Une entreprise gérant des maisons de retraite, Orpéa, est dans la tourmente à la suite du livre d’un journaliste, dénonçant la manière indigne dont son traités les personnes âgées résidant dans les établissements de ce groupe. Les révélations ne sont malheureusement pas une surprise pour ceux sont déjà allés visiter des parents ou grands-parents dans des maisons de retraite. Même quand ils y sont bien traités, cela reste un peu sordide, et souvent, on est soulagé d’en sortir, une fois la visite terminée, en souhaitant « ne jamais finir comme ça ».
La question va bien au-delà de la simple maltraitance physique, le problème de fond, c’est la place que notre société réserve au grand âge. Nos modes de vie et l’augmentation du nombre de personnes lourdement dépendantes, ne permettent plus aux familles de prendre en charge les parents âgées. Il y a également un refus de regarder en face la déchéance physique et intellectuelle, qui nous rappelle notre condition mortelle. Il y a un immense problème dans notre société, qui développe une médecine formidable pour augmenter l’espérance de vie (et donc sa durée), tout en étant incapable de traiter politiquement la question de la fin de vie et en refusant de se donner les moyens financiers et sociaux de s’occuper dignement des personnes très âgées.
Le grand âge n’est pas, ou mal pris en compte, car c’est le moment de la fin de la vie sociale et de l’isolement. Entre ceux qui sortent de la société, car ils n’ont plus toute leur tête, où ne sont plus assez valides pour aller vers les autres, cela fait beaucoup de « morts-vivants » dont la voix n’est plus audible, avec personne pour les représenter. Les quelques uns qui restent encore en forme vivent une forme d’isolement, car ils voient partir tous ceux de leur génération et se sentent bien seuls. De ce fait, le financement de leur dépendance dépend largement de leur fortune personnelle, du soutien de leurs enfants (voire petit-enfants) et des structures mises en place, soit par les collectivités locales, soit par le secteur privé lucratif.
Le scandale Orpea est juste un dépassement de ligne jaune, mais est le fruit du choix collectif de reléguer les personnes âgées invalides dans des lieux clos, loin de nos regards et à l’écart de la société. Car de ce choix, découle une allocation de moyens qui ne peut être que « juste à la limite de ce qu’il faut » voire un peu en dessous, tant que ça tient et que ça ne se voit pas trop.
Le livre les fossoyeurs a mis cela en lumière. C’est heureux que cela mette mal à l’aise, mais je crains que cela ne change finalement pas grand chose, sinon réduire un peu la rentabilité financière des entreprises privées dont l’activité est de gérer des Ehpad. Le choc n’est pas suffisant pour questionner, et encore moins remettre en cause, les choix de société autour de la longévité et du grand âge. Car il faut être lucide, jamais les jeunes et les valides n’accepteront de supporter les sacrifices financiers nécessaires pour assurer une fin de vie vraiment digne pour tous. Les lois sur la dépendance, tant promises, ne sont jamais venues. Le pouvoir politique se contente de remettre quelques financements supplémentaires, quand c’est vraiment nécessaire. Et tout le monde s’en accommode…