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Les députés vont débattre de discrimination capillaire

La conférence des présidents du 5 mars 2024 a inscrit à l’ordre du jour une proposition de loi visant à lutter contre la discrimination capillaire. Le texte, est porté par Olivier Serva député LIOT (et chauve) de Guadeloupe et cosigné par des députés de plusieurs groupes, de la majorité comme de l’opposition.

Le contenu de la proposition de loi est un pur neutron législatif, sans le moindre effet concret. En effet, il ne fait qu’apporter une précision, juridiquement inutile, aux textes sanctionnant les discriminations. Une discrimination basée sur une calvitie ou une coupe de cheveux originale, peut d’ores et déjà être sanctionnée.

L’ambition de cette proposition de loi n’est pas juridique, mais politique. Elle porte sur un sujet sensible, les discriminations, et l’exposé des motifs est sans ambiguïté, sur la volonté d’importer en France en débat anglo-saxon, et une défense de population qui se sentent discriminées par ce biais. En ciblant explicitement les discrimination visant les personnes ayant une coupe de cheveux dite « Afro », les auteurs du texte amènent le débat, par un biais, sur les discriminations subies par les populations d’origine Afro-Caribéennes.

On peut comprendre cette volonté de débattre, et après tout, ce n’est pas plus mal que ce débat n’ait strictement aucune conséquence juridique. Cela évite une instrumentalisation, et donc une complexification du droit à des fins purement militantes et politiques.

Ce qui est triste, c’est que les députés vont se déchainer sur ce texte, et sont capables de déposer plusieurs dizaines d’amendements, rien que pour pouvoir prendre la parole, et se déchirer, dans des élans victimaires ou antiwokiste, selon l’endroit où vous siégez dans l’hémicycle.

6 réponses sur « Les députés vont débattre de discrimination capillaire »

Bonjour,

Je m’interroge sur votre qualificatif de « neutron législatif », et l’absence supposée de portée juridique du projet de loi.

En effet, l’exposé des motifs cite un arrêt de la Cour de cassation concernant un steward ayant fait l’objet de diverses mesures de la part de son employeur du fait de sa coupe afro.

Non seulement ce steward a perdu aussi bien en première instance qu’en appel (ce qui laisse penser que votre interprétation des textes en vigueur ne s’imposait pas avec évidence), mais la Cour de cassation s’est fondée, pour casser l’arrêt, sur les seuls motifs liés à la différence entre les hommes et les femmes instituées par le règlement intérieur de la société, conduisant donc à retenir, a contrario, qu’il n’y aurait pas eu de discrimination si les hommes et les femmes avaient été logés à la même enseigne.

Pour ma part, et indépendamment du bien-fondé de la proposition, je ne peux que me féliciter de la compréhension fine de la situation juridique par le Parlement, et de son interaction constructive avec la jurisprudence : une approche comme on aimerait en voir plus souvent.

Quant au faut que les parlementaires vont se déchaîner pour exister, c’est au fond leur mode de fonctionnement habituel et cela n’a rien de particulier à voir avec le sujet des coupes de cheveux.

Quand vous avez un « notamment » dans un texte de loi, tout ce qui suit ce mot est superfétatoire. Les magistrats, face à un cas concret, sont libres d’apprécier le texte juridique qui correspond le mieux, et qui permet de rendre une décision solide. Cibler la discrimination « femme-homme » est beaucoup plus solide et balisé, que se lancer dans une hypothétique « discrimination capillaire » qu’il faut prouver, et dont le champ exact n’est pas bien défini.

Merci pour votre réponse.

Le « Notamment » sert à préciser l’interprétation du terme qui précède. Sa portée juridique est nulle lorsque cette interprétation est évidente ou qu’elle a déjà été donnée par la jurisprudence ; elle est utile lorsqu’il y a une ambiguïté. L’article L.2212-2 du CGCT, qui remonte à 1884, comprend un « notamment », et de nombreuses conséquences ont été tirées de ce qui a été écrit après ce « notamment » ! Au cas présent, l’interprétation était-elle évidente, ou conservait-elle une ambiguïté, c’est-à-dire : était-elle capillotractée ? En évoquant une « hypothétique discrimination capillaire dont le champ exact n’est pas bien défini », approche qui reflète peu ou prou celle des juridictions judiciaires dans l’affaire évoquée, je crois que vous avez la réponse …

Arrêtons de couper les cheveux en quatre. Cette proposition de loi est sobre, bien rédigée, procède d’une analyse juridique justifiée, et porte sur un sujet mineur mais pertinent au moins pour une partie de la population, ce qui correspond à la finalité des propositions de loi. Gloire à notre Parlement ! Soyons posi-tifs. C’est sup’hair !

Ce texte de loi tombe-t-il comme un cheveu sur la soupe ?

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