ex troisième couteaux LR comme Garraud, Chenu et Mariani)
Merci pour vos différentes réflexions.
Vous avez parlé du découragement dans les urnes et d’un combat médiatique.
Que pensez-vous de la possibilité de voir émerger des contestations dans les rues, de manière régulière comme avec les gilets jaunes ?
Votre article fait rêver; et se trompe n FN élu laissera LR gagner les législatives, et gouvernera à droite en gérant ce qui nous fait lieu de justice. Je ne pensais pas voir une telle invitation à voter pour le changement en ces lieux.
Parmi les 577 circonscriptions, les électeurs déçus de Macron revoteront pour leur mouvance d’origine (gauche ou LR) et je ne vois pas comment le RN dont l’implantation locale est très variable pourrait remporter la majorité des circonscriptions.
Plutôt une nouvelle cohabitation à mon avis
La solution est simple : si Macron est susceptible de ne pas gagner face à une personne de l’envergure de LP, il faut qu’il laisse la place à une personne qui aura une chance de gagner.
Ce n’est pas simple du tout, car encore faut-il trouver cette personne qui aurait plus de chances de gagner qu’EM. Pour l’instant, aucun prétendant crédible ne se dégage…
Sans regarder du côté de la personnalité ou des idées, il y a en a un qui gagnerait au second tour aussi bien contre macron que contre lepen. Celui qui bizarrement se fait taper dessus en permanence par une bonne partie de la presse et des autres politiques. Je pense que je n’ai pas besoin de mettre son nom.