Le résultat des élections législatives de 2024 est un match nul. Tous les protagonistes se sont neutralisés et personne n’a gagné. Il est évident, dès les premières déclarations, que les leaders politiques vont vouloir rapidement rejouer le match, soit sous la forme de législatives anticipées (possibles dès l’automne 2025), soit à la présidentielle. Ils vont se focaliser sur la préparation du combat à venir, bien plus que sur l’exercice concret du pouvoir.
Dans une telle configuration, le scénario de l’année blanche est le plus probable. Aucun parti n’a intérêt à gouverner, et donc à devoir assumer des décisions pas nécessairement populaire alors même que l’horizon politique est court. Être au pouvoir, c’est bien, quand c’est pour cinq ans avec une majorité claire et stable. Pas pour 18 mois avec un gouvernement minoritaire.
Mais comme il va bien falloir gouverner, on pourrait se retrouver avec un gouvernement de technocrates et de quasi retraités de la politique, dont le barycentre sera une Macronie bon teint, peu clivante, avec des personnalités ayant des attaches au PS et à LR. Cela permettra aux partis de l’axe républicain de « s’y retrouver » sans en être vraiment.
Une manière de prolonger la neutralisation du champ politique, sans bloquer complètement le pays. Les enjeux sont importants pour cet axe républicain, qui aspire à retrouver le pouvoir de manière plus stable. S’ils ne veulent pas retrouver une montagne de poussière sous le tapis et un chaos qui ne peut que bénéficier au RN, il faut bien que quelqu’un fasse le ménage et garde la maison pendant la période de quasi-vacance du pouvoir. Cela implique de gérer les affaires courantes, les urgences, et quelques réformes consensuelles (qui n’iront donc pas bien loin).
Le principal enjeu pour ce gouvernement, sera de donner un débouché à la production de la machine administrative, de faire voter un budget, même si c’est le quasi décalque du budget précédent, et d’envoyer des gens représenter la France à Bruxelles et à l’international. A chaque fois, on sera en service minimum, avec une absence de mandat politique dès que les questions soulevées sont un peu clivantes, où il faudra un consensus entre deux des trois blocs, et une opposition pas trop virulente du troisième bloc.
On aura sans doute beaucoup de mousse, de palabres, et le concours Lépine des idées à la con va battre son plein dans les assemblées. Mais si on aura beaucoup d’idées lancées en l’air, bien peu atterriront, faute d’accord politique. Et ce n’est pas plus mal.
Je vois dans la situation une opportunité d’expérimenter un gouvernement technocratique, finalement assez libre de ses mouvements . Il va y avoir des lignes rouges politiques partout, mais à l’intérieur du périmètre (assez étroit), le gouvernement pourrait être beaucoup plus libre de faire ce qu’il veut et surtout de faire comme il veut. Une forme d’oeil du cyclone politique.
C’est dans cet interstice inattendu qu’on pourrait, par exemple, retrouver davantage d’écoute, de dialogue, de concertation dans le système de prise de décision. Même si temps est court, c’est peut-être le moment de changer des pratiques, des manières de travailler.
Dans une telle configuration, le choix du futur Premier ministre sera capital, car c’est de lui que dépendra l’utilisation, ou pas, de cette marge de manœuvre pour expérimenter un « gouverner autrement ».