Le 16 janvier, Emmanuel Macron a tenu une « conférence de presse » qui ressemblait davantage à la cérémonie du Grand Souper du Roi, que tenait régulièrement Louis XIV à Versailles. Elle consiste, pour le roi, à manger, seul à table, entouré de toute la cour (qui regarde debout) servi par les ducs et pair. Une mise en scène spectaculaire, pour bien marquer, visuellement, qu’il est le patron.
C’est exactement ce qu’a fait Emmanuel Macron, dans la salle des fêtes de l’Elysée. Pendant près de trois heures, il a mis en scène qu’il domine tout le monde et s’occupe de tout, son gouvernement l’écoutant pérorer, sagement assis, prenant chacun à leur tour les instructions du chef. Cette soirée n’a pas été l’occasion de fixer un cap et de donner du souffle politique, mais juste de délivrer, en rafale, des arbitrages techniques, qui relèvent de réunions interminstérielles, pour des décisions qui nécessitent parfois une simple circulaire ministérielle.
Une nouvelle fois, Emmanuel Macron montre qu’il passe à coté de son deuxième mandat, en ne jouant pas son rôle d’impulsion, pour se noyer dans les détails techniques. La plupart des annonces, sur des sujets déjà sur la table depuis parfois longtemps, ne sont pas de son niveau. Ce n’est pas à lui d’annoncer la hausse des franchises médicales, la réduction de la durée des vacances scolaires ou la réforme du congé parental. Certaines annonces sont totalement creuses voire ineptes, comme celles sur la régulation des écrans ou l’apprentissage de la Marseillaise à l’école et décrédibilisent l’ensemble de la séquence.
Le pompon est tout de même cette annonce d’un référendum, sans préciser sur quoi il porterait. Cela donne l’impression, gênante, que Macron cherche un plébiscite pour se relégitimer, mais qu’il a du mal à trouver le prétexte. C’est une forme de dévoiement démocratique inquiétante.
Nous avons eu hier soir la prestation, maintenant habituelle, d’un président technocrate, qui met en scène un pouvoir absolu, qu’il n’exerce que sur des détails. La France n’est pas encore sortie de l’ornière politique, et que je crains qu’il ne faille attendre le départ d’Emmanuel Macron pour espérer quelque chose de politiquement plus consistant.
8 réponses sur « La cérémonie du Souper du Roi Manu »
Merci de prendre de votre temps pour regarder les émissions télévisées du Président de la République et nous faire part de vos analyses. Mais cette stratégie chaviste n’est-elle pas le véritable tournant du second quinquennat ? Emmanuel Macron a peut-être assouvi la soif de grandes réformes au cours du premier quinquennat. Il entend peut-être désormais, en tant que Père de la Nation, se focaliser sur des mesures qui n’ont l’air de rien mais permettent à la France de rester la France en la reconnectant avec son passé, qui est aussi l’époque de la jeunesse d’une partie importante de l’électorat : uniformes à l’école, simili-service militaire, encriers etc … ?
il n’y a jamais eu d’uniformes à l’école publique (à part l’Ecole Normale). Combien de fois faudra-t-il tuer cette légende ?
Les élèves portaient la blouse pour protéger les vêtements de l’encre, mais les parents fournissaient la blouse qu’ils voulaient, avec des couleurs s’ils voulaient. Et quand les stylos billes ont pris le pouvoir au grand soulagement de presque tout le monde (je ne vois pas revenir la plume Sergent Major), les blouses ont disparu sans tambour ni trompette.
Je me demande la tête que vont faire les parents lorsque l’Etat et/ou les Régions vont mesurer les difficultés à fournir des uniformes à des gamin(e)s qui sont tout sauf uniformes (à l’armée les cas compliqués étaient réformés et la distribution se limitait à jeter des uniformes dans des boites et les conscrits se débrouillaient pour trouver des trucs à leur taille – ce qui n’était pas toujours évident mais les parents n’avaient pas à se coltiner les pleurs et grincements de dents avec leurs enfants qui étaient supposés être grands) et se limiter dans une optique bien libérale à spécifier on ne veut voir qu’une tête, et débrouillez vous selon le cahier des charges. C’est comme ça que ça se passe en Grande Bretagne, les parents paient pour les uniformes. Et ils paient très cher, puisqu’ils se servent sur le marché pour des petites séries en tant que clients forcés.
Très bonne note. En début du second mandat, je me disais que comme Macron ne pouvait plus se représenter et donc aurait plus de liberté pour prendre de la hauteur. Mais ce n’est pas le cas et on a vraiment l’impression que Macron n’a rien appris de ses erreurs du premier mandat et continue plus que jamais de se comporter comme un petit chef. J’étais étonné hier soir de voir Macron remplacer de facto successivement le Premier Ministre, la ministre de l’EN et celle de la santé. Et je me demande, a-t-il jamais été vraiment libéral ?
Quand il prend de la hauteur on l’accuse d’inaction, quand il agit d’être un despote 🙂 Et vous lui reprochez de ne plsu être libéral alors jusqu’à ce jour c’était sa principale tare !
Oui l’adage latin « De minimis non curat praetor » ne se vérifie pas, et cela annule à mon sens l’effet gaullien voulu de cette conférence de presse. « On est jamais mieux servi que par soi-même » voilà ce qui ressort, avec des ministres qui découvrent en direct ce qu’ils devront faire. On paie encore le parti d’un seul homme qu’était LREM en 2017.
On est vraiment dans un naufrage gérontocratique.
Un président qui organise une conférence de presse à la De Gaulle, cite Sardou et vante la Marseillaise et l’uniforme à l’école.
Les actifs n’ont plus rien à attendre de lui. Il continuera à indexer les retraites mais d’un autre côté à faire cravacher les actifs sans ménagement.
Quelle déception.
Enfin un président qui prends ses responsabilités et se veut dans l’action.. . Après Sarkozy le vent, Chirac l’inactif et Hollande le mou, en voilà un qui essaie… Mais trop de conservatisme et de rentiers dans ce pays pour que l’on arrive à quelque chose… Le dernier commentaire est un beau exemple où l’on reproche d’indexer les retraites (nos amis retraités qui ont un niveau de vie moyen supérieur à la moyenne nationale) et de faire payer aux salariés les retraites…
Bien vu sur le dîner !
La captation du rôle de PM est complète, l’abandon du statut présidentiel également, et la volonté d’humiliation palpable.
L’homme est « spécial » mais contrairement à votre conclusion, je n’attends rien d’une alternance.
Ce type de présidentialisme exalté est assez normal et prévisible en pareille circonstances : ce n’est qu’une réaction miroir à l’affaiblissement du gouvernement, qui provient de l’absence de lien de confiance avec l’Assemblée.
Le calendrier électoral et les campagnes présidentielles font du président le chef de la majorité, et à partir du moment où le gouvernement n’engage pas sa responsabilité, il ne tient sa légitimité que du président, ce qui rend l’exécutif parfaitement monolithique. Et par conséquent le président devient une sorte de super-PM.
Si en 2027 l’Assemblée est aussi fragmentée (ce qui est probable), on aura une personnalité différente qu pouvoir mais au fond le même type de régime qu’aujourd’hui.