La France est en crise politique depuis déjà quelques années. Les idées et diagnostics ne manquent pas et certains accusent notre « monarchie républicaine » d’être responsable des maux de la France.
Depuis 1962, les critiques ne manquent pas contre le système mis en place par De Gaulle. Tout ou presque a été magistralement écrit dès 1964, par François Mitterrand, dans « Le coup d’Etat permanent ». Pourtant, le régime est d’une étonnante stabilité. François Mitterrand s’est coulé dans les habits du général et s’y est trouvé très à l’aise. Plus récemment, Emmanuel Macron nous a proposé de « faire de la politique autrement ». Au bout de 3 ans, le changement de Premier ministre marque la fin d’une tentative qui s’était très vite essoufflée, et un retour aux bonnes vieilles habitudes dans l’exercice du pouvoir.
Cette permanence d’un régime aussi critiqué doit amener à s’interroger. Si le problème est aussi grave, si cette monarchie républicaine est un tel cancer démocratique, pourquoi existe-t-elle depuis 58 ans ?
C’est sans doute parce que ce mécanisme s’inscrit bien dans la culture politiue du pays, qui est largement issue de l’Ancien Régime. La Révolution a été, en bien des choses, une parenthèse que Napoléon a refermée, en faisant les quelques réformes que Louis XV avait échoué à mener. Nous avons toujours une Noblesse d’Etat, la haute fonction publique, un Clergé, qui officie dans les médias, où l’éditorialiste a remplacé l’abbé de cour, chargé de diffuser la « bonne parole ». Comme avant 1789, une large part de ces deux corps « d’élite » viennent des mêmes lieux, avec une forte homogénéité sociale, si ce n’est une endogamie marquée. Comment être surpris que cet édifice puisse être dirigé autrement que par un monarque quasi absolu, comme sous l’Ancien Régime ? On a juste limité la durée de son pouvoir à 5 ans et mis quelques garde-fous juridictionnels, mais la structure reste la même.
Les français se montrent finalement attachés à ce système. Ils adorent pouvoir aduler ou détester leurs dirigeants. Ils ont aussi la passion des grands discours et de la politique « radicale », celle des grandes envolées lyriques et des tables rases révolutionnaires comme mode de réforme. Un exercice « collectif » du pouvoir, distribué entre gens raisonnables qui pratiquent la délibération apaisée, sans qu’aucune grande figure n’émerge, ne plairait sans doute pas aux français. C’est très compliqué de changer la culture politique d’un pays. Et bien souvent, cela ne sert à rien d’essayer, car les problèmes ne viennent pas de là !
Si aujourd’hui les français sont en colère contre leurs dirigeants, ce n’est pas à cause de l’organisation du système politique. C’est parce que les dirigeants ont failli à leur mission. Depuis plus de 40 ans, les français disent et redisent, que leur priorité numéro 1, c’est l’emploi et le pouvoir d’achat. Or, le chômage reste un problème en France, plus ou masqué, mais jamais traité, avec une désindustrialisation qui laisse de plus en plus de territoires et de petites villes sur le bord de la route. Les français sont assez lucides pour bien se rendre compte que leurs demandes n’ont jamais été entendues. Le pire, c’est que certains, pour des raisons électoralistes, ont fait semblant d’y répondre, avec de beaux slogans sur lesquels ils se sont assis. C’est Chirac et sa fracture sociale en 1995, c’est François Hollande et son « mon ennemi, c’est la Finance ». Tout cela donne l’abstention de plus en plus massive aux élections, le dégagisme de 2017 et les Gilets jaunes de 2018 (et ce n’est sans doute pas fini).
Si on veut que la France retrouve un peu de paix politique et sociale, il faut que l’élite en place accepte de faire sa révolution interne et d’exercer le pouvoir dans l’intérêt de tous. Le problème politique français est celui de la confiscation du pouvoir par l’élite, qui dirige en fonction de ses propres intérêts. Tant que cette question ne sera pas clairement posée, la France restera dans le marasme, avec des bouffées de violence périodiques.