La situation politique actuelle est assez désespérante, mais n’a rien d’inédit, et les comportements des élus s’inscrivent dans des schémas assez intemporels, qu’on retrouve dans les fables.
Entre le bloc central et le RN, c’est la fable du scorpion et de la grenouille. Malgré toutes les belles promesses de non censure, le RN finit toujours par voter les censures (après avoir encaissé les concessions, évidemment) car son intérêt est de créer le chaos, afin de prendre le pouvoir. Il l’a fait à Barnier, à Bayrou, il n’y a aucune raison qu’il ne le fasse pas aussi à Lecornu. Le RN n’est pas un partenaire fiable, c’est connu et documenté. Cela ferme la porte à la première option de recherche de stabilité pour le bloc central.
Entre le PS et le bloc central, c’est plutôt le loup et l’agneau. Les socialistes font semblant d’entrer en discussion avec le bloc central, pour un éventuel pacte de non-censure sur le budget. Mais on sent, au fil de la discussion, que le PS cherche surtout le prétexte pour rompre les négociations, sans porter le chapeau. Cela fait furieusement penser à l’argumentation du loup, dans la fable, qui cherche un prétexte pour justifier ce qu’il va faire, de toute manière, à savoir dévorer l’agneau. Il est évident que si un rapprochement entre le PS et le bloc central était possible, il aurait déjà eu lieu. Ce n’est pas le cas, et c’est pour une raison simple : cela fait plus de 50 ans que la gauche réformiste fonctionne en cartel électoral avec la gauche radicale, sous des noms qui varient, mais dont le plus connu est « union de la gauche ». Ils se connaissent par coeur, ont l’habitude de travailler ensemble, leurs électeurs ont l’habitude de les voir travailler ensemble. La quitter pour rallier le centre-droit serait une erreur stratégique monumentale (surtout à 6 mois des municipales). Le PS n’ira pas plus loin que des absentions constructives, au cas par cas, payées comptant. Tout cela est très insuffisant pour bâtir une coalition gouvernementale.
On le sait depuis juillet 2024, la XVIIe législature est dans une impasse. On en a maintenant la démonstration quasi achevée. A la chute du gouvernement Lecornu, il n’y aura pas d’autre possibilité que dissoudre, en espérant ne pas retrouver une assemblée tout aussi bloquée.
C’est malheureusement le risque, car les partis et les élus sont tellement tétanisés par l’enjeu de la présidentielle, qu’ils seront incapable de s’entendre pour que les élections législatives se fassent selon des modalités différentes, ouvrant la porte à une assemblée bloquée, ou à la victoire du RN. A ce stade, je ne vois pas de troisième alternative. A 33% dans les sondages, le RN va bénéficier à plein des effets du scrutin majoritaire, et le barrage républicain ne pourra pas grand chose, si un nombre conséquent de RN sont élus dès le premier tour.
La chute est quasi inéluctable, reste juste à savoir quand elle aura lieu. La semaine prochaine ? En décembre ? Le tout sous les regards résignés d’un ecosystème politique qui n’en peut plus, et est de plus en plus enclin à accepter n’importe quoi, pourvu qu’on sorte de l’impasse dans laquelle nous sommes.
6 réponses sur « Les fables de la vie politique »
Assez déprimant en effet! Cela dit le PS était-il de si mauvaise volonté ? Rien ne leur a été concédé qui leur permettrait de démontrer les avantages d’une position « réformiste » & « ouverte au compromis » : la taxe Zucman était dispo pour « acheter » le PS, au prix de remous avec LR qu’on aurait calmés avec des ministères. L’épisode Lecornu montre donc que le bloc gouvernemental n’y est jamais disposé : il faut ajouter une troisième fable à votre recueil !
On ne peut quand même pas reprocher au PS de respecter la ligne de leurs électeurs (élections de 2026 et 2027 aidant ! mais c’est bien à ça qu’elles servent…). Ce serait parce que « cela fait plus de 50 ans que la gauche réformiste fonctionne en cartel électoral avec la gauche radicale », écrivez-vous comme si c’était une bizarrerie : mais ce n’est pas une prise d’otage par LFI, c’est la relation normale entre « les gauches » depuis toujours : rivalité et désaccords mais affinité réelle. Pour obtenir un soutien d’une force de gauche modérée, il faut aller un peu à gauche en somme : c’est évident, et les commentateurs politiques en font régulièrement l’hypothèse, mais Macron s’y refuse toujours.
Je me demandais pour ma part si Lecornu ne visait pas depuis le début un soutien tacite et provisoire du côté du RN (plus compatible avec LR).
Les macronistes n’ont jamais d’effort, effectivement. Tous sentaient bien que ça ne mènerait nulle part.
Macron n’a jamais cherché à négocier avec le PS, à aucun moment.
Le PS se prête à cette farce parce qu’ils veulent passer pour responsables, mais personne n’est dupe.
On va tout droit à une dissolution, d’autant qu’une alliance RN-LR pour une loi d’amnistie visant à la fois Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy semble tout à fait envisageable.
Marine Le Pen échangera alors sans aucun problème sa place de députée contre une victoire future à la présidentielle.
Vous ne voyez pas de troisième alternative ? C’est heureux, très heureux, le contraire eut été… surprenant.
Et si le RN bénéficie à plein des effets du scrutin uninominal majoritaire à deux tours qu’y trouver à redire ? Ce mode électoral fonctionne depuis 67 ans en France, il ne convient plus parce que le vainqueur putatif ne fait pas partie de l’UMPS ?
Qui « n’en peut plus » exactement ? Autour de moi, ce sont surtout les forces vives qui n’en peuvent plus des idées tordues envoyées en l’air par pur calcul politique.
S’il y a un seul sujet où Macron a œuvré, c’est pour qu’on puisse entreprendre et investir en France avec une certaine stabilité. Barnier et Bayrou avaient déjà bien fait sentir que rien n’était acquis. Mais avec Lecornu, on dirait qu’on aborde méthodiquement chaque sujet sensible (ISF, flat tax, plus-value, holdings…) avant même de former le gouvernement… Faudra pas s’étonner des prochaines données économiques. Personne ne peut se projeter dans cet environnement.
Bonjour. Dans la situation actuelle la notion de « partenaire fiable » n’a pas de sens, et ce qu’on parle du PS, du RN ou de LR. Ni nos structures politiques, ni nos mentalités ne sont conçues pour la création d’un gouvernement de coalition.
En fait, votre analyse, tout comme le jeu politique actuel, restent dans une vision très classée et ancrée de notre vie politique. Alors que la situation nécessiterait plus de souplesse. Je rappellerai d’ailleurs juste que l’exemple Belge montre qu’il faut un an pour faire une coalition qui tienne un peu la route. Sauf que notre constitution ne le permet pas trop. Donc il faudrait peut-être adopter une méthode différente.
Si on ne peut pas obtenir de coalition durable, pourquoi ne pas « forcer les partis à ne pas faire tomber le gouvernement? ». Pour cela il faudrait un Premier Ministre qui fasse un discours de politique général devant les français, en donnant une orientation qui soit claire, avec les mesures qu’il souhaite prendre pour l’appliquer. Et de sorte que, pour les partis qui voteraient contre, ou serait tenté par la censure, le risque électoral associé soit important.
Pour moi, une politique de rigueur est parfaitement possible à condition d’abord d’oser l’assumer (donc pas de mesures hypocrites de type « année blanche »), de bien montrer que chacun participera « selon ses capacités » (retour de l’ISF ou taxe Zucman, ou équivalent, mesures symboliques sur les salaires ministériels, réforme de l’assistanat aux entreprises pour cesser les aides pour celles qui n’en ont pas besoin, comme Google, …).
Autrement dit, plutôt que de choisir la voie de la politique politicienne, choisir celle « du peuple ».