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Lecornu en passe de réussir ?

Le parcours parlementaire des textes financiers est au milieu du gué, et jusqu’ici, cela semble ne pas trop mal se passer. Comme l’an dernier, les votes sur les amendements sont parfois bizarroïdes, avec des dingueries adoptées. Mais une autre issue semble se dessiner, et il se pourrait bien qu’on ait, le 31 décembre 2025, un gouvernement Lecornu toujours en place, avec un PLF et un PLFSS publiés au journal officiel.

Le premier ministre s’est montré jusqu’ici habile. Contrairement à ses prédécesseurs, il a fait profil bas, jouant la modestie et l’humilité, de manière crédible. Pas de comm’ spectaculaire, pas de ragots et fuites distillées de l’intérieur de la machine, pas de provocation et d’erreurs grossières (comme aller présider un conseil municipal en jet, alors que Mayotte est dévasté par un cyclone). On peut penser que c’est le minimum, mais au regard des dernières années, ça ressemble à un exploit. Il a également su créer une relation de confiance avec les oppositions, et notamment le parti socialiste. Le responsable PS pour la commission des affaires sociales de l’Assemblée, Jérôme Guedj, a reconnu explicitement que Sébastien Lecornu a été « réglo » et a tenu ses engagements, sans entourloupes.

Sébastien Lecornu m’apparait comme le premier dirigeant a avoir pris la mesure de ce qu’il faut faire, en période d’absence de majorité. Si on veut que les textes soient adoptés, il faut accepter de transiger, et de prendre (pour de vrai) des propositions poussées par le groupe d’opposition dont on cherche le soutien. Cela oblige à accepter des mesures avec lesquelles on n’est pas d’accord, et pas juste faire son marché, en décidant seul depuis l’Elysée ou Matignon, ce qu’on prend ou pas. Il a également accepté d’avancer pas à pas, de piloter à vue sans brusquer les choses, en construisant une relation de confiance, sans arrogance. Cela n’a rien d’évident en Macronie, qui ne s’est pas franchement construite sur ce modèle.

Et cela finit par payer. Le PS, jusqu’ici dans une opposition frontale, a obtenu quelques trophées, et notamment une suspension de la réforme des retraites de 2023. Cela les a amenés à voter la partie recettes du PLFSS. Une grosse avancée, mais il y avait une carotte. La suspension de la réforme des retraites est dans la deuxième partie, et le rejet de la première partie entrainant rejet de tout le texte, il fallait voter la première partie pour débattre de la deuxième, et donc mettre en scène cette victoire politique.

La deuxième étape commence à pointer, avec des prises de paroles de membres du PS (comme François Hollande) qui expliquent que, finalement, le 49.3, c’est bien pratique. Le PS est là encore dans une situation inconfortable. Ils aimeraient que les textes dans lesquels ils ont obtenu des victoires arrivent jusqu’au Journal Officiel, mais en même temps, voter pour le budget, c’est reconnaitre qu’ils font partie de la majorité. Un pas qu’ils ne sont pas prêts à franchir. Il faut donc recourir à une procédure d’adoption sans vote, comme l’article 49.3 de la Constitution. Pour que cela passe, il faudrait juste que le PS ne vote pas la motion de censure, ce qui est politiquement moins compliqué, et peut « se vendre » dans les médias, comme un geste de responsabilité, accompli à l’issue de compromis.

Cette petite musique sera accompagné par un autre air, joué en canon, celui de la nocivité de la loi spéciale. Ce n’est pas trop compliqué, car ce n’est qu’une rustine provisoire, qui a plein d’inconvénients. Elle ne permet pas, par exemple, de percevoir les recettes nouvelles, ni de verser les subventions discrétionnaires. Et surtout, elle ne fait que reporter le problème, car à un moment, il va bien falloir adopter les lois financières.

Les textes vont donc faire leur petit bonhomme de chemin, et autour du 16-17 décembre, on aura le moment critique qui précède le dénouement. Un vrai scénario de cinéma, avec un PS qui demande à un premier ministre qui a dit ne pas vouloir utiliser cette procédure (et qui jouera la comédie du « C’est vraiment parce qu’on me le demande ») d’engager coup sur coup deux 49.3. Après deux ou trois jours de bruit et de fureur, on arrivera au vendredi 19 décembre, jour du début des vacances de Noël qui calmera mécaniquement le jeu. Et à la rentrée, tout le monde sera dans la campagne des municipales, bien content que, finalement, la période budgétaire soit derrière eux.

Si Sébastien Lecornu réussit ce coup, il pourrait bien rester en place jusqu’en mai 2027. Car après les municipales, en mars, on sera quasiment à un an de la présidentielle, qui est le véritable but de tous les états-majors politiques. Une dissolution de l’Assemblée perd de son intérêt, surtout après mai. En effet, un président (même nouvellement élu) ne peut pas dissoudre dans la première année de la législature. Il ne faudrait pas se retrouver à gagner la présidentielle, et ne pas pouvoir dissoudre pour avoir une majorité à sa botte à l’Assemblée.

2 réponses sur « Lecornu en passe de réussir ? »

La seule raison pour laquelle ça passe, c’est que le PS est prêt à avaler n’importe quelle couleuvre pour éviter une dissolution avant les municipales.
Parce que soyons sérieux : au final, il ne restera rien des « concessions » faites aux socialistes.

C’est évident, mais si la classe politique « traditionnelle » fait naufrage, à la suite d’une victoire du RN, le PS sera le premier à couler. Ils le savent parfaitement.

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