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La petite lueur à gauche

Ce soir, dans l’Ariège, une socialiste dissidente a largement battu (60/40) une sortante LFI, dans une élection législative partielle. Certes, l’Ariège est un département rural très ancré à gauche (donc pas nécessairement représentatif de la France entière) mais ce résultat est un signal politique notable.

Il peut être interprété comme une prise de position des électeurs de centre-gauche contre la Nupes, et donc une validation de la ligne défendue par un certain nombre de socialistes (notamment de grands élus locaux, dont la présidente de la Région où se trouve l’Ariège). Le Parti socialiste est d’ailleurs coupé en deux depuis le dernier congrès, en janvier, avec une victoire très très courte de la ligne pro-Nupes, qui peut apparaitre désavouée par les électeurs ce soir. En politique, c’est toujours gênant d’être désavoué par ses électeurs.

Si cela se confirme, cela ouvre un nouvel espace politique à gauche, et offre de vraies perspectives à ceux, comme Bernard Cazeneuve, et quelques élus Liot, qui veulent structurer une social-démocratie autonome, qui ne soit pas inféodée à LFI. Bref, pour ressusciter le PSU. A terme, se posera la question d’une éventuelle alliance avec le bloc central (ça sera pour l’après-Macron, de toute manière) qui donnera une carte supplémentaire à ces sociaux-démocrates pour peser politiquement. Car il est évident qu’ils n’ont pas vocation à être des pivots d’une alliance, mais l’appoint qui fait la différence dans la grande lutte entre la gauche radicale, la droite radicale et le centre.

L’équation ne peut fonctionner que s’il existe des perspectives de se faire élire sous cette étiquette « sociale-démocrate non Nupes ». Jusqu’ici, c’était très hypothétique, et Cazeneuve n’avait réussit à rassembler que des has been du PS et des barons locaux, qui n’ont pas besoin d’étiquette pour conserver leur poste (en Bretagne par exemple). L’élection partielle de ce soir entre-ouvre cette perspective, et permettra peut-être d’attirer de nouvelles personnes sur ce segment. Des personnalités qui sont actuellement au PS, ou qui aimeraient s’engager à gauche, sans aller à la Nupes, ou dans un groupuscule sans avenir électoral, peuvent s’y investir.

Reste maintenant à confirmer, à consolider, à bâtir une offre politique digne de ce nom. Il reste encore l’essentiel du chemin, mais le premier pas est fait !

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L’impasse politique des petits ajustements

La France est en panne politique, en panne d’idées, d’idéaux, et de capacité à créer du consensus. La situation, déjà ancienne, va en s’aggravant, et bloque l’ensemble des réformes, dans tous les domaines. Le plan annoncée par Emmanuel Macron sur l’eau en est un exemple flagrant (un parmi d’autres).

Alors même que nous allons avoir une sécheresse assez terrible cette année, et que cela pourrait devenir la norme, le président vient de présenter un plan qui peut se résumer à un appel à la bonne volonté de chacun, aux petits gestes, et à l’innovation technique et technologique, pour éviter de gaspiller la ressource. En soi, c’est bien, mais c’est malheureusement nettement insuffisant pour faire face, à court terme, mais encore plus à moyen terme, au problème structurel de raréfaction de la ressource.

Le réchauffement climatique est à l’œuvre en France, avec deux éléments majeurs, l’augmentation des pics de températures (en hiver, c’est sympa, en été, c’est l’enfer) et la baisse de la ressource en eau, qui est très problématique. Il va donc falloir s’adapter vite, et revoir complètement l’allocation de la ressource : quels usages pour l’eau ? Qui est prioritaire ? Quelles activités doivent être réduites et/ou abandonnées ?

Poser ces questions, c’est toucher à des équilibres économiques (agriculture ou industrie ?), mais aussi aux normes de confort (est-ce encore raisonnable d’avoir plusieurs millions de piscines privées en France ?). Ne pas se les poser, c’est prendre le risque que les choses se passent quand même, sans débat, car s’il n’y a plus assez d’eau, il va bien falloir faire des choix, le pire étant de baisser tout le monde de manière égale.

C’est malheureusement vers cela que l’on va, Emmanuel Macron ayant décidé de ne fâcher personne en se gardant bien de trancher. Il n’y aura officiellement pas de restriction pour certains secteurs, juste une incitation à la sobriété, et des investissements pour éviter le gaspillage. Cela ne tiendra que quelques années, car le problème de fond n’est le gaspillage, mais le manque. de ressource.

La vrai courage politique serait de mettre les différents usages sur la table, et de dire, clairement, lesquels sont prioritaires, et qui doit faire quels efforts pour transformer ses modèles économiques. Au risque d’être moins performants et de perdre de la compétitivité, voire de la richesse…

Car derrière le changement climatique et la redistribution des cartes qu’il opère au niveau mondial, il y a ce risque du déclassement, qui touchera en priorité ceux qui n’ont pas pris le taureau par les cornes. Faire des choix douloureux à court terme, c’est s’assurer (si on a fait les bons choix) de conserver un bon positionnement, tenable dans le temps, dans l’économie et le commerce mondial. Cela permet aussi de mettre les moyens dans les transformations nécessaires, car c’est évident qu’il va falloir beaucoup d’argent pour opérer cette adaptation aux changements climatiques. Avoir l’argent n’est pas tellement le problème, le plus difficile, c’est de décider où le dépenser et s’y tenir.

La France a des questions à se poser sur l’avenir et la place de son agriculture. Notre pays a-t-il encore un avenir comme puissance agricole ? Si oui, sur quels types de productions ? Est-ce encore raisonnable de continuer à produire du Maïs et d’autres cultures demandant beaucoup d’eau ? Emmanuel Macron semble refuser d’ouvrir ce débat, et c’est là une erreur politique grave pour l’avenir du pays. Oui, ce débat (et d’autres comme celui des piscines ou du rationnement « normal » de l’eau) vont être durs et rudes, oui l’état du corps social et du pays est fragile, avec de vrais risques de déchirures. Mais plus on attend, plus les choix, qui se feront par la force des choses, seront douloureux, mal vécus, et causeront encore plus de déchirures.

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Sainte-Soline, erreur stratégique de la gauche

A peine quelques jours après le passage en force du gouvernement sur la réforme des retraites, voici qu’un nouveau sujet de polémique surgit, et pourrait occuper beaucoup d’espace médiatique : la manifestation contre la construction d’une méga-bassine de rétention d’eau dans les Deux-Sèvres.

Ce week-end, ont eu lieu à Sainte-Soline des manifestations violentes, avec des blessés, parfois graves, des deux cotés. Elles pourraient être un magnifique cadeau fait au gouvernement par la gauche. Alors que la Macronie était prise dans la nasse, sur la réforme des retraites, avec un front uni (en apparence) des oppositions, voilà qu’une planche de salut se présente pour Emmanuel Macron.

A peine une semaine après ce moment difficile, alors que la gauche aurait tout intérêt à maintenir la pression sur la réforme des retraites, voilà qu’ils ouvrent un deuxième front, permettant de déplacer le centre de gravité du débat politique de la question sociale vers la question sécuritaire. Elle permet également de retomber dans le bon vieux clivage droite/gauche, et donc desserrer l’étau de la « convergence des luttes » qui est le principal souci du gouvernement.

Alors que gauche et extrême-droite se rejoignent pour contester la réforme des retraites, la contestation violente contre les méga-bassines ne rassemble que la gauche radicale. En s’attaquant aux agriculteurs et en contestant leur modèle économique, les écologistes ne risquent pas de s’attirer la sympathie de la droite et du RN, pour qui les agriculteurs et le monde rural sont une cible électorale de première importance.

Le danger politique est réel pour la gauche. Dans les médias, en particulier des chaines d’information en continu, il n’y a qu’un sujet par jour, tout le reste n’existe pas. Or la violence des manifestations contre les méga-bassines, avec des blessés et des images spectaculaires, attire mécaniquement des médias avides de violence et de colère. Et donc, cela pourrait détourner en partie ces mêmes médias de la contestation contre une réforme des retraites, où les débats sont terminés et où des manifestations, finalement assez classiques, ont pris le relais. Il va être difficile, pour des leaders LFI ou écologistes, interrogés sur Sainte-Soline, de faire le lien avec la réforme des retraites.

Le deuxième danger est une radicalisation excessive des contestations, ceux qui demandent le retrait de la réforme des retraites. Pour continuer à attirer l’attention des médias, il ne reste guère comme ressource que des violences urbaines, des grèves, et des tentatives de blocage des institutions. Autant d’éléments qui sont de nature à effrayer s’ils dépassent certaines limites, et donc à remettre le gouvernement dans la posture du gardien de l’ordre face à des risques de débordements dont finalement, peu de français veulent. La gauche réformiste et les syndicats risquent de se retrouver pris en étau, dans un dilemme où ils ne peuvent que perdre. On peut être certain qu’avec Gérald Darmanin au ministère de l’Intérieur, la partition du garant de l’ordre sera bien jouée, voire surjouée.

Les journalistes politiques nous expliquaient, lors de la réforme des retraites, qu’Emmanuel Macron préparait la suite, avec des sujets comme la fin de vie ou l’écologie. Finalement, c’est la gauche radicale qui pourrait lui imposer une séquence « sécurité et maintien de l’ordre » qui pourrait, paradoxalement, rnforcer ses positions chez les électeurs LR…

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La victoire à la Pyrrhus d’Élisabeth Borne

En apparence, Élisabeth Borne a sauvé sa tête, la motion de censure, ce 20 mars, n’ayant obtenu que 278 voix, alors qu’il en fallait 287. A part sur ce point, elle n’a pourtant pas à se réjouir, et se sait désormais en sursis.

Pour la première fois, l’opposition a fait le plein complet de ses voix. Quasiment aucune ne manquait. Le groupe LIOT, composé d’indépendants de centre-gauche et de centre-droit, jusqu’ici « fluctuant » et potentiellement « achetable » a clairement basculé dans l’opposition frontale. Un espace de potentiel élargissement de la majorité présidentielle vient de se fermer, sans doute définitivement.

La séquence étant particulièrement tendue, Elisabeth Borne s’est également fermé, pour un certain temps, toute possibilité de négocier un soutien, ou une abstention de la gauche sur ses textes. Quand bien même certains partis de gauche seraient d’accord sur le fond, ce n’est plus possible, politiquement, de faire autre chose que voter contre en bloc.

Ce basculement du groupe LIOT est d’autant plus préjudiciable qu’il manquait aux oppositions, très clivés, un lieu de rencontre, et un chef de file « respecté » car ne menaçant personne. Charles de Courson, doyen en élection de l’Assemblée (il siège sans discontinuer depuis 1993) joue à merveille cette incarnation du grand sage, tout droit sorti de « l’ancien monde » voire d’au-delà. Il est ce lieu « neutre », capable de lancer une initiative où les voix LFI et RN puissent se mélanger, sans que surgisse le spectre de la disqualification. Le RN votait sans rechigner les motions LFI, mais l’inverse ne fonctionnait pas. Voter, en chœur, pour une motion de censure de « Charles-Amédée de Courson » ne coûte politiquement rien, et permet la convergence des luttes.

L’autre point, dramatique pour le gouvernement, est le début de basculement de LR dans l’opposition dure. En effet, 19 députés, sur les 61 que compte le groupe, ont voté la censure. Une fois qu’on a franchi le Rubicond, on ne revient pas en arrière, et je vois mal ces 19 se déjuger dans les mois prochains, et annoncer leur ralliement à une coalition pro-gouvernementale. Or, le groupe LR est la seule réserve de voix d’Elisabeth Borne pour s’assurer une majorité. Elle perd déjà un tiers du potentiel, et surtout, le reste ne vaut plus grand chose.

Car l’autre grand perdant de la soirée, c’est Eric Ciotti, qui a vu son autorité de chef du parti allègrement piétinée. Alors qu’il a clairement annoncé qu’aucun député LR ne voterait la censure, et que les contrevenants seraient sanctionné, le voilà avec 19 rebelles. Son souci, c’est qu’il suffit de 15 députés pour former un groupe parlementaire à l’Assemblée. Exclure les rebelles, c’est juste les pousser à former un onzième groupe à l’Assemblée, et à l’affaiblir encore plus. Pour Elisabeth Borne, c’est une catastrophe de ne plus être en mesure de pouvoir compter sur un engagement du chef des LR, car elle se retrouve en insécurité permanente, sur tous les textes, alors qu’elle n’a qu’un seul joker « 49.3 » jusqu’en juin, et quelques textes sensibles à faire passer.

Elle a fait passer sa réforme des retraites, mais à quel prix ! On appelle ça une victoire à la Pyrrhus.

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L’impasse politique

Depuis maintenant un an, la France est un pays politiquement en panne. Le chef de l’Etat a été reconduit, sans vrai projet politique, sur la simple continuation de l’action menée depuis 2017. Il gère le pays plus qu’il ne le gouverne, avec une majorité relative à l’Assemblée. Sans pour autant le paralyser, cette situation représente une gêne, car elle ne lui permet plus, comme avant, de tout décider seul.

Depuis un an, l’ambiance politique est plombée. L’opposition de gauche s’est requinquée (en nombre de sièges) mais peine à trouver son équilibre, du fait de la stratégie « insurrectionnelle » et du problème de leadership de sa principale composante, La France insoumise. L’opposition gouvernementale de droite, LR, poursuit sa lente décomposition, et n’arrive pas à se relancer. Enfin, l’opposition d’extrême-droite se réfugie dans le silence et l’inaction, estimant que le temps et le pourrissement politique jouent pour elle.

La défiance des Français dans les institutions et leur classe politique est toujours aussi forte, et la situation économique est de plus en plus instable et l’inflation fragilise une part grandissante de la population.

Et voilà qu’un sondage indique, qu’en cas de dissolution, on retrouverait, à quelques sièges près, la même configuration à l’Assemblée nationale.

J’ai vraiment un sentiment de gâchis, d’une année complètement perdue où rien n’a bougé. On a toujours un gouvernement de technocrates, que les procédures démocratiques embarrassent, une gauche qui se la joue révolutionnaire et se fait plaisir avec des postures mais ne construit rien, et un RN, absolument pas prêt à exercer le pouvoir et qui attend juste que le fruit soit mûr. Aucune alternative politique ne se dessine, aucun projet qui fasse envie n’émerge. On est dans le brouillard complet et c’est profondément désespérant.

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Le loupé de Macron sur l’autorité des transports

Notre système politico-administratif vient de vivre un petit incident, qui passera largement inaperçu, mais qui est pourtant très significatif. Le candidat proposé par Emmanuel Macron pour la présidence de l’autorité de régulation des transports, Marc Papinutti, a renoncé avant même les auditions parlementaires. Officiellement, pour raisons personnelles. En fait, c’est plus ennuyeux que ça.

Sur le papier, le candidat présente toutes les garanties de compétence technique dans les transports : directeur de cabinet de Christophe Béchu, il a été directeur de cabinet de la ministre des transports Elisabeth Borne, puis directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités au ministère. Il connait le secteur des transports sur le bout des doigts et à 63 ans, ce serait son dernier poste (il est nommé pour 6 ans).

Mais cette grande compétence technique est à la source d’un problème : ces six dernières années, il a été mêlé de très près à quasiment toutes les décisions sur les transports. Compliqué, en tant que président de l’Autorité de régulation, de se prononcer sur des dossiers où on a officié comme directeur de cabinet ou directeur général au ministère. On imagine mal, à moins d’une schizophrénie avancée, que le président de l’ART aille dans un sens différent de l’ancien dircab. Le pire, c’est que ce sont les services administratifs de l’ART qui ont signalé qu’il devrait se déporter sur 4 des 5 gros sujets que couvre l’autorité.

Le coeur du problème, que n’a pas du assez bien mesurer Macron, est qu’il s’agit d’une autorité administrative indépendante. Il est donc important qu’en tant que régulateur, cet organe puisse prendre des positions différentes de l’administration, voire même mettre des vetos. Pour cela, il faut que les membres du collège, à commencer par le président, aient un certain recul et au moins l’apparence d’un regard neuf sur les dossiers.

La nomination du directeur de cabinet du ministre de l’Ecologie et des transports, au poste de régulateur indépendant, sans la moindre transition, peut faire penser à une « reprise en mains » par le pouvoir politique. Même s’il est toujours délicat de présumer de la future indépendance d’une personne avant sa nomination (rappellez-vous, Jacques Toubon…), cette forme de « continuité » donne une image désastreuse, qui dessert l’autorité elle-même et peut se révéler un handicap sérieux pour son président, qui devrait continuellement se justifier.

Soit Emmanuel Macron n’a pas perçu cette question du conflit d’intérêt et des apparences désastreuses, et cette nomination relève d’une légèreté et d’un défaut d’analyse difficilement excusable au bout de 6 ans de mandat. Soit, c’est effectivement une tentative de mettre sous tutelle une autorité administrative indépendante, et c’est encore plus grave. Car ce serait une atteinte à une forme de séparation des pouvoirs, et une volonté d’emprise politique sur la régulation. Et surtout, c’est d’une grande bêtise de croire qu’on peut garder le contrôle d’une personne dont c’est le dernier poste avant la retraite. Il faut avoir à l’esprit que, bien souvent, « la fonction fait l’homme » et qu’une personne de bon niveau sait s’adapter aux attentes du poste. En politique comme dans la haute administration, c’est souvent illusoire de croire qu’une personne que vous avez nommé à un poste « indépendant » vous en sera reconnaissant et vous restera fidèle…

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La réformette des retraites

Depuis quelques semaines, la vie politique et médiatique française se focalise autour de la réforme des retraites. J’ai un peu de mal à comprendre cet engouement, car quand on regarde sur le fond, c’est une petite réforme, purement financière et paramétrique. Elle n’est en rien systémique, comme pouvait l’être celle de 2020 avec la basculement vers un système par points.

Quand on regarde ce que propose le gouvernement Borne, c’est essentiellement de décaler l’âge de départ, afin d’assurer un équilibre financier. L’argument s’entend, notre système par répartition étant très sensible aux évolutions démographiques. Si le nombre de bénéficiaires augmente (la durée de vie est plus longue) et que derrière, du fait d’un creux démographique dans les naissances, on risque d’avoir moins de payeurs, il faut bien réajuster le système. C’est d’ailleurs pour cela qu’on a régulièrement des « réformes des retraites ». Cela peut certes être désagréable de voir sa charge financière augmenter, ou sa pension de retraite s’éroder, mais il n’y a aucune surprise pour ceux qui connaissent un tant soit peu le système (qui ne peut pas avoir que des avantages pour tout le monde). En tout cas, il n’y a rien à mes yeux qui ne justifie vraiment d’aller jusqu’à bloquer le pays, à moins que tout cela ne soit le prétexte à l’expression d’une opposition purement politique et idéologique (mais c’est un autre sujet).

Mais on ne touche pas (pour l’instant) aux fondamentaux du système, et en particulier sa base, son caractère universel et obligatoire. Oui, notre système de retraite est une pyramide de Ponzi, mais elle tient car elle est obligatoire, et maintient à la marge les systèmes de retraite par capitalisation. Vous pouvez parfaitement vous faire votre complément de retraite, à coté du système par répartition (on peut même prévoir quelques aides fiscales) mais c’est en plus, et en aucun cas en remplacement du système par répartition. Tant que ce verrou tient, je ne suis pas inquiet pour l’avenir, et je sais que j’aurai une retraite dont le montant dépendra uniquement de la situation de la démographie (le rapport cotisant/ayant-droit) avec quelques corrections financières pour équilibrer la répartition de la charge.

Contrairement à 2020, les modalités de calcul des droits à pension ne sont pas concernés. Ce débat est intéressant, car il ouvre celui des inégalités de carrières, et propose des formules permettant une souplesse dans les rattrapages de ceux qui n’ont pas pu, pour une raison ou une autre, cotiser suffisamment à un moment de leur carrière, pour atteindre les critères leur permettant de toucher une retraite à taux plein. Cette fois-ci, on n’a même plus de ce débat.

J’ai donc suivi ce sujet avec une assez profonde indifférence, et un paquet de popcorn, car tout cela relevait beaucoup plus du spectacle que du débat de fond. S’il y a pu y avoir des débats de fond intéressant sur l’emploi des séniors et la souffrance au travail ou encore les choix de vie, tout cela ne valait pas le grand barouf politique et médiatique qui a été fait.

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La tartufferie politique française

Hier soir, à l’occasion de la réforme des retraites, Adrien Quatennens a pris la parole dans l’hémicycle. C’est la première fois, depuis son retour, après sa condamnation pour violences conjugales.

Comme il fallait s’en douter, vu l’ambiance survoltée causée par cette réforme des retraites, cela a provoqué un incident de séance, les députés de la majorité ne manquant pas de remuer ce couteau dans la plaie de LFI, surjouant l’indignation.

Cet incident fut aussi l’occasion de voir que malgré cette condamnation, obtenue sur reconnaissance de culpabilité, le groupe politique de la France insoumise continue à soutenir Adrien Quatennens et à le considérer comme l’un des siens. Même s’il a été officiellement exclu du groupe, il continue à siéger à la même place dans l’hémicycle, et bénéficie du soutien moral de ses camarades. Et dans quelques semaines, il réintègrera officiellement le groupe. Tout comme Julien Bayou, qui vient de terminer hier, discrètement, une période de « mise en retrait » provoquée par des faits similaires.

Cela permet de constater que la politique en France, c’est de la tartufferie, où chacun à tour de rôle, joue les vierges effarouchées ou la tortue, façon légion romaine en position de défense. Ces mêmes qui s’indignent qu’Adrien Quatennens n’ait pas démissionné, faisaient bloc autour de Damien Abad, il y a quelques mois, quand il était sous le coup des attaques de la France insoumise, pour des accusations de violences sexuelles.

Au final, on se rend compte qu’en politique, ce qui prime, c’est la conquête des places, du pouvoir, et que la défense du clan est une priorité. Quand bien même la faute est patente, voire en contradiction flagrante avec les « valeurs » défendues, il faut quand même faire bloc, et lancer les opérations pour « sauver le soldat X ».

Les valeurs, c’est accessoire. Et c’est là qu’est le problème, car les citoyens qui s’engagent en politique pour des idées, sans objectif de carrière ou d’exercice direct du pouvoir, ne peuvent qu’être écœurés par de telles attitudes. Comment être surpris de la désaffection des citoyens pour leur classe politique, quand ils voient que non seulement, ils ne sont pas capables de « faire le ménage » dans leurs rangs, mais qu’en plus, ils n’en ont, en fait, aucune envie.

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La réforme des retraites va être votée

Aujourd’hui, débute le cirque parlementaire autour de la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron. Je parle de cirque, car il y a beaucoup d’esbrouffe et de communication autour d’un texte qui a toutes les chances d’être adopté, le gouvernement ayant tous les outils. Le seul vrai enjeu, pour Elisabeth Borne (et elle sera jugée sur ça) c’est d’arriver à le faire de manière à peu près propre.

En effet, il s’agit d’un texte financier, donc hors quota en termes d’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution. Le gouvernement gardera son joker. Et en plus, la procédure de l’article 47-1 de la Constitution impose des délais stricts, où le temps joue pour le gouvernement. Même si la jurisprudence peut sembler un peu floue, sur la possibilité de faire valoir ces délais sur un texte rectificatif (car leur finalité est de permettre l’adoption des budgets, discutés à l’automne, avant le 31 décembre), le conseil constitutionnel n’ira pas jusqu’à censurer sur cette base. Si jamais il se prononce sur ce point, ce sera pour donner, en creux, la jurisprudence, pour les prochaines fois.

Qu’il y ait un texte voté, ou pas, par les députés, n’est pas techniquement gênant (démocratiquement, c’est autre chose). Le seul véritable sujet, pour le gouvernement, est de faire adopter le texte devant les sénateurs. Ces derniers sont suffisamment malins pour ne pas jouer le drama de l’obstruction. Le texte sera discuté et voté dans les temps, et bien entendu, complètement réécrit s’il le faut. Après, commencera la discussion avec le gouvernement, pour une issue « propre » ou dans le bruit, la fureur, et le passage en force.

Lors de la commission mixte paritaire, si un deal est conclu avec la majorité sénatoriale, la CMP sera conclusive. Si ce n’est pas le cas, le gouvernement pourra toujours dégainer le 49.3 en nouvelle lecture à l’Assemblée, et faire passer en force son texte. Cette dernière option, bien que techniquement tout à fait opérationnelle, risque d’entacher politiquement la légitimité de cette reforme, et donc d’augmenter l’agitation sociale.

Amis commentateurs et journalistes, pas la peine de passer vos journées (et surtout vos nuits) devant les débats de l’Assemblée nationale. Ce n’est pas là que ça se passe, à part des grands numéros de cirque. Gardez des forces pour l’examen au Sénat. Dès le passage en commission (qui durera une matinée, guère plus), on saura à quoi s’en tenir.

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Le bavardage législatif dans toute sa splendeur

Se plaindre de la complexité du droit est devenu une litanie depuis plusieurs décennies, qui sert notamment à justifier de voter régulièrement des « lois de simplification » (dont l’effet simplificateur reste à prouver). Il existe pourtant une méthode simple pour traiter cette inflation législative, qui consiste à s’abstenir de produire de la loi bavarde et inutile.

Le groupe Renaissance de l’Assemblée nationale vient de nous offrir un magnifique cas d’étude de ce phénomène de « loi bavarde » dont on pourrait se dispenser, avec cette proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans.

La quasi-totalité des mesures préconisées pourraient sans difficulté être mise en œuvre sans avoir à faire une loi. L’article 1er, par exemple, propose de créer une plateforme d’information à destination des parents, et d’intégrer le sujet des écrans, à la formation des personnels de la petite enfance.

Ce texte rajoute également des obligations, enquiquinantes pour les professionnels tout en étant parfaitement inefficaces, comme placer des mentions sur les emballages des ordinateurs et tablettes, pour informer des dangers de la surexposition aux écrans, ou encore dans les publicités pour ces produits. Ces recommandations seraient même inscrites dans le carnet de grossesse (article 2). Bien entendu, un comité théodule serait chargé de gérer tout cela, sous l’autorité des présidents de conseils départementaux.

On ne frôle même plus le ridicule, on y est en plein. Et je n’ai aucun doute que cette proposition de loi va générer plusieurs centaines d’amendements, de tous les bords.

Ce drame législatif et légistique pourrait se résumer en un proverbe : « quand on n’a qu’un marteau, tous les problèmes sont des clous ». Derrière cette proposition de loi, il y a beaucoup plus une envie de débattre, d’exprimer des positions politiques, que de légiférer. Mais au Parlement français, bien que l’outil existe pour ces débats purement politiques (cela s’appelle les résolutions), c’est encore par le biais d’une proposition de loi que tout se fait. Car ce qui est en jeu ici, ce n’est pas de modifier la loi, mais d’obtenir une visibilité médiatique, pour parler d’un sujet offrant une belle visibilité.

C’est ce détournement même de l’objet de la loi qui est l’une des sources de l’inflation législative et de l’obésité des textes. Au final, cela affaiblit la loi, et c’est le législateur qui en est le premier et le principal responsable, avec les médias, qui relaient complaisamment ces débats, et « poussent au crime » des élus en quête de postures.