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La route étroite et sans issue de Lecornu

Sébastien Lecornu a finalement survécu aux motions de censure. Mais de pas grand chose (18 voix) et pour un prix démesuré. En effet, le PS s’est finalement abstenu parce qu’il a obtenu la promesse du gel de la réforme des retraites jusqu’en janvier 2028. Et ses responsables ont bien pris de soin d’indiquer que ça ne vaut pas accord sur le budget, et encore moins accord de gouvernement.

Cela ne pourra pas mener loin, car l’assise du gouvernement Lecornu est très réduite. Il n’a strictement aucun indulgence à attendre du RN, LR est devenu un allié peu fiable, qui est passé de membre de la coalition gouvernementale à « soutien sans participation ». L’approche de la présidentielle attise les appétits, et Edouard Philippe pourrait devenir, au fil des semaines, de plus en plus libre et de moins en moins loyal. Ne parlons pas de Gabriel Attal, qui va consacrer le plus gros son énergie à faire oublier qu’il est l’héritier du parti de Macron, et pourrait être prêt à toutes les trahisons pour cela.

On a donc un gouvernement sans assise parlementaire, qui ne tient que parce qu’une dissolution serait encore plus catastrophique que son maintien pour les partis « de l’arc républicain ». Chacun a ses raisons : la déroute annoncée pour les partis macronistes et assimilés, le risque de ne pas avoir de budget, ou encore la perturbation des élections municipales pour le PS et LR. Sébastien Lecornu est a pris acte, en s’engageant à respecter les votes du Parlement. Il n’a pas trop le choix, il n’a pas les moyens politiques d’utiliser les outils constitutionnels dont il dispose.

Mais cela pourrait se révéler très difficile à gérer, car le gouvernement est l’animateur du débat parlementaire, celui qui impulse, qui fournit la documentation et écrit le texte (car les parlementaires n’ont pas les ressources techniques), celui qui reprend les dispositions irrecevables. On va donc avoir, pendant les débats financiers, un gouvernement qui ne pourra pas jouer son rôle, par manque d’autorité, et qui va donc laisser la cour de récréation du Palais-Bourbon en autogestion. Cela va être un désastre, tant pour l’ambiance que pour le résultat final, car les députés vont être bien plus enclins à prendre la défense de toutes les niches et organisations menacées, que de rechercher les moyens d’améliorer la situation financière. Le risque est que le gouvernement, pour exercer un minimum son rôle technique, soit obligé de multiplier les concessions et les avalages de couleuvres. Cela ne se donnera certainement pas une baisse du déficit.

Le seul but du gouvernement, et donc la totalité de la ressource ne sont pas tournés vers la préparation de l’avenir, l’amélioration de la situation présente, mais vers sa survie, dans une forme de quoi qu’il en coûte, qu’on ne peut pas se permettre. Je crains même que cela ne suffise pas, et que le pays se retrouve sans budget au 31 décembre.

Nous serions alors en situation de crise grave. Si on a pu éviter le pire en 2025, en votant une loi spéciale et en bouclant les budgets en février, il n’est pas certain qu’on puisse reproduire la cascade à l’identique en 2026, en retombant aussi bien sur nos pieds. L’habileté tactique de Sébastien Lecornu ne suffira pas, tant il est stratégiquement cerné. Cela fait penser à la campagne de France, en 1814, où Napoléon doit rendre les armes, malgré une série de petites batailles victorieuses.

Pour le moment, je ne vois pas d’issue à la tentative de continuer à gérer le pays avec des compromis parlementaires. Les forces politiques qui ne pensent qu’à provoquer une présidentielle anticipée (en espérant la gagner) pour refermer la parenthèse des majorités relatives, et revenir au bon vieux système présidentialiste de la Ve république.

Lecornu pourra tenir, au grand maximum, jusqu’aux municipales. Dès avril 2026, nous aurons probablement une grave crise politique, provoquée par tous ceux (en fait tout le monde) qui veulent voir Macron quitter l’Elysée rapidement.

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Des signaux inquiétants chez LR

Ces deux derniers jours, Bruno Retailleau me semble jouer un jeu très dangereux. C’est lui qui, dimanche soir, a allumé la mèche qui a fait exploser la coalition du bloc central, qui fonctionnait plutôt bien jusqu’ici. De ce fait, il a poussé Sébastien Lecornu à la démission, avec une dissolution de l’Assemblée qui devrait suivre très prochainement.

Dans ses prises de parole, il annonce également un rejet très clair de la gauche. Pas question d’un premier ministre venu de ce camp, et pire, donne une consigne de vote appelant implicitement à soutenir le candidat ciottiste, lors du second tour de la législative primaire dans le Tarn-et-Garonne. Il finit en beauté en affirmant qu’il veut un gouvernement de cohabitation avec Emmanuel Macron. Si ce n’est pas avec la gauche, avec qui cela peut-il bien être…

J’ai peur, très peur, que pour des raisons d’ambitions personnelles, et pour régler définitivement son compte à son opposant interne, Laurent Wauquiez, Retailleau ne s’apprête à faire la courte échelle au RN. J’ai peur que le soir du second tour des législatives, les LR annoncent qu’ils seront la force d’appoint qui manque à Marine Le Pen pour accéder au pouvoir, et faire entrer Jordan Bardella à Matignon.

Je doute qu’il arrive, de cette manière, à récupérer les électeurs du RN. L’expérience politique montre qu’à ce jeu, on perd ses propres électeurs, sans gagner ceux qu’on vise. Sociologiquement, une grande partie des électeurs du RN n’a rien à voir avec Retailleau et la sociologie de LR. Peut-être arrivera-t-il à assécher un peu Zemmour et Ciotti ? Même pas sur.

C’est d’autant plus étonnant que c’est de l’autre coté, qu’il y a un électoral en déshérence. La vitesse avec laquelle les anciens premiers ministres d’Emmanuel Macron le lâchent, et les reculades de dernière minute (comme sur la réforme des retraites) vont achever d’écoeurer les électeurs centristes. Depuis 48 heures, la Macronie est en pleine décomposition, et ne représente plus une offre électorale crédible. Seul Lecornu garde un semblant de dignité, mais ce n’est pas avec cela qu’il va sauver le bloc central.

En quelques jours, l’offre électorale est en train de muter de manière impressionnante, voire sidérante. L’écroulement de la Macronie va possiblement nous amener à un retour du bipartisme, où Marine Le Pen occupera l’espace à droite, avec des supplétifs ralliés à l’occasion des élections. C’est la répétition de 1962, où le jeune Valéry Giscard d’Estaing entraine avec lui une partie du CNIP, la droite classique de l’époque, pour créer le groupe des Républicains indépendants, et se rallier à la majorité gaulliste. Ce que Ciotti a tenté, et raté en 2024. Retailleau y arrivera-t-il ? Je ne l’espère pas.

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Passer à la suite

Le gouvernement Lecornu n’a pas duré longtemps. Quelques heures seulement après sa nomination, LR a débranché le respirateur qui maintenait la Macronie en vie, malgré un état de quasi mort cérébrale. Il évident aujourd’hui qu’un chapitre se clôt, et qu’il faut passer à la suite. Le cirque des prochains jours ne sera que l’habillage médiatique d’une décision qui s’impose. On devrait avoir une dissolution de l’Assemblée nationale d’ici la fin de la semaine, avec des législatives anticipées mi novembre.

L’important est maintenant de se tourner vers le futur. L’autopsie de la Macronie viendra après, mais le naufrage actuel était prévisible. Le mieux à faire maintenant est justement de ne surtout pas tenter de maintenir la Macronie à flot. Le Titanic a coulé, il ne faut pas le renflouer. De toute manière, la pensée politique d’Emmanuel Macron n’était qu’un vague ramassis de technocratie centriste et attrape-tout, qu’il n’a pas eu le temps (ni sans doute la volonté) de structurer pour en faire une doctrine politique qui tienne la route. Sa pratique politique, verticale et égocentrée est un contre-exemple. Rien à garder, ni sur le fond, ni sur la forme.

La prochaine étape est de se préparer à des jours sombres. Les craintes formulées ici-même il y a quatre ans, vont se réaliser, avec une dimension géopolitique qui n’était pas anticipable en 2021, et qui rend la situation à venir encore plus inquiétante. L’arrivée au pouvoir du RN, que tout le monde pressent (on y a échappé de peu en 2024, on n’y coupera pas cette fois-ci) va donner du grand guignol à la Trump. Un mélange de discours simpliste (mais qui fait mouche dans certaines couches populaires), de décisions erratiques et techniquement contre-productives, avec un activisme contre l’état de droit et les libertés publiques.

Il va donc falloir résister. Ce n’est pas simple, quand la tentation est de croire qu’une forme de « normalité » peut revenir, que le RN n’est finalement pas si « méchant » et que tant de connaissances, voire d’amis, sont allés à la soupe et s’en trouvent très bien. La culture politique du RN est fondamentalement incompatible avec ma vision et mes convictions. Ils proposent une régression civilisationnelle, du chacun pour soi et du délitement du collectif. Cela ne peut amener que de la violence et de la destruction, qui mène au chaos. Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe aux États-Unis en ce moment, où la maison d’une magistrate ayant jugé Trump vient de faire l’objet d’un incendie criminel. Je refuse de vivre dans une société fondée sur la brutalité du rapport de force.

Résister, c’est aussi produire. Clamer qu’un « autre monde est possible » sans jamais être capable de le décrire, est profondément stérile. Dire ce qu’on ne veut pas est important, mais c’est encore plus essentiel de décrire ce que l’on veut, et de proposer une véritable alternative. La Macronie crève d’avoir été incapable de proposer un projet de société, qui fasse envie et puisse mobiliser positivement. Il faut donc se mettre à construire une pensée politique, pas juste un programme technocratique, mais un récit qui permette de souder un collectif. A la décharge de Macron, ce n’est pas quelque chose qui peut être fait en même temps que l’exercice du pouvoir. Être dans l’opposition est le bon moment pour faire naitre quelque chose qui soit le support intellectuel et politique d’un futur exercice du pouvoir.

Il faut dès maintenant tourner la page du macronisme, en espérant que la grande purge du personnel politique puisse au moins permettre de faire partir des gens qui ont fait des dégâts énormes (j’en voudrai éternellement Bayrou pour avoir grillé la dernière carte qui restait de redresser la barre). Il faudra former la relève, car des idées n’arrivent pas au pouvoir seul, il faut des personnes pour les porter.

Le conseil national de la Résistance a créé le programme mis en œuvre à la Libération pendant la période sombre de l’occupation. La France, qui allait si mal dans les années 30, a pu vivre sur ce nouveau paradigme pendant une trentaine d’années. Comme quoi, même au fond du trou, rien n’est complètement perdu. Mais cela demande d’arriver à traverser des moments difficiles.

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La Macronie est en soins palliatifs

Sébastien Lecornu vient de procéder à la nomination de son gouvernement (du moins celle des ministres de plein exercice). C’est un décalque quasi parfait du gouvernement Bayrou. Symboliquement, donc politiquement, c’est désastreux. La Macronie est entrée en soins palliatifs.

Alors même que le gouvernement Bayrou a été censuré, voilà qu’il revient, quasiment à l’identique. C’est un déni du refus de confiance des parlementaires. Il n’y a que le premier ministre qui a changé, pour le reste, on a quatre nouveaux, dont deux sont des anciens ministres macronistes. Aucune « prise de guerre », aucun élargissement. Cette continuité dans les visages ne peut augurer que d’une continuité dans les politiques suivies. L’Assemblée censure un gouvernement et il ne se passe rien. C’est une anomalie démocratique qui interpelle fortement.

Sur le fond, les annonces budgétaire de Lecornu montrent qu’il ne fait que modifier à la marge le projet de budget de Bayrou, mais n’est pas en mesure de « renverser la table ».

Les choses devraient donc aller assez vite, car il n’y a rien à attendre. LFI a annoncé le dépôt d’une motion de censure dès la semaine prochaine. La logique voudrait qu’elle soit votée par l’ensemble de l’opposition, et qu’une dissolution suive. Ne pas le faire serait de l’acharnement thérapeutique, car le gouvernement Lecornu ne peut être autre chose qu’un gouvernement Bayrou en mode dégradé. Le réservoir politique est vide, il faut en prendre acte et en tirer les conséquences.

C’est dommage pour Sébastien Lecornu, qui est quelqu’un de grande qualité, mais qui arrive trop tard.

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Confiance et inflation normative

Depuis de longues années, j’ai quelques marottes, notamment les sujets de simplification du droit et d’inflation normative.

Le hasard d’une recherche sur un moteur de recherche m’a amené à un texte que j’ai écrit il y a 12 ans, publié par Slate. Je n’ai pas une ligne à changer. Je pourrais encore le signer tel quel aujourd’hui, et c’est bien le problème : le sujet est toujours posé de la même manière, avec les mêmes arguments bidons.

Pour résumé, l’inflation et la complexification du droit sont avant tout le résultat d’un manque de confiance. On détaille toutes les obligations (qui souvent se traduisent par de la compliance supplémentaire) pour pouvoir sanctionner des manquements de fond qu’on a du mal à saisir (faute de moyens ou de courage). L’exemple de la transparence de la vie publique est emblématique. C’est bien plus facile de condamner pour manquement aux obligations déclaratives, que de rechercher s’il y a effectivement eu un comportement contraire à l’éthique, voire de la corruption. On retrouve cela de manière caricaturale dans la condamnation de Sarkozy, qui tombe pour association de malfaiteurs, alors même qu’il est relaxé (faute de preuve) pour le délit de corruption, qui est la raison pour laquelle l’association de malfaiteurs a été constituée.

L’Union européenne n’échappe à ce problème, et est en train de vivre un grand moment de simplification, où la présidente de la commission, Ursula von Der Leyen, a reconnu qu’elle faisait de la dérégulation, sous couvert de simplifier le droit. Une forme d’honnêteté (peut-être involontaire) que nous n’avons pas en France. La règlementation environnementale et numérique, adoptée ces cinq dernières années, s’est traduite par un alourdissement conséquent des obligations de reporting qui pèsent sur les entreprises. Pour savoir si elles respectent les normes, il faut d’abord savoir ce qu’elles font effectivement, d’où une foule de rapports (souvent appelés « de transparence ») et de reporting, qui coutent de l’argent à produire, à envoyer à des régulateurs qui n’ont pas les moyens de les traiter. Un détail que le législateur, au moment de prendre la pose sur les « grandes lois » qu’il vote, a un peu négligé, et qui lui revient en boomerang.

La simplification à l’européenne va donc consister essentiellement à tailler, plus ou moins à l’aveugle, dans les obligations de reporting, en cherchant à préserver les objectifs politiques. Le premier bénéfice pour les entreprises, c’est des économies directes, car ces rapports coutent cher à produire, et donnent beaucoup d’informations sur ce qu’elles font, ce qui n’est jamais bon pour les affaires. Beaucoup de législations vont y passer, ce qui va appauvrir l’information dont on dispose sur « le monde réel », notamment les pouvoirs publics et les régulateurs. Or, l’information, c’est le pouvoir, et plus les pouvoirs publics sont myopes (ils ne sont jamais complètement aveugles), plus leur action est imprécise, et donc juridiquement fragile. Il ne faut jamais oublier que le rapport de force public/privé, quand on entre sur le terrain juridique et judiciaire, est en faveur du privé, qui a les moyens de se payer les meilleurs avocats. Plus c’est flou, plus les grosses entreprises sont en capacité d’amener les pouvoirs publics à la transaction, en étant en position de force. Les gouvernements et régulateurs se retrouvent alors à devoir régulièrement méditer sur ce vieil adage « mieux vaut un mauvais accord qu’un bon procès ».

Tout cela pour vous dire que les concepts de « simplification » et « d’inflation normative » sont tout sauf neutres. Ce n’est pas nouveau, mais cela prend désormais une ampleur européenne. Or, l’UE est l’endroit et le niveau où se prennent les « vraies décisions », celles qui ont un impact effectif. Cela fait longtemps que le niveau national est un théâtre d’ombres. Quand on entend ces concepts arriver dans le débat public, une alarme doit se déclencher, indiquant que la puissance publique est en train de se faire avoir. En même temps, parfois, elle l’a bien cherché, en montant des usines à gaz législatives où les enjeux de communication primaient sur l’efficacité. Quand on a les yeux plus gros que le ventre, on finit toujours par le payer.

Finalement, c’est du coté de la Suisse qu’il faut regarder. Leurs codes législatifs sont minimalistes, fixent les grandes règles, en laissant beaucoup de marge de manœuvre aux magistrats, pour étudier au cas par cas, si l’esprit de la loi a été respecté. Et si ce n’est pas le cas, la sanction tombe, pour l’action de fond, pas pour un simple manquement à une obligation administrative. C’est un fonctionnement beaucoup plus sain, dont on devrait s’inspirer.

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Les fables de la vie politique

La situation politique actuelle est assez désespérante, mais n’a rien d’inédit, et les comportements des élus s’inscrivent dans des schémas assez intemporels, qu’on retrouve dans les fables.

Entre le bloc central et le RN, c’est la fable du scorpion et de la grenouille. Malgré toutes les belles promesses de non censure, le RN finit toujours par voter les censures (après avoir encaissé les concessions, évidemment) car son intérêt est de créer le chaos, afin de prendre le pouvoir. Il l’a fait à Barnier, à Bayrou, il n’y a aucune raison qu’il ne le fasse pas aussi à Lecornu. Le RN n’est pas un partenaire fiable, c’est connu et documenté. Cela ferme la porte à la première option de recherche de stabilité pour le bloc central.

Entre le PS et le bloc central, c’est plutôt le loup et l’agneau. Les socialistes font semblant d’entrer en discussion avec le bloc central, pour un éventuel pacte de non-censure sur le budget. Mais on sent, au fil de la discussion, que le PS cherche surtout le prétexte pour rompre les négociations, sans porter le chapeau. Cela fait furieusement penser à l’argumentation du loup, dans la fable, qui cherche un prétexte pour justifier ce qu’il va faire, de toute manière, à savoir dévorer l’agneau. Il est évident que si un rapprochement entre le PS et le bloc central était possible, il aurait déjà eu lieu. Ce n’est pas le cas, et c’est pour une raison simple : cela fait plus de 50 ans que la gauche réformiste fonctionne en cartel électoral avec la gauche radicale, sous des noms qui varient, mais dont le plus connu est « union de la gauche ». Ils se connaissent par coeur, ont l’habitude de travailler ensemble, leurs électeurs ont l’habitude de les voir travailler ensemble. La quitter pour rallier le centre-droit serait une erreur stratégique monumentale (surtout à 6 mois des municipales). Le PS n’ira pas plus loin que des absentions constructives, au cas par cas, payées comptant. Tout cela est très insuffisant pour bâtir une coalition gouvernementale.

On le sait depuis juillet 2024, la XVIIe législature est dans une impasse. On en a maintenant la démonstration quasi achevée. A la chute du gouvernement Lecornu, il n’y aura pas d’autre possibilité que dissoudre, en espérant ne pas retrouver une assemblée tout aussi bloquée.

C’est malheureusement le risque, car les partis et les élus sont tellement tétanisés par l’enjeu de la présidentielle, qu’ils seront incapable de s’entendre pour que les élections législatives se fassent selon des modalités différentes, ouvrant la porte à une assemblée bloquée, ou à la victoire du RN. A ce stade, je ne vois pas de troisième alternative. A 33% dans les sondages, le RN va bénéficier à plein des effets du scrutin majoritaire, et le barrage républicain ne pourra pas grand chose, si un nombre conséquent de RN sont élus dès le premier tour.

La chute est quasi inéluctable, reste juste à savoir quand elle aura lieu. La semaine prochaine ? En décembre ? Le tout sous les regards résignés d’un ecosystème politique qui n’en peut plus, et est de plus en plus enclin à accepter n’importe quoi, pourvu qu’on sorte de l’impasse dans laquelle nous sommes.

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Une forme de résignation

Alors que nous sommes en pleine période de remaniement ministériel, cela ne semble intéresser personne. Pas ou peu de rumeurs, et même les principaux intéressés (ministres, parlementaires et entourages) n’éprouvent pas vraiment de fébrilité. La petite bulle médiatique qui, d’habitude, frétille, semble s’en foutre complètement. C’est assez étrange, et inquiétant.

Sébastien Lecornu semble plutôt bien s’en sortir, en tout cas, il n’a pas débuté par des erreurs monumentales, comme son prédécesseur qui part en jet, pour présider le conseil municipal de Pau, alors qu’un cyclone dévaste Mayotte. Il prend également le temps de consulter, avant de donner des éléments de programme et de constituer son équipe. Attendons de voir ce qu’il en sera, tant de la solidité de la coalition, que du programme et de sa capacité à séduire au delà de sa coalition.

Les différents partenaires potentiels (essentiellement le PS et les syndicats) n’ayant pas eu beaucoup de choses à se mettre sous la dent, ils restent dans l’expectative et maintiennent la pression. C’est de bonne guerre, et pour l’instant, rien d’irréparable n’a été commis, mais rien n’est fait non plus, dans la direction d’une stabilisation et d’une survie du gouvernement Lecornu. Pour l’instant, le PS est sur la réserve, mais à tendance plus négative que positive, avec des exigences élevées.

Dans ce moment de calme au milieu de la tempête, on sent comme une apathie et une forme d’indifférence à ce qui pourrait advenir. De plus en plus se disent que c’est foutu, que Lecornu est arrivé trop tard, et qu’à six mois des municipales, ce serait un suicide politique pour les socialistes que de lui sauver la mise. Ce qui aurait été possible lorsque Bayrou a été nommé, ne l’est peut-être plus aujourd’hui, et que l’habilité de Lecornu ne suffira peut-être pas, car tout ne dépend pas de lui. La falaise est trop proche.

Les esprits commencent déjà à se préparer à une dissolution, qui pourrait amener à une victoire du RN. On sent que cette perspective, effrayante en juin 2024, fait moins peur, certains commençant à dire que ça ne peut pas être pire que l’immobilisme actuel. Il est vrai que depuis début 2024, on en est à notre quatrième gouvernement, que faute de majorité, aucune réforme d’ampleur ne peut être votée, alors même que nos finances publiques sont dans le rouge vif. La fatigue démocratique fait son œuvre.

Je crains les semaines qui arrivent, car la résignation à l’arrivée du RN au pouvoir progresse. Et c’est le fait même de baisser les bras, de renoncer, qui va justement faire que cela pourrait arriver. La faute en reviendrait au bloc central, et au premier chef à Emmanuel Macron, incapable de reprendre la main après l’erreur funeste de la dissolution, et de jouer son rôle de leader. Plus rien de sérieux ne sort du bloc central en termes d’idées, entre un Gabriel Attal adepte des coups de comm’ totalement creux, un Édouard Philippe muet sur le fond, qui ne fait qu’envoyer des cartes postales, et des LR, toujours divisés, qui courent après le RN.

Faire de la politique, c’est rassembler autour d’un programme et d’un leader. Emmanuel Macron l’a réussit en 2017, mais a largement échoué en 2022. Un vide politique s’est formé, et n’a cessé de s’agrandir, par affaiblissement de la Macronie, qui finira bien par être rempli par d’autres. Et ces autres, c’est malheureusement le RN, qui pourraient l’emporter, non pas parce qu’ils sont bons, mais par défaut, par écroulement des autres.

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Le sevrage du présidentialisme

Nous vivons une période politiquement difficile, mais potentiellement salutaire pour notre démocratie. Nous sommes en train de nous sevrer de la culture politique présidentialiste de la Ve République. Comme pour le fumeur en sevrage, c’est difficile, car nous sommes toujours sur des vieux réflexes, à chercher à nous raccrocher à des mécanismes et des habitudes qui ne fonctionnent qu’en période de majorité absolue stable.

Nous sommes déboussolés, mais pourtant, on commence à voir quelques débuts de réflexions et d’évolutions des pratiques. C’est par exemple Laurent Wauquiez qui dit qu’avant de composer un gouvernement, il faudrait peut-être d’abord passer un pacte entre partis, définir le « quoi » avant le « qui ». C’est une évidence pour toutes les « vraies » démocraties parlementaires, et je ne suis pas dupe des arrières-pensées politiciennes de Wauquiez (mettre une peau de banane sous les pieds de Retailleau). Il n’empêche, ça commence à venir, et peut-être que Sébastien Lecornu va essayer de faire quelque chose dans ce sens. Cela sera nécessairement imparfait et insuffisant, car il n’a que 15 jours-3 semaines, alors que dans les autres pays, ça prend 3 mois, et de toute manière, tant que les leaders politiques ont les yeux rivés sur la présidentielle, et donc ne veulent surtout pas se compromettre, il ne se passera rien de sérieux.

On commence également à avoir, très timidement, des débuts de réflexion sur la nécessité d’être fiable et respectueux. Pour l’instant, on constate surtout les dégâts que provoquent leur absence, entre un RN qui prend les concessions, et plante le gouvernement (que ce soit Barnier ou Bayrou), ou encore la majorité, qui s’est bien foutu de la gueule de la gauche avec le « conclave » sur les retraites, en lançant quelque chose en sachant pertinemment que ça finirait en eau de boudin. Il faut arriver à se déshabituer de la drogue dure qu’est le « winner takes all » et l’arrogance qui l’accompagne, où l’opposition est rejetée hors de la sphère décisionnelle (en attendant que les rôles s’inversent, donc sans volonté de changer le système).

Il faut d’abord toucher le fond avant de remonter, il faut un écœurement démocratique, pour se dire qu’on ne trouvera pas de solution en essayant de ressusciter l’ancien système. Je pense qu’on n’a pas fini de creuser, et que les tentatives de fermer la parenthèse vont durer jusqu’au la présidentielle de 2027. Et c’est seulement si ce scrutin ne règle rien, avec par exemple une assemblée sans majorité après la dissolution post-présidentielle, que l’on se résoudra à faire les réformes institutionnelles pour basculer dans un véritable régime parlementaire. On n’aura plus le choix. C’est souvent comme cela qu’on fait les réformes en France, quand on est au pied du mur.

Il n’y a pourtant pas grand chose à changer dans nos mécanismes institutionnels. Un passage à la proportionnelle (la vraie, pas un scrutin majoritaire déguisé), quelques réformes constitutionnelles pour rogner les pouvoirs de l’exécutif face au législatifs, et encadrer les prérogatives présidentielles. Il faudra imposer que le gouvernement, avant d’entrer en fonction, doive obtenir la confiance de l’Assemblée, afin que le Premier ministre tire sa légitimité du Parlement, et pas du président. Il faut revoir les mécanismes tels que le 49.3, le vote bloqué. Au passage, notre procédure parlementaire, complètement obsolètes, doit être revisitée. Les pouvoirs propres du président, à commencer par la dissolution, doivent être bien plus encadrés, et qu’on ne se retrouve plus avec une dissolution surprise pour convenances personnelles. Derrière, bien entendu, il faudra que la culture politique, des citoyens comme de la classe politique, évolue afin de faire vivre les institutions selon un esprit parlementaire. C’est cela le plus important, et la période difficile que nous vivons est essentielle, pour que nous nous disions « plus jamais ça ». Là dessus, on est servi.

Mais en attendant, on va en baver jusqu’à l’été 2027, et ça, ce n’est pas agréable. Mais si on peut commencer à préparer l’après (parce que ça ira vite), ça peut permettre de supporter un peu le dégoût et le découragement démocratique.

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Le jour du tournant

Aujourd’hui, 10 septembre, deux évènements marquants sont à retenir. Le premier est l’escalade du conflit en Europe de l’Est, avec une violation, volontaire et assumée, de l’espace aérien polonais par des drones russes. Le second est la déroulement en France, d’une répétition générale d’émeutes urbaines menée par l’Ultra-gauche.

Le danger pour notre démocratie libérale se rapproche encore un peu plus, à la fois depuis l’extérieur et l’intérieur. Comme par hasard, le même jour, nous avons une passation de pouvoir à Matignon, avec le quatrième Premier ministre en moins de 18 mois, symbole de l’impuissance politique française.

Ce n’est qu’avec le recul que l’on peut fixer, rétrospectivement, le moment clé, celui où l’histoire bascule. C’est souvent un continuum. La seconde guerre mondiale a été précédée d’avertissements : la remilitarisation de la Ruhr, l’Anschluss, le démantèlement de la Tchécoslovaquie acté par les « accords de Munich ». A chaque fois, les nazis ont testé, à chaque fois, on a laissé faire et ils sont allés plus loin. Même après l’attaque de la Pologne, et la déclaration de guerre, l’armée française est restée l’arme au pied, sans prendre l’offensive.

J’ai peur que nous soyons en train de suivre le même chemin, en particulier en France. D’autres pays européens semblent beaucoup plus lucides et se préparent à la guerre. Cela veut dire se réarmer, mais également préparer la population civile à tenir le choc, à rester unis et soudés, et à subir des dommages matériels. Il suffit de regarder ce qui se passe en Ukraine, cela se déroule sous nos yeux. Nous ne sommes absolument pas prêts, en France, à subir cela, et nous semblons même pas conscients que cela peut potentiellement nous arriver d’ici quelques années, voire avant.

L’urgence politique n’est plus nationale, à se regarder le nombril, en crachant sur les ultra-riches, en ressassant nos rancoeurs et en pleurnichant sur les risques de baisse de notre train de vie, depuis longtemps sous perfusion d’argent public. Tout cela pourrait devenir anecdotique et accessoire, et rappelle un peu les byzantins, qui débattaient du sexe des anges, alors que les turcs étaient aux portes de Constantinople.

Il est nécessaire qu’il y ait une prise de conscience et un sursaut national, pour prendre la mesure du danger qui guette le pays. Je ne le vois pas trop venir, même si, de plus en plus, je sens monter cette préoccupation autour de moi. La priorité politique doit être la défense de l’Europe, d’autant plus qu’elle ne peut plus compter sur le parapluie militaire américain pendant au moins encore trois ans.

J’espère que le nouveau Premier ministre, parfaitement au courant de cet enjeu, vu ses anciennes fonctions, saura faire le nécessaire pour amener ce sujet au cœur du débat politique français.

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On n’échappera pas à la taxe Zucman

C’est maintenant quasiment certain que Bayrou va tomber, et sera remplacé par un premier ministre issu du bloc central, dont la mission sera de dealer un accord de non-censure avec le PS sur les textes budgétaires.

Ce parti, qui n’a pas du tout intérêt à une dissolution, a par ailleurs sorti un contre-budget, qui fait office de base de négociation pour cet accord, qui doit être bouclé avant le 15 octobre, moment prévisible de déclenchement d’un 49.3 sur le PLF à l’Assemblée. Si le deal est conclu, la motion de censure ne sera pas adoptée, si le PS ne la vote pas.

Pour que cet accord puisse être conclu, il va falloir que le bloc central fasse des concessions réelles, et que le PS puisse avoir au moins une victoire symbolique importante. Parmi les demandes du PS, certaines sont irréalistes, ne serait-ce que techniquement, comme la suspension de la « réforme des retraites » (en langage clair, le relèvement de l’âge de départ). En revanche la création d’une nouvelle taxe sur les hauts patrimoine serait tout à fait possible, et coche toutes les cases, pour être le point central de la négociation.

La proposition, baptisée « taxe Zucman » est déjà sur la table, et est un objet politiquement et symboliquement identifié. Il y a déjà eu pas mal de communication dessus, elle est « incarnée » avec un économiste dont elle a pris le nom. Elle répond à une demande très forte à gauche de « taxer les riches » et obligerait Emmanuel Macron à manger son chapeau, lui qui a supprimé le symbolique ISF dès son arrivée en 2017.

Que cette taxe rapporte effectivement de l’argent est finalement très secondaire (et de fait, elle ne rapportera pas grand chose), ce qui compte est l’effet symbolique. Le budget 2026 qui s’annonce sera fait de renoncements, de coupes franches, et donc de larmes et de sang. Même le PS le reconnait, en prévoyant une vingtaine de milliards d’économies. Tout le monde va y passer, certains peuvent l’encaisser (les retraités aisés), d’autres moins. S’il n’y a pas un « moteur » à l’acceptation de sacrifices, à savoir que tous, y compris et surtout les « riches » passent aussi à la casserole, il y aura de très gros problèmes d’acceptabilité. Il est donc indispensable d’afficher quelques symboles, si on veut éviter de faire encore monter la température dans la cocotte sociale, déjà bien en surchauffe.

Tous les débats vont donc consister à mettre en scène cette décision qui s’impose, les uns en faisant croire que c’est grâce à eux, les autres en surjouant la déploration pour ne pas perdre le soutien électoral de cette catégorie. En temps « normal », avec de vrais politiques, qui savent jouer ces chorégraphies complexes et bien « raconter » un « narratif politique » crédible, ça passe crème. Malheureusement, la baisse du niveau fait que je ne suis pas certain que le boulot soit fait proprement, ni même que le deal soit conclu.